Merchandising : 15 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/02653

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Merchandising : 15 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/02653
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 FEVRIER 2023

N° RG 19/02653

N° Portalis DBV3-V-B7D-TI7Y

AFFAIRE :

[S] [H]

C/

SAS VENTEO SAS

[C] [H] ayant droit en qualité d’épouse bénéficiaire légale de Monsieur [S] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mai 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 18/00202

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nicole BENSOUSSAN

la SELARL LMC PARTENAIRES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [S] [H] (Décédé le 25/06/2022)

né le 29 Novembre 1970 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentant : Me Nicole BENSOUSSAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0868

Madame [C] [H] ayant droit en qualité d’épouse bénéficiaire légale de Monsieur [S] [H]

née le 07 Juillet 1971 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Nicole BENSOUSSAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0868

Monsieur [P] [H] ayant droit en qualité d’héritier de Monsieur [S] [H]

né le 25 Juillet 1998 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Nicole BENSOUSSAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0868

APPELANTS

SAS VENTEO SAS

N° SIRET : 491 166 971

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentant : Me Florence MERCADE-CHOQUET de la SELARL LMC PARTENAIRES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 220

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [H] a été engagé par la société Venteo suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 octobre 2006 en qualité de chef de secteur, niveau VI, échelon 2, avec le statut d’agent de maîtrise.

Par avenant en date du 1er juillet 2012, il a été promu aux fonctions de chef de secteur manager, niveau VIII, échelon 1, avec le statut de cadre. Sa durée de travail a été fixée forfaitairement à 214 jours par an.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de commerces de gros.

M. [H] a fait l’objet d’un avertissement le 12 octobre 2017.

Par lettre du 18 octobre 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 6 novembre 2017 et a été mis à pied à titre conservatoire.

M. [H] a été placé en arrêt de travail du 18 octobre au 24 novembre 2017. 

Par lettre du 13 novembre 2017, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave.

Le 14 mai 2018, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise afin d’obtenir la condamnation de la société Venteo à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, pour exécution déloyale du contrat de travail, pour travail dissimulé, pour préjudice moral subi, outre des indemnités et sommes liées à l’exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 16 mai 2019, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a dit que le licenciement de M. [H] était bien fondé, débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes, débouté la société Venteo de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de M. [H].

Le 21 juin 2019, M. [H] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

M. [H] est décédé le 25 juin 2022.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, Mme [C] [H] et M. [P] [H], en leur qualité d’ayants-droit de M. [S] [H], demandent à la cour de :

– les juger recevables en leur intervention volontaire aux fins de reprise de l’instance,

– infirmer le jugement sur tous les chefs du jugement critiqués en ce qu’il déboute M. [H] de ses demandes de rappels de salaire au titre de la rémunération variable, heures supplémentaires, congés payés, contrepartie obligatoire en repos compensateurs, dommages et intérêts pour non- respect des dispositions relatives à la durée du travail, des repos et de l’obligation de sécurité, exécution déloyale du contrat, indemnité spécifique en contrepartie de l’utilisation de son domicile à des fins professionnelles, indemnité pour travail dissimulé, nullité ou licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités de rupture, de rappels de salaires pendant la mise à pieds et congés payés incidents, dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, préjudice moral, remise sous astreinte des documents sociaux, les intérêts au taux légal depuis l’introduction de la demande avec capitalisation, les frais et les dépens, 

– statuant à nouveau : juger que le licenciement intervenu est nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences de droit, 

– condamner la société Venteo à leur payer, en leur qualité d’ayants-droit de M. [H], les sommes suivantes : 

* 28 841 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies,outre 2 884 au titre des congés payés afférents, subsidiairement, 32 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée du travail, des repos et de l’obligation de sécurité incombant à l’employeur,
* 1 660 euros à titre de contrepartie obligatoire au repos,
* 68 325 euros au titre de la rémunération variable, outre 6 832 euros au titre des congés payés afférents,
* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 5 400 euros à titre d’indemnité spécifique en contrepartie de l’utilisation de son domicile à des fins professionnelles,
* 38 605 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
* 85 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle ni sérieuse,
* 19 303 euros à titre d’indemnité de préavis outre 1 930 euros au titre des congés payés afférents,
* 23 367 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,* 5 604 euros à titre de rappel de salaires pendant la mise à pied conservatoire outre 560 euros au titre des congés payés afférents,
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
– condamner la société Venteo à leur remettre des documents sociaux (bulletins de salaire, certificat de travail et attestation pôle emploi) conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour et par document dans les 15 jours de la notification de la décision qui sera rendue, la cour se réservant de liquider l’astreinte,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Venteo de sa demande reconventionnelle, 

– débouter la société Venteo de toutes ses demandes, 

– condamner la société Venteo à leur verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et mettre les dépens de première instance et d’appel à sa charge. 

Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 décembre 2022, la société Venteo demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [H] de toutes ses demandes au titre du rappel de salaires, des heures supplémentaires, des dommages intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée du travail, exécution déloyale du contrat, indemnité pour utilisation de son domicile à des fins professionnelles, nullité de licenciement ou licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement pour faute grave fondé,
– débouter les ayants-droit de M. [H] de toutes les demandes indemnitaires aussi bien au titre de l’exécution du contrat que de la rupture de ce dernier,
– débouter les ayants-droit de M. [H] de leurs demandes,
– à titre subsidiaire, s’agissant de la rémunération variable et d’une indemnité d’occupation du domicile, limiter le quantum des demandes à plus juste mesure,

– en tout état de cause, condamner les ayants-droit de M. [H] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens de première instance et d’appel à leur charge. 

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 3 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur la validité du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

‘Vous avez été embauché par contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le poste de chef de secteur à compter du 4 octobre 2006. Vous avez été promu chef de secteur manager le 1er juillet 2012.

Votre mission consiste donc principalement à :

‘ Vendre nos produits, notamment en visitant les clients et en proposant des actions commerciales,

‘ Mettre en ‘uvre un plan d’action commerciale, notamment en prospectant pour élargir et fidéliser la clientèle, et en mettant en ‘uvre pour chaque client un plan d’actions (prise de rendez-vous, objectifs’) et en assurer le suivi,

– Nous rendre compte de vos actions et nous remonter les informations terrain.

Or, nous rencontrons des difficultés récurrentes dans le cadre de l’exécution par vous de votre contrat de travail.

En premier lieu, nous ne pouvons que déplorer que malgré notre soutien depuis des années, celui de la médecine du travail, vos propres engagements écrits et nos avertissements disciplinaires, le dernier en date étant du 12 octobre 2017, vous persistez à vous présenter auprès de nos clients en état d’ébriété.

Nous avons été alertés par de nouveaux e-mails :

‘ L’un du 14 octobre 2017 émanant de la responsable rayon équipement de la maison du Cora [Localité 12] nous confirmant son souhait de changer de commercial, vous en l’espèce, car vous vous êtes déplacé dans son magasin avec « visiblement un souci personnel » qui vous empêchait d’être efficace dans votre travail. Elle nous a également alerté sur le fait qu’elle avait fréquemment avec vous des litiges de tarifs et de retour et que ces litiges ont dégradé l’entente commerciale alors qu’elle est indispensable dans notre métier.

‘ Deux e-mails du 12 octobre 2017 émanant du responsable du carrefour de [Localité 11] : l’un de la cross merchandiseur nous indiquant que le cross était géré par son collègue et elle-même en collaboration avec votre merchandiseur Monsieur [L] [W]. Elle confirmait dans ce mail, qu’il vous avait été fait interdiction d’entrer dans ce magasin ; l’autre e-mail émane de la manager métier nous indiquant que vous n’êtes plus autorisé à pénétrer dans cet établissement à la suite d’une de vos visites où visiblement vous n’étiez pas dans votre état normal (alcool).

Il est choquant, alors même que nous avons abordé en septembre à plusieurs reprises ce problème d’ébriété que vous rencontrez, de constater que vous persistez à visiter nos clients dans un état qui porte atteint à notre image de marque, à notre notoriété et à notre réputation. Nous vous avons rappelé maintes fois et notamment par écrit dans notre lettre d’avertissement du 28 avril 2015, que vous êtes porteur de notre image et de nos valeurs et qu’il est donc inadmissible que vous exerciez votre activité professionnelle en état d’ébriété.

En second lieu, nous nous sommes aperçus que vous avez fait faire votre travail de passation de commande par le merchandiseur qui travaille avec vous, Monsieur [L] [W], alors même qu’il n’entre pas dans ses fonctions d’effectuer ce travail de prospection clientèle et de passation de commandes. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il doit, sous votre responsabilité, visiter les clients, gérer son stock, mettre en place des animations promotionnelles, effectuer un inventaire mensuel du stock, implanter et reprendre la marchandise, mettre en place la vidéo pour la prestation de services mais qu’en aucun cas il n’a d’intervention commerciale à effectuer.

