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N° RG 19/04705 – N° Portalis DBV2-V-B7D-ILGR
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 16 JUIN 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 18 Novembre 2019
APPELANTE :
SARL NAXOS
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Marie GIRINON, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEE :
Madame [H] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Christophe BOBEE de la SCP BOBEE TESSIER, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 03 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 03 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 16 Juin 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [H] [R] a été engagée par la SARL Naxos, exploitant le magasin Hugo Boss à [Localité 13], en qualité de vendeuse qualité III par contrat de travail à durée indéterminée du 24 septembre 2007.
En dernier lieu, elle occupait le poste de responsable du magasin.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective commerce de détail habillement et articles textiles.
Dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique, le contrat de travail a été rompu d’un commun accord le 21 juillet 2016 par l’adhésion de la salariée au contrat de sécurisation professionnelle.
Par requête du 24 juillet 2017, Mme [H] [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en contestation de son licenciement et paiement d’indemnités.
Par jugement du 4 décembre 2019, le conseil a dit le licenciement de Mme [H] [R] sans cause réelle et sérieuse, condamné la SARL Naxos à verser à Mme [H] [R] les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 euros,
dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement : 2 458,83 euros,
dommages et intérêts pour la suppression des tickets restaurant : 528 euros,
dommages et intérêts pour absence de formation tout au long de l’exécution du contrat de travail : 500 euros,
dommages et intérêts sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 900 euros,
-fixé le salaire mensuel à 2 458,83 euros, ordonné l’exécution provisoire pour laquelle elle est de droit, débouté Mme [H] [R] du surplus de ses demandes, débouté la SARL Naxos de l’intégralité de ses demandes, dit n’y avoir lieu à dépens.
La SARL Naxos a interjeté appel le 4 décembre 2019.
Par conclusions remises le 25 juin 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SARL Naxos demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [H] [R] de sa demande de reclassification et de dommages et intérêts afférente, et de sa demande d’indemnisation pour non remise de CSP à l’entretien préalable de licenciement et de l’infirmer en toutes ses autres dispositions,
statuant à nouveau,
-dire que la société a parfaitement rempli son obligation de reclassement, que le licenciement économique de Mme [H] [R] est fondé par une cause réelle et sérieuse, en conséquence, débouter Mme [H] [R] de ses prétentions indemnitaires afférentes,
-dire que la procédure de licenciement est régulière, que le document CSP a bien été remis à Mme [H] [R], qu’en tout état de cause, Mme [H] [R] n’a subi aucun préjudice inhérent au déroulement de la procédure de licenciement, débouter en conséquence Mme [H] [R] de ses prétentions indemnitaires afférentes,
-dire que la société n’a commis aucun manquement dans la suppression de ses tickets restaurant et débouter Mme [H] [R] de sa demande indemnitaire afférente,
-dire que la société n’a commis aucun manquement à son obligation d’adaptation et débouter Mme [H] [R] de sa demande indemnitaire afférente,
-dire que Mme [H] [R] est mal fondée à solliciter une indemnisation pour erreur de classification,
-en tout état de cause, débouter Mme [H] [R] de l’ensemble de ses autres demandes, fins et prétentions, et la condamner au paiement de la somme de 2 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 6 avril 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [H] [R] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la SARL Naxos à verser à Mme [H] [R] les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 euros,
dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement : 2 458,83 euros,
dommages et intérêts sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 900 euros,
-réformer le jugement sur le surplus, condamner la SARL Naxos à lui verser les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour absence de remise de CSP lors de l’entretien préalable : 2 458,83 euros,
dommages et intérêts pour la suppression des tickets restaurant : 2 640 euros,
dommages et intérêts pour absence de formation tout au long de l’exécution du contrat de travail : 3 000 euros,
dommages et intérêts pour erreur de classification et de rémunération : 10 800 euros,
-ordonner la remise d’un certificat de travail rectifié et conforme mentionnant la qualification de responsable de magasin, ordonner la remise des bulletins de salaire conformes mentionnant la qualification de responsable de magasin, condamner la SARL Naxos à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700du code de procédure civile, débouter la SARL Naxos de sa demande reconventionnelle, la condamner en tous les dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail
I – suppression des tickets-restaurant
Mme [H] [R] sollicite le versement de dommages et intérêts pour la suppression unilatérale à compter du 1er février 2014 des tickets restaurant alloués conformément au contrat de travail.
