Marchand de Biens : décision du 3 octobre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/01201

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Marchand de Biens : décision du 3 octobre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/01201
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1ère Chambre

ARRÊT N° 274

N° RG 21/01201

N° Portalis

DBVL-V-B7F-RMBS

M. [I] [Y]

C/

M. [G] [L]

Mme [X] [V] épouse [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 3 OCTOBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIERE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Monsieur Pierre DANTON, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 5 juin 2023 devant Madame Caroline BRISSIAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 3 octobre 2023 par Madame Véronique VEILLARD, substituant la Présidente légitimement empêchée, par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré indiqué au 19 septembre 2023 à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [I] [Y]

né le 11 Septembre 1971 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Benjamin THOUMAZEAU de la SELAS CAP CODE, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [G] [L]

né le 07 Mars 1975 à [Localité 4] (CAMBODGE)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Lionel HEBERT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Madame [X] [V] épouse [L]

née le 27 Décembre 1984 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Lionel HEBERT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte dénommé ‘vente conditionnelle’ reçu par Me [P], notaire à [Localité 5], M. [G] [L] et Mme [X] [V] épouse [L] ont vendu à M. [I] [Y] un ensemble immobilier, composé d’une maison d’habitation et d’un ancien local commercial, situé [Adresse 3] à [Localité 6], au prix de 170.000 €.

L’acte stipulait que le transfert de propriété aurait lieu à compter du jour de la réitération de la vente par acte authentique, fixée au plus tard le 30 juin 2019, sous réserve de la réalisation des conditions suspensives.

Il prévoyait également qu’à défaut de régularisation, malgré la réalisation des conditions suspensives, la partie responsable devrait à l’autre une clause pénale égale à 10% du prix.

Par courrier du 28 août 2019, Me [R] [P] a rappelé à M. [Y] que toutes les conditions suspensives avaient été levées et que rien ne s’opposait à la régularisation de la vente.

Faute de réponse, le notaire a mis en demeure M. [Y], par courrier recommandé avec accusé de réception du 10 septembre 2019, de régulariser l’acte sous quinze jours, en lui précisant qu’à défaut, les vendeurs entendaient faire application de la clause pénale.

M. [Y] n’ayant pas régularisé la vente, par acte d’huissier du 25 octobre 2019, M. et Mme [L] ont fait assigner ce dernier devant le tribunal de grande instance de Rennes sur le fondement des dispositions de l’article 1224 du code civil en paiement, avec exécution provisoire, de la somme de 17.000 € au titre de la clause pénale, outre 3.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, sollicitant préalablement la résolution de la vente aux torts de M. [Y].

M. [Y] n’a pas constitué avocat.

Par jugement rendu le 18 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :

– prononcé la résolution de l’acte signé le 25 mars 2019 aux torts exclusifs de M. [Y],

– condamné M. [Y] à verser à M. et Mme [L] la somme de 17.000 € au titre de la clause pénale,

– condamné M. [Y] à verser à M. et Mme [L] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [Y] aux dépens,

– prononcé l’exécution provisoire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [I] [Y] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 4 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Il demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

– constater que son consentement a été obtenu par erreur et par dol,

– constater le manquement de M. et Mme [L] à leur devoir d’information,

– prononcer la nullité ou l’annulation du compromis de vente du 25 mars 2019,

– rejeter les demandes de M. et Mme [L] au titre de la clause pénale,

A titre subsidiaire :

– constater l’absence de réalisation de la condition d’obtention d’un certificat d’urbanisme pré-opérationnel au regard de la commune intention des parties,

– constater l’absence de mise en demeure de l’acquéreur et l’absence d’exigibilité de la clause pénale,

– rejeter les demandes de M. et Mme [L] au titre de la clause pénale,

A titre infiniment subsidiaire :

– constater que la pénalité convenue au contrat est manifestement excessive,

– modérer le montant de la clause pénale et la ramener à l’euro symbolique,

En tout état de cause :

– rejeter l’ensemble des demandes de M. et Mme [L],

– condamner M. et Mme [L] à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. et Mme [L] aux entiers dépens.

