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N° RG 23/00039 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JMCI
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 5 JUILLET 2023
DÉCISION CONCERNÉE :
Décision rendue par le tribunal de commerce d’Evreux en date du 6 avril 2023
DEMANDERESSE :
SAS BUILT
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de l’Eure plaidant par Me THOMAS-COURCEL
DÉFENDERESSES :
Madame [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Carine DESROLLES de la SCP BRULARD – LAFONT – DESROLLES, avocat au barreau de l’Eure
SAS BSN INVEST
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Carine DESROLLES de la SCP BRULARD – LAFONT – DESROLLES, avocat au barreau de l’Eure
DÉBATS :
En salle des référés, à l’audience publique du 14 juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 juillet 2023, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,
Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,
DÉCISION :
Contradictoire
Prononcée publiquement le 5 juillet 2023, par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signée par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
La Sas Bsn Invest a été constituée suivant statuts du 22 mai 2019 entre Mme [W] [X] (51 % du capital social) et la Sas Bisia (49 % du capital social). Par acte du 12 avril 2021, la Sas Bisia a vendu à Mme [X] 489 actions lui appartenant (sur 490), de sorte que la répartition du capital social est désormais la suivante :
– la Sas Bisia : 1 action, soit 0,001 %
– Mme [X] : 999 actions, soit 99,999 %.
Le prix de la cession du 12 avril 2021, soit 489 euros, n’a pas été réglé par Mme [X] et par ailleurs, les associés ont signé entre eux un pacte d’associés.
Par suite d’un changement de dénomination sociale, la Sas Bisia est devenue la Sas Built.
L’activité de la Sas Bsn Invest a été financée par la Sas Bisia laquelle a avancé la somme totale de 266 000 euros correspondant au compte courant d’associé.
Par lettre recommandée du 27 juillet 2022, la Sas Built a demandé le remboursement de son compte courant d’associé. Par lettre du 7 octobre 2022, la Sas Bsn Invest a fait valoir l’absence de trésorerie disponible. Par courriel du 8 décembre 2022, Mme [X], présidente de la Sas Bsn Invest, a confirmé que le dernier actif immobilier de la société avait été vendu, ce qui devait permettre de régler le compte courant d’associé au plus tard fin 2022.
En l’absence de paiement, par assignations délivrées le 15 février 2023, la Sas Built a fait assigner la Sas Bsn Invest et Mme [W] [X] en remboursement provisionnel du compte courant d’associé et paiement de cession de parts sociales.
Par ordonnance de référé du 6 avril 2023, le président du tribunal de commerce d’Evreux a essentiellement :
– condamné la Sas Bsn Invest à payer par provision à la Sas Built la somme de
266 000 euros à valoir sur son compte courant d’associé, outre intérêts au taux de 2,21 % l’an à compter du 29 juillet 2022,
– condamné Mme [X] à payer par provision à la Sas Built la somme de 489 euros au titre du prix de cession du 12 avril 2021,
– condamné Mme [X] et la Sas Bsn Invest in solidum à payer la somme de
1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [X] et la Sas Bsn Invest in solidum aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 19 mai 2023, la Sas Bsn Invest et Mme [X] ont formé appel de l’ordonnance.
Par assignations en référé délivrées le 26 mai 2023, puis par conclusions notifiées le 13 la Sas Built demande à la juridiction de
– juger, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, que la Sas Bsn Invest et Mme [X] irrecevables et mal fondées en leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire,
– prononcer, au visa de l’article 524 du code de procédure civile, la radiation du rôle de la cour, de l’appel relevé le 19 mai 2023 (déclaration d’appel n° 23/01444) par la Sas Bsn Invest et Mme [X] contre l’ordonnance de référé rendue le 6 avril 2023, en l’absence de paiement des condamnations,
– débouter la Sas Bsn Invest et Mme [X] de leurs demandes,
– condamner la Sas Bsn Invest et Mme [X] à lui payer chacune la somme de
2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle soutient, après avoir rappelé les termes de l’article 514-3 du code de procédure civile, que :
sur la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire,
– devant le juge des référés, la Sas Bsn Invest et Mme [X] n’ont formé aucune observation ;
sur les moyens sérieux de réformation de l’ordonnance entreprise,
– les défenderesses ne peuvent dénaturer le pacte d’associés imposant à la Sas Bsn Invest de rembourser immédiatement le compte courant d’associé ;
– elles ne font pas valoir utilement disposer d’une créance de 60 000 euros au titre d’un contrat de maîtrise d’ouvrage déléguée à son encontre pour opposer une compensation : cette créance est discutée en son principe dans la mesure où les travaux dirigés par la Sas Bsn Invest n’étaient pas conformes aux autorisations d’urbanisme obtenues, où la société a manqué à ses obligations contractuelles et engagé sa responsabilité au visa des articles 1792 et suivants du code civil ;
– contrairement à ce qu’indiquent les défenderesses, la Sas Bsn Invest n’a pas exécuté une simple prestation de service,
sur les conséquences manifestement excessives de l’exécution provisoire,
– les défenderesses ne justifient pas de conséquences révélées postérieurement à la décision critiquée et que pour sa part, elle dispose d’une trésorerie permanente de 2 000 000 euros et sera en capacité de restituer les fonds dans l’hypothèse d’une infirmation de la décision ayant prononcé les condamnations.
