Merchandising : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 21/01918

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Merchandising : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 21/01918
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AFFAIRE : N° RG 21/01918

N° Portalis DBVC-V-B7F-GZD6

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHERBOURG EN COTENTIN en date du 09 Juin 2021 RG n° F17/00116

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022

APPELANT :

Madame [D] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphane BATAILLE, substitué par Me LEVACHER, avocats au barreau de CHERBOURG

INTIMEE :

S.A.S. BARILLA FRANCE représentée par son Président domicilié en cette qualité à l’adresse déclarée de son siège social

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Claude MINCHELLA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 29 septembre 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 01 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [D] [N] a été embauchée à compter du 11 juin 2014 en qualité de commerciale GMS (grandes et moyennes surfaces) et affectée au secteur de [Localité 5]. Placée en arrêt de travail du 18 au 27 mars puis du 22 août au 23 novembre 2016, elle a été déclarée inapte à son poste le 24 novembre 2016.

Le 28 décembre 2016, elle a établi une déclaration de maladie professionnelle que la CPAM a accepté le 15 mars 2018 de prendre en charge.

La SAS Barilla France lui a proposé les 31 janvier et 28 février 2017, des postes de reclassement qu’elle a refusés. Le 12 avril 2017, la société l’a licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 8 novembre 2017, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Cherbourg pour réclamer un rappel de salaire, des indemnités spéciales de rupture, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également, ultérieurement, demandé que son licenciement soit dit au principal nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et a en outre réclamé des dommages et intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral.

Par jugement du 9 juin 2021, le conseil de prud’hommes a condamné la SAS Barilla France à verser à Mme [N] 798,18€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire, 1 500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté Mme [N] du surplus de ses demandes.

Mme [N] a interjeté appel du jugement.

Vu le jugement rendu le 9 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Cherbourg

Vu les dernières conclusions de Mme [N], appelante, communiquées et déposées le 1er octobre 2021, tendant à voir le jugement infirmé, tendant à voir la SAS Barilla France condamnée à lui verser : 6 400,49€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire, 2 538,59€ de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à ses obligations en matière de prévention, 10 000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 30 643,10€ de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, 1 501,85€ au titre de l’indemnité spéciale de rupture, 8 377,34€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 4 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de la SAS Barilla France, intimée, communiquées et déposées le 22 décembre 2021, tendant à voir le jugement confirmé sauf en ce qui concerne l’indemnité allouée à Mme [N] en application de l’article 700 du code de procédure civile, tendant à voir le jugement réformé sur ce point et à voir Mme [N] condamnée à lui verser 3 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 14 septembre 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l’exécution du contrat de travail

1-1) Sur le rappel de salaire

Mme [N] fait valoir que son salaire fixe a constamment été inférieur au minimum conventionnel, ce que conteste la SAS Barilla France.

L’article 6.1.1 de la convention collective nationale des 5 branches alimentaires diverses inclut, dans la ressource brute conventionnelle annuelle à laquelle Mme [N] compare son salaire fixe, : ‘le salaire de base et toutes les primes et gratifications existant dans l’entreprise, à l’exception de la prime d’ancienneté (…) et des sommes constituant un remboursement de frais ou versées en contrepartie directe des conditions particulières de travail en raison desquelles une prime spéciale a été prévue par la présente convention collective’. Cet article prévoit que ce minimum est garanti au personnel ayant au moins un an d’ancienneté.

La SAS Barilla France fait à juste titre valoir que Mme [N] ne saurait bénéficier de ce minimum garanti pour 2014 puisqu’embauchée en juin 2014, elle n’avait pas alors l’ancienneté nécessaire requise. La société ne formulant aucune observation à ce titre pour l’année 2015, il s’en déduit qu’elle ne conteste pas le droit de Mme [N] à bénéficier de cette garantie pour toute l’année 2015.