*****

M. et Mme [L] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 14 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Ils demandent à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– le condamner en cause d’appel à leur verser une indemnité de 5.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le même aux entiers dépens.

MOTIFS DE L’ARRÊT

1) Sur la nullité de la promesse de vente

L’article 1130 du code civil dispose que ‘l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.’

L’article 1131 du code civil ajoute que ‘Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.’

a. Sur la nullité pour erreur sur les qualités essentielles

M. [Y] fait valoir que son consentement à la promesse de vente du 25 mars 2019 a été obtenu par erreur dès lors que son intention était l’inverse de celle mentionnée dans le compromis de vente. Il explique en effet que son intention au jour de la conclusion de la promesse de vente était de conditionner la réitération de celle-ci à l’obtention d’un certificat d’urbanisme l’autorisant à transformer le local à usage professionnel en immeuble à usage d’habitation et que par suite d’une rédaction erronée, il a été stipulé l’inverse. Il considère que cette erreur a porté sur une qualité essentielle de la prestation puisque cette autorisation était indispensable à son projet d’une part et que d’autre part, cette erreur revêtait un caractère déterminant dans la mesure où il n’aurait pas signé le compromis en ayant connaissance de la rédaction erronée de la condition suspensive.

M. et Mme [L] répliquent que M. [Y] ne saurait se prévaloir de l’erreur pour obtenir la nullité du compromis, la clause litigieuse étant dépourvue d’ambiguïté et qu’il a en réalité changé d’avis sur la destination des lieux, postérieurement à la signature de l’avant contrat. Ils ajoutent que M. [Y] est un professionnel de l’immobilier, assisté au jour de la conclusion de l’acte de son notaire, Me [K], ainsi que de son mandataire, l’agence immobilière l’Hermine Transactions.

Ceci étant exposé,

Aux termes de l’article 1132 du code civil, ‘L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.’

L’article 1134 du même code ajoute que ‘Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie. L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à cette qualité.’

En l’espèce, la promesse de vente en date du 25 mars 2019, conclue entre M. [Y] et M. et Mme [L] porte sur ‘une maison et un ancien local commercial’ sis [Adresse 3] à [Localité 6], pour un prix de 170.000 €.

Il est précisé que ‘le bien est destiné par L’ACQUEREUR à un usage d’habitation et commercial’, cette mention figurant en caractère gras dans l’acte.

Au titre des conditions particulières, figure une clause intitulée ‘OBTENTION D’UN CERTIFICAT D’URBANISME PRE-OPERATIONNEL’ ainsi rédigée ‘L’ACQUEREUR déclare vouloir faire une demande de certificat d’urbanisme pré-opérationnel portant sur l’opération suivante :

Transformation d’une partie du rez-de-chaussée en locaux professionnels (l’autre partie l’étant déjà).

Ledit certificat d’urbanisme autorisant l’opération devra être obtenu pour la réitération des présentes.’

Le compromis rédigé par Me [R] [P], notaire des vendeurs, ne précise pas que l’acquéreur était assisté de son propre notaire ni de son mandataire, l’agence immobilière l’Hermine Transactions, comme le soutiennent les vendeurs.

La cour observe cependant que cette affirmation n’est pas contredite par M. [Y] et que la promesse synallagmatique fait référence à ‘ses conseils’, notamment au paragraphe ‘perfection du consentement’. Au surplus, les échanges postérieurs entre Me [R] [P] et Me [P] [K] démontrent l’implication de ce dernier dans l’opération, aux côtés de l’appelant. Il doit donc être tenu pour acquis que M. [Y] était assisté de professionnels de l’immobilier lors de la rédaction du compromis.

Par ailleurs, la rédaction de cette condition est précise et porte sans aucune ambiguïté sur l’obtention d’un certificat d’urbanisme autorisant la transformation d’une partie du rez-de-chaussée en locaux professionnels. M. [Y] qui est lui-même un professionnel de l’immobilier, marchand de biens et gérant ou associé de multiples sociétés ne pouvait se méprendre sur le sens et la portée des énonciations du compromis qu’il a signé avec l’assistance de son notaire.

