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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 08 JUIN 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03548 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQNM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Février 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2015013207
APPELANT
Monsieur [W] [Z]
né le 30 Novembre 1971 à HAGUENEAU
132 RUE GUY MOQUET
59420 MOUVAUX
Représenté par Me Laurent BAYON de la SELEURL LBSB ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1720 substitué par Me SALESE Sarah de la SELEURL LBSB ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Société CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MED ITERRANEE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège.
30 rue Pierre Bretonneau
66000 PERPIGNAN
N° SIRET : 776 17 9 3 35
Représentée par Me Jean-françois JOSSERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : A0944
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
Mme Florence BUTIN, Conseillère
Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Florence BUTIN, Conseillère dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
Par acte authentique dressé par Maître [U] [D] en date du 18 juillet 2007, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE – ci-après désignée le CREDIT AGRICOLE – a consenti à la SA QUIETUDE PROMOTION devenue GROUPE QUIETUDE SA, immatriculée le 4 août 2008 et exerçant une activité de marchand de biens, un prêt in fine d’une durée de 24 mois et d’un montant de 1 400 000 euros, remboursable au taux initial de 5,897% l’an durant 24 mois puis variable indexé sur l’EURIBOR 3 mois, destiné à financer l’acquisition d’un ensemble immobilier situé sur la commune du PLA (09).
Le remboursement de ce prêt était garanti par une hypothèque sur l’ensemble immobilier acquis au moyen de ce financement et par le cautionnement solidaire souscrit selon acte séparé du même jour, chacun à concurrence de 35% de la dette soit 490 000 euros couvrant les sommes en principal, intérêts et pénalités de retard et pour une durée de 48 mois, des co-associés de la société débitrice à savoir [O] [X], [C] [K] et enfin [W] [Z].
Par jugement du tribunal de commerce de PARIS en date du 28 juillet 2009, la société QUIETUDE PROMOTION – devenue GROUPE QUIETUDE – a été placée en redressement judiciaire converti en liquidation le 15 juin 2010. La créance du CREDIT AGRICOLE au titre du crédit précité a été admise au passif par ordonnance du 8 février 2011 à hauteur de 1 300 218 euros.
Par lettre recommandée du 27 novembre 2012, [W] [Z] a été mis en demeure en sa qualité de caution d’avoir à régler la somme de 60 881,73 euros au titre des échéances impayées à la date du 27 novembre 2012 et a fait l’objet d’une mesure de saisie-attribution diligentée le 2 avril 2013, dont la nullité a été prononcée le 2 juillet suivant au motif que la banque ne justifiait pas de son titre exécutoire dont l’existence était contestée. Une hypothèque judiciaire provisoire a par ailleurs été inscrite sur des lots de copropriété lui appartenant situés à BAGNERES-DE-BIGORRE, dont la demande de mainlevée a été rejetée par décision du tribunal de grande instance de REIMS le 16 octobre 2015.
C’est dans ce contexte que par acte du 9 octobre 2013, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE a fait assigner [W] [Z] devant le tribunal de commerce de PARIS – dont la compétence contestée initialement par le défendeur a été confirmée sur contredit de la banque par arrêt du 24 février 2015 – pour obtenir, selon ses dernières écritures, sa condamnation au paiement de la somme de 472 136,91 avec intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance.
Par jugement avant-dire droit en date du 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de PARIS a désigné un expert ayant pour mission de se faire communiquer tous documents utiles afin d’émettre un avis sur l’attribution à [W] [Z] de la mention manuscrite et de la signature apposés sur l’acte de cautionnement établi le 18 juillet 2007. Le rapport d’expertise a été déposé le 10 avril 2017 et par jugement du 28 novembre 2018, relevant que l’expert concluait « que la dernière page de la caution produite n’était pas un original mais une copie » aux termes d’une analyse qui n’était pas utilement critiquée par la banque, mais que cela n’impliquait pas pour autant qu’il s’agissait d’un faux, [W] [Z] a été débouté de ses demandes visant à voir « juger que l’original de l’acte de cautionnement n’existe pas » et « écarter des débats l’acte de cautionnement ».
