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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022
(n° 2022/ , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08463 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CANPV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juillet 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 17/08909
APPELANTE
Madame [B] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Assistée de Me Arnaud MOQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0119
INTIMÉE
SAS COTY FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Cyril GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : T12
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,
Madame Nelly CAYOT, Conseillère
Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 19 mars 1997, Mme [B] [S] a été engagée par la société Coty France en qualité de promotrice des ventes. Par avenant du 8 juin 2016, intervenant après plusieurs promotions, elle est devenue directrice commerciale ‘consumer beauty’, catégorie cadre, groupe V, coefficient 660. En dernier lieu, elle percevait un salaire annuel de 112 00 euros brut outre une rémunération variable pour une durée de travail soumise depuis la signature d’un avenant le 20 décembre 2013 à un forfait annuel de 215 jours de travail.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 juin 2017, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 juin 2017 puis s’est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle par courrier adressé sous la même forme le 29 juin 2017.
La société Coty France emploie au moins onze salariés et la relation de travail est soumise à la convention collective nationale des industries chimiques.
Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 31 octobre 2017 afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. Par jugement du 15 juillet 2019 auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris, section encadrement, a :
– condamné la société René Coty France à verser à Mme [S] les sommes de :
* 28 788,36 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (3 mois manquants) et 2 878,84 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis en deniers ou quittance,
* 25 768,91 euros au titre de rappel de bonus APP 2017,
* 526 euros au titre du rappel de l’indemnité de licenciement,
avec intérêts au légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu’au jour du paiement,
– fixé la moyenne de la rémunération de Mme [S] à 9 596,12 euros,
– condamné la société René Coty France à payer à Mme [S] les sommes de :
* 25 000 euros de dommages et intérêts pour perte de chance sur LTIP et Incentive Plan,
* 100 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu’au jour du paiement,
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [S] du surplus de ses demandes,
– débouté la société René Coty France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société René Coty France au paiement des entiers dépens.
Mme [S] a régulièrement relevé appel du jugement le 25 juillet 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante transmises par voie électronique le 29 août 2019 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [S] prie la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de :
– condamner la société Coty France à lui payer les sommes de :
* 148 744,36 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 14 874,44 euros au titre des congés payés y afférents,
* 34 440,85 euros au titre des repos compensateurs non pris,
* 20 000 euros au titre du préjudice de santé,
* 101 040,48 euros subsidiairement, 57 767,12 euros, à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– fixer la moyenne mensuelle des rémunérations à la somme de 16 840,08 euros, subsidiairement, voir fixer la rémunération moyenne mensuelle à 14 692,67 euros,
– condamner la société René Coty France à lui payer les sommes de :
* au titre des 3 mois de préavis manquants, la somme de 50 744,32 euros outre 5 074,43 euros au titre des congés payés y afférents, subsidiairement, 44 078,01 euros outre 4 440,78 euros au titre des congés payés y afférents,
* au titre des 3 mois de préavis déjà payés par Coty France, un rappel d’indemnité compensatrice de préavis de 21 731,88 euros outre 2 173,19 euros de congés payés y afférents, subsidiairement, les sommes de 15 289,65 euros outre 1 528,97 euros au titre des congés payés,
* à titre de rappel sur indemnité de licenciement, la somme de 92 111,12 euros, subsidiairement, la somme de 64 967,85 euros,
– fixer à la somme de 88 582 euros les dommages et intérêts au titre de la perte de chance sur les plans LTIP et Incentive Plan,
– condamner la société René Coty France à lui payer les sommes de :
* 404 161,92 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, 352 624,08 euros, encore plus subsidiairement, 250 000 euros,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du retard fautif dans le paiement des causes de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 novembre 2018,
– rappeler que les rappels de rémunération sont sujets à intérêts de retard à compter du jour de réception de la demande par le conseil de prud’hommes et, pour les sommes indemnitaires, à compter de chacune des décisions judiciaires,
– ordonner la remise à son profit, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, des documents légaux tenant compte des termes des décisions rendues (fiches de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi),
– condamner la société René Coty France à lui régler une somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la société René Coty France en tous les moyens que celle-ci viendrait à opposer aux demandes de la salariée et en tout appel incident,