Il importe en outre de relever que Me [K], notaire de M. [Y], a déposé auprès de la mairie de [Localité 6] le 2 avril 2019, une demande de certificat d’urbanisme pré-opérationnel autorisant la ‘transformation d’une partie du rez-de-chaussée en locaux professionnels (l’autre partie l’étant déjà)’, soit dans les termes exacts de la condition litigieuse et que cette demande a reçu un accueil favorable de la mairie de [Localité 6] le 29 mai 2019.

Ce n’est que dans un second temps, le 8 avril 2019, qu’une seconde demande de certificat d’urbanisme a été déposée par M. [Y] lui-même, en vue d’obtenir l’autorisation de ‘changement de destination d’un commerce en habitation:projet de création de 4 appartements, pose de 6 fenêtres de toit+changement des huisseries en RDC+pose d’un escalier extérieur.’ Cette demande de délivrance d’un certificat d’urbanisme pré-opérationnel a fait l’objet d’un refus par la mairie de [Localité 6] le 6 juin 2019.

Ces deux demandes successives contradictoires ne sauraient s’expliquer par la rédaction erronée de la condition particulière, mais bien par un changement de projet de la part de M. [Y].

A cet égard, M. [Y] reste taisant sur le dépôt d’une première demande de certificat d’urbanisme pré-opérationnel déposée pour son compte par son propre notaire, quelques jours après la rédaction du compromis, dans les termes exacts de la condition particulière litigieuse. De fait, il n’évoque dans ses écritures que la demande déposée par ses soins le 8 avril suivant, qui a été rejetée le 6 juin 2019.

Il ne s’explique pas davantage sur le fait que cette acquisition devait être in fine réalisée par l’une de ses sociétés (la Sarl Beaugue Invest) dans le cadre de la faculté de substitution prévue au contrat, comme le suggèrent la procuration préparée par Me [P] ainsi que les références des courriers de Me [K], cet élément étant de nature à renforcer l’hypothèse d’une intention initiale conforme aux stipulations contractuelles, à savoir la transformation des locaux en usage commercial sur la totalité du rez-de chaussée.

Aucun échange antérieur à la signature du compromis de vente ne fait état du projet de transformation du local professionnel en appartements. La cour ne dispose que d’un courriel daté du 4 juillet 2019 dans lequel M. [Y] décrit son projet de transformation à M. [L]. Il est exact que le jour même, M. [L] a écrit à la Mairie de [Localité 6] (en mettant M. [Y] en copie) pour appuyer ce projet, en indiquant que ‘Je joins un plan de masse pour valider le sens de séparation. Nous avons parfaite connaissance que nous sommes en zone inondable mais les travaux que vous (la ville de [Localité 6]) avez réalisés en amont ont permis depuis pas mal d’année de ne pas connaître à nouveau les crues d’avant. Beaucoup de logements sont déjà existants à proximité immédiate.’

Il en ressort que le projet de transformation du local professionnel en appartements de l’acquéreur ne résulte que d’éléments postérieurs à la signature du compromis et qu’il n’a été porté à la connaissance du vendeur que le 4 juillet 2019, soit après l’expiration de la date prévue au compromis pour la signature de l’acte authentique, ce qui corrobore l’hypothèse d’un changement d’intention de l’acquéreur, exclusive d’un vice du consentement. Par ailleurs, aucun enseignement ne peut être tiré de la démarche de M. [L] si ce n’est une tentative de sauver la vente, en intervenant auprès de la mairie, au demeurant dans un cadre plutôt informel, ainsi que le suggère le tutoiement de l’interlocutrice de la mairie, appelée par son prénom.

Au total, il ne peut être considéré que le consentement de M. [Y] a été obtenu par erreur et en toute hypothèse, celle-ci n’aurait pas été excusable de la part d’un professionnel de l’immobilier.