Elle indique que, intérêts et frais compris, la Sas Bsn Invest lui doit un montant total de 272 770,12 euros ; que le chèque récemment communiqué signé par Mme [X] pour le paiement des parts sociales a été émis sur le compte de la société ce qui n’est pas acceptable.
Par conclusions notifiées le 13 juin 2023, la Sas Bsn Invest et Mme [X] demandent à la juridiction,
au visa des articles 514-3 et 524 du code de procédure civile, l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance entreprise, en tout état de cause de débouter la Sas Built de sa demande de radiation et de l’ensemble de ses demandes et condamner la Sas Built à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Pour répondre à la Sas Built, elle expose que sa demande visant l’arrêt de l’exécution provisoire est recevable puisque la condition liée à l’expression d’observations sur l’exécution provisoire en première instance au regard des dispositions de l’article 514-3 alinéa 2 du code de procédure civile n’est pas applicable à l’ordonnance de référé.
S’agissant de l’existence de moyens sérieux de réformation, première condition, elles font valoir que l’associé qui a consenti une avance en compte courant à durée indéterminée a le droit d’exiger le remboursement à tout moment à défaut d’une disposition conventionnelle contraire ; qu’en l’espèce, le pacte d’associés signé par les parties le 18 juillet 2019 ne prévoit le remboursement immédiat du compte courant d’associé que pour l’associé cédant ; qu’en l’espèce, la Sas Built ne répond pas à cette qualité d’associé cédant puisqu’elle n’a pas fait connaître son intention de céder l’action dont elle reste titulaire dans la Sas Bsn ; que le remboursement du compte courant n’est pas exigible. En outre, l’article 3 du pacte d’associé prévoit une promesse unilatérale de cession consentie par l’associé minoritaire au profit de l’associé majoritaire. La créance alléguée par la Sas Built n’est ni liquide ni exigible.
La Sas Bsn Invest ajoute qu’en outre, le contrat de maîtrise d’ouvrage déléguée signé avec la Sas Built prévoit une rémunération de 50 000 euros HT soit
60 000 euros TTC ; qu’elle a effectué la prestation permettant la vente de l’immeuble concerné par acte authentique du 15 septembre 2022 ; qu’elle a sollicité en vain le paiement de ses factures en vain ; qu’elle est bien fondée à opposer compensation sur la créance réclamée par la Sas Built. Elle relève que la Sas Built ne verse pas le contrat correspondant à la prestation discutée de manière à induire la juridiction en erreur. Elle développe amplement une argumentation sur la définition de sa mission et ses conditions d’exécution afin d’écarter le débat dont se prévaut la Sas Built quant à son éventuelle responsabilité contractuelle, notamment fondée sur les garanties légales attachées à la qualité de constructeur.
S’agissant de l’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives de l’exécution provisoire, la Sas Bsn Invest et Mme [X] soutiennent que la Sas Built est de mauvaise foi en réclamant le remboursement du compte courant d’associé et veut faire obstacle au rétablissement des droits et obligations des parties en appel par l’infirmation de l’ordonnance entreprise. L’exécution de la condamnation à verser une provision à hauteur de 266 000 euros est de nature à priver la Sas Bsn Invest de trésorerie et à obérer de façon irréversible la poursuite de son activité de marchand de biens. Elle doit donc avoir des fonds pour acquéreur un immeuble et le revendre. Elle verse une attestation de son expert-comptable en ce sens. Elle peut donc prétendre à l’arrêt de l’exécution de l’ordonnance entreprise.