Elle souligne également qu’en 2015 et 2016, Mme [N] a bénéficié d’un ‘avantage comité d’entreprise’ de 60€ en mai et indique que cette somme doit s’ajouter au salaire fixe à comparer avec le minimum garanti. En l’absence de toute observation de Mme [N] à ce titre, cette somme sera donc intégrée au salaire annuel de comparaison.

La SAS Barilla France indique enfin que ‘l’avantage en nature véhicule’ doit être inclus dans le salaire annuel de comparaison.

L’article précité détaille ce qui doit y être inclus (salaire de base, primes, gratifications) sans viser les avantages en nature.

De surcroît, seules les sommes perçues en contrepartie du travail effectif peuvent être prises en compte. En l’espèce, le contrat de travail prévoit la mise à disposition d’un véhicule de service dont la salariée pourra se servir à titre personnel. Toutefois, si ce véhicule cesse d’être nécessaire pour la mission qui lui est confiée, ce véhicule lui sera retiré, précise le contrat. En conséquence, l’avantage constitué par la possibilité d’utiliser le véhicule de service à des fins personnelles n’est pas lié à son travail effectif qui, par hypothèse, demeurerait identique si sa mission évoluait, mais au type de missions confiées.

En conséquence, pour ces deux raisons, la somme figurant chaque mois sur le bulletins de paie au titre de l’avantage en nature véhicule ne doit pas être inclus sans le salaire annuel de comparaison.

Compte tenu de ces différents éléments :

‘ Mme [N] sera déboutée de sa demande pour 2014.

‘ Les deux parties conviennent que le minimum conventionnel s’établissait en 2015 à 30 161,48€. Mme [N] retient un salaire de comparaison de 29 376,74€. Comme analysé ci-dessus, il y a lieu d’y ajouter 60€ au titre de l’avantage comité d’entreprise mais pas, comme le réclame la SAS Barilla France, la somme figurant sur les bulletins de paie au titre de l’avantage véhicule. En conséquence, un rappel de salaire est dû à hauteur de :

30 161,48€- (29 376,74+60€)=724,74€

‘ Les deux parties conviennent que le minimum conventionnel s’établissait en 2016 à 30 463,10€. La SAS Barilla France indique toutefois, sans être contredite, que Mme [N] a été absente 102 jour pour maladie dont 45 jours pendant lesquels le salaire a été maintenu à 100% et 57 jours pendant lesquels le salaire a été maintenu à 75%. Il convient donc de retenir, pendant cette période de 57 jours, soit un mois et 26 jours un minimum conventionnel inférieur de 25%.

Ainsi ce minimum conventionnel mensuel s’établit pour cette période à : (30 463,10€:12 mois)x0,75= 1 903,94€. Pour la période d’un mois et 26 jours le minimum conventionnel est de : 1 903,94€+ (1 903,94€x26/30 jours)=3 554,02€.

Le salaire conventionnel pour les 4 jours à 100% complétant les 26 jours précédemment pris en compte s’établit à : (30 463,10€:12 mois)x4/30 jours=338,48€.

Enfin, pour les 10 autres mois le salaire minimum est de : 30 463,10€x10/12mois=25 385,92€

Au total, le salaire minimum conventionnel applicable pour l’année 2016 s’établit à : 3 554,02€+338,48€+25 385,92€=29 278,42€.

Mme [N] a perçu 27 579,42€. Il convient d’y jouter 60€ au titre de l’avantage comité d’entreprise. Au total, le salaire de comparaison s’établit à 27 639,42€.

Le rappel dû est donc de 29 278,42€-27 639,42€= 1 639€

‘ Pour 2017, le salaire minimum conventionnel est de 30 463,10€. Pour la période du 1er janvier au 14 avril (date retenue par la SAS Barilla France comme date de fin du contrat) ce salaire s’établit à :

Du 1er janvier au 31 mars : 30 463,10€x3/12 mois= 7 615,77€

Du 1er au 14 avril : 10 jours travaillés sur 19 jours ouvrés soit : (30 463,10€:12 mois) x10/19 jours=1 336€

soit au total un salaire minimum conventionnel de 8 951,87€ pour la période du 1er janvier au 14 avril.

