Marchand de Biens : décision du 30 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 20/04949

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Marchand de Biens : décision du 30 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 20/04949
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

8ème chambre
1ère section

N° RG 20/04949
N° Portalis 352J-W-B7E-CSFOI

N° MINUTE :

Assignation du :
26 Mars 2020

JUGEMENT
rendu le 30 Janvier 2024

DEMANDERESSE

Société MB MYRON
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Benoît ATTAL de la SELASU CABINET ATTAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0608

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] représenté par son syndic, la société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE
[Adresse 2]
[Localité 7]

représenté par Maître Cécile LEMAISTRE BONNEMAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1286

Société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentée par Maître Fabrice MOULIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0837

Compagnie d’Assurances GROUPAMA GRAND EST
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Marie-Françoise PECH DE LACLAUSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire ##C2433
Décision du 30 Janvier 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 20/04949 – N° Portalis 352J-W-B7E-CSFOI

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente

assistés de Madame Lucie RAGOT, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 19 Octobre 2023,
tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2024.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L’ensemble immobilier situé [Adresse 3] est constitué en copropriété, actuellement administrée par son syndic, la société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE.

La société MB MYRON a été propriétaire dans cet immeuble des lots 4, 5, 6 et 7 (dont un local commercial) à compter du 27 décembre 2018.

La compagnie GROUPAMA GRAND EST est l’assureur de l’immeuble.

Suite à un sinistre dans le local commercial de la société MB MYRON, un constat amiable de dégât des eaux a été établi le 30 janvier 2019 entre celle-ci et le syndic de l’immeuble.

Une expertise amiable a été diligentée en juin / juillet 2019.

Puis, par actes d’huissier de justice des 26 et 30 mars 2020, la société MB MYRON a assigné devant le tribunal le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 3], la société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE et la société GROUPAMA GRAND EST.

En 2021, la société MB MYRON a revendu ses lots précités dans l’immeuble.

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 27 février 2023, la société MB MYRON demande au tribunal de :

– la dire bien fondée dans toutes ses demandes ;

– dire le syndicat des copropriétaires défendeur, la compagnie GROUPAMA GRAND EST et la société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE mal fondées dans toutes leurs demandes ;
– débouter les défendeurs de leurs demandes ;
– condamner solidairement le syndicat des copropriétaires défendeur, la compagnie GROUPAMA GRAND EST et la société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE à lui verser :
– 144.000 € hors taxes, soit 172.000 € TTC à titre d’indemnisation de son préjudice de perte de loyers qu’elle aurait pu percevoir d’un locataire commercial pour la période du 1er février 2019 au 28 février 2020 ;
– 5.750 € hors taxes, soit 6.900 € TTC, à titre d’indemnisation de son préjudice de perte de la provision pour charges annuelles qu’elle aurait pu percevoir d’un locataire commercial pour la période du 1er février 2019 au 28 février 2020 ;
– 1.435 € hors taxes, soit la somme de 1.722 € TTC, à titre d’indemnisation de son préjudice de perte de remboursement de la taxe foncière qu’elle aurait pu obtenir d’un locataire commercial pour la période du 1er février 2019 au 28 février 2020 ;
– condamner solidairement le syndicat des copropriétaires défendeur, la compagnie GROUPAMA GRAND EST et la société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 27 février 2023, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 3] demande au Tribunal de :

– débouter la société MB MYRON de toutes ses demandes ;
– condamner la société GROUPAMA GRAND EST à le garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre au bénéfice de la société MB MYRON ;
– condamner toutes parties succombantes à lui payer la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 28 février 2023, la société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE demande au tribunal, au visa de l’article 1240 du code civil, de :

– débouter la société MB MYRON de l’intégralité de ses demandes formulées contre elle ;
– condamner la société MB MYRON à lui verser la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 6 février 2023, la compagnie GROUPAMA GRAND EST demande au tribunal, au visa des articles L 124-1 à L 124-5 du code des assurances, de :

– la dire légitime et bien fondée en ses prétentions ;
A titre principal
– débouter la société MB MYRON de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire
– si le tribunal décidait d’entrer en voie de condamnation in solidum au titre de la perte de loyer, la ramener à de plus justes proportions au regard de la perte de chance et s’en tenir à une indemnité maximale de 16.250 € ;
– si le tribunal décidait d’entrer en voie de condamnation in solidum au titre des charges de copropriété et la TF 2019, la ramener à de plus justes proportions au regard de la perte de chance ;
– exclure en toute hypothèse le versement d’une TVA que la SARL MB MYRON ne reversera pas ;
En toute hypothèse
– si le tribunal déboute la société MB MYRON de l’ensemble de ses demandes, la condamner au paiement d’une somme de 4.000 € pour elle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– si le tribunal fait droit, même partiellement, aux demandes de la société MB MYRON, ramener à de plus justes proportions la demande formée par la société MB MYRON du chef de l’article 700 du code de procédure civile et condamner au plus juste la ou les parties succombantes ;
– dire que chacune des parties conservera ses frais et dépens.