– condamner la société René Coty France en tous les dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions d’intimé transmises par voie électronique le 28 novembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Coty France prie la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a jugé que la convention de forfait en jours était nulle,
– débouter la salariée de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires, de ses demandes de congés payés sur rappel d’heures supplémentaires, d’indemnisation de repos compensateur, de ses demandes d’indemnisation pour préjudice de santé, de ses demandes pour travail dissimulé,
à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [S] de toute ses demandes de rappel d’heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris, pour préjudice de santé, et d’indemnité pour travail dissimulé, et débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser la somme de 25 768,91 euros à titre de rappel de salaire sur bonus APP 2017 et débouter Mme [S] de ses demandes de rappel de salaires sur bonus APP 2016/2017,
– infirmer le jugement et débouter Mme [S] de ses demandes de rappel d’indemnité compensatrice de préavis et de rappel de congés payés afférents,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a jugé que le salaire de référence ne devait pas donner lieu à revalorisation, débouter la salariée de ses demandes de rappel sur indemnité compensatrice de préavis de 3 mois déjà payée et de ses demandes de rappel sur indemnité de licenciement,
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [S] était sans cause réelle et sérieuse, débouter celle-ci de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter Mme [S] de ses demandes de dommages et intérêts pour perte de chance de réaliser ses actions sur LTIP et Incentive Plan,
A titre subsidiaire,
– apprécier le montant de ces dommages et intérêts dans les limites retenues par le conseil de prud’hommes,
– apprécier le montant de cette perte de chance dans la limite de 18 890 euros,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [S] de ses demandes de dommages et intérêt pour retard de paiement des causes de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 novembre 2018,
En tout état de cause,
– ordonner, le cas échéant, le remboursement des sommes versées au titre de l’exécution
provisoire du jugement,
– débouter Mme [S] de ses demandes de remises de documents rectifiés sous astreinte,
de ses demandes de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– condamner Mme [S] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [S] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2022.
MOTIVATION :
Sur le bien fondé du licenciement :
La cour rappelle que L’article L. 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l’administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.
L’incompétence ou l’insuffisance professionnelle d’un salarié se manifeste par sa difficulté à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté et peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle fait l’objet d’une appréciation objective. Il n’est pas nécessaire que l’inadaptation à l’emploi ou l’incompétence du salarié se soient traduites par une faute. Il importe cependant que les insuffisances alléguées par l’employeur se soient manifestées par des éléments extérieurs, par des anomalies de nature à entraver la bonne marche de l’entreprise, et susceptibles de vérifications objectives.
Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, l’insuffisance professionnelle de Mme [S] se manifeste par :
– l’absence de prise en main des sujets structurants,
– l’absence d’intervention dans la coordination avec ‘else’,
– l’absence d’implication sur les sujets concernant ses équipes et devant être traités avec les institutions représentatives du personnel,
– l’absence de pilotage des actions relatives aux primes Q1FY18,
– l’absence d’intervention sur les problématiques relatives aux boutiques Bourjois,
– son insuffisance dans le management de ses équipes,
– ses difficultés dans la collaboration avec les autres services de l’entreprise.
L’employeur soutient que ces insuffisances ont grandement impacté les résultats de ‘consumer beauty France’ et justifient pleinement le licenciement de Mme [S], cadre de haut niveau, membre du CODIR à l’égard de laquelle de ce fait le niveau d’attente était élevé.
Mme [S], de son côté conteste l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée après 20 ans d’évolution dans la société l’ayant conduite à de hautes responsabilités et met en avant la réorganisation à laquelle la société venait de procéder et la courte période sur laquelle sa performance a été jugée.
Sur l’absence d’implication de Mme [S] dans l’accompagnement de ses équipes, la société René Coty France lui reproche de ne pas être intervenue dans le dispositif de formation mis en place pour préparer au changement les équipes qu’elle encadrait, son absence de participation aux sessions de formation et son désintérêts pour les feedbacks remontés par les équipes de force de vente, expliquant avoir été contrainte de pallier sa carence en faisant intervenir à sa place le directeur national des ventes et le general manager.
Mme [S] conteste le reproche qui lui est fait et la cour relève que l’employeur ne verse aux débats aucun élément permettant à la cour de vérifier objectivement le reproche formé à l’encontre de la salariée sur ce point, d’autant qu’il ressort du compte rendu d’entretien préalable communiqué que Mme [S] a organisé des réunions depuis le début de l’année, que le directeur général a admis qu’il avait remarqué le changement de la salariée à cet égard et que Mme [S] communique son agenda qui fait mention de plusieurs réunions.