Mme [N] a perçu 7 471,08€. Le rappel s’élève à 1 480,79€ (8 951,87€-7 471,08€) qui sera ramené au montant de la demande (1 413,21€).

Au total, le rappel de salaire dû est de 3 776,95€ (outre les congés payés afférents).

1-2) Sur le harcèlement moral

Mme [N] se plaint d’une critique systématique de son travail et d’injonctions paradoxales, d’affirmations mensongères et de consignes infaisables, de fautes reprochées inexistantes et d’une absence de réponse dans les délais habituels, d’une attitude méprisante et incohérente à son égard, d’une pression subie sur le rythme de travail, d’un contrôle terrain effectué ‘sans retour’ et d’une lettre de recadrage injustifiée, faits ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé.

Il appartient à Mme [N] d’établir la matérialité d’éléments laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral. En même temps que les éléments apportés, à ce titre, par Mme [N], seront examinés ceux, contraires, apportés par la SAS Barilla France quant à la matérialité de ces faits. Si la matérialité de faits précis et concordants est établie et que ces faits laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral, il appartiendra à la SAS Barilla France de démontrer que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [N] produit à l’appui de ses griefs divers courriels et pièces qui seront analysés. Les griefs évoqués mais non étayés par des pièces ne seront pas évoqués. Ainsi, en est-il, par exemple de l’existence de rapports hiérarchiques agressifs à son encontre avant septembre 2015, (date d’arrivée de Mme [E] au poste de N+1) et décembre 2015, (arrivée de Mme [I] au poste de N+2) puisqu’elle n’apporte aucun élément à l’appui de ce grief.

‘ Mail du 2 février 2016

Mme [I] indique que 15 jours auparavant Mme [E] avait demandé un retour sur différents éléments avant le 1er février et reproche à Mme [N] de ne pas l’avoir fait ce qui ‘pénalise la préparation du rendez-vous’.

Mme [N] répond en expliquant les raisons de son retard (qu’elle ne conteste pas).

Ce mail ne caractérise pas l’existence d’un reproche injustifié. Toutefois, la dernière phrase fustige ce retard de manière excessive, au regard de son absence de conséquences avérées. ‘[D], au vu de ton expérience et au vu des conséquences évoquées ci-dessus, ce manque de rigueur et de ponctualité et l’absence de respect des engagements pris n’est pas acceptable’

‘ Evaluation du 25 février 2016

L’ensemble des évaluations qualitatives sont négatives, chaque amorce positive étant immédiatement tempérée par une remarque péjorative. Contrairement à ce qu’indique la SAS Barilla France, l’auto-évaluation faite par Mme [N], meilleure pour la quasi totalité des items, ne conforte pas celle établie par sa supérieure. La salariée a d’ailleurs refusé de signer cette évaluation.

L’objectivité de cette évaluation qualitative est sujette à caution puisque l’évaluation quantitative établit que la salariée a dépassé 8 des 9 objectifs qui lui avaient été fixés (le 9ième étant atteint à 96,41%) et que son bilan est meilleur que la moyenne de la zone pour 6 de ces objectifs. Néanmoins, Mme [N] ne produit aucun élément qui en établirait l’inexactitude.

‘ Mail du 10 mars 2016

Dans ce message, Mme [E] reproche à Mme [N] de ne pas l’avoir informée du fait que son véhicule de service était endommagé.

Il ressort toutefois du ‘mém’auto’ recensant les règles à suivre concernant le véhicule ‘de fonction’ qu’en cas d’incident et de dommages, l’information doit être donnée au gestionnaire de parc -ce que Mme [N] a fait-. Il n’est pas indiqué que le salarié devrait également en informer son supérieur. De surcroît, il est constant que ce dommage n’a pas affecté le travail de Mme [N].