À notre demande, Monsieur [L] [W] nous a remis un rapport sur le travail qu’il a effectué auprès de plusieurs magasins du secteur 91 et 78.

Il en ressort qu’au cours de l’année 2017, il a hebdomadairement effectué les tâches suivantes :

‘ Prise de rendez-vous afin de développer notre activité au sein du magasin,

‘ Vendre des nouveautés ainsi que des produits cross obligatoires lors de ces rendez-vous commerciaux,

‘ Validation des commandes dans Divalto,

‘ Mise en place de la marchandise à sa réception,

‘ Suivi hebdomadaire du magasin.

Il nous a indiqué s’être occupé intégralement d’une grande partie des magasins de ce secteur et qu’il organisait lui-même son agenda en fonction des rendez-vous et par la suite des livraisons.

Or, cela ne relevait pas de ses fonctions mais des vôtres : en effet, un merchandiseur ne doit pas gérer la relation client en direct avec le magasin, cela relève de votre rôle. Il devait uniquement implanter les commandes passées par vous, reprendre la marchandise en fin d’opération commerciale, gérer les mises en place TV et matériel et rendre compte de son activité à son responsable.

Par ailleurs, il vous appartenait de remplir son agenda sur Outlook.

Nous ne pouvons que constater que pour pallier vos insuffisances, il a dû endosser un vrai rôle commercial. Ainsi, afin de vous rendre service compte-tenu du fait que vous étiez interdit d’accès dans certains magasins, il a purement et simplement pris en charge une partie de vos fonctions ce qui, au surplus, vous a permis de recevoir vos commissions.

Or, il devait s’occuper en parallèle des magasins qui lui étaient attribués (Bricorama, un hyper CR et les supermarchés des deux départements) et de son activité de merchandising heures sur d’autres magasins.

Vous avez eu l’audace de lui montrer votre bulletin de salaire de fin septembre sur lequel apparaissent les commissions qui vous ont été versées, commissions perçues par vous grâce au travail de Monsieur [L] [W]. Ce dernier s’est retourné vers nous en nous précisant qu’il se contenterait à l’avenir d’effectuer simplement son travail de merchandiseur, réaction qui est parfaitement justifiée.

Face à sa vive réaction, vous avez indiqué à Monsieur [L] [W] que vous étiez prêt à lui donner une partie de votre prime en espèces pour le « remercier ». Vous nous avez confirmé pendant l’entretien la réalité de cette proposition et que vous lui aviez faite, sans avoir l’intention de nous prévenir.

C’est dans ces conditions que nous avons découvert que vous étiez totalement défaillant dans l’exécution de vos fonctions.

Ainsi, depuis de nombreux mois vous vous reposez sur l’activité générée par Monsieur [L] [W] et vous ne développez plus d’action commerciale sur votre secteur.

Grâce au travail de votre merchandiseur, il n’y a eu que très peu d’impact négatif sur l’activité commerciale de votre secteur. Vous nous avez effectivement confirmé pendant l’entretien que Monsieur [L] [W] avait fait progresser le secteur de 17 % alors que cette progression aurait dû être faite par vous aidé de votre binôme et non par votre binôme seul.

Nous vous avons demandé par mail en date du 17 octobre 2017, de venir tous les matins à 8h30 afin que nous fassions un point sur votre travail. Vous ne vous êtes jamais présenté à ces rendez-vous, ce qui est constitutif d’une insubordination.

Vos collègues nous ont précisé que vous vous vantiez de partir de chez vous le matin à 11 heures, ce que vous n’avez pas nié.

Nous comprenons pourquoi vous êtes dans l’incapacité de nous adresser vos rapports de visite de prospection et de prise de commandes puisque vous vous êtes déchargé de votre travail sur votre merchandiseur et que vous avez purement et simplement abandonné votre travail.

Nous déplorons votre désinvestissement manifeste dans le cas de l’accomplissement de vos fonctions.

Votre attitude générale traduit de votre part une indifférence flagrante pour les intérêts de l’entreprise, en donnant une image négative vis-à-vis de nos clients en vous présentant dans leur magasin en état d’ébriété et en n’hésitant pas à faire faire une très large partie de vos fonctions à votre merchandiseur.

Cette situation ne peut perdurer et il ne nous est absolument pas possible de poursuivre notre collaboration.

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave […]’.

