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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 08 SEPTEMBRE 2023
N° 2023/244
Rôle N° RG 19/14093 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE24F
[M] [W]
C/
S.A.S. SCOREV NOUVELLE
Copie exécutoire délivrée
le : 08 septembre 2023
à :
Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 356)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 08 Août 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00417.
APPELANT
Monsieur [M] [W], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. SCOREV NOUVELLE Société par actions simplifiée, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me François-Marie IORIO, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [M] [W] a été embauché par la société SCOREV suivant contrat nouvelle embauche à durée indéterminée à compter du 9 mars 2007 en qualité d’ouvrier, niveau 1, échelon 4, coefficient 150 de la convention collective du négoce des matériaux de construction.
Le 19 février 2014, son contrat de travail a été transféré à la société SCOREV NOUVELLE.
Un avenant au contrat de travail était régularisé entre les parties le 5 janvier 2015 prenant effet le 1er janvier 2015 par lequel le salarié accédait au statut d’agent de maîtrise, niveau V, échelon B, coefficient 330 et devenait chef d’atelier chargé de la planification, de l’administration de la production et du respect des délais de production, moyennant un salaire brut mensuel de 2 660,00 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2017, Monsieur [W] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement économique prévu le 30 novembre 2017.
Par courrier également du 22 novembre 2017, la société SCOREV NOUVELLE a proposé des postes de reclassement à Monsieur [W].
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 novembre 2017, l’entretien préalable a été reporté par l’employeur au 8 décembre 2017.
Par lettre simple et recommandée datée du 30 novembre 2017, l’employeur a informé le salarié des motifs le conduisant à envisager son licenciement pour motif économique et lui a proposé le bénéfice d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 décembre 2017, la société SCOREV NOUVELLE a notifié à Monsieur [W] son licenciement pour motif économique sous réserve de l’acceptation du CSP.
Le 20 décembre 2017, le salarié a adhéré au CSP et son contrat a été rompu pour motif économique le 26 décembre 2017.
Monsieur [W] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 30 juillet 2018, le conseil de prud’hommes de Martigues pour contester la rupture de son contrat de travail et demander une indemnisation à ce titre.
Par jugement du 8 août 2019 notifié le 28 août 2019, le conseil de prud’hommes de Martigues, section industrie, a rejeté l’ensemble des demandes de Monsieur [W], dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux dépens.
Par deux déclarations du 4 septembre 2019 notifiées par voie électronique, Monsieur [W] a interjeté appel du jugement en renvoyant pour les chefs de jugement critiqués à une annexe jointe à cette déclaration, laquelle précise que l’appel porte sur l’ensemble des demandes qui ont été rejetées par le conseil de prud’hommes.
Par ordonnance du 4 septembre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction des instances 19/14093 et 19/14094.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 14 avril 2023, Monsieur [M] [W], appelant, demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
ce faisant, statuant à nouveau,
à titre principal,
– dire que le licenciement repose sur une cause qui n’est ni réelle ni sérieuse,
– dire inconventionnelles les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail,
– condamner la société SCOREV à lui verser la somme de 85 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
à titre subsidiaire,
– dire que l’employeur n’a pas respecté ses obligations en matière de critère d’ordre des
licenciements,
– condamner la SAS SCOREV à lui verser la somme de 85 000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu’il a subi,
en toute hypothèse,
– ordonner en application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail le remboursement à POLE EMPLOI des allocations servies au salarié dans la limite de 6 mois,
– condamner la société à lui verser à la somme de 1 600,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ou sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dont distraction au profit de Maître BRUCHE, avocat aux offres de droit,
– la condamner aux entiers dépens de l’instance.
L’appelant soutient que :
– l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement ;
– la société SCOREV NOUVELLE appartient à un groupe constitué des sociétés PROMETAL, ATIMMM PRODUCTION, PCI, MCMI NVL, VALMONDOISE, SCOREV NOUVELLE qui sont situées sur le territoire national et dont l’organisation est susceptible de permettre la permutabilité du personnel ;
– le motif économique devait être apprécié au niveau du secteur d’activité et non uniquement au niveau de l’entreprise SCOREV NOUVELLE ;
– le plafond d’indemnisation prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail, qui est inconventionnel, doit être écarté ;
– la société n’a pas respecté les critères d’ordre de licenciement.