Sur l’absence d’intervention dans la résolution de problématiques concernant les équipes commerciales traitées avec les représentants du personnel, l’employeur explique qe la mise en place d’un guide des bonnes pratiques avait suscité des craintes au sein des équipes ‘force de vente’ qui avaient été rapportées par les membres du comité d’entreprise en avril 2017 puis discuté de nouveau en mai 2017, la déléguée syndicale CGT mettant de son côté la direction de la société en demeure d’abandonner ce guide des bonnes pratiques. Les pièces communiquées consistant dans les procès-verbaux de réunion ordinaire des 18 mai 2017 et 3 avril 2017 et l’interpellation de la déléguée syndicale ne suffisent toutefois pas à établir concrètement l’insuffisance de Mme [S] en la matière.
Sur l’absence de pilotage des primes commerciales Q1FY18, l’employeur explique que Mme [S] n’a entrepris aucune action en ce sens à moins d’un mois du début de l’exercice fiscal 2018 de la société, alors que le pilotage des primes commerciales relevait de sa responsabilité, de sorte que, face à ces manquements, le General manager a été contraint de la suppléer et que ce désintérêt et cette passivité caractérisent l’insuffisance professionnelle. Mme [S] de son côté, conteste s’être désintéressée de la question et explique que compte tenu de sa charge de travail, il lui était impossible de réaliser toutes les réunions sur les primes, ce qui l’avait conduite à solliciter son supérieur hiérarchique pour mener certains entretiens ce que celui-ci avait accepté sans lui en faire grief. La cour constate qu’aucun élément concret n’est versé au débat pour justifier que cette situation relève de l’insuffisance professionnelle.
Sur l’absence d’intervention sur les problématiques liées aux boutiques Bourjois, l’employeur explique que Mme [S] n’est jamais intervenue sur les problématiques qui lui ont été remontées et s’est déchargée sur le General manager, le directeur national des ventes et le DRH de cette responsabilité qui était pourtant la sienne. Il n’est cependant communiqué aucun élément sur ce point alors que Mme [S] soutient que ses équipes ont fait le nécessaire de sorte que la cour n’est pas en mesure de vérifier l’existence de ces difficultés et de vérifier objectivement si le comportement de Mme [S] relève comme le prétend l’employeur de son incapacité à faire le travail qu’on lui demande .
Sur les insuffisances de management et le taux de départ très important dans son équipe l’employeur souligne que onze départs sont intervenus sur une période de neuf mois dont six démissions, que ce nombre de départs est imputable au management de Mme [S] mais aucun élément n’est communiqué aux débats en ce sens et alors qu’ une réorganisation très importante venait d’être effectuée et l’employeur ne verse aucun élément de nature à imputer à l’insuffisance managériale de Mme [S] les départs intervenus, la cour observant que celle-ci exerce de telles fonctions depuis de nombreuses années à l’entière satisfaction de l’employeur ainsi que cela ressort de ses entretiens d’évaluation aucun reproche ne lui étant formulé à cet égard.
S’agissant des difficultés de collaboration avec les autres services de la société, l’employeur fait valoir que lors des comités de direction des mois d’avril et mai 2017 relative à la micro Battle Monoprix, le General manager a été contraint d’en confier la responsabilité à la directrice marketing puisque le seul apport de Mme [S] consistait à souligner le manque de compétence de ses équipes notamment merchandising sur ce sujet. Là non plus, l’employeur ne verse aucun élément au débat de nature à concrétiser le reproche formé à l’encontre de la salariée.
En définitive, au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour ne retient pas que les éléments communiqués permettent de vérifier objectivement l’insuffisance professionnelle de Mme [S]. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes financières :
Sur les demandes financières au titre de l’exécution du contrat de travail :
Sur les demandes relatives au temps de travail et le préjudice de santé :
Sur la validité de la convention de forfait :
Mme [S] demande la confirmation du jugement en ce qu’il a fait droit à sa demande de nullité de la convention de forfait jours prévue par l’avenant du 13 décembre 2013 à son contrat de travail, tandis que la société rené Coty France soutient que la convention de forfait et valide et opposable à la salariée et conclut au débouté et à l’infirmation du jugement.