La lettre de licenciement énonce en substance les deux griefs suivants à l’encontre du salarié : une présentation auprès de plusieurs clients en état d’ébriété et l’accomplissement d’une part de ses missions par M. [W].

Sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire

Les appelants indiquent qu’au vu de l’avertissement prononcé, l’employeur a épuisé son pouvoir de sanction. Ils notent qu’aucuns des faits fautifs invoqués ne sont postérieurs à l’avertissement.

La société intimée fait valoir que le salarié n’a pas changé son comportement, qu’il s’est présenté postérieurement à l’avertissement chez des clients en état d’ébriété, et qu’il a continué de faire accomplir une partie de son travail par M. [W].

L’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié, considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.

En l’espèce, l’avertissement du 12 octobre 2017 reproche au salarié l’absence de production du rapport d’activité hebdomadaire, d’avoir implanté des produits non référencés chez Carrefour, d’avoir participé en état d’ébriété à des réunions commerciales chez des clients.

S’agissant du problème d’alcool, l’employeur verse aux débats un courriel du 12 octobre 2017 de la société Carrefour indiquant que le salarié n’avait plus l’autorisation de rentrer en magasin depuis quelques mois et un courriel du 14 octobre 2017 de la société Cora indiquant vouloir changer de commercial, ce dernier ayant un ‘souci personnel’, sans mentionner de problème d’ébriété lors d’une visite commerciale postérieure au 12 octobre 2017. Il s’en déduit que l’employeur ne démontre pas que le problème d’ébriété a persisté postérieurement à l’avertissement. Ainsi, ce problème d’ébriété, dont il n’est pas prouvé qu’il a persisté, ayant déjà fait l’objet d’un avertissement ne peut fonder le licenciement.

S’agissant de l’accomplissement d’une part de ses missions par M. [W], l’employeur indique n’avoir pris connaissance du fait que le salarié faisait accomplir une partie de son travail par M. [W] qu’au mois d’octobre 2017 et produit un courriel du 24 octobre 2017 de M. [W] décrivant le travail qu’il effectuait sur plusieurs magasins dans les départements de l’Essonne et des Yvelines, démontrant qu’il a ainsi eu connaissance de ces faits dans toute leur ampleur postérieurement à l’avertissement du 12 octobre 2017. En outre, l’employeur reproche au salarié de ne pas s’être présenté à compter du 17 octobre 2017, soit postérieurement à l’avertissement, pour un point quotidien sur son travail, de ne pas adresser ses rapports de visite et de prospection et de prise de commande, problème qui a donc perduré après l’avertissement relatif aux rapports d’activité hebdomadaire. Ce grief n’est donc pas prescrit.

Sur le fond

En application des dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être licencié en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Aux termes de l’article L. 1134-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, les ayants-droit de M. [H] allèguent qu’il a été licencié en raison de son état de santé. Ils invoquent le fait que l’employeur produit des arrêts de travail, un relevé des absences pour maladie, les arrêts maladie entre 2014 et 2016, les avis d’hospitalisation, une attestation de suivi psychologique.

Ils font valoir le fait que M. [H] souffrait d’une paralysie faciale entraînant notamment des rougeurs au visage, que l’employeur connaissait son état de santé et savait que ces signes expliquaient que certains de ses interlocuteurs aient pu se méprendre sur les raisons de son apparence physique et croire qu’il pouvait être en état d’ébriété.

Ils produisent deux certificats médicaux faisant état de séquelles de paralysie faciale et d’une prise de traitement responsable de rougeurs du visage ainsi que des attestations faisant part de satisfaction de clients à l’égard de M. [H] et de visites commerciales sans problème d’alcool.

Ainsi, les appelants présentent des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination à l’encontre de M. [H] en raison de sa santé.

L’employeur fait valoir que le licenciement est fondé sur une faute grave, une inexécution fautive de M. [H] dans l’accomplissement d’une part de ses missions par M. [W] ainsi qu’une présentation sur le site de clients en état d’ébriété à plusieurs reprises, qu’ainsi, le licenciement n’est pas basé sur l’état de santé de M. [H].

