Marchand de Biens : décision du 31 janvier 2024 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/03515

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Marchand de Biens : décision du 31 janvier 2024 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/03515
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 31 JANVIER 2024

N° RG 21/03515 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MFKN

[H] [F]

[O] [G]

c/

S.A. SOCIETE CENTRALE POUR LE FINANCEMENT DE L’IMMOBILIER – SOCFIM

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 mai 2021 par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 19/05462) suivant déclaration d’appel du 21 juin 2021

APPELANTS :

[H] [F]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 8] (MAROC)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

[O] [G]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 11] (44)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

représentés par Maître LHUISSIER substituant Maître Thomas RIVIERE de l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A. SOCIETE CENTRALE POUR LE FINANCEMENT DE L’IMMOBILIER – SOCFIM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Maître Adrien REYNET de la SCP JOLY ‘ CUTURI ‘ WOJAS ‘ REYNET DYNAMIS AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître François VERRIELE, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 novembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Emmanuel BREARD, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Paule POIREL

Conseiller : Mme Bérengère VALLEE

Conseiller : M. Emmanuel BREARD

Greffier : Mme Véronique SAIGE

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique notarié du 13 juillet 2012, la société Crédit Foncier de France a consenti un prêt d’un montant de 2 200 000 euros pour une durée de 24 mois à la SARL Ymo Développement pour l’acquisition de biens immobiliers situés à [Localité 10] dans l’Ile Barbe, lieu dit [Adresse 9], dans le cadre de son activité de marchand de biens.

Par deux actes sous seing privé du même jour, M. [H] [F] et M. [O] [G] se sont portés caution solidaire de la société Ymo Développement dans la limite de la somme de 350 000 euros chacun.

Ce prêt est également garanti par un privilège de prêteur de deniers et subrogations dans le privilège de l’action résolutoire du vendeur, en premier rang et sans concurrence à hauteur de 2 200 000 euros.

Par acte sous seing privé du 11 août 2014, la société Crédit Foncier De France a prorogé la durée de l’ouverture de crédit jusqu’au 31 janvier 2016.

L’engagement des cautions a été prorogé jusqu’au 31 janvier 2017 selon la société Crédit Foncier De France.

Par acte du 15 avril 2015, la société Crédit Foncier De France a cédé à la SA La Société Centrale Pour Le Financement De l’Immobilier (ci-après SOCFIM) sa créance sur la société Ymo Développement.

Par jugement du 28 septembre 2016, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé le redressement judiciaire de la société Ymo Développement.

Le 9 décembre 2016, la société SOCFIM a déclaré sa créance à titre privilégié au passif de la société Ymo Développement.

Par actes d’huissier des 6 et 27 janvier 2017, la société SOCFIM a fait assigner MM. [F] et [G] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins, notamment, de les voir condamner au paiement des sommes dues au titre du contrat de prêt es qualités de caution.

Le 15 novembre 2018, la société Ymo Développement et la société MGA ont conclu un protocole d’accord stipulant que l’acte authentique de vente d’un immeuble situé à [Localité 10] sur l’île Barbe devra être réitéré avant le 31 mars 2019.

Par ordonnance du 6 février 2019, le juge commissaire a autorisé le mandataire judiciaire à transiger avec la société MGA aux fins de lui vendre le bien.

La réitération de l’acte authentique de vente n’a pas eu lieu avant le 31 mars 2019.

Par jugement réputé contradictoire du 25 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– débouté M. [F] et M. [G] de leurs demandes,

– condamné M. [F] et M. [G] à payer chacun à la société SOCFIM la somme de 350 000 euros en deniers ou quittances outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,

– dit ne pas avoir lieu à ordonner la capitalisation des intérêts,

– condamné M. [F] et M. [G] à payer chacun à la société SOCFIM chacun la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,

– condamné in solidum M. [F] et M. [G] aux entiers dépens de l’instance.