Au regard de ces éléments, M. [Y] ne peut qu’être débouté de sa demande de nullité de la promesse de vente fondée sur l’erreur.

b. Sur la nullité pour dol et défaut d’information pré-contractuelle

M. [Y] reproche à M. et Mme [L] une réticence dolosive et à tout le moins, un manquement à leur obligation d’information pré-contractuelle, à double titre :

– premièrement, M. et Mme [L] ont selon lui volontairement omis de l’informer de ce qu’ils s’étaient eux-mêmes heurtés à un refus de la mairie de [Localité 6] d’accorder une autorisation de transformation du rez-de-chaussée de l’immeuble en local à usage d’habitation pour la partie jusqu’alors à usage professionnel. Il se fonde sur un plan correspondant à un projet de transformation de l’immeuble en habitation (sur lequel le rez-de-chaussée est entièrement aménagé à usage d’habitation) que les époux [L] ont adressé à l’agence immobilière en février 2019, soit avant la signature du compromis,

– deuxièmement, M. et Mme [L] ont omis de l’avertir des précédents sinistres résultant d’inondations ayant affecté l’immeuble.

M. et Mme [L] répliquent que s’ils avaient à un moment envisagé de transformer la totalité de l’immeuble en habitation, ils n’ont pour autant jamais déposé aucune demande en ce sens auprès de la mairie avant la conclusion de la promesse de vente le 25 mars 2019. Ils précisent que ce n’est que le 12 mai 2020 qu’ils ont déposé une demande visant au changement d’usage, soit après la délivrance de l’assignation à M. [Y].

S’agissant des sinistres ayant affecté l’immeuble, M. et Mme [L] expliquent que les inondations et coulées de boue du 25 mai 2018 sont antérieures à leur acquisition du bien, tandis que celles du 21 décembre 2019 sont postérieures à la conclusion de la promesse de vente avec M. [Y]. Ils réfutent donc tout défaut d’information ou réticence dolosive de ce chef, n’ayant subi aucun sinistre entre leur acquisition du bien (le 14 novembre 2018) et la conclusion de la promesse de vente (le 25 mars 2019).

Ceci étant exposé,

L’article 1137 du code civil dispose que ‘Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.’

L’article 1112-1 du même code dispose que ‘Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.’

En l’espèce, M. [Y] produit un plan de projet de transformation de l’immeuble en habitation que M. et Mme [L] reconnaissent avoir envoyé le 6 février 2019 à l’agence immobilière l’Hermine Transactions qui l’a elle-même transmis à M. [Y] le 9 mars 2021.

Il est exact que ce plan, représentant le rez-de-chaussée de l’immeuble entièrement aménagé à usage d’habitation, est de nature à laisser penser qu’un tel aménagement est possible.

Pour autant, il ne ressort d’aucune pièce que M. et Mme [L], avant la conclusion de la promesse de vente du 25 mars 2019 (et même avant l’offre d’achat transmise par M. [Y] le 13 mars 2019), avaient eux-mêmes déposé une demande de certificat d’urbanisme tendant à transformer le local à usage professionnel en immeuble d’habitation et qu’ils se seraient heurtés à un refus de la mairie de [Localité 6]. Il n’est donc pas établi qu’ils avaient connaissance de l’impossibilité d’obtenir l’autorisation de changement d’usage.

En tout hypothèse, l’intention initiale de M. [Y] de transformer le local commercial en appartements n’est pas avérée. Il ne ressort par ailleurs d’aucun échange antérieur à la conclusion du contrat que M. et Mme [L], informés de cette intention, auraient sciemment entretenu l’acquéreur dans l’idée qu’un tel projet obtiendrait l’aval de la mairie de [Localité 6].

En outre, comme précédemment indiqué, il ne peut être tiré aucun enseignement du courriel daté du 4 juillet 2019 adressé par M. [L] à la Mairie de [Localité 6] dans lequel il joint des plans en précisant ‘Nous avons parfaite connaissance que nous sommes en zone inondable mais les travaux que vous (la ville de [Localité 6]) avez réalisés en amont ont permis depuis pas mal d’année de ne pas connaître à nouveau les crues d’avant. Beaucoup de logements sont déjà existants à proximité immédiate.’