Mme [S] soutient que :
– l’accord d’entreprise du 19 novembre 2013 mentionné dans l’avenant n’a pas été porté à sa connaissance,
– les dispositions de la convention de forfait sur l’entretien semestriel au cours duquel doit être abordé sa charge de travail et un bilan individuel annuel pour vérifier l’adéquation de sa charge de travail, l’amplitude des journées de travail et l’articulation entre les activités professionnelles et la vie personnelle et familiale n’ont pas été respectées.
La société René Coty France de son côté fait valoir que l’accord d’entreprise du 19 novembre 2013 est de nature à garantir suffisamment la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au forfait-jour:
La cour rappelle qu’en application l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et de l’article L. 3121-39 du code du travail, interprété à la lumière de l’article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
En l’espèce, la société René Coty France se prévaut de l’accord collectif d’entreprise du 19 novembre 2013 et Mme [S] ne peut valablement soutenir que cet accord ne lui est pas opposable dans la mesure où par la signature de l’avenant du 13 décembre 2013 établissant la convention de forfait, elle reconnaît avoir pris connaissance de cet accord qui lui a été adressé par mail du 29 novembre 2013.
Cet accord prévoit :
– un système autodéclaratif des journées et demi-journées travaillées et de repos sur un logiciel de gestion des temps, tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur,
– le rappel du temps de repos de 11 heures consécutives entre deux journées de travail, et d’un temps de repos hebdomadaire de 59 heures consécutives, la direction prévoyant pour faire respecter les repos obligatoires l’absence de communications technologiques pendant les temps de repos,
– un entretien annuel sur la prise des journées et demi-journées de repos, l’organisation du temps de travail , l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail qui en découle donnant lieu à un compte rendu signé des deux parties et transmis à la DRH,
– le contrôle de la charge de travail tout au long de l’année au besoin lors d’entretiens périodiques (et à minima lors d’un entretien de mi-année) par le supérieur hiérarchique qui devra s’assurer que les objectifs et missions fixées sont réalisables avec les moyens dont le salarié dispose. Pour ce faire, le supérieur hiérarchique devra s’assurer de la prise des jours de repos, étant précisé qu’en l’absence de prise, le supérieur hiérarchique devra en analyser les causes,
– le rappel de la possibilité de saisir à tout moment la hiérarchie des difficultés rencontrées en cas de surcharge de travail.
La cour considère que ces dispositions suffisent à garantir la santé et la sécurité du travailleur soumis au forfait-jour de sorte que la demande de nullité de la convention de forfait-jour est rejetée. En revanche, l’employeur n’est pas en mesure de justifier de la tenue d’un entretien annuel portant sur la prise des journées et demi-journées de repos, l’organisation du temps de travail, l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail qui en découle donnant lieu à un compte rendu signé des deux parties et transmis à la DRH, ni sur l’entretien a minima semestriel mené par le supérieur hiérarchique pour s’assurer que les objectifs et missions fixées sont réalisables avec les moyens dont lesalarié dispose. En effet, l’employeur ne peut valablement prétendre s’être soumis aux exigences de l’accord d’entreprise relativement à la tenue de ces entretiens en faisant valoir que ces points ont été abordés lors des entretiens annuels d’évaluation en se prévalant des écritures de Mme [S] dans lesquelles elle indique avoir alerté l’employeur en 2012 et 2013 sur sa surcharge de travail et la situation de sous effectif, dés lors d’une part que le compte rendu de ces entretiens démontre que leur objet n’est pas d’évaluer la charge de travail de Mme [S] et sa compatibilité avec sa vie personnelle et familiale, que d’autre part, ils n’ont pas la périodicité requise a minima pour le contrôle du caractère réalisable des objectifs et qu’en outre, ils portent sur les années 2012 et 2013 antérieures à la signature de la convention individuelle de forfait survenue le 20 décembre 2013.
La convention de forfait n’est donc pas opposable à Mme [S] et celle-ci est dès lors fondée à réclamer le paiement d’heures supplémentaires selon la procédure de droit commun.