Outre qu’il précise que la demande ne peut porter au-delà du délai de prescription de trois ans, laquelle est acquise pour les demandes antérieures au 24 juillet 2014, l’employeur fait valoir que cet avantage n’a jamais constitué un droit contractuel mais un engagement unilatéral qu’il pouvait supprimer, ce qu’il a fait en respectant un délai de préavis dans un contexte de difficultés économiques.
Il résulte du contrat de travail liant les parties que ‘Mme [H] [G] bénéficiera également si celle-ci le souhaite du service des tickets restaurants’.
Si les avenants des 23 février 2012 et 14 septembre 2015 ont apporté des modifications quant aux fonctions de la salariée et à sa rémunération par le biais d’une augmentation brute de son salaire de 300 euros et d’une hausse de sa prime sur le chiffre d’affaires réalisé, ils précisent également que ‘le reste de votre contrat demeure inchangé’.
Il s’en déduit que l’octroi des tickets restaurant faisait l’objet d’un engagement contractuel qui ne pouvait être supprimé sans l’accord de la salariée, laquelle en a toujours bénéficié avant la décision unilatérale de l’employeur de le lui retirer.
Aussi, alors que la prescription des créances salariales est de trois ans en application de l’article L.3245-1 du code du travail, sur la base d’un taux moyen de 88 euros pour 22 jours de travail par mois, non spécialement discuté, la cour alloue à Mme [H] [R] la somme de 2 112 euros, infirmant ainsi le jugement entrepris.
II – absence de formation
Mme [H] [R] soutient que son employeur a manqué à ses obligations en matière de formation professionnelle, en ne lui faisant bénéficier que de deux jours de formation sur l’ensemble de sa période de travail, ce qui lui cause un préjudice en restreignant ses chances de retrouver un emploi après son licenciement économique.
L’employeur s’y oppose en faisant valoir que la salariée a travaillé sur une période relativement courte de quatre ans, qu’elle n’a jamais fait la moindre demande de formation, qu’elle a suivi une formation de tutorat de 8 heures le 6 novembre 2014 et qu’en tout état de cause, il n’est pas justifié d’un préjudice.
Aux termes de l’article L. 6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Alors que la salariée avait 8 ans et 10 mois d’ancienneté à la rupture du contrat de travail, il est justifié qu’elle a participé à deux modules d’une formation ‘tuteur’ de 8 heures chacun les
14 octobre 2014 et 6 novembre 2014.
Toutefois, alors que la salariée a évolué professionnellement au cours de la relation contractuelle, elle n’apporte aucun élément établissant que la carence de l’employeur en terme de formation a constitué un frein à son insertion professionnelle postérieurement à la rupture, puisqu’il est établi qu’elle a créé son entreprise en coiffure à domicile, de sorte, qu’infirmant le jugement entrepris, la cour déboute la salariée de ce chef de demande.
III – revalorisation de la classification professionnelle
Mme [H] [R] sollicite la réparation du préjudice subi depuis juillet 2013 résultant du non-respect par l’employeur de la rémunération minimale conventionnelle à laquelle elle pouvait prétendre en qualité de responsable de magasin depuis le 23 février 2012 relevant du statut d’agent de maîtrise avec une rémunération minimale de 2 184 euros par mois alors qu’elle percevait une rémunération mensuelle de 1991,46 euros bruts, mais aussi en réparation de son préjudice moral puisqu’au moment de rechercher un emploi, il s’est avéré que ses bulletins de paie et son certificat de travail mentionnaient une qualification de vendeuse et non de responsable de magasin.