En effet, M. [Y] ne peut déduire de ce courriel que M. et Mme [L] avaient connaissance antérieurement à la signature du compromis de la position de la mairie, en lien avec le risque inondation, dans la mesure où cette connaissance peut parfaitement résulter du refus opposé par la commune le 6 juin 2019 à la demande d’obtention d’un certificat d’urbanisme pré-opérationnel déposée par M. [Y] le 8 avril 2019.

En définitive, la seule production de ce plan ne saurait suffire à caractériser l’élément matériel du dol.

Par ailleurs, M. [Y] échoue à démontrer que le choix de M. et Mme [L] de revendre l’immeuble quatre mois après l’avoir acquis serait lié à la découverte de l’impossibilité d’obtenir de la mairie un changement d’usage du local professionnel. A cet égard, les intimés expliquent avoir renoncé à ce projet pour acquérir un terrain à bâtir afin d’y construire une maison d’habitation et produisent une promesse d’achat en ce sens, de nature à étayer cette affirmation.

Enfin, la circonstance que M. et Mme [L] n’aient pas réussi à vendre l’immeuble et aient ensuite sollicité, par une demande en date du 12 mai 2020, l’autorisation de le transformer intégralement à usage d’habitation, ne démontre pas non plus qu’ils avaient connaissance de l’impossibilité de procéder à cette opération au moment de la conclusion de la promesse de vente et qu’ils ont de mauvaise foi omis de révéler cette information à M. [Y].

S’agissant des risques d’inondations, un arrêté du 23 juillet 2018 portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a bien été adopté pour des inondations et des coulées de boue intervenues sur la commune de [Localité 6] entre le 24 et le 25 mai 2018. Il en est de même s’agissant des inondations et coulées de boue survenues entre le 21 et le 23 décembre 2019 et reconnues état de catastrophe naturelle dans un arrêté du 28 avril 2020.

Pour autant, la première inondation est intervenue à une époque où les époux [L] n’étaient pas encore propriétaires de l’immeuble. Il ne peut donc pas leur être reproché d’avoir déclaré dans la promesse de vente au titre du paragraphe ‘Sinistre’ que le bien ‘n’a jamais connu de sinistres résultant de catastrophes naturelles, minières ou technologiques, pour lesquels il [le vendeur] a fait une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d’assurance.’

Il est d’ailleurs précisé au paragraphe «’ETAT DES RISQUES ET POLLUTIONS» que « la commune sur laquelle est situé le bien est concernée par un plan de prévention des risques naturels[…] , le ou les risques naturels pris en compte sont INONDATION.

Le bien est situé dans le périmètre d’exposition délimité par ce plan. L’ACQUEREUR reconnaît en avoir été parfaitement informé préalablement aux présentes.’

Il est encore précisé sous l’intitulé ‘Catastrophe naturelle, minière ou technologique » que « La commune sur laquelle est situé LE BIEN a fait l’objet d’un ou plusieurs arrêtés de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, minière ou technologique.’

L’information a donc bien été donnée à M. [Y] qui ne peut reprocher aucune dissimulation de la part des vendeurs sur ce point.

La seconde catastrophe naturelle, ayant eu lieu après la conclusion de la promesse de vente, elle ne saurait être utilement invoquée par M. [Y] au soutien du dol allégué.

Par conséquent, il n’est pas démontré que les époux [L] ont, de mauvaise foi, induit M. [Y] en erreur en omettant de lui révéler des informations déterminantes de son consentement ni qu’ils auraient manqué à leur obligation d’information pré-contractuelle.

Au regard de ces éléments, M. [Y] ne peut qu’être débouté de sa demande de nullité de la promesse de vente fondée sur le dol ou le défaut d’information pré-contractuelle.

2) Sur la résolution de la promesse de vente

Pour contester la résolution du compromis vente à ses torts exclusifs, M. [Y] rappelle que la condition suspensive d’obtention d’un certificat d’urbanisme pré-opérationnel a fait l’objet d’une rédaction erronée.