MM. [F] et [G] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 juin 2021 et par conclusions déposées le 06 septembre 2021, ils demandent à la cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement du 25 mai 2021 en tous ses chefs de jugement sauf en ce qu’il a été rejeté la demande de condamnation au règlement des intérêts et pénalités de retard,

Statuant à nouveau,

– juger le cautionnement nul pour défaut de mentions manuscrites de chacune des cautions et, en conséquence, débouter la société SOCFIM de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

– accorder un délai de grâce jusqu’à la date de cession de l’immeuble et à tout le moins de 12 mois à compter de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

– condamner la société SOCFIM au paiement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de chacun des demandeurs,

– condamner la société SOCFIM aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de Me Thomas Riviere, en vertu des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 08 novembre 2021, la société SOCFIM demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 25 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit ne pas avoir lieu à ordonner la capitalisation des intérêts,

En conséquence :

– ordonner la capitalisation des intérêts,

En tout état de cause,

– condamner M. [F] et M. [G] à verser chacun à la société SOCFIM une indemnité de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux dépens qui seront recouvrés par Me Emmanuel Joly, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 27 novembre 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 13 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la nullité de l’avenant de cautionnement.

Les appelants rappellent que leur engagement de caution devait initialement s’achever le 13 juillet 2015 et contestent que l’acte de prolongation de cautionnement du 11 août 2014 constitue une novation au contrat précédent. Ils estiment qu’il s’agit d’un nouvel engagement et que celui-ci devait respecter les termes des articles L.341-1 et suivants du code de la consommation, ce qui n’a pas été le cas et qu’il est nul.

Ainsi, ils dénoncent le fait que toutes les mentions manuscrites contenues dans ce contrat n’émanent pas de leurs mains, en particulier la signature pour M. [G] et le paragraphe manuscrit rappelant son engagement pour M. [F]. Ils versent en ce sens leurs engagements précédents, disant que les écritures ne sont pas identiques.

Ils indiquent en outre que si l’avenant objet du présent litige a été rédigé et signé le 11 août 2014 à [Localité 12], ils n’étaient pas présents, M. [G] étant au [Localité 7] dans le cadre d’une vente immobilière et M. [F] à [Localité 6].

Le premier communique au soutien de sa présence en Gironde le relevé de ses opérations bancaires montrant qu’aucune opération n’a été réalisée à [Localité 12] le 11 août 2014, une attestation de M. [P], conseiller en gestion du patrimoine, et un mail de sa secrétaire mentionnant qu’il a eu une réunion pour la vente d’un immeuble sur la commune du [Localité 7].

Le second communique uniquement un relevé bancaire relatif à ses débits de carte bleue montrant qu’il n’était pas à [Localité 12].

***

Il résulte de l’article 287 alinéa 1er du code de procédure civile que si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte.

L’article 1353 du code civil énonce que ‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.

En premier lieu, sur la question de la nature de l’écrit signé le 11 août 2014, il sera remarqué par la cour que celui-ci stipule qu’il réitère l’engagement de caution des appelants précédent en n’en modifiant que la durée.

Aussi, il ne s’agit effectivement pas d’une novation, ou substitution à une obligation que l’on éteint d’une nouvelle, mais de la poursuite de la précédente. Dès lors, le formalisme exigé par les articles L.341-1 et suivants du code de la consommation n’avait pas à être respecté.

Par ailleurs, il ressort des documents versés aux débats que M. [F] ne dénie pas la signature qui existe sur l’avenant et M. [G] son écriture quant au paragraphe relatif à sa garantie.

Il existe donc une difficulté à ce titre, l’avenant en date du 11 août 2014 formant un tout et les intéressés ne pouvant, s’ils admettent que ce document a été rédigé partiellement par leurs soins, que celui-ci comportait, selon leurs propres dires, des mentions manuscrites qui leur étaient attribuées, mais qu’ils n’ont pas écrites eux-mêmes.

Dès lors, soit ils ont volontairement ignoré ces mentions pourtant apparentes, soit ils ont refusé de les remplir, sans qu’il soit fourni d’explication sur ce point.

En outre, il sera retenu, comme l’a exactement mis en avant la partie intimée, que la différence d’écriture alléguée par M. [G] quant à sa signature n’est pas manifeste, que ce soit sur l’ensemble de ladite signature ou sur la forme de la lettre a, y compris au vu de la comparaison proposée par les écritures des appelants.

Aussi, la comparaison d’écriture ne permet pas de contester la signature objet du litige.

De même, s’agissant du paragraphe contesté par M. [F], s’il est exact que l’écriture est différente en apparence de l’acte initial du 13 juillet 2012, les juges du fond ont justement relevé que les apostrophes sont toutes rédigées de façon inversée de la gauche vers la droite et non pas de la droite vers la gauche, particularité présente lors des deux paragraphes relatifs à l’engagement de cautionnement de l’intéressé versé aux débats.

C’est pourquoi, là encore il peut être déduit que les deux documents ont été rédigés de la même main.

Au surplus, il sera souligné que les appelants, malgré les lettres d’information annuelles (pièces 9/1 à 9/7 de l’intimée), alors que celles-ci ont porté sur la période couverte uniquement par l’avenant litigieux, n’ont émis aucune protestation à leur réception, alors qu’ils étaient informés de la situation, et n’ont remis en cause leur engagement qu’à l’occasion de la présente instance.

En ce qui concerne la présence de MM. [F] et [G] à [Localité 12], il sera remarqué que l’absence de dépense apparente dans cette agglomération sur les relevés de compte fournis ne saurait constituer une preuve de l’impossibilité pour les intéressés de s’y trouver.

S’agissant plus particulièrement de M. [F], il est exact que le relevé de carte bancaire ne permet pas d’établir qu’il était l’utilisateur de cet instrument de paiement lors des opérations effectuées, ni que les opérations aient été souscrites le 11 août 2014, pouvant être retranscrites avec quelques jours de décalage.

Cet élément ne saurait être suffisant.

Quant à M. [G], outre ce qui précède à propos des relevés de carte bancaire, il y a lieu de relever que l’attestation de M. [P] et le mail échangé avec sa secrétaire ne permettent pas d’écarter la possibilité, du fait des délais de transport, d’une signature de l’acte objet du présent litige.

Il s’ensuit que ces éléments ne sont pas probants.

C’est pourquoi, faute d’être fondées les contestations élevées par les appelants à l’encontre de l’avenant en date du 11 août 2014 seront rejetées et le jugement en date du 25 mai 2021 confirmé de ce chef.

II Sur la capitalisation des intérêts.

Celle-ci est sollicitée par la société SOCFIM au dispositif de ses écritures, mais aucun élément n’est exposé lors de l’exposé de ses prétentions. Dès lors, en application de l’article 954 du code de procédure civile, en l’absence de moyen au soutien de ses prétentions, cette demande de la partie intimée ne pourra qu’être rejetée et la décision attaquée confirmée de ce chef

III Sur la demande de délais de grâce.

MM. [F] et [G] expliquent qu’ils sont dans l’attente de la vente du bien immobilier objet du financement cautionné par leurs soins lors du présent litige, ce pour une valeur supérieure à celle de la dette.

Ils exposent que cette vente a été retardée à la fois du fait des autorisations à obtenir dans le cadre de la procédure collective, d’une procédure de la part d’un de leur créancier et des délais de recours liés à la période de confinement.

Ils concluent à ce qu’il leur soit accordé un délai de grâce supplémentaire de 12 mois à compter de la présente décision pour désintéresser leur créancier.

La société SOCFIM souligne que la procédure judiciaire concernant un créancier tiers au présent litige est achevée depuis le 26 février 2020 et que la période d’urgence sanitaire a été levée définitivement le 24 août 2020.

Elle note que le bien en cause n’a toujours pas été vendu, ce que les parties ont confirmé au jour de l’audience sur interrogation du président, insistant sur le fait que les circonstances soulevées par les cautions ne sont pas de nature à empêcher de statuer sur le fond et alors que la présente procédure dure depuis 2017.

L’article 1343-5 du code civil mentionne que ‘Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment’.

Il ressort de l’ensemble des éléments précité que la demande en paiement, formée par la société SOCFIM par assignations en date des 6 et 27 janvier 2017 a déjà permis aux appelants de bénéficier au jour des débats devant la cour d’un délai de près de 7 ans.

En outre, il n’est pas rapporté, ni même allégué, qu’à ce jour une vente soit toujours en cours, faute d’acquéreur.

L’utilité du délai de grâce sollicité afin de permettre le paiement de la dette n’est donc pas justifiée.

Aussi, cette demande sera-t-elle rejetée et la décision attaquée confirmée de ce chef.

IV Sur les demandes annexes.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, l’équité commande que MM. [F] et [G] soient condamnés in solidum à verser un montant de 2.000 € à la société SOCFIM en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure en appel.

Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, MM. [F] et [G], qui succombent au principal, supporteront in solidum la charge des dépens, dont distraction au profit de la SCP Joly ‘ Cuturi ‘ Wojas ‘ Reynet Dynamis Avocats, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME la décision rendue par le tribunal judiciaire Bordeaux le 25 mai 2021 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum MM. [F] et [G] à verser à la société SOCFIM la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum MM. [F] et [G] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Joly ‘ Cuturi ‘ Wojas ‘ Reynet Dynamis Avocats, avocat.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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