Il précise avoir soutenu M. [H] dans ses cures de désintoxication et lui avoir fait confiance, et produit un courriel du 20 septembre 2017 relatif au refus de mise en place d’un éthylomètre dans le véhicule de M. [H] montrant la confiance placée en ce dernier, ainsi que deux attestations précises et concordantes confirmant cette confiance et ce soutien :

– M. [X], commercial, en date du 14 novembre 2018 : ‘la société Venteo a toujours voulu apporter un soutien à M. [H]’,

– Mme [I], attachée commerciale, en date du 21 novembre 2018 : ‘atteste par la présente avoir constaté, en tant que délégué du personnel, de la bienveillance de la direction envers M. [S] [H] et d’avoir tout mis en oeuvre pour le soutenir afin qu’il puisse exercer le mieux possible sa mission au sein de l’entreprise’.

En tout état de cause, la faute grave sans lien avec l’état de santé est établie comme il est retenu ci-après.

Au vu de ces éléments, l’employeur prouve que sa décision de licenciement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les appelants seront déboutés de leur demande en nullité du licenciement et de leur demande subséquente en dommages et intérêts. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

Il résulte des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur.

Sur le fond

A l’appui des défaillances dans l’exécution de ses missions invoquées à l’encontre du salarié, l’employeur verse aux débats notamment :

– une fiche de fonction chef de secteur manager,

– une fiche de fonction marchandiseur,

– un compte-rendu de tournée de M. [W] émanant de M. [D], responsable grands comptes du 19 octobre 2017,

– un courriel sur les tâches de M. [W] du 24 octobre 2017,

– une attestation de M. [W] du 20 septembre 2018 : ‘M. [H] me laissait sous-entendre qu’il partait travailler en fin de matinée.

Un collègue m’a également dit [qu’il] se serait apparemment vanté que son merchandiser faisait une bonne partie de son chiffre d’affaires’.

Il se déduit de ces éléments, que M. [W], qui était merchandiseur a accompli une partie des tâches qui incombaient au salarié à sa demande, notamment, la gestion de la relation clients dans certains magasins où le salarié ne pouvait plus entrer. En outre, il ressort du compte-rendu de tournée de M. [D] portant sur cinq magasins, que M. [H] n’était pas suffisamment présent dans les magasins, qu’il ne répondait pas suffisamment aux demandes de rendez-vous clients.

Ces défaillances fautives dans l’exécution de ses missions de la part du salarié étaient suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail de sorte que le licenciement pour faute grave du salarié est fondé.

Les ayants-droit de M. [H] seront donc déboutés de leur demande en contestation du licenciement ainsi que de leurs demandes subséquentes au licenciement : en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de préavis, congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement.

La mise à pied conservatoire étant justifiée, les appelants seront déboutés de leur demande de rappel de salaire et congés payés afférents.

La demande de remise des documents sociaux sous astreinte doit être également rejetée.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ces points.

Sur les dommages et intérêts pour rupture vexatoire

Les appelants réitèrent, en cause d’appel, une demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros au titre des circonstances de la rupture, abusives, brutales et vexatoires, demande sur laquelle le conseil de prud’hommes n’a pas statué.

L’employeur indique avoir agi avec tact, que le caractère vexatoire du licenciement n’est pas démontré, encore moins le préjudice qui en aurait résulté.

En l’espèce, les appelants n’invoquent aucun fait précis à l’appui de leur demande de sorte qu’ils ne démontrent pas les circonstances vexatoires de la rupture invoquées.

Ils seront donc déboutés de leur demande de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

Les appelants soutiennent que la convention de forfait annuel en jours incluse dans l’avenant contractuel est illicite ou à tout le moins inopposable, au motif notamment que l’employeur n’a jamais mis en oeuvre l’obligation de déconnexion et le dispositif de contrôle du temps de travail prévu par l’accord de branche et que le temps de travail de M. [H] doit alors être comptabilisé selon les règles du droit commun ; ils réclament la condamnation de l’employeur à leur verser un rappel de salaire pour heures supplémentaires d’un montant de 28 841 euros sur la période du

10 novembre 2014 au 20 octobre 2017 outre les congés payés afférents.

L’employeur conclut au débouté en faisant valoir que la convention de forfait annuel en jours est valide en ce que le contrôle du temps de travail était bien réalisé ; il ajoute qu’en toute hypothèse les appelants n’apportent pas d’éléments probants au soutien de leur demande au titre d’heures supplémentaires accomplies non rémunérées.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Lorsque l’employeur ne respecte pas les dispositions destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, la convention individuelle de forfait en jours est privée d’effet.

En l’espèce, l’avenant du 1er juillet 2012 au contrat de travail du salarié lui a conféré le statut de cadre au forfait à hauteur de 214 jours par an.

L’employeur produit un accord de branche du 14 décembre 2001 et un accord d’entreprise du 13 septembre 2013.