Il soutient que le contrat doit être interprété d’après la commune intention des parties, laquelle résulte autant des termes de la convention que de leur comportement ultérieur. Se fondant sur différents échanges intervenus entre les parties et leurs notaires après la conclusion de la promesse de vente, il assure que l’intention commune au moment de la conclusion de l’acte était de conditionner la réitération de la vente à l’obtention d’un certificat d’urbanisme autorisant la transformation du local à usage professionnel en immeuble à usage d’habitation, non l’inverse.

Il ajoute que M. et Mme [L] avaient eux-mêmes reconnu l’erreur de rédaction et qu’ils s’étaient engagés à effectuer des démarches auprès de la mairie de [Localité 6]. Il précise avoir lui-même effectué une demande de certificat d’urbanisme conforme à son souhait initial, c’est-à-dire autorisant la transformation du local à usage professionnel en partie à usage d’habitation. Il conclut que la condition suspensive telle qu’elle résulte non pas du contrat mais de la commune intention des parties résultant d ‘éléments postérieurs, doit conduire à considérer que la condition d’obtention d’un certificat d’urbanisme pré-opérationnel a défailli, de sorte que la vente ne pouvait avoir lieu et que la clause pénale n’est pas due.

M. et Mme [L] répliquent que les conditions suspensives telles qu’inscrites dans la promesse de vente ont toutes été réalisées et ajoutent n’avoir jamais reconnu l’existence d’une erreur de rédaction du compromis.

Ceci étant exposé,

L’article 1189 du code civil prévoit en son alinéa premier que ‘Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.’

L’article 1192 du même code dispose qu”On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.’

En l’espèce, la cour a considéré ci-dessus que l’intention initiale de M. [Y], professionnel de l’immobilier aguerri aux transactions immobilières, était bien celle d’obtenir l’autorisation de transformer l’ensemble du rez-de chaussée de l’immeuble en local professionnel, comme le suggèrent le dépôt d’une demande de certificat d’urbanisme pré-opérationnel déposée en ce sens par son notaire le 2 avril 2019 ainsi que l’exercice de la faculté de substitution, par l’une des sociétés commerciales de M. [Y], au stade de la réitération de la vente.

Au surplus, pour soutenir que la commune intention des parties aurait été radicalement contraire aux énonciations pourtant claires de la condition figurant au compromis, M. [Y] se fonde essentiellement sur un échange de courriels intervenu entre Me [K] (assistant M. [Y]) et Me [P] (assistant les époux [L])  aux termes duquel les vendeurs auraient reconnu l’erreur de rédaction et se seraient engagés à faire le ‘nécessaire’ auprès de la mairie de [Localité 6].

M. [Y] reproduit dans ses écritures la teneur de ces courriels, dont la date n’est pas précisée, sans toutefois les communiquer.

Par conséquent, il n’y a pas lieu d’interpréter la condition telle qu’elle figure au compromis de manière à lui faire dire le contraire de ce qu’elle prévoit expressément.

La condition particulière relative à l’obtention d’un certificat d’urbanisme pré-opérationnel portant sur l’opération de ‘Transformation d’une partie du rez-de-chaussée en locaux professionnels (l’autre partie l’étant déjà)’ a fait l’objet d’une réponse favorable de la part de la mairie de [Localité 6] le 29 mai 2019, en réponse à la demande effectuée le 2 avril 2019.

La vente n’a pas été réitérée par acte authentique alors que toutes les conditions suspensives et la condition particulière étaient réalisées, du fait de M. [Y], qui ne s’est plus manifesté malgré les relances et les mises en demeure de Me [P].

C’est par conséquent à juste titre que le tribunal a prononcé la résolution du compromis signé le 25 mars 2019 aux torts de M. [I] [Y].

3) Sur l’application de la clause pénale

M. [Y] fait valoir que la clause pénale ne saurait lui être opposée dès lors qu’il n’a jamais été mis en demeure de réitérer la vente, les deux courriers de mise en demeure ayant été envoyés à l’adresse de son notaire, Me [K]. Il conclut que faute d’avoir respecté le formalisme et la clause d’élection de domicile prévus au compromis, la clause pénale n’est pas due.