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 22 mai 2023, la société SCOREV NOUVELLE demande à la cour de :
à titre principal,
sur le fondement des dispositions des articles L 1233-3 et L 1233-4 du code du travail,
– débouter Monsieur [W] de ses demandes, son licenciement pour motif économique étant malheureusement parfaitement fondé tant à cause des graves difficultés économiques de la société que de l’impérieuse nécessité de la réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité,
sur le fondement des dispositions de l’article L 1233-5 et L 1233-7 du code du travail,
– débouter Monsieur [W] de sa demande concernant le non-respect des critères d’ordre des licenciements,
sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,
– débouter Monsieur [W] de sa demande, son licenciement étant malheureusement parfaitement fondé,
– dire et juger en conséquence qu’il échet de confirmer le jugement entrepris,
à titre très subsidiaire,
sur le fondement des dispositions du décret du 22 septembre 2017 et de l’article L 1235-3 du code du travail,
– dire et juger qu’en tout état de cause, le montant de l’indemnité que Monsieur [W] serait en droit de réclamer ne saurait excéder l’équivalent de 10,5 mois de la moyenne de ses derniers salaires bruts,
à titre infiniment subsidiaire,
– dire et juger que le remboursement ne saurait excéder l’équivalent de 6 mois d’indemnité,
– dire et juger qu’il échet de débouter Monsieur [W] du reste de ses demandes,
– condamner reconventionnellement Monsieur [W] au versement d’une somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société intimée réplique que :
– elle a respecté son obligation de recherche de reclassement ;
– il n’y avait pas de notion de groupe au sens de l’article L 233-3 du code de commerce en l’absence de groupe capitalistique contrôlé par une société holding ;
– il n’y avait pas non plus de possibilités de permutation entre les différentes sociétés, celles-ci n’ayant pas la même activité, les mêmes méthodes de fabrication et compétences et ne dépendant pas de la même convention collective ;
– tous les postes disponibles dans les sociétés dirigées par Monsieur [J] correspondant aux aptitudes professionnelles du salarié ont été proposés et celui-ci les a refusés ;
– la situation économique devait être appréciée au niveau de la seule société SCOREV NOUVELLE, celle-ci n’appartenant pas au même secteur d’activité que les autres sociétés ;
– outre le fait que les barèmes de l’article L.1235-3 du code du travail ont vocation à s’appliquer, Monsieur [W] ne justifie pas de sa situation postérieurement à son licenciement ;
– les critères d’ordre des licenciements étaient cohérents et ont été respectés.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 24 avril 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 24 mai suivant.
Par ordonnance du 24 mai 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 24 avril 2023 et déclaré l’instruction close.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
En vertu de l’article L1233-4 du code du travail, dans sa version en vigueur du 24 septembre 2017 au 22 décembre 2017, ‘le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises’.
L’employeur est tenu avant tout licenciement économique, d’une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d’autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie, ou à défaut d’une catégorie inférieure.
C’est à la date du licenciement qu’il faut se placer pour apprécier la configuration du groupe.
Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement préalable au licenciement économique incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.
Sur l’existence ou non d’un groupe :
Dans le cas d’espèce, le licenciement est intervenu dans une période postérieure à la réforme mise en oeuvre par l’ordonnance du 22 septembre 2017 qui définit la notion de groupe (limité au niveau national) par référence au code du commerce et donc au critère du contrôle par une entreprise dominante, le I de l’article L. 2331-1 du code du travail, stipulant : ‘le comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise dominante dont le siège social est sur le territoire français et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies aux articles L. 233-1, L. 233-3 (I et II) et L. 233-16 du code de commerce’.