Aux termes de l’article 2.3.2, B, 3 de l’accord de branche:

‘3. Décompte des jours travaillés

Le nombre de journées de travail sera comptabilisé sur un document de contrôle établi à l’échéance de chaque mois par le salarié concerné et sera remis, une fois dûment rempli, au service concerné. Sa non-remise n’aura pas pour conséquence de remettre en cause la convention de forfait annuel en jours.

Devront être identifiées dans le document de contrôle :

‘ la date des journées ;

‘ la date des journées de repos prises. Pour ces dernières la qualification de ces journées devra impérativement être précisée : congés payés, congés conventionnels, repos hebdomadaire, jours de repos visés au paragraphe 4 du présent avenant.

L’employeur doit s’assurer que ce document de contrôle a été remis mensuellement par le salarié et il doit le contresigner.

Ces documents de comptabilisation du nombre de journées de travail annuelles effectuées seront tenus à la disposition de l’inspecteur du travail pendant une durée de trois ans.’

L’accord d’entreprise prévoit les modalités précises de suivi du nombre de jours travaillés en son article 3, avec notamment un document de contrôle renseigné par le salarié, un entretien périodique et annuel pour faire le point sur la charge de travail de l’ensemble de l’année écoulée.

L’employeur justifie avoir relancé régulièrement le salarié pour obtenir ce suivi, et produit les suivis clients pour la période de décembre 2014 à septembre 2017 avec un détail par journée des jours travaillés et des jours de repos.

Cependant, l’employeur ne justifie pas des entretiens qu’il aurait dû mener notamment sur une base annuelle pour faire le point sur la charge de travail de l’ensemble de l’année écoulée. Il s’en déduit que les appelants sont fondés à demander que la convention de forfait contractuelle soit privée d’effet et que les heures de travail effectuées soient comptabilisées selon le droit commun.

En application notamment de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, les appelants décrivent les missions et les activités qui incombaient à M. [H] en qualité de chef de secteur manager dans les départements des Yvelines et de l’Essonne. Ils indiquent que M. [H] commençait ses journées vers 9h et ne les terminaient pas avant 19 h en général et même au-delà. Ils produisent un décompte des heures supplémentaires effectuées par M. [H] comprenant un total d’heures par jour sur la période considérée, généralement 1 heure, parfois 2 ou 3 heures, avec un total par semaine, ainsi qu’un calcul annuel sur la base du taux horaire majoré de 25% et du taux horaire majoré de 50% des heures supplémentaires non rémunérées. Ils font référence à des courriels envoyés par le salarié après 19h et produisent ces différents courriels sur la période.

Ils font état de temps considérables de déplacements, M. [H] ayant accompli en moyenne 28 000 kilomètres par an depuis 2010.

Il s’en déduit que les appelants produisent des éléments suffisamment précis sur les heures de travail accomplies de sorte que l’employeur est en mesure d’y répondre en produisant ses propres éléments.

L’employeur produit les suivis clients pour la période de décembre 2014 à septembre 2017 avec un détail par journée des jours travaillés et des visites clients et des jours de repos. Il critique le décompte des appelants en pointant des contradictions, M. [H] ne pouvant plus accéder à certains magasins, commençant tardivement sa prise de poste en fin de matinée, les courriels produits étant très courts et le plus souvent des réponses non urgentes ou des propositions de commandes qui aurait pu être faits à des horaires moins tardifs. Il verse également aux débats une attestation de M. [H] du 27 janvier 2014 indiquant notamment que sa charge de travail est compatible avec son rythme de travail contractuel. Il produit également l’attestation de M. [W] du 20 septembre 2018 témoignant qu’il réalisait une bonne partie du chiffre d’affaires de M. [H] qui se vantait de démarrer son travail généralement en fin de matinée ainsi que son analyse du travail effectué sur le secteur commercial des Yvelines et de l’Essonne tout au long de l’année 2017 témoignant qu’il effectuait une partie du travail de M. [H] notamment dans les magasins où ce dernier ne pouvait plus entrer.

L’employeur fait valoir que M. [H] n’a jamais allégué qu’il travaillait dans son véhicule et que cette affirmation par ses héritiers est injustifiée et abusive. Il relève qu’en vertu de l’article 4.3 de l’accord d’entreprise, il n’est pas démontré que M. [H] effectuait un temps de trajet excédant 1 heure le matin et 1 heure le soir et qu’aucune contrepartie n’est due. L’employeur conclut que parcourir 28 000 kilomètres par an est faible, les chefs de secteur et vendeurs faisant entre 40 000 et 60 000 kilomètres et il produit les courriels de décompte de ces kilométrages de la part de six salariés tous supérieurs à 40 000 kilomètres parcourus sur leur secteur.