Sur le rappel d’heures supplémentaires :
Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l’espèce qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Mme [S] verse aux débats une partie de son agenda, la liste des mails émis par elle de décembre 2015 à juin 2017 et un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu’elle soutient avoir effectuées semaine après semaine sur cette même période. Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies sur la période considérée afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société René Coty France fait valoir que la liste des mails dont le contenu n’est pas communiqué ne permet pas d’apprécier à elle seule la réalité du travail fourni et que nombre de mails tardifs sont adressés par des outils de connexion à distance, plusieurs heures après le précédent de sorte que Mme [S] n’établit ni leur caractère d’urgence ni que leur envoi a été sollicité par l’employeur. Elle souligne les erreurs et incohérences affectant le décompte et les tableaux élaborés par Mme [S], les heures d’envoi des mails ne correspondant pas aux heures revendiquées comme établissant le début de la journée de travail ou Mme [S] revendiquant des journées de travail commençant à minuit ou minuit trente huit pour la terminer plus de 18 ou 19 heures plus tard. Elle fait valoir que pour la période antérieure à décembre 2015, aucune pièce autre que le décompte n’est fournie, Mme [S] se contentant d’extrapoler ainsi qu’elle l’admet dans ses écritures. Enfin, elle critique le calcul de l’extrapolation soutenant que celle-ci est gonflée de 215 heures en trop.
La cour considère que l’ampleur des mails professionnels adressés en dehors de l’horaire collectif de travail vaut sollicitation implicite de la part de l’employeur et ce d’autant qu’en l’espèce, l’employeur s’est abstenu de procéder aux entretiens annuels et semestriels avec sa salariée sur la charge de travail de celle-ci.
Par ailleurs, c’est à l’employeur de produire ses propres éléments quant aux horaires effectivement réalisés par la salariée une fois que la cour a admis que les éléments versés aux débats par le salarié sur les heures supplémentaires effectués étaient suffisamment précis pour lui permettre d’y répondre ce qui est donc le cas pour la période courant du 1er décembre 2015 au 31 décembre 2017.
La cour considère dès lors au vu de l’ensemble des éléments portés aux débats par les deux parties que Mme [S] a effectué des heures supplémentaires mais dans une mesure moindre que celle qu’elle revendique et condamne en conséquence la société René Coty France à lui verser une somme de 62 580,56 euros au titre des heures supplémentaires qu’elle a effectuées entre les mois de décembre 2015 et décembre 2017, outre la somme de 6 258,05 euros au titre des congés payés afférents, le surplus de sa demande étant rejeté.
Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos :
Mme [S] soutient que le contingent annuel d’heures supplémentaires a été dépassé et sollicite une indemnité au titre des repos compensateurs non pris. La société René Coty France conclut au débouté.
Aux termes de l’article L. 3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires accomplies au delà du contingent annuel de travail ouvrent droit à contrepartie obligatoire sous forme de repos. En l’espèce, le contingent annuel est fixé à 130 heures. La cour retenant, au vu des documents ci dessus recensés que le contingent annuel a été dépassé au titre de l’année 2016 condamne la société René Coty France à payer à la salariée une somme de 12 765,16 euros de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos et le jugement est infirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.
Sur la demande au titre du travail dissimulé :
Le caractère intentionnel de la dissimulation alléguée n’étant pas établi par Mme [S], la cour la déboute de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé. Le jugement est confimé de ce chef.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice de santé :
Mme [S] ne justifiant pas de la réalité du préjudice allégué est déboutée de cette demande.
Sur les dommages-intérêts pour perte de chance sur les plans LTIP et incentive plan :
Mme [S] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser une somme de 88 582 euros de dommages-intérêts à ce titre et l’infirmation du jugement sur le quantum des dommages-intérêts qui lui ont été alloués. Elle fait valoir que depuis plusieurs années, elle bénéficiait de plans d’octroi d’actions ou d’options d’achat d’actions, que ces plans prévoyaient que les actions ainsi attribuées n’étaient acquises au salarié qu’à l’issue d’un délai de cinq ans et sous réserve que le salarié soit présent dans l’entreprise au jour de l’attribution définitive. Elle explique qu’elle a bénéficié de six plans d’action dont elle avait été attributaire entre 2011 et 2016 et que du fait de son licenciement illégitime, elle a perdu la chance de bénéficier de ces plans entre 2017 et 2021. Elle sollicite donc des dommages-intérêts en réparation de son préjudice sur la base de la moyenne du cours de l’action René Coty qu’elle évalue à 16,22 USD.
La société René Coty France s’oppose à la demande en faisant valoir que la perte de chance ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle était réalisée et que Mme [S] procède à une large surévaluation de la valeur unitaire du cours de l’action Coty et en rappelant que si elle avait souhaité réaliser ses options d’achat, elle aurait dû s’acquitter du prix de souscription des actions rachetées.