La SARL Naxos s’y oppose aux motifs que Mme [H] [R] n’apporte pas la preuve de ce qu’elle relevait du statut revendiqué, la seule mention de l’intitulé du poste était insuffisant pour l’établir, que les attestations produites outre leur caractère subjectif non relayé par des éléments objectifs, émanent de salariés ayant aussi fait l’objet de la procédure de licenciement économique et qui ont développé une stratégie conjointe.
La qualification d’un salarié se détermine en référence aux fonctions réellement exercées et au regard de la convention collective applicable. La charge de la preuve de la classification professionnelle pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle qui est appliquée.
Il est constant qu’engagée en qualité de vendeuse catégorie III, par avenant du 23 février 2012 à effet au 1er mars 2012, la qualification de Mme [H] [R] a été modifiée pour devenir responsable du magasin Hugo Boss à [Localité 13]. Il était précisé qu’à ce titre, elle était chargée d’appuyer la vente au magasin, mais aussi du conseil à la clientèle, de la mise en rayon, de la gestion des stocks, d’effectuer l’entretien du magasin, de dynamiser l’équipe de vente et tenir les cahiers de stocks, de caisse et de banque.
Sa rémunération a été augmentée de 300 euros bruts pour 39 heures.
L’accord du 12 octobre 2006 relatif aux classifications, annexé à la convention collective nationale du commerce de détail et de l’habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987 précise les dispositions applicables aux agents de maîtrise, en indiquant notamment au sujet de la filière vente, que les responsables de magasin sont des agents de maîtrise appartenant à la catégorie B. Les responsables de magasin sont définis par ce texte comme tout salarié qui ‘en plus d’assurer de manière permanente la gestion courante du magasin ou rayon (A1), assure la bonne marche commerciale du rayon ou du magasin, suit l’état des stocks et procède au réapprovisionnement et à l’achat de nouveaux articles.’
La référence à la catégorie des emplois A1 propre aux agents de maîtrise, implique que le responsable de magasin, selon la classification conventionnelle, en plus de bénéficier d’attributions relatives à la bonne marche commerciale de son rayon ou de son magasin, soit en mesure :
‘d’assurer de manière permanente la gestion courante du magasin ou du rayon tant à l’égard de la clientèle que du personnel de vente mais ne bénéfice à ce titre d’aucune délégation de pouvoir de responsabilité de la part de l’employeur,
– anime, coordonne et contrôle une équipe de vendeur(se)s ;
– continue à effectuer des ventes ;
– dynamise les ventes de son équipe ;
– applique et fait appliquer les consignes et décisions de la direction relatives notamment aux procédures de vente et à la politique commerciale, aux règles d’implantation des produits dans le magasin et en vitrine, au réassort, au suivi de l’état du stock ;
– Apte à régler toutes les difficultés qui peuvent se présenter à l’occasion des ventes en fonction des directives reçues.’
Le vendeur relevant du niveau III sur la base duquel la salariée était rémunérée, est défini comme ayant de 1 an à 3 ans révolus de pratique professionnelle ou de plus de 5 ans de pratique dans une autre branche du commerce ou vendeur(se) débutant(e) titulaire du BEP vente.
Ses missions consistent à :
– informer et conseiller les clients ;
– disposer d’une bonne connaissance des produits ;
– savoir identifier les produits disponibles en rayon et en stock ;
– utiliser l’outil informatique professionnel.
Aide-étalagiste : exécute des travaux simples à partir des instructions d’un étalagiste qualifié.
Mme [R] soutient qu’en sa qualité de responsable de magasin elle était amenée à établir les relevés de TVA ainsi que les feuilles de présence des salariées de la boutique, qu’elle effectuait les dépôts de fonds au sein de l’agence BRED située [Adresse 14], qu’elle était en plus, chargée du recrutement des salariés de la boutique BOSS à Rouen et calculait le montant des primes qui leur étaient dues, qu’elle était en charge du réapprovisionnement des stocks du magasin et procédait à l’envoi des documents relatifs à la comptabilité de la boutique tout en assurant le traitement des vols. Enfin, Mme [H] [R] fait valoir qu’elle était chargée de contrôler et de manager une équipe de vendeurs dont l’effectif variait entre 2 à 4 salariés selon les différentes périodes d’activité.