Après pesée des éléments produits par l’une et l’autre des parties, la cour a la conviction que M. [H] n’a pas réalisé d’heures supplémentaires non rémunérées conformément aux missions qui lui étaient confiées. Les appelants seront déboutés de leur demande à ce titre. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire au repos

En l’absence d’heures supplémentaires accomplies, aucun droit n’est dû au titre de la contrepartie obligatoire au repos. Les appelants seront déboutés de leur demande à ce titre. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l’article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l’absence d’heures supplémentaires non rémunérées effectuées, il n’est pas établi que l’employeur ait mentionné un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Les appelants seront déboutés de leur demande à ce titre. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée du travail, des repos et de l’obligation de sécurité

Les appelants ne démontrent pas l’absence de respect invoqué des dispositions relatives à la durée du travail, des repos en l’absence d’heures supplémentaires effectuées et alors qu’une partie du travail de M. [H] était accomplie par M. [W].

Les appelants n’établissent aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, n’alléguant aucun fait précis à l’appui de leur demande.

Ils seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts de ces chefs. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel de rémunération variable

Les appelants sollicitent un rappel de rémunération variable de 68 325 euros outre les congés payés afférents sur la période de 2014 à 2017 sur la base de la part variable versée en 2012. Ils font valoir que les modalités de la rémunération variable ont été modifiées à plusieurs reprises, qu’aucun objectif n’a été signé postérieurement à 2015 et que le calcul de la part variable de la rémunération est incompréhensible, qu’en outre, la part variable n’a pas été versée pendant certaines périodes d’arrêt de travail.

L’employeur fait valoir que la rémunération variable a été fixée chaque année en accord avec le salarié, que la méthode de calcul figure à son contrat de travail, qu’ainsi les objectifs et la méthode de calcul ont été soumis à discussion contradictoire. L’employeur soulève la prescription de la demande antérieure au 14 mai 2015 et indique que la part variable postérieure a été versée conformément aux objectifs fixés en accord avec le salarié.

Il appartient à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d’un salarié et, lorsqu’il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

Le salaire peut être composé d’une part de rémunération fixe et d’une part de rémunération variable, cette dernière pouvant être négociable chaque année. La clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu’elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, qu’elle ne fait pas peser le risque d’entreprise sur le salarié et qu’elle n’a pas pour effet de réduire la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels.

Le contrat de travail du salarié comprend la clause de part variable suivante :

‘Partie variable 1

Tranche de CA en euros taux de commission

0 à 19 999 1,5%

20 000 à 39 999 2%

>= 40 000 2,5%

Partie variable 2

En complément de la partie variable 1 une prime trimestrielle complémentaire de 1% sur l’ensemble du chiffre d’affaires réalisé par vous, vous sera versée en fin de trimestre et dès l’atteinte de l’objectif du trimestre.

NB : le chiffre d’affaires (CA) est défini comme suit : (Ventes hors taxe – Avoirs hors taxe – les charges résultant de la coopération commerciale liant la société Venteo aux centrales d’achat, ces charges variant en fonction des rayons (budgets divers, participations publicitaires, catalogues, etc…)’.

L’employeur produit des avenants contractuels relatifs à la partie variable 2, signés par le salarié en janvier 2014 pour l’année 2014, en janvier 2015 pour l’année 2015, en janvier 2016 pour l’année 2016 et en janvier 2017 pour l’année 2017, montrant que le seuil de déclenchement de la part variable a été diminué de 315 000 euros nets par trimestre pour l’année 2014 à 250 000 euros nets par trimestre pour l’année 2015, à 237 500 euros nets par trimestre pour les années 2016 à 2017.

Par conséquent, les objectifs ont été totalement négociés chaque année et le seuil de déclenchement de la part variable 2 a été abaissé par l’employeur, ce qui était favorable au salarié qui a donné son accord à chaque avenant. L’assiette et le taux de la commission sont clairement précisés.

Sur la prescription

L’article L. 3245-1 du code du travail, issu de la loi du 14 juin 2013 a réduit à trois ans le délai de prescription en matière salariale.