Dès lors, Mme [E] a reproché de manière injustifiée à Mme [N] un manque d’information sur ce point.

‘ Retard de validation des notes de frais

Mme [N] a réclamé à sa supérieure la validation de notes de frais que celle-ci n’avait pas effectuée : le 23 novembre 2015 pour des notes de frais soumises les 30 octobre, 13 et 19 novembre, les 15 et 24 avril 2016 pour des notes soumises le 1er avril 2016. Elle indique sans être contestée que ce délai était supérieur à la normale.

‘ Mail du 3 mai 2016

Le 3 mai à 8H27, Mme [E] réclame à deux salariées leurs ‘réalisations sur les pasta parties’ en signalant que Mme [N] n’en a envoyé qu’une sur trois. A 9H43, Mme [N] envoie l’une des réalisations et ajoute ‘j’essaie d’aller à [Localité 5] en fin de journée pour la photo’. A 10H26, Mme [E] (avec copie à la N+2) écrit : ‘…peux-tu m’indiquer quelle sera ta plus-value d’aller au CRF (Carrefour) de [Localité 5] en fin de journée uniquement ‘pour la photo” Qu’attendons-nous d’un CS (chef de secteur) Barilla”.

Si la réaction de Mme [E] se justifie -ce que Mme [N] admet dans sa réponse à ce dernier courriel- le ton employé et le choix d’en adresser copie au N+2 traduit un manque de bienveillance.

‘ Mail du 25 mai 2016

A réception du planning envoyé par Mme [N] pour validation, Mme [E] a indiqué que cette planification était ‘en phase’ sur certains magasins mais lui a reproché des erreurs sur d’autres (notamment planification de visites dans 6 magasins alors que les échantillons ne seront pas encore arrivés, deux visites prévues pour un même magasin) et une mauvaise optimisation des tournées et conclut son mail ainsi : ‘au vu de ton expérience je ne peux accepter un tel manque de rigueur sur la planification et la gestion des priorités. J’attends donc de toi : la prise en compte de ces remarques pour la MAJ (‘) de ton planning en fonction des priorités et des logiques secteurs et ce pour demain soir avec copie d’écran’.

Mme [N] a répondu en expliquant qu’effectuer une tournée en optimisant le temps de route était difficile et que devant rencontrer deux interlocuteurs différents dans les magasins elle devait parfois faire deux visites car leurs jours de repos n’étaient pas les mêmes.

Il s’en déduit que les remarques formulées étaient justifiées (quoique peut-être parfois difficile à mettre en oeuvre). Le ton employé est sévère mais n’est néanmoins pas agressif.

‘ Mail du 6 juin 2016

Mme [E] reproche à Mme [N] :

– de ne pas connaître par coeur les PMR ( prix moyens recommandés)

– un prix supérieur au PMR dans un magasin

– d’avoir appris, par un chef de rayon du Leclerc [Localité 4], croisé dans un autre magasin que tous les produits Barilla avaient été mis ‘sur un 1F’, de ne pas l’en avoir prévenue et de ne pas s’en être aperçue

– d’avoir perdu des parts de linéaires dans ce magasin

– de ne pas l’avoir prévenue de l’ouverture d’un magasin.

Contrairement à ce qu’indique Mme [N], la connaissance ‘par coeur’ des PMR est bien demandée aux chefs de secteur puisque cela est évalué dans la notation. En revanche, Mme [N] souligne à juste titre que les magasins sont libres de suivre ou de ne pas suivre ce PMR. Il ne saurait donc valablement lui être reproché le fait qu’un magasin ait choisi de dépasser le PMR.