Au soutien de ces prétentions, la salariée produit les attestations de :
– Mme [S] [Z], qui était étudiante en alternance sous la responsabilité de Mme [H] [R], du 14 septembre 2015 jusqu’au licenciement économique, relatant que ‘les patrons, [Y] et [E] [A], n’étant pas en boutique, (…), que Mme [R] [H] avait la responsabilité du point de vente et occupait les fonctions de responsable.’ chargée notamment de la réalisation des caisses chaque jour et d’éléments comptables chaque mois, de la remise de recette en banque chaque semaine, de l’établissement des chèques de salaire, de la mise en valeur du point de vente par l’ajustement du merchandising et de la présentation des produits, de l’organisation et la réalisation de différentes opérations commerciales, telles que des soirées ventes privées, de la réalisation des inventaires manuels, du contrôle des stocks, de l’organisation du réassortiment, de son recrutement et de celui de Mme [V], de la réalisation des plannings, de la fixation des objectifs quotidiens, de la réalisation du reporting des indicateurs commerciaux auprès de la hiérarchie, de la gestion des vols de la boutique (convocation au commissariat, déposition, confrontation avec les voleurs),
– Mme [O] [V], vendeuse du 7 mars 2016 au 25 juillet 2016 qui explique que les patrons étaient domiciliés pour l’un à [Localité 7] et pour l’autre à [Localité 10] et n’étaient jamais présents en boutique, que Mme [H] [R] avait la responsabilité des caisses journalières, des dépôts en banque, des tableaux de TVA avant envoi au comptable, de l’établissement des chèques de salaire, du merchandising, des inventaires annuels, du contrôle des stocks, de la transmission à la direction pour commande du réassort, du recrutement des salariés, des plannings journaliers et des vacances, de la gestion des problèmes intérieurs ou extérieurs, des appels téléphoniques auprès d’Hugo Boss France pour les problèmes liés aux livraisons.
Compte tenu des missions dévolues à Mme [H] [R] par l’avenant la désignant comme responsable de magasin, lesquelles ne sont a minima pas remises en cause par l’employeur, du fait que de manière permanente elle assurait la gestion quotidienne du magasin sous le contrôle de son employeur comme ne disposant pas de délégation, en ayant sous sa responsabilité deux salariées dont elle organisait le travail, de sorte qu’elle animait, coordonnait et contrôlait ainsi une équipe de vente, tout en dynamisant les ventes de son équipe, ses fonctions relevaient de la catégorie agent de maîtrise comme revendiquée telle que ci-dessus définie pour la catégorie A1.
Aussi, alors que le salaire minimum conventionnel doit s’apprécier en prenant en compte toutes les sommes dont le versement est directement lié à la prestation de travail comme en l’espèce la prime sur chiffre d’affaires, que compte tenu de l’évolution du minimum conventionnel, cette prime devait au moins atteindre 177,54 euros jusqu’en octobre 2015, puis 192,54 euros à compter de cette date pour que le minimum conventionnel soit respecté, au vu des seuls bulletins de paie produits, au débat, la cour dispose des éléments pour fixer la perte de salaire à la somme de 789,38 euros, outre les congés payés afférents.
Par ailleurs, alors que Mme [H] [R] ne justifie pas du préjudice résultant d’une mention erronée de sa qualification sur les bulletins de paie et le certificat de travail, il n’y a pas lieu à indemniser sur ce fondement.
Par conséquent, par arrêt infirmatif, la cour condamne la SARL Naxos à payer à Mme [H] [R] la somme de 868,31 euros.
Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail
I – obligation de reclassement
Aux termes de l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
C’est à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen et doit être exécutée de bonne foi.