La cour considère en conséquence de ce qui précède que c’est par une juste évaluation du préjudice subi par Mme [S] que le conseil de prud’hommes a condamné la société René Coty France à lui verser la somme de 25 000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de ses droits. Le jugement est donc confirmé de ce chef.
Sur le rappel de bonus APP :
La société René Coty France conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a alloué à Mme [S] la somme de 25 768,91 euros à ce titre. Elle soutient que Mme [S] n’était pas éligible à percevoir ce bonus dans la mesure où elle n’était plus présente dans ses effectifs lors de l’attribution du bonus, son contrat de travail ayant pris fin en septembre 2017 à l’expiration de son préavis de trois mois. Mme [S] soutient au contraire que dans la mesure où elle a signé un avenant au contrat de travail en date du 14 octobre 2016 prévoyant un préavis de six mois, qu’elle communique aux débats, et dont elle soutient qu’il doit recevoir application puisqu’elle a signé le document intitulé ‘confidentiality non competition and non solicitation agreement’ dénommé RCA dans les échanges entre les parties que le DRH M. [G] lui demandait de signer pour le 16 janvier 2017 dans un mail du 11 janvier 2017, elle est éligible à la perception du bonus APP puisqu’elle faisait toujours partie des effectifs de la société en octobre 2017 lors de son attribution. La société René Coty France conteste que l’avenant du 14 octobre soit applicable en soutenant que la salariée ayant refusé de signer le RCA dans les temps, la proposition de contrat qui lui était faite était non avenue de sorte que seul le préavis initialement prévu de trois mois devait s’appliquer.
La cour relève que Mme [S] verse aux débats :
– l’avenant au contrat de travail en date du 14 octobre 2016 signé par elle et M. [G], directeur des ressources humaines, prévoyant dans son article 13 un préavis d’une durée de six mois,
– une copie du document RCA non datée mais signée d’elle-même et de M. [G],
– deux mails de M. [G] en date du 21 décembre 2016 et du 11 janvier 207 la priant de trouver la RCA à signer avant le 16 janvier 2017.
Il appartient à la société René Coty France qui a signé les deux documents de démontrer que Mme [S] les a signés tardivement de sorte que l’avenant du 14 octobre est caduc et elle échoue à rapporter cette preuve, aucun élément postérieur au mail du 11 janvier 2017 n’étant communiqué par la société qui ne peut se prévaloir à titre de preuve de ses propres décisions d’évincer Mme [S] du dispositif sans des éléments objectifs suffisant à les étayer.
La cour considère en conséquence que Mme [S] était éligible au bonus APP et confirme le jugement en ce qu’il a condamné la société René Coty France à lui verser à ce titre la somme de 25 768,91 euros dont l’évaluation n’est pas critiquée par l’employeur.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
Mme [S] soutient que les calculs doivent s’effectuer sur les bases suivantes :
– un salaire mensuel tenant compte des heures supplémentaires qu’elle effectuait habituellement,
– un préavis de six mois tel que prévu dans l’avenant du contrat de travail daté du 14 octobre 2016 dont il est fait état ci-dessus;
– un salaire de référence englobant le bonus APP dont elle a été privée par le fait du licenciement.
La société René Coty France conclut au débouté en faisant valoir que les heures supplémentaires ne peuvent être prises en compte au titre du salaire servant de base au calcul de l’indemnité compensatrice de préavis que si elles ont un caractère stable et constant ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Par ailleurs, elle conteste que l’avenant du 14 octobre soit applicable de sorte que seul le préavis initialement prévu de trois mois devait s’appliquer.
La cour considérant que l’avenant du 14 octobre 2016 doit recevoir application comme il a été vu ci-dessus retient que le délai congé applicable à la relation de travail est de six mois et que la rémunération que Mme [S] aurait dû percevoir pendant le temps du préavis doit prendre en compte les heures supplémentaires lesquelles ont un caractère stable et constant et ont été exécutées chaque mois à l’exclusion du bonus lequel a fait l’onjet d’une condamnation distincte.