En l’espèce, l’action ayant été engagée le 14 mai 2018 devant le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise, les demandes en paiement d’une part variable antérieures au 14 mai 2015 sont donc prescrites.

Sur le fond

L’employeur verse aux débats un tableau récapitulatif du chiffre d’affaires réalisé par M. [H] de 2012 à 2017 avec les bases des primes trimestrielles et annuelles.

Ce tableau permet de constater que le seuil de déclenchement de la prime variable 2 n’a pas été atteint entre le 2ème trimestre 2015 et le premier trimestre 2017 inclus, qu’il a été atteint postérieurement.

Cependant, le détail des calculs des commissions effectivement versées n’est pas produit par l’employeur, qui ne justifie pas qu’il s’est acquitté des parts variables dues.

A défaut, la société Venteo sera condamnée à payer aux ayants-droit de M. [H] les sommes sollicitées sur la base du versement de l’année 2012 au titre des parts variables à compter du 14 mai 2015 :

du 14 mai au 31 décembre 2015 : (47 142 – 23 440)X232/365 = 15 065 euros et 1 506,5 euros au titre des congés payés afférents,

pour l’année 2016 : 47 142-19 993= 27 149 euros et 2 714,9 euros au titre des congés payés afférents,

pour l’année 2017 : 47 142/12 X10,5 – 26 079 = 15 170 euros et 1 517 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Les appelants font valoir que le taux de commission a été réduit à compter de 2012 alors que les objectifs ont été augmentés, qu’ainsi l’employeur a sciemment diminué la part variable du salarié et n’a pas pris en compte les périodes de suspension du contrat de travail pendant lesquelles il avait travaillé.

L’employeur conclut à l’absence d’attitude déloyale de sa part, relevant que les modifications au titre des commissions ont été signées et acceptées par le salarié, qu’aucun procédé déloyal n’a été mis en place pour tromper le salarié quant aux commissions perçues.

Aucun procédé déloyal n’est caractérisé.

Au surplus, les appelants ne démontrent pas l’existence d’un préjudice distinct du montant qui est alloué au titre de la rémunération variable. Ils seront déboutés de leur demande de ce chef. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur l’indemnité d’occupation du domicile

Les appelants sollicitent une indemnité d’occupation de 150 euros par mois pendant trois ans. Ils font valoir que le salarié consacrait un espace dans son logement à son activité professionnelle.

L’employeur indique que le salarié était commercial itinérant et s’il devait remplir son agenda et faire des rapports, ce temps constituait une part mineure de son temps de travail, qu’il n’était donc pas en télétravail. En outre, il fait valoir qu’il s’agissait d’un choix personnel d’organisation du salarié qui n’était pas dans l’obligation de procéder à l’aménagement d’un espace de travail au sein de son domicile personnel.

M. [H] était commercial, salarié itinérant, l’essentiel de son activité commerciale se faisant en visitant des clients et en prospectant.

Aucune convention de télétravail n’a été conclue relative au temps passé à des tâches administratives, mineures au regard de son poste.

Ainsi, le salarié qui n’était pas dans l’obligation d’aménager un espace professionnel à son domicile personnel et qui n’était pas en télétravail, n’avait pas droit à une indemnité d’occupation.

La demande d’indemnité formée par les appelants doit être rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et sur les frais irrépétibles.

La société Venteo succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d’appel. Elle devra également régler aux ayants-droit de M. [H] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :

– débouté M. [H] de sa demande en paiement au titre d’un rappel de part variable,

– débouté M. [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de M. [H],

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare prescrites les demandes en paiement de Mme [C] [H] et M. [P] [H] en leur qualité d’ayants-droit de M. [S] [H] d’une part variable antérieure au 14 mai 2015,

Condamne la société Venteo à payer à Mme [C] [H] et M. [P] [H] en leur qualité d’ayants-droit de M. [S] [H] les sommes suivantes au titre de la part variable de ce dernier :

du 14 mai au 31 décembre 2015 :15 065 euros et 1 506,5 euros au titre des congés payés afférents,

pour l’année 2016 :27 149 euros et 2 714,9 euros au titre des congés payés afférents,

pour l’année 2017 : 15 170 euros et 1 517 euros au titre des congés payés afférents,

Déboute Mme [C] [H] et M. [P] [H] en leur qualité d’ayants-droit de M. [S] [H] de leur demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire,

Condamne la société Venteo aux dépens,

Condamne la société Venteo à payer à Mme [C] [H] et M. [P] [H] en leur qualité d’ayants-droit de M. [S] [H] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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