Mme [H] [R] soutient que la société SARL Naxos a manqué à son obligation de reclassement aux motifs qu’elle appartient à un groupe de sociétés, le groupe SARL [A], qui comprend 9 structures différentes, déployant leur activité dans le commerce vestimentaire, qu’il n’a été procédé à aucune tentative de reclassement dans ces sociétés, estimant que l’envoi de lettres simples ne permet pas de justifier de la réalité de la démarche contredite par les éléments de la cause.
L’employeur rétorque avoir rempli ses obligations en matière de reclassement interne, en transmettant aux différentes entités du groupe un courrier, adressé par lettre simple, mais également à différents établissements implantés à [Localité 13] qui exploitent des commerces vestimentaires.
Il ressort des pièces du dossier que la SARL Naxos est une des filliales de la SARL Groupe [A]. La holding SARL Groupe [A] détenait le capital social de 9 sociétés différentes que sont :
La SARL NAXOS, qui exploitait la boutique Hugo Boss à [Localité 13],
La SARL VITTORIO, qui exploitait la boutique Vittorio à [Localité 15],
La SARL MONTFORT, qui exploitait la boutique Hugo Boss à [Localité 12],
La SARL GIORGIO, qui exploitait la boutique Giorgio ainsi que Baccara à [Localité 12],
La SARL GRASLIN PRESTIGE, qui exploitait la boutique Hugo Boss à [Localité 8],
La SARL ENZO, qui exploitait la boutique Enzo à [Localité 5],
LA SARL VALENTINO, qui exploitait la boutique Valentino à [Localité 9],
La SARL FRANKLIN MONTESQUIEU qui exploitait la boutique Hugo Boss à [Localité 7],
La SARL BLD INTENDANCE qui exploitait la boutique [E] à [Localité 7]
La SARL THIERS ALBERT qui exploitait la boutique Gentleman à [Localité 6].
Dans ces conditions, et dès lors que l’ensemble des sociétés appartenait au même secteur d’activité, l’employeur était tenu de procéder à une recherche de reclassement auprès de l’ensemble des sociétés du groupe.
Pour justifier de cette démarche, la SARL Naxos verse au débat la lettre qu’elle a adressée à chacune des sociétés du Groupe datée du 1er juin 2016 leur demandant si elles disposaient d’un éventuel poste disponible pour les deux salariées vendeuses en précisant leur ancienneté et leur salaire moyen brut.
Si la forme de la consultation des sociétés du Groupe n’est pas réglementée, il convient néanmoins de s’assurer de l’effectivité de ces diligences et la charge de la preuve en incombe à l’employeur.
Dans la lettre de licenciement adressée à Mme [H] [R], le 12 juillet 2016, l’employeur écrit : ‘nous avons donc recherché dans le groupe, des solutions de reclassement mais actuellement nous n’avons pas de poste à vous proposer;’
L’envoi postal par lettre simple de ces courriers est de nature à rendre incertaine à la fois la date d’expédition des courriers, mais également leur réception.
En l’espèce, alors que les lettres que l’employeur soutient avoir adressées aux sociétés du Groupe versées au débat sont insuffisantes à elles-seules à attester de leur envoi effectif, non corroboré par les réponses qui auraient été adressées en retour sous quelque forme que ce soit, la SARL Naxos ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de reclassement préalable au licenciement de Mme [H] [R], de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est ainsi confirmé sur le point.
II – conséquence du licenciement
Au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme [H] [R] comptait au moins deux années d’ancienneté, soit 8 ans et 10 mois, et la SARL NAXOS employait habituellement moins de onze salariés.
Aussi, conformément à l’article L.1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, alors que Mme [H] [R] justifie de son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi depuis le 23 juillet 2016, puis à compter du 23 juillet 2017, du fait qu’en adhérant au contrat de sécurisation professionnelle elle a perçu l’allocation de sécurisation professionnelle pendant douze mois, qu’elle s’est inscrite au répertoire des entreprises et des établissements le 2 octobre 2017 pour une activité de coiffure, sans néanmoins produire d’éléments relatifs à sa situation pécuniaire, la cour, infirmant le jugement entrepris, lui alloue la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, infirmant ainsi le jugement entrepris.