*

Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour l’exposé des moyens de droit et de fait à l’appui de leurs prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 4 avril 2023.

L’affaire a été plaidée le 19 octobre 2023. La décision a été mise en délibéré au 30 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale aux fins d’indemnisation

A l’appui de ses demandes, la société MB MYRON fait valoir que :

– le 30 janvier 2019, en cours de travaux de rénovation du local, elle a subi un dégât des eaux important par infiltration en provenance du toit-terrasse de l’immeuble ;
– l’expertise amiable a confirmé l’origine du sinistre (parties communes) ;
– la responsabilité du syndicat des copropriétaires est engagée au titre de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ou sur les règles de droit commun de la responsabilité délictuelle ;
– le syndicat est aussi responsable des fautes commises par le syndic dans le cadre de son mandat au titre de l’article 1998 du code civil ;
– la garantie de la compagnie GROUPAMA GRAND EST, assureur de l’immeuble, est engagée ;
– la garantie du syndic FONCIA est engagée en raison de son inaction suite au sinistre subi ;
– il y a une négligence fautive du syndic qui n’a rien fait pour mettre un terme au désordre ;

– le défaut de conservation de l’immeuble du syndicat des copropriétaires et le défaut de diligences du syndic sont à l’origine de ses préjudices ;
– son assureur AXA a réglé les préjudices matériels dans les locaux à hauteur de 8.030,85 € ;
– elle a subi une perte de chance de louer son local commercial.

En défense, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble fait valoir que :

– les travaux de reprise ont été votés par l’assemblée générale du 18 novembre 2019 et ont été achevés le 11 février 2020 ;
– la demanderesse doit justifier des demandes faites auprès de son assureur et de la position d’AXA ;
– les parties communes sont à l’origine des infiltrations, mais la demanderesse n’a pas été diligente ;
– le syndicat a fait diligence pour procéder aux travaux de réfection ;
– la demanderesse n’a subi aucune perte avant le 15 juin 2019, date initiale de fin de travaux ;
– les travaux n’ont commencé que le 5 avril 2019 et leur fin prévisible était donc le 15 septembre 2019;
– la demanderesse est un marchant de bien qui n’a jamais eu l’intention de louer le local ;
– les préjudices sont contestés ;
– la société GROUPAMA a reconnu sa garantie.

Pour sa part, la société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE fait valoir que :

– la demanderesse est un marchand de biens et n’avait aucune intention de louer le local commercial ;
– le dégât des eaux n’est pas démontré dans son importance et sa persistance ;
– la demanderesse n’a pas alerté le syndic sur la persistance d’écoulements ;
– les travaux ont débuté le 1er avril 2019 et le sinistre n’était donc pas un obstacle à leur réalisation ;
– elle a été diligente (ordre de service pour recherche d’infiltration, expertise, convocation d’une AGE pour vote des travaux et réalisation de ceux-ci);
– elle n’a commis aucune faute délictuelle et conteste les préjudices invoqués ;
– elle a réalisé de nombreuses diligences pour mettre fin à la situation ;
– les travaux supposaient des appels de fonds pour être financés ;
– la demanderesse ne démontre pas les demandes faites à son assureur et sa position de celui-ci ;
– l’offre de location produite aux débats est un faux et est dénuée de force probante ;
– avant les expertises, la demanderesses avaient remplacé les quatre skydomes défaillants.

Enfin, la compagnie GROUPAME GRAND EST fait valoir que :

– elle est l’assureur de l’immeuble ;
– les experts des assureurs se sont accordés sur l’origine du sinistre (parties communes) ;
– les conséquences dommageables du sinistre sont assurées par elle ;

– le syndic a fait preuve de diligences ;
– la demanderesse n’avait pas l’intention de démarrer les travaux avant avril 2019 ;
– la demanderesse a déjà été indemnisée par son assureur ;
– la demanderesse n’a jamais eu l’intention de louer le local objet du sinistre et les préjudices sont contestés.