Selon un jugement au fond rendu le 10 février 2020, le même tribunal a ensuite :
-condamné [W] [Z] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE la somme de 453 592,33 euros avec intérêts au taux légal à compter de 8 février 2011,
-ordonné la capitalisation des intérêts échus,
-condamné [W] [Z] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
– condamné [W] [Z] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 287,88 euros dont 47,32 euros de TVA.
Ce, aux motifs que :
– l’acte de cautionnement répond aux exigences formelles prescrites, et l’expert conclut que les textes, les paraphes et la signature de l’acte de cautionnement sont de la main de [W] [Z], il est indifférent que la page 6 de l’acte ne soit pas un original ;
-le cautionnement souscrit est un acte de commerce, [W] [Z] étant mandataire social et associé de QUIETUDE PROMOTION, il justifie de ce fait d’un intérêt patrimonial dans le succès de l’opération cautionnée ;
-il est constant que la banque a prêté la somme de 1 400 000 euros à la SA QUIETUDE PROMOTION par acte du 18 juillet 2007, le contrat établi par acte notarié indiquant que le prêt est assorti d’une caution solidaire partielle, et que le procès-verbal des délibérations du conseil d’administration de QUIETUDE PROMOTION en date du 13 juillet 2007 est inclus dans ce contrat et autorise la régularisation du prêt assorti d’une caution solidaire des trois associés soit M. [Z], M. [X] et M. [K] ;
-la dernière page du contrat comportant la mention manuscrite peut être rattachée avec certitude à l’opération litigieuse au regard des autres éléments établissant l’existence d’un cautionnement, et à défaut pour le défendeur de démontrer qu’il aurait signé un autre engagement au bénéfice des mêmes parties ;
– [W] [Z] se prévaut du courrier de Me [D] du 31 octobre 2008 attestant du versement de 1 056 000 euros correspondant à 64 ventes actées à 16 500 euros chacune sur un compte CRCA, la banque fournit les relevés du compte de QUIETUDE PROMOTION n°20649479600 pour les mois de juillet, août, septembre et octobre 2008, lesquels font en effet apparaître les dits virements de 16 500 euros mais également au débit du compte, un virement de 150 000 en date du 5 septembre 2008, de 500 000 euros en date du 17 septembre 2008, de 258 952,16 euros en date du 22 septembre 2008 soit un total de 908 952,16 euros, de sorte qu’il n’est pas établi par le défendeur que les paiements en cause auraient été affectés au remboursement du crédit ;
– la banque ne produisant pas les courriers d’information de la caution prévus à l’article L313-22 du code monétaire et financier, elle ne peut prétendre au remboursement des intérêts échus qui à la date du 8 février 2011 représentaient un montant de 4 239,91 euros dans la créance déclarée au passif de la société, la créance nette des intérêts ressort donc à 1 295 978,10 euros et celle du cautionnement fixée à 35 % est donc de 453 592,33 euros ;
-l’article 2314 du code civil dispose que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus s’opérer en sa faveur par le fait du créancier, mais la banque ne peut avoir privé [W] [Z] de ses droits puisque le CREDIT AGRICOLE n’a reçu aucun paiement ;
– la résistance abusive de la caution n’est pas démontrée.
Par déclaration en date du 18 février 2020, [W] [Z] a formé appel de ce jugement en en ce qu’il l’a condamné à payer à la CRCAM SUD MEDITERRANNEE la somme de 453 592,33 euros avec intérêt au taux légal à compter du 08 février 2011, ordonné la capitalisation des intérêts échus, l’a condamné à payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du CPC, l’a débouté de ses demandes et l’a condamné aux dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire dont ceux à recouvrer par le greffe.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, il demande à la cour de :
Vu les articles 9, 564 et suivant du code de procédure civile,
Vu les articles 1208, 1234, 1315, 1326, 1347, 1351, 1354, 1356 du code civil dans leur rédaction en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016,
Vu l’article 1382 devenu l’article 1240 du code civil,
Vu les articles 2288, 2290, 2311, 2314 du code civil,
Vu les articles L 341-2, L 341-3, et L 341-4 du code de la consommation dans leur version applicable en la cause antérieure à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016,
Vu les articles 32-1 et 700 du code de procédure civile,
DÉCLARER recevable et fondé l’appel interjeté par [W] [Z] l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 février 2020 ;
INFIRMER le jugement du 10 février 2020 en ce qu’il a :
-condamné [W] [Z] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE la somme de 453.592,33 euros avec intérêts au taux légal à compter de 8 février 2011,
-ordonné la capitalisation des intérêts échus,
-condamné [W] [Z] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
-condamné [W] [Z] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 287,88 euros,
LE RÉFORMANT, ET, STATUANT À NOUVEAU :
ANNULER l’acte de cautionnement du 18 juillet 2007 dont se prévaut la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE à l’encontre de [W] [Z] ;
DÉBOUTER, en tout état de cause, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE à régler à [W] [Z] la somme de 15 000 euros au titre de l’article 1382 du code civil ;
CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE à régler à [W] [Z] la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise graphologique d’un montant de 2 000 euros.