M. et Mme [L] répliquent que M. [Y] est de mauvaise foi puisqu’il a déménagé le 3 septembre 2019 sans indiquer sa nouvelle adresse, ce qui les a contraint d’envoyer le courrier de mise en demeure au notaire de M. [Y], Me [K], par l’intermédiaire de leur propre notaire Me [P].

D’après l’article 1103 du code civil, ‘Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.’

L’article 1231-5 du même code dispose que ‘Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de s’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. [‘] Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.’

Ceci étant exposé,

Les parties avaient convenu en page 25 du compromis une clause pénale selon laquelle ‘Au cas où l’une quelconque des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l’acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, alors elle devra verser à l’autre partie une somme égale à DIX POUR CENT (10%) du prix de vente.’

Au titre de la clause ‘Élection de domicile’ est par ailleurs prévu que les parties ‘font élection de domicile en leur demeure respective.’

En l’espèce, bien que la date butoir pour la réitération de la vente était largement dépassée, l’inexécution ne peut être considérée comme définitive, dès lors que Me [P] a adressé le 28 août et encore le 20 novembre 2019 des courriers recommandés avec accusés de réception à Me [K] aux fins de rendez-vous pour signature de l’acte authentique.

Il s’ensuit qu’en application du compromis et de l’article 1231-5 précité, M. [Y] devait être mis en demeure.

Il est exact qu’aux termes du compromis, les parties ont prévu de faire élection de domicile ‘en leur demeure respective.’

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 septembre 2019, Me [P] a mis en demeure M. [Y] d’avoir à régulariser la vente sous quinze jours.

La clause d’élection de domicile n’a certes pas été respectée puisque la mise en demeure a été adressée à Me [K].

Le non respect de ce formalisme ne saurait toutefois faire obstacle à la mise en ‘uvre de la clause pénale, à condition d’établir avec certitude que M. [Y] a eu connaissance de la mise en demeure qui lui a été adressée.

Or, en l’occurrence, en suite de la mise en demeure, Me [R] [P] a adressé à Me [P] [K] une convocation pour signature le 20 novembre 2019, à laquelle Me [K] a répondu le 25 novembre 2019 en ces termes : ‘M. [Y] m’a confirmé qu’en l’état actuel des choses, il n’entendait pas régulariser la vente. J’ai donc le regret de vous informer que ni mon client, ni moi-même, ne seront présents à la signature.’

M. [Y] a valablement été mis en demeure par l’intermédiaire de son notaire de sorte que la clause pénale est exigible.

4) Sur la demande de modération de la clause pénale

L’article 1231-5 alinéa 2 du code civil précise que le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

M. [Y] fait valoir que les époux [L] n’ont subi aucun préjudice.

M. et Mme [L] exposent que la vente du bien à M. [Y] leur aurait permis de financer l’acquisition du terrain à bâtir qu’ils ont acquis le 28 février 2019 dans la perspective d’y édifier leur résidence principale ce dont ils justifient en produisant une promesse d’achat acceptée. Ils exposent encore que le refus de M. [Y] les a empêchés de concrétiser ce projet.

Il convient de rappeler que la clause pénale, sanction contractuelle du manquement d’une partie à ses obligations, s’applique du seul fait de cette inexécution, sans que le créancier ait à justifier d’un préjudice. Il est admis que le caractère manifestement disproportionné de la peine conventionnellement convenue s’apprécie en comparant le montant de celle-ci avec le préjudice effectivement subi.

Au vu des éléments qui précèdent, M. [Y] n’explicite pas en quoi la clause pénale d’un montant de 17.000 € serait manifestement excessive au regard des préjudices incontestablement subis par les vendeurs.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [Y] à verser à M. et Mme [L] la somme de 17.000 € au titre de la clause pénale.

5) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

Succombant en appel, M. [Y] sera condamné aux dépens d’appel et il sera par conséquent, débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de condamné M. [Y] à verser à M. et Mme [L] la somme de 3.500 sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 janvier 2021par le tribunal judiciaire de Rennes,

Y ajoutant :

Déboute M. [I] [Y] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] [Y] à payer à M. [G] [L] et Mme [X] [V] épouse [L] la somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] [Y] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER P/ LA PRÉSIDENTE légitimement empêchée

 


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