Mme [N] a adressé, le 16 juin, à sa supérieure une photo du rayon incriminé dans le magasin Leclerc de [Localité 4] démontrant que les produits Barilla ne sont pas disposés, comme prétendu, sur une seule étagère et lui a indiqué qu’elle lui avait déjà expliqué, le 19 mai précédent, que la perte de part de linéaire était due au choix du chef de rayon de ne plus ‘travailler Academia Barilla pour cause de rotations faibles’ et qu’elle peinait à lui faire réintégrer cette gamme.

Il ressort de ces explications, non contestées par la SAS Barilla France, que, bien qu’alertée avant même l’envoi du mail par sa salariée sur le manque de fiabilité de ce chef de rayon ‘au ton provocateur’, Mme [E] a choisi, d’une part de réprimander sa salariée sur la seule foi d’informations non vérifiées, d’autre part de lui demander des explications sur une perte de parts de linéaires dont elle connaissait déjà la raison.

Dans son courriel en réponse, Mme [N] a indiqué se sentir ‘dévalorisée par ce manque de confiance en moi’.

‘ Lettre de sanction du 25 juillet 2016

Mme [N] a été sanctionnée par Mme [E] parce que, suite à un contrôle sur le terrain réalisé le 15 juin, des écarts de relevés, importants selon la lettre, ont été constatés dans cinq magasins, parce que les heures, durées de visites et relevés ne correspondaient pas à la réalité, que le planning avait été modifié sans que cela soit signalé, ce qui traduit, indique la lettre, un manque de fiabilité et de respect des consignes de travail. Le caractère disciplinaire de la lettre s’induit de ses termes mais la nature de la sanction n’est pas précisée.

Mme [N] fait valoir que préalablement au contrôle, Mme [E] l’a accompagnée en tournée le 14 juin et ne lui a pas remis de compte-rendu de cet accompagnement, que le contrôle sur le terrain du 15 juin s’est déroulé plus de 5H après son propre passage dans les magasins ce qui en fausse, selon elle, la fiabilité, que le taux d’anomalie n’est pas de 6,39% mais entre 1,44 et 4,14%.

Mme [N] n’explique pas en quoi le défaut de remise, le 14 juin, d’un rapport d’accompagnement pourrait avoir des conséquence sur le contrôle terrain du lendemain. Mme [N] n’établit pas que le contrôle effectué s’est déroulé 5H après sa visite des magasins, ni que, pour être probant, un contrôle devrait se dérouler dans un laps de temps plus court (même s’il peut s’envisager que la situation d’un rayon puisse se modifier à la marge durant ce laps de temps).

En ce qui concerne le pourcentage d’erreurs retenu (6,39%) il constitue la moyenne entre les erreurs sur le référencement (3,7%), le facing (4,77%), le PVC (‘) (14,35%) et les ruptures (2,61%) tels que résumés dans la fiche des relevés en magasins. Hormis une erreur de calcul de 0,3% en défaveur de Mme [N], le taux d’erreur relevé est donc exact.

Au vu des éléments recueillis, cette sanction, dont Mme [N] ne demande d’ailleurs pas l’annulation, est fondée sur des erreurs avérées.

‘ Mail du 11 juillet 2016

Dans ce message, Mme [E] reproche à la salariée d’avoir omis de renseigner le fichier de suivi des implantations de magasin. Il ressort des courriels précédents que les chefs de secteur avaient été informés le 9 mai de la mise en place de ce fichier et de la manière de le renseigner, que le 6 juin, il leur avait été demandé de le mettre à jour chaque semaine. Mme [E] conclut son reproche ainsi : ‘…à la vue de ce fichier nous sommes en droit de nous interroger sur ton activité merchandising’ et indique qu’il n’est pas normal, compte tenu de son expérience et de son ancienneté, que Mme [N] se retrouve dans cette situation.

Dans le courriel en réponse, Mme [N] explique les raisons de son retard et indique qu’elle envoie à chaque implantation des photos de ces implantations et des renseignements sur les nouvelles parts de linéaires.

Mme [E] répond en indiquant connaître les implantations réalisées par Mme [N] mais souligne que ce fichier est aussi consulté par d’autres qui ne connaissent pas son activité quotidienne.