L’article L.233-3 du code du commerce, dans sa version en vigueur depuis le 5 décembre 2015, dispose que :
‘I.- Toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l’application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre :
1° Lorsqu’elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;
2° Lorsqu’elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires et qui n’est pas contraire à l’intérêt de la société ;
3° Lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;
4° Lorsqu’elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société.
II.-Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu’elle dispose directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.
III.-Pour l’application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu’elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.’
En l’espèce, il ne fait pas débat que Monsieur [J] dirigeait et contrôlait, outre la société SCOREV NOUVELLE, la société PROMETAL, la société ATIMM PRODUCTION, la société PCI, la société MCMI NVL, la société BATI FORMES et la société VALMONDOISE (page 12 des écritures de la société intimée ; statuts des sociétés PROMETAL, ATIMM, PLIAGE CONCEPT INDUSTRIE (PCI), MCMI Nvl, BATIFORMES, VALMONDOISE).
La société SCOREV NOUVELLE appartenait donc à un groupe de sociétés au sens capitalistique, toutes situées sur le territoire français.
La société intimée soutient que l’activité de ces sociétés était différente et ne permettait pas la permutation de tout ou partie du personnel, ce qui est contesté par Monsieur [W].
La permutabilité du personnel peut être caractérisée soit par la constatation que des salariés ont été permutés entre différentes entreprises soit par la constatation qu’il existe, entre les différentes entités d’un groupe, des liens qui, au regard de leurs activités, de leur organisation ou de leur lieu d’exploitation, leur permettent d’effectuer la permutation de leur personnel.
Il résulte des documents versés aux débats que :
– la société SCOREV NOUVELLE, située à [Localité 9], a pour activité la transformation, la découpe, l’assemblage et la mise en forme de produits organiques minéraux, composites et métaux (Extrait K-bis)
– la société PROMETAL, située à [Adresse 3], a pour activité la fabrication, la manufacture et la commercialisation de produits métalliques en PVC et en bois (Statuts de la société et extrait K-bis) ;
– la société ATIMM, située à [Localité 7], a pour activité la fabrication, la commercialisation de tous matériaux de construction tant en France qu’à l’étranger (Statuts de la société et extrait K-bis) ;
– la société PCI, située à [Localité 5], a notamment pour objet des études et la réalisation de travaux de second oeuvre, la transformation de métaux en feuille et le négoce de produits liés à la réalisation de travaux de second oeuvre (Statuts de la société et extrait K-bis) ;
– la société MCMI NVL, située à [Localité 8], a pour objet la transformation, la découpe, l’assemblage et la mise en forme de produits organiques, minéraux, composites et métaux (Statuts de la société et extrait K-bis) ;
– la société BATI FORMES, située à [Adresse 3], a pour objet la commercialisation, la fabrication et la transformation de construction et de profilés (Statuts de la société) ;
– la société VALMONDOISE a pour objet la location immobilière, l’achat, la vente de biens immobiliers, l’activité de marchand de biens, de conseil, de représentation, d’organisation de services administratifs (Statuts de la société).
Selon une brochure de 2015 (soit deux ans avant le licenciement) produite par la société intimée, la société BATI FORMES, spécialisée dans le pliage métallique aluminium et acier, a développé une compétence dans la conception et la réalisation des éléments d’habillage des façades et des points singuliers et dispose de quatre unités de production situées à [Localité 4], à [Localité 7], à [Localité 8] et à [Localité 6]. La société intimée précise dans ses écritures que la société BATI FORMES assure la commercialisation des produits des différentes sociétés (hormis la société VALMONDOISE).
Il résulte de ce qui précède que le périmètre du groupe à retenir s’agissant de l’obligation de reclassement était donc constitué outre la société SCOREV NOUVELLE, des sociétés PROMETAL, ATIMMM PRODUCTION, PCI et MCMI NVL et BATI FORMES, toutes spécialisées dans la fabrication et/ou commercialisation d’éléments d’habillage de façades et de points singuliers.
La société SCOREV NOUVELLE précise avoir en tout état de cause proposé, outre les deux postes rattachés à son établissement de [Localité 9] (un poste d’assistant commercial sédentaire et un poste de technico-commercial itinérant), des postes disponibles au sein des autres sociétés dirigées par Monsieur [J] (les sociétés PROMETAL, ATIMMM PRODUCTION, PCI et MCMI NVL et BATI FORMES, soit les sociétés faisant partie du groupe de reclassement retenu).
Elle précise avoir ainsi proposé en fonction des postes disponibles :
– un poste de technico-commercial au sein de la société BATI FORMES à temps plein dans l’établissement de [Localité 4], moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 500,00 euros ;
– un poste de technicien-méthode au sein de la société PROMETAL à temps plein dans l’établissement de [Localité 4], moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 100,00 euros ;
– un poste de technicien-méthode au sein de la société ATIMM PRODUCTION à temps plein dans l’établissement de [Localité 7], moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 800,00 euros.
L’employeur précise avoir en outre interrogé 26 entreprises de la région par courriel du 30 novembre 2017 susceptibles de rechercher un ‘chef d’équipe, catégorie agent de maîtrise’.
Le salarié rétorque que la société SCOREV NOUVELLE ne justifie pas de l’ensemble des postes disponibles au sein des différentes sociétés.
Tout en relevant des incohérences dans les registres du personnel des entreprises produits, Monsieur [W] pointe que :
– la société PROMETAL a procédé à 11 embauches entre 2017 et 2018 sur des postes de contrôleur qualité, assistante de planification, technicien d’atelier, ouvrier polyvalent, technicien méthode, responsable qualité, assistant au poste de responsable de site ;
– la société ATIMM a quant à elle procédé à 7 embauches entre 2017 et 2018 aux postes de techniciens commerciaux, technicien polyvalent, technicien méthode, ouvrier polyvalent, technicien commercial, assistante administrative ;
– la société PCI a procédé à 6 embauches sur la période sur des postes d’opérateur machines, ouvrier polyvalent, technicien méthodes et plieur ;
– la société MCMI NOUVELLE a enfin procédé à 4 embauches sur des postes d’opérateur machines et technicien méthode.
Il précise que l’ensemble de ces postes auraient dû lui être proposés. Il ajoute que la société SCOREV NOUVELLE a par ailleurs concomitamment au licenciement fait appel à du personnel intérimaire pour des emplois relevant de l’activité permanente de l’entreprise et que son poste n’a pas été réellement supprimé et été remplacé par Monsieur [S] qui avait six mois d’ancienneté dans l’entreprise et un salaire inférieur .
Après vérifications, les différentes sociétés ont procédé à des recrutement dans la période concomitante au licenciement économique. Plusieurs recrutements ont été effectués le mois précédent l’engagement de la procédure de licenciement économique en octobre 2017 et d’autres en novembre, décembre 2017 et janvier 2018 qui n’ont pas tous été proposés au salarié :
– un poste d’assistant commercial et un poste assistant administratif le 2 octobre 2017 (CDI) au sein de la société SCOREV NOUVELLE ;
– un poste P3 ouvrier polyvalent le 2 octobre 2017 (CDI) au sein de la société ATIMM ;
– un poste de technicien méthode le 8 novembre 2011 (CDI) et un poste de P1 opérateur de machine le 4 décembre 2017 (CDD jusqu’au 19 janvier 2018) au sein de la société MCMI NOUVELLE ;
– deux postes de P1 opérateur de machine C.N. le 4 décembre 2017 et le 2 janvier 2018 dans la société PCI ;
– un poste TA1 technicien atelier le 2 octobre 2017 et 3 postes le 2 janvier 2018 (2 postes de P2 ouvrier polyvalent et 1 poste de technicien de méthode) au sein de la société PROMETAL ;
– un assistant commercial le 2 octobre 2017, un responsable des ventes en ligne le 24 octobre 2017, un technicien commercial itinérant le 18 décembre 2017 au sein de la société BATI FORMES.