faisant valoir pour l’essentiel que :
– la banque produit un acte de cautionnement dans lequel la signature de [W] [Z] ne précède pas la mention de l’article L.341-2 du code la consommation empêchant en conséquence de s’assurer de son information complète quant à la portée de son engagement, de plus elle s’avère dans l’incapacité de verser aux débats l’acte de cautionnement solidaire contesté en original en ce qui concerne sa dernière page ;
– le CREDIT AGRICOLE a été débouté de ses demandes à l’égard des cofidéjusseurs, or chaque codébiteur solidaire doit être considéré comme le représentant de ses co-obligés de sorte que si le créancier poursuit un seul des codébiteurs, le jugement rendu en faveur du créancier ou contre celui-ci a l’autorité de la chose jugée au regard de tous les codébiteurs ;
– contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, [W] [Z] apporte la preuve de ce que le prêt a été remboursé à tout le moins à hauteur de 1 039 500 euros et la banque ne peut donc l’appeler pour la totalité de son cautionnement pas plus qu’il n’a été admis à le faire à l’égard de ses cofidéjusseurs, ainsi qu’il en a été jugé définitivement par la cour d’appel de POITIERS selon arrêt du 24 mai 2016 ;
– les relevés de compte communiqués démontrent en outre que la dette a été complètement soldée suite à la vente de 71 lots et de remboursements anticipés d’un montant de 115 500 euros le 04 février 2009 et le second d’un montant de 82 588,10 euros le 21 avril 2009 ;
– aux termes de l’article 2314 du code civil, la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus par le fait de celui-ci s’opérer en faveur de la caution, or le 31 octobre 2008, 64 lots objets de la clause de réserve avaient été vendus, en déclarant dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement du 15 juin 2010 la somme de 1 300 218 euros à titre privilégié, le CREDIT AGRICOLE a renoncé à se prévaloir de la sûreté qu’il avait pourtant exigée en garantie du prêt ;
-la banque a engagé sa responsabilité à l’égard de l’appelant, elle a fait à dessein des choix procéduraux en décidant d’assigner les cautions séparément, le 2 avril 2013 elle a fait pratiquer de mauvaise foi une saisie attribution sur les comptes de [W] [Z] en sachant qu’elle n’avait pas de titre exécutoire à cette fin, enfin elle n’a jamais été en mesure de produire en original l’acte complet de cautionnement qu’elle prétendait pourtant détenir.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et suivants du code civil, en vigueur au moment de la conclusion du contrat,
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 février 2020 par le tribunal de commerce de Paris,
CONDAMNER [W] [Z] à payer au CREDIT AGRICOLE une somme de
8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETER l’ensemble de ses prétentions, fins et demandes de [W] [Z],
CONDAMNER [W] [Z] aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
faisant valoir pour l’essentiel que :
-après plusieurs tests graphologiques, l’expert a confirmé d’une part, que l’écriture sur les 5 premières pages de l’acte de cautionnement était originale à l’exception de la dernière page, et d’autre part, que les mentions manuscrites émanaient de [W] [Z], son observation relative à la dernière page retenue comme une copie ne retire rien à la validité du cautionnement, la banque produit du reste un autre avis d’expert concluant que la page 6 est un original ;
– les développements de l’appelant sur les paraphes – qui ne sont pas obligatoires – et la signature de l’acte de cautionnement sont inopérants ;
– le CREDIT AGRICOLE a une créance certaine, liquide et exigible, il n’est aucunement prouvé que la société QUIETUDE ou [W] [Z] se seraient libérés de leur obligation de paiement, la banque n’a pas perçu les fruits de la vente des lots qui ont été adressés à la liquidation, si la créance du CREDIT AGRICOLE n’avait pas été certaine celle-ci n’aurait pas été admise par le juge-commissaire dont la décision a autorité de la chose jugée, l’ordonnance d’admission du 18 février 2011 est opposable à la caution ;