Dés lors, la cour évalue la rémunération mensuelle servant de base au calcul de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 12 634,27 euros, heures supplémentaires incluses et fixe en conséquence l’indemnité compensatrice de préavis à revenir à la salariée à la somme de 75 805,22 euros. Mme [S] ayant perçu la somme de 28 788,36 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis la cour condamne la société René Coty France à lui verser les sommes de :
– 9 114,45 euros au titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis sur les trois mois pris en compte par la société René Coty France, outre 911,44 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 37 902,81 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis portant sur les trois mois restant outre 3 790,28 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
Le jugement est infirmé de ces chefs de demande.
Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement :
Mme [S] sollicite un rappel de 92 111,12 euros à ce titre qu’elle calcule sur la base d’un salaire de référence de 16 840,08 euros obtenu sur la base des douze derniers mois de salaire, bonus APP et et heures supplémentaires incluses.
La cour retient au vu des bulletins de salaire, et compte tenu du rappel de bonus et des heures supplémentaires alloués sur la période de référence des douze mois précédant le licenciement un salaire de référence de 14 544,94 euros de sorte que l’indemnité de licenciement due en application de l’article 14 de la convention collective s’évalue à 183 843,47 euros. Compte tenu de l’indemnité de 120 747,50 euros déjà versée, la société René Coty France est condamnée à verser à Mme [S] une somme de 63 095,97 euros au titre du rappel sollicité et le jugement est infirmé sur ce chef de demande.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Employée depuis plus de deux ans dans une entreprise comprenant au moins onze salariés, Mme [S] doit être indemnisée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d’une somme qui ne peut être inférieure à sa rémunération des six derniers mois en application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur au jour du licenciement applicable au litige. Eu égard à son âge au moment du licenciement (née en 1972), à son ancienneté dans l’entreprise (20 années complètes), au montant de sa rémunération des six derniers mois, aux circonstances du licenciement, à ce qu’elle justifie de sa situation postérieure au licenciement, la cour condamne la société René Coty France à verser à Mme [S] une somme de 200 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice et le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les autres demandes :
Mme [S] sollicite la condamnation de la société René Coty France à lui verser une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard fautif dans le paiement des causes de l’arrêt de la cour d’appel de céans du 22 novembre 2018. Toutefois dès lors qu’elle n’a fait signifier cet arrêt que le 8 janvier 2019, elle ne démontre pas la faute de la société René Coty France. Sa demande est rejetée. Le jugement est confirmé de ce chef.
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire à compter de la décision qui les prononce.
La société René Coty France doit remettre à Mme [S] un bulletin de paie récapitulatif, un attestation pour Pôle emploi un certificat de travail rectifiés conformes à la présente décision sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte. La demande en ce sens est rejetée.
Eu égard à la solution du litige, la cour fait d’office application de l’article L. 1235-4 du code du travail et la société René Coty France doit rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [S] depuis son licenciement jusqu’au jugement dans la limite de 3 mois.
La société René Coty, partie perdante est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme [S] des frais exposés par elle tant devant la cour qu’en première instance et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société René Coty France à payer à Mme [B] [S] une somme de 25 768,91 euros à titre de rappel de bonus APP 2017 et une somme de 25 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier de l’incentive plan et du LTIP, et en ce qu’il a débouté Mme [B] [S] des chefs de demande d’indemnité pour préjudice de santé, indemnité pour travail dissimulé, dommages-intérêts pour exécution tardive de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 novembre 2018,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DÉCLARE la convention individuelle de forfait inopposable à Mme [B] [S],
CONDAMNE la société René Coty France à payer à Mme [B] [S] les sommes de :
– 62 580,56 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre les mois de décembre 2015 et décembre 2017, outre la somme de 6 258,05 euros au titre des congés payés afférents,
– 12 765,16 euros de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
– 37 902,81 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis portant sur les trois mois de préavis non pris en compte par l’employeur outre 3 790,28 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 9 114,45 euros au titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis sur les trois mois pris en compte par la société René Coty France, outre 911,44 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 63 095,97 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 200 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire à compter de la décision qui les prononce,
ORDONNE à la société René Coty France de remettre à Mme [B] [S] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés, conformes à la présente décision,
DIT que la société René Coty France doit rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [B] [S] depuis son licenciement jusqu’au jugement dans la limite de trois mois,
DÉBOUTE Mme [B] [S] du surplus de ses demandes et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la société René Coty France,
CONDAMNE la société René Coty France aux entiers dépens et à verser à Mme [B] [S] une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE