Marchand de Biens : décision du 30 novembre 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 23/00073

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Marchand de Biens : décision du 30 novembre 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 23/00073
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COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 540 DU 30 NOVEMBRE 2023

N° RG 23/00073 –

N° Portalis DBV7-V-B7H-DQ5I

Décision attaquée: ordonnance du juge commissaire du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en date du 12 décembre 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 2022JC00600/2021RJ0127

APPELANTE :

S.A.R.L. NETTLE IMMO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Hugues JOACHIM, de la SELARL J – F – M, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMES :

S.A.R.L. ROYAL FOOD STORE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Marigot

Chez Sbh Dom

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe CUARTERO, avocat au barreau de Guadeloupe/St Martin/St Bart

Maître [L] [O], ès qualités de comissaire à l’exécution du plan de continuation de la société ROYAL FOOD STORE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par Me Christophe CUARTERO, avocat au barreau de Guadeloupe/St Martin/St Bart

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Frank Robail, président de chambre ,

Mme Annabelle Clédat, conseiller,

Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller.

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 25 septembre 2023.Elles ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier et la surcharge de travail des magistrats.

GREFFIER,

Lors des débats : Mme Armélida Rayapin, greffière.

Lors des débats et du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.

ARRÊT :

– contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

– Signé par M. Frank Robail, président de chambre, et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La S.A.R.L. NETTLE IMMO exerce une activité de marchand de biens immobiliers, de lotisseur, d’aménageur, de construction et de rénovation, plus spécialement sur le territoire de l’île de [Localité 7] ;

Par acte du 14 novembre 2002, la société Atlantic Pierre I, devenue ensuite la société dite SOCIETE D’INVESTISSEMENT ET D’ARBITRAGE IMMOBILIER ANTILLAIS, ci-après désignée ‘SIAIA’, a donné à bail à la société ROYAL FOOD STORE un local commercial situé dans la galerie commerciale de la Baie Nettle Beach Résidence, à [Localité 7], et ce pour une durée de neuf années consécutives, à effet du 1er décembre 2002 pour se terminer le 30 novembre 2011 ;

Par acte du 17 mai 2010, la SIAIA a acquis un complexe hôtelier sis à [Adresse 8], dans le cadre d’un projet de rénovation de l’ensemble immobilier de cette baie ; par acte d’huissier du 21 juillet 2010, elle a notifié à la S.A.R.L. ROYAL FOOD STORE qu’elle était ainsi devenue propriétaire des locaux loués depuis le 1er décembre 2002 ;

La SIAIA a été absorbée par la S.A.R.L. NETTLE IMMO le 28 décembre 2013 ;

Par acte d’huissier du 26 juillet 2011, la S.A.R.L. ROYAL FOOD STORE a sollicité de sa nouvelle bailleresse le renouvellement du bail pour une durée de neuf ans et a demandé que le loyer annuel fût réduit à la somme de 48 000 euros ;

Suivant acte d’huissier du 6 octobre 2011, la société SIAIA a refusé ce renouvellement et a proposé de régler au locataire une indemnité d’éviction, en application de l’article L145-14 du code de commerce, en suite de quoi un conflit est survenu entre les cocontractants relativement au montant de cette indemnité, lequel a été résolu dans un premier temps, ‘ après renoncement de la bailleresse à son refus de renouvellement initial dans le cadre d’un droit dit de repentir notifié le 30 juillet 2015 –, par un jugement du 3 novembre 2016, rectifié par jugement du 2 février 2017, par lequel le tribunal de grande instance de Basse-Terre avait :

– évalué l’indemnité d’éviction à la somme totale de 1 599 890, 31 euros, se décomposant comme suit : valeur du fonds de commerce de Royal Food Store 1 081 836, 05 euros, stock pondéré 334 922, 23 euros, frais de déménagement et de réinstallation 129 040, 13 euros, frais et droits de mutation (5%) 54 091, 80 euros,

– évalué le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 56 000 euros pour les 224 mètres carrés occupés,

– dit que le droit de repentir notifié par la société Nettle Immo à la société Royal Food Store en date du 30 juillet 2015 était nul et de nul effet,

– condamné la société Nettle Immo à payer à la société Royal Food Store la somme de 1 599 890 euros, à titre d’indemnité d’éviction,

– condamné la société Nettle Immo à rembourser à la société Royal Food Store la différence des sommes perçues entre l’indemnité réglée depuis la résiliation du bail et l’indemnité déterminée à dire d’expert,

– ordonné l’exécution provisoire de ce jugement pour la moitié des sommes allouées à la société Royal Food Store,

– débouté la société Royal Food Store de ses demandes de dommages et intérêts et de remboursement des frais qu’elle serait amenée à engager en cas d’exécution forcée,

– condamné la société Nettle Immo à payer à la société Royal Food Store la somme de 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, comprenant le coût de l’expertise judiciaire ;

Sur appel de ce jugement par la société NETTLE IMMO, la cour d’appel de ce siège, suivant arrêt contradictoire du 12 novembre 2018, a confirmé ledit jugement, rectifié par le jugement du 2 février 2017 et, y ajoutant, a condamné l’appelante à payer à la société Royal Food Store la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel ;

La société Nettle Immo a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt et, par un arrêt du 9 juillet 2020, la cour de cassation l’a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a dit nul et de nul effet le droit de repentir de la bailleresse ;

Par arrêt du 10 mai 2021, la cour de renvoi de ce siège :

– a infirmé le jugement du 3 novembre 2016 en ce qu’il a dit que le droit de repentir notifié par la société NETTLE IMMO à la société ROYAL FOOD STORE le 30 juillet 2015 était nul et de nul effet,

Et, statuant à nouveau :

– a dit que la société Nettle Immo avait valablement exercé son droit de repentir et débouté par suite la société ROYAL FOOD STORE de sa demande tendant à voir juger nul et de nul effet l’exercice de ce droit de repentir,

– a dit que la cassation partielle prononcée par l’arrêt de la cour de cassation du 9 juillet 2020 s’étendait par un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire aux dispositions de l’arrêt du 12 novembre 2018 ayant confirmé le jugement du 3 novembre 2016 du tribunal de grande instance de Basse-Terre, rectifié par le jugement du 2 février 2017, en ce qu’il avait évalué l’indemnité d’éviction à la somme de 1 599 980, 31 euros et en ce qu’il avait condamné la société Nettle Immo à payer à la société Royal Food Store ladite somme à ce titre,

– a donc infirmé le jugement du 3 novembre 2016 en ce qu’il avait condamné la société NETTLE IMMO à payer à la société ROYALFOOD STORE la somme de 1 599 890 euros à titre d’indemnité déviction,

Et, statuant à nouveau :

– a débouté la société ROYAL FOOD STORE de sa demande tendant à voir confirmer le jugement du 3 novembre 2016 en ce qu’il a évalué le montant de l’indemnité d’éviction à la somme de 1 599 890, 31 euros et l’a déclarée irrecevable en sa demande tendant à voir condamner la société Nettle Immo à lui payer ladite somme, en application de l’article L622-21 du code de commerce,

– a dit qu’en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cour n’était pas saisie de la demande de la société NETTLE IMMO tendant à voir préciser dans le jugement du 3 novembre 2016 que sa condamnation à rembourser à la société ROYAL FOOD STORE la différence des sommes perçues entre l’indemnité réglée par celle-ci et l’indemnité d’occupation déterminée à dire d’expert, devait être limitée à la période allant de la fin du bail le 30 novembre 2011 au 30 juillet 2015,

– a dit en outre qu’en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cour n’était pas saisie de la disposition du jugement du 3 novembre 2016 ayant débouté la société ROYAL FOOD STORE de sa demande de dommages et intérêts et qu’elle n’avait donc pas à y statuer,

Y ajoutant :

– a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– a condamné la société ROYAL FOOD STORE à payer à la société NETTLE IMMO la somme de 10 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure ;

Sur pourvoi en cassation de la société ROYAL FOOD STORE, la cour de cassation, en un arrêt du 15 février 2023, n’a cassé et annulé cet arrêt du 10 mai 2021 qu’en ce qu’il l’a condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles de NETTLE IMMO, sans renvoi, puisqu’elle a elle-même statué de ces chefs en condamnant cette dernière à payer à la société ROYAL FOOD STORE la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant les juges du fond, ainsi qu’aux dépens de l’instance au fond, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

***

C’est dans ce contexte que la société ROYAL FOOD STORE a déposé au greffe du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre une déclaration tendant à l’ouverture à son profit d’une procédure de sauvegarde, laquelle a été ouverte par jugement du 26 octobre 2021, avec désignation de Me [L] [O] en qualité de mandataire judiciaire et de Me [X] [D] en qualité d’administrateur judiciaire ;

La société NETTLE IMMO a formé tierce-opposition à ce jugement d’ouverture de la sauvegarde et, par jugement contradictoire du 14 avril 2022, le tribunal mixte de commerce l’y a déclarée irrecevable ; cette décision a été frappée d’appel ;

Par LRAR du 29 décembre 2021, la société NETTLE IMMO a déclaré au passif de la sauvegarde de la société ROYAL FOOD STORE plusieurs créances à titre privilégié pour un total de 1 094 272,66 euros ;

Par courrier du 9 juin 2022, Me [O], ès qualités de mandataire à la sauvegarde de la société ROYAL FOOD STORE, lui a notifié la contestation de créance par cette dernière, ne lui reconnaissant qu’une créance chirographaire de 52 697,74 euros sous déduction du dépôt de garantie de 13 847,42 euros, soit une créance résiduelle de 38849,98 euros ;

En réponse, la société NETTLE IMMO a ramené sa déclaration de créance à la somme de 144 345,34 euros, en suite de quoi la société ROYAL FOOD STORE n’a accepté l’admission de cette créance qu’à hauteur cette fois de 37 813,86 euros ;

Par ordonnance du 12 décembre 2022, le juge commissaire a admis la créance déclarée de la société NETTLE IMMO à hauteur de la somme de 37 813,86 euros, rejeté le solde de 1 056 459,02 euros et taxé ‘les dépens à la somme de 74,80 euros en frais privilégiés de justice’ ;

Par déclaration remise au greffe, par voie électronique (RPVA), le 16 janvier 2023, la S.A.R.L. NETTLE IMMO, par son avocat, Me [V] [E], a relevé appel de cette ordonnance, y intimant la société ROYAL FOOD STORE et Me [L] [O], ès qualités de mandataire judiciaire à la sauvegarde de cette dernière et y précisant que cet appel est limité aux dispositions de cette ordonnance par lesquelles le juge commissaire :

– a dit que la créance est admise à titre chirographaire pour la somme de 37 813,86 euros,

– et a rejeté la créance pour la somme de 1 056 459,02 euros ;

Cet appel a été orienté à bref délai, avec fixation à l’audience collégiale du 22 mai 2023, suivant ordonnance du président de chambre du 1er mars 2023, et avis d’avoir à signifier sa déclaration d’appel avec fixation à bref délai a été notifié au conseil de l’appelante par le greffe, par voie électronique, ce même 1er mars 2023 ;

La déclaration d’appel a été signifiée à chacun des intimés suivant actes séparés de commissaire de justice des 7 et 8 mars 2023 ;

La société ROYAL FOOD STORE et Me [O], ès qualités de mandataire judiciaire, ont constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de l’appelant par RPVA le 17 mars 2023 ;

L’appelante a conclu à deux reprises, par actes remis au greffe et notifiés par voie électronique au conseil adverse respectivement le 30 mars 2023 et le 28 avril 2023, et les intimés, une seule fois, par acte remis au greffe et notifié à l’appelante par même voie le 18 avril 2023 ; cependant, bien que constituée en qualité de mandataire judiciaire à la sauvegarde, Me [O] y conclut en qualité, cette fois, de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde finalement homologué par jugement du 20 janvier 2023 ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1°/ Par ses dernières écritures remises au greffe le 28 avril 2023, la S.A.R.L. Nettle Immo conclut aux fins de voir :

– recevoir l’intégralité de ses moyens et prétentions,

– débouter la société ROYAL FOOD STORE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– infirmer l’ordonnance déférée en ce que le juge commissaire y a :

** dit que la créance est admise à titre chirographaire pour la somme de 37 813,86 euros,

** rejeté la créance pour la somme de 1 056 459,02 euros,

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

– constater l’accord des parties sur le principe et le montant de sa créance à l’égard de la société ROYAL FOOD STORE à hauteur de la somme de 508 291,05 euros au titre des indemnités d’occupation sur la période du 1er décembre 2011 au 30 juillet 2015 et au titre des loyers sur la période du 30 juillet 2015 au 21 mars 2018,

– juger que, sur la période du 1er décembre 2011 au 21 mars 2018, la société ROYAL FOOD STORE a payé une somme de 543 615,04 euros à déduire du montant global de sa créance,

– juger inexistante la prétendue créance de la société NETTLE IMMO à son égard au titre du dépôt de garantie à hauteur de 13 847,72 euros,

– juger justifiées ses propres créances à l’égard de ROYAL FOOD STORE:

** au titre de la remise en état des locaux à hauteur de 81 970,72 euros,

** au titre des sommes saisies par cette dernière à hauteur de 97 698,61 euros,

Par conséquent, admettre la créance déclarée au passif de ROYAL FOOD STORE à hauteur de 144 345,34 euros (508 291,05 – 543 615,04 + 81 970,72 + 97 698,61 euros),

En tout état de cause,

– débouter la société ROYAL FOOD STORE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société ROYAL FOOD STORE à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens;

Au soutien de ces fins, la société NETTLE IMMO prétend notamment :

– que, compte tenu du refus de renouvellement du bail à effet du 1er décembre 2011 et de la date d’exercice de son droit de repentir à cet égard, soit le 30 juillet 2015, la société ROYAL FOOD STORE lui doit des indemnités d’occupation, sur la période délimitée par ces deux dates, d’un montant non contesté de 242 143,92 euros,

– que, compte tenu du renouvellement du bail à effet du 30 juillet 2015 et de la restitution des clés du local par le preneur le 21 mars 2018, ce dernier lui doit des loyers, cette fois, pour un montant, couvrant cette période, de 256 841,13 euros, lequel n’est pas davantage contesté par ROYAL FOOD STORE,

– que, via SPRIMBARTH, ROYAL FOOD STORE ne lui a payé, au titre des loyers et indemnités d’occupation, qu’un total de 543 615,04 euros et non pas les 548 971,71 euros qu’elle allègue avoir réglés,

– qu’en effet, si le différentiel de 5 356,67 euros apparaît sur les comptes de SPRIMBARTH, d’une part, elle n’a fait qu’y transiter avant que d’être virée sur le compte de consignation de Me [K], huissier de justice, le 11 juillet 2017 ainsi qu’il résulte de la pièce 6-1 de l’intimée, et, d’autre part, cette somme a fini par être restituée, en 2019, à ROYAL FOOD STORE dans le cadre de la déconsignation de la somme globale de 42 853,36 euros correspondant aux indemnités d’occupation pour la période de juillet 2017 à février 2018,

– que la créance revendiquée par ROYAL FOOD STORE pour 13 847,42 euros au titre du dépôt de garantie versé en 2014, est inexistante par suite de son extinction consécutive à un arrêt ‘définitif’ de la cour d’appel de Rennes en date du 17 mai 2022 qui a rejeté la créance déclarée au passif de la sauvegarde de NETTLE IMMO par la première pour un total de 1 844 219,80 euros incluant expressément ’15 825,17 euros au titre du non remboursement du dépôt de garantie (…)’,

– qu’elle détient quant à elle un autre créance que celles des loyers et indemnités d’occupation, puisque les lieux ne lui ont pas été restitués en bon état de réparations locatives, et ce, en violation des stipulations de la clause VI 5° et 6° du bail originel,

– qu’un état contradictoire de sortie des lieux a été en effet dressé le 21 mars 2018, qui mentionne ‘l’absence de toute remise en état par la société ayant quitté les lieux’, tout en précisant juste après : ‘Il faut tout refaire. Lesdits locaux sont dans un état catastrophique alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant ‘,

– que c’est à tort que ROYAL FOOD STORE prétend que la nécessaire remise en état des lieux serait la conséquence du passage, en septembre 2017, de l’ouragan IRMA, puisqu’il est produit un constat d’huissier du 21 mars 2018 qui démontre qu’elle-même, en tant que bailleresse, avait procédé aux réparations nécessaires en lien avec cet ouragan,

– qu’à l’inverse, l’état des lieux de sortie a révélé l’existence de diverses modifications des lieux réalisées par la locataire sans autorisation préalable et l’absence de leur rétablissement dans leur état initial, alors même qu’à la suite dudit ouragan, ROYAL FOOD STORE a touché de son assureur une indemnité de plus de 1200000 euros destinée à la prétendue poursuite de son exploitation, laquelle n’a jamais eu lieu,

– qu’elle a fait établir le 24 janvier 2019, par la société JAMONT, un devis englobant l’ensemble des travaux nécessaires, dont il ressort un coût de remise en état de 81970,72 euros,

– qu’il importe peu qu’elle ait déposé, le 8 novembre 2021, un permis de démolir, puisque l’obligation de remise en état des lieux existait à la charge de ROYAL FOOD STORE avant le 26 octobre 2021, date d’ouverture de la procédure de sauvegarde à son profit, ce d’autant que ce permis n’a pu être mis en oeuvre en suite des manoeuvres de l’ancienne locataire,

– et que doivent être ajoutées à ses créances sus-visées les sommes qui ont été saisies sur ses comptes bancaires et locatif par ROYAL FOOD STORE sur la base de l’indemnité d’éviction à laquelle elle avait été condamnée par un arrêt finalement cassé par la cour de cassation, lesquelles sommes ne lui ont toujours pas été restituées ;

Pour le surplus des explications de l’appelante, il est expressément renvoyé à ses dernières écritures ;

2°/ Par leurs propres écritures remises au greffe le 18 avril 2023, la société ROYAL FOOD STORE et Me [O], ès qualités, concluent quant à elles aux fins de voir, au visa de l’article L 622-16 du code de commerce et de l’article 32-1 du code de procédure civile;

– débouter la société NETTLE IMMO de l’ensemble de ses prétentions,

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce que le juge commissaire :

** a admis au passif de la société ROYAL FOOD STORE la créance de la société NETTLE IMMO pour la somme de 37 813,86 euros à titre chirographaire,

** rejeté pour le surplus la créance de ladite société, soit la somme de 1 056 459,02 euros suivant sa déclaration initiale,

– condamner la société NETTLE IMMO à payer :

** à la société ROYAL FOOD STORE les sommes suivantes :

*** 4 000 euros pour procédure abusive,

*** 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

** à Me [L] [O], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société ROYAL FOOD STORE la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même société aux entiers dépens de première instance et d’appel, sous distraction et ‘aux éventuels frais d’exécution forcée qu'(elles) seraient amenées à exposer’ ;

Elles prétendent toutes deux notamment, au soutien de ces défenses et demandes :

– que le plan de sauvegarde de la société ROYAL FOOD STORE a été homologué par le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE par jugement du 20 janvier 2023,

– que les relations de la société ROYAL FOOD STORE à la société NETTLE IMMO prennent source dans un bail commercial dont elle avait sollicité le renouvellement en juillet 2011, lequel lui avait été refusé dans un premier temps, si bien que les choses ont pris un tour judiciaire relativement à l’indemnité d’éviction que la première avait réclamée à la seconde,

– que la déclaration de créance initiale de la société NETTLE IMMO, d’une part, incluait des indemnités d’occupation réclamées à la locataire jusqu’à la libération des lieux qu’elle avait fixée au 26 octobre 2021, alors même que les lieux avaient été libérés et restitués le 21 mars 2018, et d’autre part, faisait fi des sommes qu’elles avait reçues pendant la période du 1er décembre 2011 (date de fin du bail) à la date de cette restitution,

– qu’en suite de leur contestation de créance, NETTLE IMMO avait accepté de réduire ses prétentions,

– que ROYAL FOOD STORE est d’accord avec le décompte finalement proposé par NETTLE IMMO au titre des indemnités d’occupation dues pour la période du 1er décembre 2011 au 30 juillet 2015, dont il résulte qu’il est dû une somme totale de 242 143,92 euros,

– qu’elle est également d’accord avec le décompte des loyers dus sur la période du 30 juillet 2015, date du repentir du bailleur, au 21 mars 2018, date de la fin du bail, lequel établit qu’il est dû de ce chef à ce dernier une somme de 265 841,13 euros,

– que ces loyers et indemnités font un total de 508 291,05 euros, cependant que des sommes ont été payées au bailleur sur les mêmes périodes, savoir, au regard du relevé de compte locataire établi par la société SPRIMBARTH CAP CARAIBES, mandataire de NETTLE IMMO :

** 548 971,71 euros payés directement entre les mains de ce mandataire entre le 1er décembre 2011 et le 21 mars 2018,

** 42 853,36 euros actuellement séquestrés entre les mains d’un huissier de justice (la SCP [K]),

– que la société NETTLE IMMO, aux termes de ses conclusions d’appelante, conteste le décompte de son propre mandataire et, ainsi, le paiement d’une somme de 5356,67 euros sur la base d’arguments inopérants puisque le décompte de son propre mandataire SPRIMBARTH démontre que cette somme y a été bel et bien comptabilisée,

– que c’est encore à tort qu’elle refuse le remboursement du dépôt de garantie au faux prétexte que l’arrêt de la cour d’appel du 17 mai 2022 a rejeté la déclaration de créance de ROYAL FOOD STORE au passif de sa propre sauvegarde, puisqu’en sa motivation ladite cour ne visait que le rejet de l’indemnité d’éviction,

– qu’en revanche, la créance que lui réclame NETTLE IMMO au titre de la remise en état des lieux est infondée, dès lors que, lorsqu’elle a restitué les lieux en mars 2018, ceux-ci étaient devenus inexploitables et dangereux en suite du passage du cyclone IRMA à [Localité 7] et que la remise en état de dégâts et sinistres extérieurs aux faits de la locataire est de la responsabilité de la bailleresse,

– que la bailleresse a d’ailleurs reçu de son assureur une indemnité de plus de 3000000 euros pour remettre les lieux en état,

– qu’au surplus, NETTLE IMMO ne produit, au soutien de sa demande à ce titre, ‘qu’un devis plus de 5 ans après le passage de l’ouragan’,

– que, de toute façon, les lieux sont voués à la démolition puisque NETTLE IMMO a déposé pour ce faire un permis de démolir le 8 novembre 2021, lequel a fait l’objet d’un avis favorable du 22 décembre 2021,

– et qu’en revanche, sont dues à NETTLE IMMO les sommes saisies sur ses comptes et entre les mains de l’agence immobilière en charge de recouvrer les loyers sur la base de sa condamnation initiale au paiement de l’indemnité d’éviction finalement annulée ;

Pour le surplus de ses explications, il est expressément référé aux dernières écritures de la société ROYAL FOOD STORE et de Me [O], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de cette dernière ;

***

L’affaire a été retenue et plaidée à l’audience du 22 mai 2023 et a été mise en délibéré au 25 septembre 2023, date à laquelle les parties ont été informées par le greffe de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier et de la surcharge des magistrats ;

MOTIFS DE L’ARRET

I- Sur la recevabilité de l’appel

Attendu que l’ordonnance querellée date du 21 novembre 2022 ; que si l’appelante produit un acte de notification du greffe daté du 29 décembre

2022, il n’est pas justifié de sa réception ; qu’ainsi, dans l’ignorance où est laissée la cour de la date de réception de ladite notification, il y a lieu de dire la société NETTLE IMMO recevable en son appel à l’encontre de cette ordonnance ;

II- Sur le bien fondé de la déclaration de créance de la société NETTLE IMMO au passif de la sauvegarde de la société ROYAL FOOD STORE

Attendu qu’en application des articles L 622-24 et suivants du code de commerce :

– à partir de la publication du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde au profit d’un débiteur, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement à ce jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’Etat (soit, généralement, dans les deux mois, hors délais de distance, suivant la publication de ce jugement au BODACC),

– s’il y a discussion ou contestation sur tout ou partie d’une créance autre que celles mentionnées à l’article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l’invitant à faire connaître ses explications et, en cas de réponse du créancier dans les 30 jours, si celui-ci maintient sa déclaration dans les termes contestés, le juge commissaire est saisi de cette contestation par ledit mandataire ;

Attendu qu’en application de l’article L 624-2 du même code, le juge commissaire, au vu des propositions du mandataire judiciaire, si la demande d’admission des créances contestées est recevable, décide de leur admission ou de leur rejet ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence, cependant qu’en l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission ;

Attendu qu’enfin, l’article R 624-5 du code de commerce précise que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ;

Attendu que, sur appel d’une ordonnance d’admission ou de rejet de créance du juge commissaire, la cour d’appel n’a pas davantage le pouvoir d’admettre ou de rejeter une créance déclarée si est élevée à son encontre une contestation sérieuse ;

Attendu qu’en l’espèce, il est constant :

– que la société NETTLE IMMO a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire à la sauvegarde de la société ROYAL FOOD STORE, dans les délais réglementaires, soit le 29 décembre 2021, une créance d’un montant de 1 094 272,66 euros,

– que, par courrier du 9 juin 2022, Me [O], ès qualités de mandataire judiciaire, a notifié à NETTLE IMMO la contestation de cette créance par la société débitrice,

– que, par courrier en réponse du 11 juillet 2022, NETTLE IMMO a maintenu sa déclaration de créance, tout en en réduisant le quantum à la somme de 144 345,34 euros,

– et que le juge commissaire a été valablement saisi de cette contestation, qui, après échange d’écritures entre les parties devant celui-ci, a rendu l’ordonnance déférée qui limite à la somme de 37 813,86 euros la créance de NETTLE IMMO admise au passif de la sauvegarde de ROYAL FOOD STORE ;

Attendu que devant cette cour, la société NETTLE IMMO, aux termes de ses dernières écritures d’appelante, maintient sa déclaration de créance à la somme de 144 345,34 euros dont elle demande l’admission sur la base, selon son propre calcul, de créances revendiquées pour, respectivement 508 291,05 euros (loyers et indemnités d’occupation), 81 970,72 euros (réparations locatives), 92 341,94 euros (montant des saisies opérées sur ses comptes bancaires et locatif en exécution de l’indemnité d’éviction finalement annulée) et 5 356,67 euros correspondant au loyer de juillet 2007 qu’elle prétend être resté impayé ;

Attendu qu’en premier lieu la cour ne peut-elle que constater l’accord exprès des parties pour fixer la créance de loyers et d’indemnités d’occupation de la société NETTLE IMMO à l’encontre de la société ROYAL FOOD STORE à la somme de 508291,05 euros et qu’elles ne divergent que sur deux types de difficultés, celles relatives au montant des sommes réglées par cette dernière avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou à déduire des loyers comme ayant été payées à la signature du bail [548 971,71 euros (comme prétendu par ROYAL FOOD STORE) ou 543 615,04 euros (comme prétendu par NETTLE IMMO) et le montant du dépôt de garantie de 13 847,42 euros] et celles qui ont trait à la revendication par NETTLE IMMO d’une créance supplémentaire au titre des réparations locatives, étant observé que ROYAL FOOD STORE consent à déduire des sommes qui lui sont dues celles qu’elle avait perçues, pour 92 341,94 euros, en exécution de diverses saisies attributions opérées sur la base de l’indemnité d’éviction qui lui avait été allouée dans un premier temps et qui a fini par être annulée sur injonction de la cour de cassation et que, dès lors, la cour n’est saisie d’aucune contestation à cet égard ;

1°/ Sur le quantum des paiements déjà intervenus

Attendu que, en droit, il appartient au débiteur qui se prétend libéré d’une dette de faire la preuve de son paiement s’il s’agit, comme en l’espèce, d’une dette monétaire ;

1°- a- Sur les sommes payées au titre des loyers et indemnités d’occupation

Attendu que la société ROYAL FOOD STORE prétend avoir réglé la somme totale de 548 971,71 euros entre les mains du mandataire de la société NETTLE IMMO, savoir la société SPRIMBARTH CAP CARAIBES, tantis que NETTLE IMMO affirme n’avoir reçu que 543 615,04 euros, soit un différentiel de 5 356,67 euros correspondant à une indemnité d’occupation mensuelle, celle, selon l’ex-locataire, de juillet 2017 ;

Attendu qu’en vertu du principe ci-avant rappelé, il appartient à cette dernière de faire la preuve du paiement de cette somme entre les mains de la société NETTLE IMMO et que, pour ce faire, elle invoque, en pièce 6/1, un ‘COMPTE RECAPITULATIF DE GESTION’ adressé par l’agence immobilière SPRIMBARTH à NETTLE IMMO le 7 septembre 2021, qui mentionne le versement par ROYAL FOOD STORE, le 11 juillet 2017, de la somme de 5 356,67 euros, avec cependant une autre mention, juste à côté du nom de la débitrice : ‘VERSEMENT LOYERS [K]’ ;

Attendu que ce versement est conforté du relevé de compte ‘locataire’ complet, comme allant du 1er octobre 2010 au 1er décembre 2021, produit en pièce 5 par ROYAL FOOD STORE et Me [O] et en pièce 38 par NETTLE IMMO, cependant qu’il ne peut en être inféré que la somme litigieuse ait été finalement remise à cette dernière ; qu’en effet, outre qu’il est mentionné, sur l’extrait de compte versé en pièce 6/1, que son destinataire était l’huissier consignataire en la personne de Me [K], NETTLE IMMO produit en pièce 42 de son dossier un procès-verbal dit de ‘déconsignation’ en date du 23 janvier 2019, dont il résulte que cet huissier a opéré cette ‘déconsignation’ entre les mains de ROYAL FOOD STORE pour un montant total de 42 853,36 euros représentant les ‘indemnité(s) d’occupation pour les périodes allant de juillet 2017 à février 2018, soit la somme de 5 356,67 euros x 8 mois (…)’; qu’il en résulte que l’indemnité bel et bien versée par ROYAL FOOD STORE entre les mains de l’agence SPRIMBARTH pour le mois de juillet 2017 le 11 juillet 2017, celle-là même qu’elle prétend expressément avoir finalement payée à NETTLE IMMO, lui a été restituée, et ce sans qu’elle dise, explique et justifie l’avoir payée à nouveau à ce bailleur postérieurement à ladite ‘déconsignation’ de janvier 2019 ;

Attendu qu’il résulte de ces constatations et analyses des documents de la cause que la société ROYAL FOOD STORE ne fait pas la preuve du paiement de la somme de 5 365,67 euros correspondant à sa dette d’indemnité d’occupation de juillet 2017 et que, partant, ses contestations de ce chef ne sont pas sérieuses au sens de l’article L 624-2 du code de commerce, si bien que c’est à tort que le juge a déduit ladite somme de la créance déclarée par NETTLE IMMO et que sa décision ne peut qu’être infirmée de ce chef ;

1°- b – Sur la restitution du dépôt de garantie

Attendu qu’en application des dispositions des articles L 622-24 et suivants du code de commerce, le rejet par le juge commissaire d’une créance déclarée au passif d’une personne bénéficiant d’une procédure de sauvegarde a pour effet d’éteindre ladite créance et, ainsi, de la rendre inexistante dans les rapports entre la personne en sauvegarde et le créancier déclarant ;

Attendu qu’en l’espèce, il ressort d’un arrêt dûment produit (pièce 32 du dossier de l’appelante) rendu par la cour d’appel de RENNES le 17 mai 2022 dans le cadre de la sauvegarde ouverte au profit de la société NETTLE IMMO suivant jugement d’ouverture du 16 janvier 2019, mais aussi de la déclaration de créance de ROYAL FOOD STORE au passif de cette sauvegarde en date du 11 février 2019 (pièce 19 du dossier de l’appelante) :

– que ce 11 février 2019, la société ROYAL FOOD STORE a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire désigné dans le cadre de cette sauvegarde, une créance de 1844219,80 euros incluant expressément (cf page 2/3 in fine de cette déclaration de créance) une somme de 15 825,17 euros ‘au titre du non remboursement du dépôt de garantie qui a été mis à la charge de la locataire au moment de la prise de possession des lieux suivant bail en date du 14 novembre 2002″,

– que par ordonnance du 10 juin 2020, le juge commissaire, sur contestation du mandataire judiciaire, a admis cette créance pour ce montant à titre chirographaire,

– mais que par arrêt du 17 mai 2022, ‘ en suite d’un arrêt de la cour de renvoi après cassation d’un arrêt de la cour de ce siège du 12 novembre 2018 –, qui a dit valable l’exercice par la bailleresse de son droit de repentir, la cour d’appel de RENNES a infirmé l’ordonnance du juge commissaire du 10 juin 2020 et rejeté l’entière créance déclarée le 11 février 2019 par ROYAL FOOD STORE ;

Attendu qu’il en résulte que la créance correspondant au montant du dépôt de garantie, incontestablement incluse à la somme de 1 844219,80 euros ainsi rejetée en totalité, a elle-même été rejetée par la cour ; qu’il importe peu à cet égard que dans les motifs de cet arrêt du 17 mai 2022, la cour n’ait pas expressément mentionné ce dépôt de garantie ; qu’en effet, cet arrêt, dont il n’est pas prétendu et moins encore justifié qu’il ait fait l’objet d’un pourvoi qui aurait entraîné sa cassation, fût-elle partielle, a force de chose jugée en ce qui est de sa disposition relative au rejet de la totalité de la créance déclarée, en ce compris la somme de 15 825,17 euros déclarée au titre de la restitution de ce dépôt de garantie, si bien que cette décision ne peut être remise en cause et qu’elle entraîne l’extinction de la créance ainsi rejetée ;

Attendu qu’en suite de cette extinction, la cour ne peut que constater que la créance réclamée par l’intimée au titre dudit dépôt est inexistante, si bien que la contestation élevée par cette dernière à l’encontre de la propre déclaration de créance de NETTLE IMMO au passif de sa sauvegarde, en ce qui est de la somme désormais réduite à 13847,42 euros, n’apparaît pas sérieuse, que cette somme n’est plus due par NETTLE IMMO et que c’est donc à tort que le juge commissaire a déduit cette somme du montant de la créance déclarée par cette dernière ; que la décision déférée sera par suite encore infirmée de ce chef ;

2°/ Sur la créance relative aux réparations locatives

Attendu qu’aux termes des stipulations du bail qui liait les sociétés NETTLE IMMO (ou ses auteurs) et ROYAL FOOD STORE, en conformité d’ailleurs avec les dispositions légales applicables aux baux commerciaux, il appartient au preneur sortant de libérer les locaux loués dans un bon état de réparations locatives ;

Mais attendu que si NETTLE IMMO produit, en pièce 11 de son dossier, un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 21 mars 2021 qui dresse, en présence notamment d’un huissier mandataté par ROYAL FOOD STORE, l’état des locaux anciennement loués à cette dernière après restitution des clés suivant procès-verbal de constat du 5 mars précédent, et si ce constat d’état des lieux de sortie révèle ‘des locaux parfaitement exploitables si l’exploitant n’en avait pas décidé autrement’ et ‘qu’aucune remise en état n’a été effectuée par la société qui a abandonné les lieux en les laissant dans un état catastrophique’ :

– d’une part, ROYAL FOOD STORE argue de ce que les locaux sont dans cet état depuis le passage du cyclone IRMA en septembre 2017, que, dès lors, la remise en état incombait au bailleur qui avait reçu pour ce faire de son assureur plus de 3 000 000 euros et que, de toute façon, ce bailleur a décidé de démolir l’entier bâtiment sur la base d’un permis de démolir déposé en novembre 2021,

– et, d’autre part, NETTLE IMMO ne produit en l’état, au soutien de sa demande au titre des réparations locatives, qu’un devis d’une société JAMONT en date du 24 janvier 2019 pour un montant de 81 970,72 euros ;

Or, attendu que la question est en effet sérieuse de savoir quel a pu être l’impact des destructions cycloniques de septembre 2017 sur l’état du bâtiment tel que révélé par le constat du 21 mars 2018 et, partant, sur la charge des réparations tant extérieures qu’intérieures ; que si ce constat permet d’établir que des travaux de réfection ont été réalisés par le bailleur, notamment pour la mise hors d’eau et hors d’air, il est insusceptible à lui seul de démontrer que ‘l’état catastrophique’ néanmoins décrit par l’huissier instrumentaire, ne serait que le résultat des manquements du locataire à la réalisation des travaux qui lui incombaient en cette qualité et pour lesquels il n’a pu lui aussi qu’être indemnisé par son assureur au titre de l’état de catastrophe naturelle déclaré par l’Etat français ; et que, de toute façon, la confrontation, en l’état, des deux seuls documents ainsi produits (PV de constat d’état des lieux de sortie et devis JAMONT) ne permet en aucune façon à la cour de fixer avec la précision et la rigueur qui s’imposent le montant des réparations locatives qui peut incomber à l’ancienne locataire ROYAL FOOD STORE ;