– lors de la vente intervenue courant 2008 de 71 lots de l’opération financée par la banque, le notaire a viré les fonds sur le compte de la société QUIETUDE PROMOTION ouvert auprès du CREDIT AGRICOLE avant que le prêt in fine ne soit exigible mais ces sommes n’ont pas été affectées et transférées sur d’autres comptes ;
– l’article 2314 du code civil ne peut utilement être invoqué, il est démontré que le CREDIT AGRICOLE n’a pas commis de faute privant la caution d’une subrogation, deux transferts de sommes d’argent pour plus de 900 000 euros ont été effectués par [W] [Z] sur un compte tiers alors qu’il aurait du les verser à la banque, la vente a eu lieu avant l’ouverture de la procédure collective et les fonds ont été virés par le notaire à la société QUIETUDE et non au CREDIT AGRICOLE, lequel n’a commis aucun fait entraînant la décharge de l’engagement de caution ;
– la banque ne peut se voir reprocher aucune procédure abusive.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
1- preuve et validité du cautionnement souscrit par [W] [Z] :
Il est précisé à titre liminaire que l’appelant ne conteste ni son écriture ni sa signature, et ne discute pas l’existence de l’engagement souscrit – laquelle ressort notamment du procès-verbal des délibérations du conseil d’administration de la SA QUIETUDE PROMOTION en date du 13 juillet 2007, annexé à l’acte notarié du 18 juillet 2007 – mais soutient que l’acte afférent encourt la nullité faute pour la banque d’être en mesure d’établir que la mention manuscrite requise ne précède pas immédiatement sa signature à laquelle un simple paraphe – constitué de surcroît des initiales de la société débitrice « QP » et non de celles « YA » de la caution – ne saurait se substituer. A cet égard, la pièce 25 de [W] [Z] montre que la mention relative aux objet et montant du cautionnement et celle portant renonciation au bénéfice de discussion sont en effet apposées sur des pages différentes 5 et 6 du document, la première partie étant suivie du paraphe précité et la deuxième de sa signature. De fait, la mission de l’expert telle que ressortant du jugement ne comporte pas explicitement cette vérification, son avis étant requis « à partir de l’original de l’acte de cautionnement » – dont l’existence est contestée – « pour apprécier exactement les faits de la cause ».
L’expertise graphologique affirme tout en concluant sans aucune réserve que l’ensemble – texte, signature et paraphe en bas de la page 5 – émane de la main de l’appelant, que la dernière page ne lui a pas été communiquée en original, ce sans autrement expliciter les motifs de cette appréciation qui figure sous forme d’énonciation d’un fait constant en pages 10 et 23 du rapport, et qui est contestée par la banque sur la base d’une analyse technique observant que tant pour l’écriture que pour deux zones de la signature litigieuse, le grossissement opéré révèle la présence de traces de roulement à bille du stylo mais aussi le fait que l’image n’est pas pixelisée comme dans le cas d’une photocopie (pièce CA 21). Dès lors en toute hypothèse que la page 5 est entièrement remplie – de telle sorte que la suite du texte ne pouvait être inscrite qu’au verso – et que cette dernière page comporte la référence du prêt objet de la garantie soit PO4TYX011PR, cette présentation de l’acte d’une part, exclut que la mention de la page 6 – dont il n’est pas démontré qu’elle serait une copie et qui même dans cette hypothèse, n’en conserve pas moins pour les motifs exposés plus haut une valeur probante de l’existence de l’engagement discuté – se rapporte à un autre concours, et d’autre part, ne peut être considérée ni comme contrevenant au formalisme requis afin de vérifier que la caution avait pleinement conscience de son engagement, ni comme laissant subsister un doute sur la portée de celui-ci.
La signature de [W] [Z] faisant ainsi immédiatement suite à la mention manuscrite légalement exigée, peu important que celle-ci se poursuive au verso de la dernière page, c’est en conséquence à juste titre que le tribunal a écarté le moyen tiré de la nullité du cautionnement.
2- justification de la créance invoquée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE et moyen tiré des décisions rendues à l’égard des autres cautions :
[W] [Z] invoque en même temps le principe selon lequel chaque débiteur solidaire représente ses co-obligés et les dispositions de l’article 1208 du code civil disposant que « le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l’obligation, et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs », ce qui ne lui permet cependant pas de se prévaloir de l’autorité de la chose jugée d’une décision ne se prononçant pas sur l’existence, le montant et l’exigibilité de la dette garantie, mais sur l’argumentaire développé et la suffisance des éléments de preuve fournis par le créancier au soutien de ses demandes devant la juridiction saisie.
Il est au surplus observé que les prétentions à l’égard des autres cautions n’étaient pas les mêmes que celles formulées contre [W] [Z] – ce qu’il souligne d’ailleurs pour remettre en cause le quantum de la dette – la banque exposant alors dans son courriers préalable aux poursuites contre l’un des co-obligés que la quote-part réclamée « tient compte des sommes qui ont été versées par le notaire suite à la vente des lots » dont ainsi les cautions « ne support[aient] donc pas le défaut d’affectation » (pièce YA 5).
Pour soutenir que la banque ne justifie pas d’une créance certaine, liquide et exigible, [W] [Z] produit aux débats un courrier du notaire en date du 31 octobre 2008, par lequel celui-ci confirme « avoir effectué un virement de la somme de 16 500 euros pour ordre de paiement au CREDIT AGRICOLE SUD MEDITERRANEE lors de chacune des 64 ventes actées à ce jour dans le programme [Les Soulades] » soit « un versement total de 1 056 000 euros » ce qui comme l’a souligné le tribunal de commerce, apparaît certes sur les relevés de compte de la société QUIETUDE PROMOTION pour la période considérée, mais n’établit pas pour autant que ces sommes ont été affectées au remboursement du prêt in fine qui était consenti le 18 juillet 2007 pour une durée de 24 mois et donc pas encore exigible, alors que comme l’observent tout aussi justement les premiers juges, ces opérations ont été immédiatement suivies de trois virements dans le courant du même mois de septembre 2008 pour un montant global de 908 952,16 euros vers un autre compte détenu par QUIETUDE PROMOTION, étant rappelé enfin que la créance du CREDIT AGRICOLE au titre du prêt litigieux a été admise au passif de la liquidation pour 1 300 218 euros postérieurement à l’ensemble de ces mouvements soit le 8 février 2011. Cette décision d’admission – qui a autorité de la chose jugée faute d’avoir été contestée – est également postérieure aux versements de 115 500 euros du 4 février 2009 et de 82 588,10 euros du 21 avril 2009, étant rappelé que la somme précitée correspondait à un capital échu de 1 209 293, 52 euros soit parfaitement compatible avec ces remboursements anticipés (pièces YA 36, 37 et 38).
Ainsi que le fait valoir le CREDIT AGRICOLE, il ne peut lui être reproché d’avoir limité son action contre les deux autres cautions à une quote-part résultant de leur engagement théoriquement calculée dans l’hypothèse d’une créance subsistant déduction faite du prix des lots vendus, alors que ces fonds – transitant certes par le compte de la SA QUIETUDE PROMOTION n°20649479000 – n’ont finalement pas été affectés au remboursement de la dette mais transférés vers un autre établissement, ainsi que l’a relevé le tribunal de commerce sur la base des relevés du compte précité et de demandes de virement signés par [W] [Z] en date du 5 septembre 2008 pour 150 000 euros et du 16 septembre 2008, les deux à destination d’un compte CREDIT MARITIME n°17169 40710 7600151514264.