Au regard de ces éléments, la société SCOREV NOUVELLE ne démontre pas avoir recherché toutes les possibilités de reclassement et donc satisfait à son obligation de reclassement. Elle avait en effet l’obligation de proposer à Monsieur [W] tous les postes disponibles et appropriés à ses capacités au sein de l’entreprise ou le groupe de reclassement. Or, certains postes ont été écartés (notamment plusieurs postes d’opérateur machine) sans justification et non proposés au salarié.
Le licenciement est par conséquent déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est donc infirmé en ce sens.
Sur les indemnités de rupture :
Le licenciement étant privé de cause réelle et sérieuse, le salarié est en droit de prétendre à une indemnisation au titre de cette rupture abusive.
Le salaire de référence est fixé à la somme de 3 525,94 euros brut.
L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par ordonnance nº2017-1387 du 22 septembre 2017 dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.
S’agissant du montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [W] demande à la cour d’écarter le barème d’indemnisation prévu à l’article L.1235-3 du code du travail en invoquant son inconventionnalité en ce qu’il prévoit un montant maximal d’indemnisation empêchant la réparation intégrale du préjudice.
Il se prévaut à cet effet de l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail ratifiée par la France le 16 mars 1989 (qui dispose que les juges devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée) et de l’article 24 de la charte sociale européenne qui consacre le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
Eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 ratifiée par la France le 7 mai 1999, les dispositions de son article 24 ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
En revanche, l’article 10 de la convention internationale du travail n°158 de l’Organisation Internationale du Travail est, quant à lui, d’application directe en droit interne.
Les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et de l’article L1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce réservent la possibilité d’une réintégration, prévoient la possibilité de fixer une indemnité comprise entre des montants minimaux et maximaux variables en fonction de l’ancienneté et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise, et écartent l’application du barème en cas de nullité du licenciement.
Dès lors, elles ne sont pas, en elles-mêmes, incompatibles avec les stipulations de cet article 10, une réparation “adéquate” ne signifiant pas une réparation intégrale.
Par ailleurs, un contrôle de conventionnalité in concreto porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, garanti à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.
La cour considère donc que le barème fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail permet de réparer le préjudice invoqué par Monsieur [W] par une indemnisation adaptée, adéquate et appropriée et qu’il convient de faire application de celui-ci.
Pour une ancienneté de 11 années (qui s’entendent en années complètes) et dans une entreprise de 11 salariés ou plus, l’article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre 3 mois de salaire et 10,5 mois de salaire.
Monsieur [W] réclame une somme de 85 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif. Agé de 30 ans au moment de la rupture du contrat de travail, il justifie d’un nouvel emploi avec la conclusion d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 2020 en qualité de conducteur de travaux.
La société intimée produit quant à elle un extrait de la page LinkedIn du salarié qui mentionne un poste de directeur d’exploitation opérationnel d’octobre 2018 à janvier 2020 et une période de formation à compter de septembre 2019.
Compte tenu notamment du montant de la rémunération versée, de l’âge du salarié, de son ancienneté, des circonstances de la rupture et des pièces produites, il convient de lui allouer la somme de 25 000,00 euros, sur la base d’une rémunération brute de référence de 3 525,94 euros, cette somme offrant une indemnisation adéquate du préjudice. Le jugement déféré est infirmé sur ce point.
Sur le remboursement indemnités à Pôle emploi :
Conformément aux dispositions de l’article L1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la société SCOREV NOUVELLE est tenue de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Monsieur [W] dans la limite de deux mois à compter de son licenciement.
Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société SCOREV NOUVELLE, succombante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Monsieur [W] la somme de 1 600,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour,
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DECLARE le licenciement dont Monsieur [M] [W] a fait l’objet de la part de la société SCOREV NOUVELLE dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société SCOREV NOUVELLE à payer à Monsieur [M] [W] la somme de
25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ORDONNE d’office le remboursement par la société SCOREV NOUVELLE, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de deux mois d’indemnités,
CONDAMNE la société SCOREV NOUVELLE aux dépens de première instance et d’appel,
CONDAMNE la société SCOREV NOUVELLE à payer à Monsieur [M] [W] la somme de
1 600,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président