Il en ressort que le mail de reproche était justifié puisque Mme [N] était effectivement en retard pour renseigner ce fichier mais que Mme [E] a émis, de mauvaise foi, un doute sur son activité merchandising puisqu’elle en connaissait la réalité.

L’ensemble des faits matériellement établis dénote une promptitude de la supérieure de Mme [N] à relever des manquements sans même, parfois, vérifier son information (Leclerc de [Localité 4]). Deux de ces manquements se sont d’ailleurs avérés inexistants (non information sur le dommage subi par le véhicule de Mme [N], non information sur l’état du magasin Leclerc de [Localité 4]). Le ton employé est sévère, parfois désagréable, l’évaluation faite en 2015 est exagérément négative, en outre, cette supérieure a, à plusieurs reprises, tardé à valider les notes de frais de Mme [N]. Néanmoins, si ces éléments traduisent une certaine acrimonie à l’égard de Mme [N] ils ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral, même s’il ressort des éléments médicaux produits que Mme [N] a souffert de cette situation. En conséquence, Mme [N] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

1-3) Sur la prévention du harcèlement moral

Mme [N] justifie avoir informé M. [U], membre du CHSCT, de ses conditions de travail qu’elle estimait difficiles mais pas ses supérieurs hiérarchiques et ne leur a pas non plus indiqué les réelles raison de son premier arrêt de travail motivé, au vu des éléments médicaux produits, par un syndrome dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles.

Dès lors, à supposer, comme l’indique Mme [N], que les mesures de prévention du harcèlement moral soient insuffisantes dans l’entreprise, elle n’établit pas en quoi cette situation lui a causé un préjudice, puisque, d’une part, il n’est pas établi qu’elle ait été victime d’un harcèlement moral et que, d’autre part, elle n’a jamais fait part à sa hiérarchie de ses difficultés. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

2) Sur le licenciement

Mme [N] demande que son licenciement soit dit nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et sollicite le paiement des indemnités spéciales de licenciement à raison du caractère professionnel de son inaptitude.

2-1) Sur la nullité et le bien-fondé du licenciement

‘ Mme [N] sera déboutée de sa demande tendant à voir dire son licenciement nul puisque le harcèlement moral fondant cette réclamation n’est pas établi.

‘ Elle demande subsidiairement que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse car les délégués du personnel n’ont pas été consultés sur la seconde proposition de reclassement émise, ni informés correctement, n’ayant pas su qu’elle se plaignait d’un harcèlement moral ni eu connaissance de toutes les réserves émises par le médecin du travail.

Si l’employeur est tenu de consulter les délégués du personnel avant de proposer un poste de reclassement au salarié, il n’est pas tenu, quand le salarié a refusé une première proposition de les consulter à nouveau avant de proposer un autre poste au salarié. Dès lors, ayant consulté les délégués du personnel le 26 janvier 2017 avant de proposer un premier reclassement à Mme [N] le 31 janvier 2017, la SAS Barilla France n’était pas tenue de les consulter à nouveau avant de proposer un autre reclassement à la salariée le 28 février 2017.

Avant de consulter les délégués du personnel, la SAS Barilla France leur a fait part de l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail. Le procès-verbal de la réunion du 26 janvier 2017 mentionne les interrogations des élus sur l’inaptitude ‘déclarée sur une région’ et ont demandé ‘si un problème hiérarchique ou relationnel peut être sous-entendu’. La SAS Barilla France a répondu que le médecin du travail n’avait pas apporté d’autres détails. Cette réponse est exacte puisque, interrogé par l’entreprise, le médecin du travail a indiqué qu’il lui était difficile d’apprécier les conditions de travail de Mme [N] dans leur globalité et s’est contenté de conseiller à l’employeur d’analyser tous les risques (notamment psycho-sociaux) auxquels étaient exposés ses salariés. L’étude de poste pratiquée n’a pas non plus apporté d’éléments utiles sur la situation.