En l’absence de tout autre élément fourni par l’appelant, la réalité de ces mouvements ne peut être remise en cause par le courrier du 20 avril 2011 aux termes duquel s’adressant à [O] [X] pour mobiliser sa garantie, le CREDIT AGRICOLE lui indique que
« suite à la vente de 71 lots » elle « a reçu la somme totale 1 237 588,10 euros », et que « considérant l’intégralité des sommes reçues affectées » elle estime que sa créance s’élève à 173 947,80 euros (pièce YA 4). De fait le même jour, elle écrit à [W] [Z] que « suite à la vente de 71 lots, la caisse régionale n’a pas affecté immédiatement les prix de vente correspondant pour un total de 1039 500 euros. Fait dont [il a]connaissance puisqu’ [il] est le signataire de deux ordres de virement de montants respectifs de 150 000 euros et de 500 000 euros au débit du compte de la SA QUIETUDE au profit du Crédit Maritime » ajoutant que compte tenu de sa « participation active à la situation débitrice de la SA GROUPE QUIETUDE en [sa] qualité de dirigeant » et de sa qualité de caution solidaire, elle le met en demeure de régler la somme de 710 881,73 euros « représentant les retraits abusifs effectués sur le compte de la société et la quote-part qu'[il a] bien voulu garantir » (pièce CA 4). Ce choix de la banque est évoqué aux termes du courrier adressé à l’huissier chargé du recouvrement le 30 octobre 2012, le CREDIT AGRICOLE lui indiquant en effet que l’affectation des fonds n’a pas été réalisée lorsque le compte était créditeur lorsque le prêt n’était pas encore à échéance et que « afin de ne pas pénaliser les cautions de ce retard d’imputation[elle] a procédé à la déduction des sommes versées par le notaire (‘) du montant dû en principal » ce qui explique l’apparente contradiction des différentes correspondances précitées dont se prévaut [W] [Z] au soutien de sa défense.
Il s’ensuit que la décision entreprise ne peut qu’être intégralement confirmée tant en ce qui concerne la validité du cautionnement litigieux, que sur le quantum de la somme réclamée à ce titre.
3- moyen tiré de l’article 2314 du code civil :
L’article 2314 du code civil dispose que « lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s’opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit. Toute clause contraire est réputée non écrite. La caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté ».
[W] [Z] ayant volontairement opéré le choix de ne pas verser à la banque les sommes issues de la vente des lots du programme financé, il ne peut se prévaloir d’aucune faute du CREDIT AGRICOLE qui aurait « renoncé à se prévaloir d’une sûreté » alors que la vente de 64 lots est intervenue avant l’exigibilité du prêt.
Il ne peut donc prétendre être déchargé de son obligation de paiement pour ce motif.
4- demandes indemnitaires de [W] [Z] (procédure abusive) :
En application de l’article 1382 devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme causant à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il est par ailleurs constant que la faculté d’agir en justice est un droit ne pouvant être limité que s’il s’avère avoir uniquement été exercé dans une intention de nuire, ou sur la base d’une erreur grossière d’appréciation du demandeur dont il est manifeste qu’il ne pouvait se méprendre sur le bien-fondé de ses prétentions.
[W] [Z] reproche à ce titre au CREDIT AGRICOLE d’avoir fait assigner les cautions devant des juridictions différentes, d’avoir fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de l’appelant en étant dépourvu de titre exécutoire et d’avoir laissé croire à l’existence d’un acte original de cautionnement dont en réalité elle ne disposait pas. Il est cependant permis d’observer que les autres cautions étaient domiciliées à LA ROCHELLE et ont été assignées à leur lieu de résidence, que la discussion relative à la dernière page de l’acte – original ou copie – ne s’est pas révélé déterminant pour l’issue du litige et enfin, que la saisie-attribution sur les comptes de [W] [Z], annulée faute pour la banque de justifier de son titre, a été suivie d’une inscription hypothécaire dont la régularité n’a pas été utilement contestée.
Il se déduit de l’ensemble de ces circonstances que la banque ne peut se voir reprocher aucun comportement fautif, de telle sorte que les prétentions indemnitaires de [W] [Z] seront rejetées.
5- dépens et frais irrépétibles :
[W] [Z] qui succombe supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il sera également condamné à payer à la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE, qui a dû exposer des frais irrépétibles, une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à 8 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE [W] [Z] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE [W] [Z] à payer à la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,