III – irrégularité de la procédure du licenciement
Soutenant que l’entretien préalable n’avait pas eu lieu, elle sollicite réparation de son préjudice à hauteur de 2 458,83 euros.
La SARL Naxos explique que le gérant de la société, M. [A] est domicilié à [Adresse 11] et s’est déplacé spécialement à [Localité 13] pour l’entretien préalable avec deux autres salariés.
Pour justifier de son déplacement, il verse au débat un ticket de caisse du 2 juillet 2016 d’une brasserie située à [Localité 13] pour deux couverts mentionnant un règlement en carte bancaire, alors que la copie porte aussi mention d’un règlement en espèces à une date comportant une surcharge et les attestations de Mme [D] [K] et de M. [B] [T] qui déclarent l’un et l’autre avoir accompagné M. [Y] [A] le 2 juillet 2016 dans la boutique ‘Boss’ de [Localité 13] où il avait rendez-vous pour le licenciement du personnel.
L’explication de l’employeur relativement à la mention du paiement en espèces n’apparaît pas crédible dès lors que si on devait le suivre dans son argumentation, celle-ci aurait été portée sur le ticket lui même et non en haut de page d’une copie.
Aussi, alors qu’il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de ce que l’entretien s’est effectivement tenu, que les attestations produites ne sont pas suffisamment précises pour établir la réalité et de l’effectivité de la rencontre de la salariée, il ne résulte pas des éléments produits preuve certaine de son déplacement contesté par la salariée, dans tous ses échanges avec l’employeur, la cour confirme le jugement entrepris ayant retenu l’existence d’une irrégularité de la procédure et en ce qu’il a statué sur la réparation subséquente, cet entretien étant une étape essentielle dans le cadre de la procédure de licenciement.
IV – transmission tardive du contrat de sécurisation professionnelle
Aux termes de l’article L.1233-66 du code du travail, l’employeur est tenu de proposer, lors de l’entretien préalable ou à l’issue de la dernière réunion avec les représentants du personnel, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique.
Mme [H] [R] soutient n’avoir reçu communication du contrat de sécurisation professionnelle que le 4 août 2016, alors qu’il aurait dû lui être remis au jour de l’entretien préalable à son licenciement, le 2 juillet 2016, remise tardive lui ayant causé un préjudice moral en raison de ses inquiétudes concernant le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle ainsi que de sa prise en charge par les services de pôle emploi.
Outre que pour les motifs sus développés, en l’absence d’entretien préalable le 2 juillet 2016, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pu être remis à cette date, à l’appui de cette prétention, Mme [H] [R] produit un courrier daté du 4 août 2016, par lequel la SARL Naxos lui transmettait pour signature les volets 1 et 2 de son contrat de sécurisation professionnelle.
D’ailleurs, la salariée n’a pas signé le récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle.
Néanmoins, la salariée a pu adhérer à ce contrat et bénéficier de la prise en charge qui en résulte, de sorte qu’il n’en ai pas résulté un préjudice devant donner lieu à indemnisation.
Aussi, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
En qualité de partie principalement succombante, la société SARL Naxos est condamnée aux entiers dépens de l’instance, déboutée de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme [H] [R] la somme de 2 100 euros sur ce même fondement pour les frais générés en appel et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement de Mme [H] [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse, a statué sur l’irrégularité de la procédure de licenciement et la remise tardive du contrat de sécurisation professionnelle ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déboute Mme [H] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation,
Condamne la SARL Naxos à payer à Mme [H] [R] les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse : 15 000,00 euros
dommages intérêts pour la suppression des
titres-restaurants: 2 112,00 euros
dommages et intérêts pour erreur sur la
classification : 868,31 euros
indemnité au titre de l’article 700 du code de
procédure civile : 2 100,00 euros
Déboute la SARL Naxos de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Naxos aux entiers dépens.
La greffièreLa présidente