Quant à la radiation de l’appel entrepris sollicitée par la Sas Built, elles soulignent son impossibilité financière d’exécuter la condamnation relative au compte courant d’associé en l’état des fonds dont elle dispose et de ses besoins en attirant l’attention sur l’absence de perception de partie du prix de vente de l’immeuble pour lequel elle avait assurée la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée, la Sas Built étant seule bénéficiaire de la vente au prix de 570 000 euros.
A l’audience, Mme [X], en la personne de son conseil, admet avoir libellé un chèque de 489 euros sur le compte de la Sas Bsn Invest et offre de régulariser le paiement de la somme sur son compte personnel.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 14 juin 2023.
MOTIFS
Sur l’arrêt de l’exécution provisoire attachée à l’ordonnance de référé
L’article 514 du code de procédure civile dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’article 514-1 al.3 suivant précise que par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.
L’article 514-3 du code de procédure civile indique qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
– Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de de l’article 514-1 susvisé, le juge des référés ne bénéficie pas du pouvoir de statuer sur l’exécution provisoire de l’ordonnance, exécutoire par provision de plein droit, qu’il prononce de sorte que l’alinéa 2 de l’article 514-3 posant une condition de recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire tenant à la formulation d’observations en première instance est inapplicable. La demande de la Sas Bsn Invest et de Mme [X] est recevable.
– Sur le risque de conséquences manifestement excessives de l’exécution provisoire
Pour caractériser ce risque, la Sas Bsn Invest et Mme [X] ne versent aux débats qu’une seule pièce, l’attestation de leur expert-comptable du 13 juin 2023 qui précise qu’il ‘confirme que la condamnation de cette société à verser une provision à hauteur de 266.000 euros est de nature à priver totalement la société BSN INVEST de sa trésorerie et en conséquence à obérer la poursuite de son activité de marchand de biens. A ce jour, la société BSN INVEST ne dispose pas de la totalité des fonds lui permettant de s’acquitter de la condamnation prononcée par le Tribunal de commerce.’
Cette pièce est manifestement insuffisante en ce qu’elle ne permet pas, en l’absence de documents comptables tels que le bilan et les comptes de résultat, d’apprécier la réalité de la situation financière de la Sas Bsn Invest. Le compte courant d’associé apparaît obligatoirement au bilan de la société ; en outre, la condamnation prononcée en référé le 6 avril 2023 justifie à tout le moins l’ajout d’une provision au titre des intérêts et frais, dans les comptes de la société dont les effets ne peuvent, en l’état, faire l’objet d’une analyse. Aucun relevé de compte n’est communiqué.
Par ailleurs, l’expert-comptable évoque l’impossibilité de payer la totalité de la somme due mais n’exclut pas la capacité de la sas Bsn Invest à s’acquitter de la dette partiellement et le cas échéant, de façon échelonnée.
La Sas Bsn Invest ne démontre pas le risque de conséquences manifestement excessives de l’exécution provisoire de l’ordonnance critiquée.
L’une des conditions nécessaires de l’arrêt de l’exécution provisoire n’étant pas remplie, la demande formée ne peut aboutir : elle sera rejetée.
Sur la radiation de l’affaire du rôle de la cour
L’article 524 du code de procédure civile dispose que lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
Au jour de l’audience, les défenderesses n’ont pas exécuté les condamnations auxquelles elles ont été condamnées par l’ordonnance du président du tribunal de commerce d’Evreux et ne justifient pas par des éléments probants de l’impossibilité d’exécuter la décision ou de conséquences telles qu’évoquées ci-dessus.
L’affaire enregistrée sous le numéro 23/01444 pour la déclaration d’appel et sous le n° RG 23/01725 sera radiée du rôle de la cour.
Sur les frais de procédure
La Sas Bsn Invest et Mme [X] succombent à l’instance et en supporteront les dépens.
Elles seront condamnées à payer à la Sas Built pour ses frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros à la charge de la Sas Bsn Invest et 500 euros à la charge de Mme [X].
PAR CES MOTIFS,
statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,
Déclare recevable mais non fondée la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé prononcée par le président du tribunal de commerce d’Evreux le 6 avril 2023,
Rejette la demande formée à ce titre par la Sas Bsn Invest et Mme [W] [X],
Ordonne la radiation de la procédure enregistrée sous le n° RG 23/01725 du rôle de la cour correspondant à la déclaration d’appel de la Sas Bsn Invest et de Mme [W] [X],
Condamne la Sas Bsn Invest et Mme [W] [X] à payer à la Sas Built, respectivement les sommes de 2 000 euros et de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la Sas Bsn Invest et Mme [W] [X] aux dépens.
Le greffier, La présidente de chambre,