Attendu qu’il résulte de ces constatations que s’il n’est pas sérieusement contestable que des réparations locatives pouvaient incomber à cette dernière, fût-ce à raison des destructions opérées par un phénomène météorologique de l’ampleur du cyclone IRMA de septembre 2017, celle-ci oppose, en l’état, à la demande de NETTLE IMMO d’une somme aussi considérable que les 81 970,72 euros qu’elle lui réclame dans le cadre de sa déclaration de créance, des contestations suffisamment sérieuses pour ôter au juge commissaire et, partant, à la cour de ce siège sur appel de la décision de ce dernier, toute compétence pour les trancher, soit en rejetant purement et simplement l’entière créance de ce chef, soit en l’admettant en tout ou partie, si bien que, en application des dispositions de l’article L 624-2 du code de commerce, c’est à tort que le premier juge s’est estimé compétent pour la rejeter purement et simplement et que, par suite, l’ordonnance déférée doit encore être infirmée de ce chef ;

Attendu qu’en exécution des exigences de l’article R 624-5 du code de commerce, la cour, statuant à nouveau au constat de l’incompétence du juge commissaire au regard des contestations sérieuses ainsi soulevées par l’intimée, ne peut que renvoyer les parties à mieux se pourvoir et inviter le créancier déclarant à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt, afin de faire trancher au fond le litige lié aux réparations locatives réclamées par NETTLE IMMO ; et que, subséquemment, cause et parties seront renvoyées devant le juge commissaire pour les suites à donner, soit à la saisine de la juridiction du fond compétente, soit à l’absence de saisine dans le délai sus-visé ;

III- Sur la demande de la société ROYAL FOOD STORE en dommages et intérêts pour procédure abusive

Attendu que la décision déférée étant en large part infirmée sur l’appel diligenté par NETTLE IMMO, cette procédure ne peut être tenue pour abusive ; qu’il y a donc lieu de débouter la société ROYAL FOOD STORE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

IV- Sur les dépens et frais irrépétibles de première instance et d’appel

Attendu que si la déclaration d’appel de la société NETTLE IMMO n’a pas déféré à la cour la disposition de l’ordonnance querellée relative aux dépens de première instance, la société ROYAL FOOD STORE et Me [O], ès qualités, ont bel et bien remis en cause cette disposition dans leurs conclusions d’intimées puisqu’ils demandent que ces dépens soient mis à la charge de la seule appelante ; que la cour en est donc valablement saisie dans le cadre d’un appel incident ;

Attendu que, compte tenu des circonstances de la cause, lesquelles s’inscrivent dans la détermination, consusbstantielle à l’ouverture de toute procédure collective, de l’état du passif de la société débitrice, les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de sauvegarde et, en équité, chacune des parties sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d’appel ; qu’il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise du chef des dépens de première instance en ce qu’elle les a qualifiés de ‘frais privilégiés de justice’ ;

Attendu que la demande des intimées au titre des ‘éventuels frais d’exécution forcée’ qu’ils seraient amenés à exposer, n’a pas d’objet né et actuel et n’est donc pas recevable ; qu’ils en seront donc déboutés ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

– Dit recevable l’appel formé par la S.A.R.L. NETTLE IMMO à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire à la procédure de sauvegarde de la S.A.R.L. ROYAL FOOD STORE en date du 12 décembre 2022,

– Infirme cette ordonnance en toutes ses dispositions déférées, hors celle relative aux dépens taxés de première instance,

– La confirme du seul chef de ces dépens,

Statuant à nouveau pour le surplus,

– Constate que la société ROYAL FOOD STORE ne fait pas la preuve du paiement de l’indemnité d’occupation de 5 365,67 euros au titre du mois de juillet 2017 et que sa créance de dépôt de garantie de 13 847,42 euros est éteinte et inexistante,

– Dit en conséquence n’y avoir lieu de déduire l’une et l’autre de ces sommes de la créance déclarée par la société NETTLE IMMO et finalement réduite, devant le juge commissaire et cette cour, à 144 345,34 euros,

– Constate l’existence d’une contestation sérieuse de la part de la société ROYAL FOOD STORE et Me [O], ès qualités, quant au bien fondé de la créance de réparations locatives déclarée par la société NETTLE IMMO au passif de la sauvegarde de la première,

– Dit par suite ce juge incompétent pour la trancher, renvoie les parties à mieux se pourvoir et invite la S.A.R.L. NETTLE IMMO à saisir la juridiction compétente qui aura à statuer sur le fond de sa demande au titre de ces réparations locatives, et ce dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt, à peine de forclusion,

– Renvoie cause et parties devant le juge commissaire pour les suites à donner, soit à la saisine de la juridiction du fond compétente et à la décision qu sera rendue sur les demandes de la société NETTLE IMMO, soit à l’absence de saisine dans le délai sus-visé,

Y ajoutant,

– Déboute la S.A.R.L. ROYAL FOOD STORE de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

– Déboute chacune des parties de sa demande au titre des dépens et frais irrépétibles d’appel,

– Déboute la S.A.R.L. ROYAL FOOD STORE et Me [O], ès qualités, de leur demande au titre des ‘éventuels frais d’exécution forcée’,

– Ordonne l’emploi des dépens d’appel en frais privilégiés de sauvegarde.

Et ont signé,

La greffière, Le président,

 


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