En revanche, au moment où la SAS Barilla France a apporté cette réponse elle était au courant, depuis le 6 janvier 2017, de la déclaration de maladie professionnelle faite par Mme [N] et savait que cette déclaration avait été faite pour un syndrome dépressif réactionnel à un harcèlement moral, ce dont elle n’a pas fait part aux délégués du personnel.

Toutefois, savoir que l’inaptitude de la salariée découlait d’un syndrome dépressif réactionnel qu’elle attribuait à un harcèlement moral et pour lequel elle avait effectué une déclaration de maladie professionnelle constituait certes une information complémentaire sur la salariée mais n’était pas, pour autant, nécessaire pour permettre aux délégués du personnel de donner un avis en toute connaissance de cause sur son reclassement.

En conséquence, la consultation des délégués du personnel ayant été valablement effectuée, le licenciement ne saurait pas non plus être dit sans cause réelle et sérieuse sur ce fondement. Mme [N] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

2-2) Sur les indemnités spéciales

La SAS Barilla France fait valoir qu’ayant refusé abusivement les postes de reclassement offerts, Mme [N] ne saurait prétendre bénéficier de ces indemnités.

La SAS Barilla France lui a proposé le 31 janvier 2017 deux postes de chef de secteur en région [Localité 7] Ouest ou région Sud-Est et le 28 février trois postes de chef de secteur en région Bretagne, Sud-Ouest ou Normandie ([Localité 9]). Il est constant que ces postes étaient identiques au sien et comportaient la même rémunération.

Mme [N] fait à juste titre valoir que le poste de [Localité 9] étant situé dans le même secteur géographique ne correspondait pas aux préconisations du médecin. En revanche, les autres postes étaient conformes à ces préconisations.

Si les autres postes proposés nécessitaient une mutation, cette mutation ne saurait être considérée comme une modification du contrat de travail puisque ce contrat prévoit expressément une clause de mobilité sur l’ensemble du territoire national.

Mme [N] fait néanmoins valoir dans ses conclusions qu’elle ne pouvait accepter de mutation sans avoir obtenu, au préalable, l’assurance de ne plus être en contact, à l’avenir, avec Mme [E]. Elle fait valoir, à cet égard, qu’avant de travailler en Normandie, celle-ci exerçait sur le secteur de [Localité 8] et pouvait donc, à la faveur d’une nouvelle mutation, se retrouver dans la même région qu’elle.

Souffrant d’une dépression qu’elle estime due à un harcèlement moral de la part de Mme [E], Mme [N] a pu, sans abus, refuser les postes de reclassement proposés par crainte d’être à nouveau sous le pouvoir hiérarchique de celle-ci. Son refus n’étant pas abusif, elle est fondée à obtenir le doublement de l’indemnité de licenciement et donc un complément à ce titre ainsi qu’une indemnité égale à l’indemnité compensatrice de préavis.

Les sommes réclamées à ce deux titres par Mme [N] n’étant pas contestées par la SAS Barilla France, ne serait-ce qu’à titre subsidiaire, seront retenues.

3) Sur les points annexes

Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2018, date de réception par la SAS Barilla France de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [N] ses frais irrépétibles. De ce chef, la SAS Barilla France sera condamnée à lui verser 3 000€.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

– Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, pour manquement à l’obligation de prévention, pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse

– Réforme le jugement pour le surplus

– Condamne la SAS Barilla France à verser à Mme [N] :

– 3 776,95€ de rappel de salaire outre 377,69€ au titre des congés payés afférents

– 1 501,85€ au titre de l’indemnité spéciale de licenciement

– 8 377,34€ au titre de l’indemnité compensatrice égale à l’indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2018

– Condamne la SAS Barilla France à verser à Mme [N] 3 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamne la SAS Barilla France aux entiers dépens de première instance et d’appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE

 


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