Sur ce,

Vu l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 qui prévoit que le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

La responsabilité qui pèse sur le syndicat des copropriétaires en application de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 est une responsabilité objective. Le syndicat ne peut s’exonérer de cette responsabilité qu’en rapportant la preuve d’une force majeure ou d’une faute de la victime ou d’un tiers. Pour une exonération totale, la faute de la victime ou du tiers doit avoir causé l’entier dommage.

Vu l’article 9 du code de procédure civile selon lequel il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, il ressort des rapports à la procédure des experts des assureurs que l’origine des désordres subies par la demanderesse se trouve dans une partie commune de l’immeuble du [Adresse 3], à savoir des infiltrations au travers de la toiture terrasse végétalisée du 1er étage de la courette centrale. D’ailleurs l’assureur de l’immeuble a confirmé sa garantie au titre des dommages matériels.

Il en ressort que la responsabilité sans faute du syndicat des copropriétaires est donc nécessairement engagée au titre de l’article 14 précité.

Pour autant, s’agissant des préjudices locatifs invoqués (perte de loyers, perte de charges récupérables, perte de remboursement de taxe foncière), la société MB MYRON n’indique pas que le local commercial concerné était déjà loué à l’époque du sinistre, mais uniquement qu’elle envisageait de le louer après travaux suite à son acquisition le 27 décembre 2018.

Il ne s’agit donc pas d’une perte de loyers, charges ou remboursement de taxe foncière, mais d’une perte de chance de percevoir un revenu locatif en cas de mise en location.

Pour justifier de son intention de louer le local commercial après travaux, la société MB MYRON ne verse aux débats qu’une seule pièce, à savoir une offre de prise à bail commercial transmise par la société KOMPOSITE du 3 avril 2019 et valable jusqu’au 9 avril 2019.

Cette pièce importante n’a été produite qu’en 2023 alors que la procédure a été engagée en 2020. La société MB MYRON n’a pas fait état de cette offre de location dans ses courriers antérieurs.

En outre, elle ne donne aucune information sur la manière dont cette offre lui serait parvenue (annonce de location ? agence immobilière ? relation professionnelle ? etc) d’une part et les mentions du courrier présentent effectivement des incohérences entre elles d’autre part.

Enfin, aucun justificatif d’envoi de ce courrier par lettre recommandée ou email n’est transmis, ni même la réponse de la société MB MYRON.

Cette pièce est dès lors dénuée de force probante et n’est corroborée par aucun autre élément des débats.

S’agissant des autres propositions de location évoquées de manière assez vague dans ses écritures, la société MB MYRON ne produit aucune pièce et ne donne aucun information sur ces candidats à la location.

Elle ne démontre pas non plus avoir mandaté un professionnel pour rechercher un locataire pour son local commercial à l’époque.

Il résulte en outre des pièces du syndic que le local commercial a été revendu en 2021, sans être mis en location. Cela n’est pas non plus cohérent avec les explications de la demanderesse.

Dans la mesure où la location du local commercial apparaît enfin peu compatible avec son statut de marchand de biens mentionné sur l’extrait Kbis produit, il appartenait à la société MB MYRON de justifier plus amplement les préjudices invoqués et très fortement contestés par les défendeurs.

En l’état des pièces produites, les préjudices dont la société demanderesse sollicite l’indemnisation ne sont pas caractérisés.

Toutes les demandes de la société MB MYRON contre le syndicat des copropriétaires défendeur seront donc rejetées.

Il en va nécessairement de même des demandes identiques dirigées contre les autres défenderesses dans la mesure où, à supposer qu’une faute délictuelle du syndic puisse être caractérisée ou une garantie de l’assureur mobilisée, les préjudices invoqués sont strictement identiques et donc non démontrés.

Toutes les demandes de la société MB MYRON contre le syndic FONCIA et l’assureur GROUPAMA seront donc rejetées au visa des articles 1240 du code civil et L.124-3 du code des assurances.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la société MB MYRON, partie perdante, supportera les dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La société MB MYRON sera condamnée à verser à chacun des défendeurs une somme de 1.800 € au titre des frais irrépétibles.

La demande de la société MB MYRON à ce titre sera rejetée.

En application des articles 514 et 515 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue d’office ou à la demande d’une partie.

En l’espèce, il n’y a pas lieu de suspendre l’exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe :

REJETTE l’ensemble des demandes de la société MB MYRON ;

CONDAMNE la société MB MYRON à verser au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 3], à la société FONCIA [Localité 8] RIVE GAUCHE et à la société GROUPAMA GRAND EST une somme de 1.800 € à chacun au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société MB MYRON aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à suspendre l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 30 Janvier 2024.

La GreffièreLa Présidente

 


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