Marchand de Biens : décision du 3 octobre 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00142

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Marchand de Biens : décision du 3 octobre 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00142
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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 03 Octobre 2023

N° RG 21/00142 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GTLJ

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d’ANNECY en date du 11 Janvier 2021

Appelants

M. [U] [I], demeurant [Adresse 2]

S.A.S. ORBIPROM, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentés par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS

Intimées

S.A.S. GROUPE ARGO, dont le siège social est situé [Adresse 4]

SARL ARGO GESTION, dont le siège social est situé [Adresse 3]

S.A.S. LIBERTEA, dont le siège social est situé [Adresse 3]

SARL ACPI, dont le siège social est situé [Adresse 4]

S.A.S. AGAPE, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentées par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentées par l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocats plaidants au barreau de BORDEAUX

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Date de l’ordonnance de clôture : 28 Novembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 décembre 2022

Date de mise à disposition : 03 octobre 2023

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Composition de la cour :

– Mme Hélène PIRAT, Présidente,

– Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

– Mme Claire STEYER, Vice-Présidente placée,

avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et Procédure :

La société Argo exploite un réseau de franchise en matière de promotion immobilière d’accès au logement et de logement social, sous l’enseigne et la marque « Argo ».

Le 9 avril 2015, ont été conclu entre la société ARGOgroupe, dont la dénomination est par la suite devenue société Libertea, immatriculée au RCS d'[Localité 5] sous le numéro 411 169 147, et M. [U] [I], informaticien et désireux de changer d’activité, deux contrats de franchise de promotion immobilière portant sur les deux territoires constituant le département l’Hérault, d’une durée de cinq ans aux termes desquels :

Le franchiseur a « mis au point et développé un concept et un savoir faire originaux, spécifiques et substantiels, identifiés et secrets, d’accompagnement de personnes désireuses de devenir promoteur immobilier sous l’enseigne et la marque Argo »,

La société ARGOgroupe concède à M. [I] l’exclusivité de la marque et de l’enseigne Argo sur le territoire n°1 du département de l’Hérault moyennant un droit d’entrée de 100 000 euros HT pour le premier contrat payable à la signature du contrat par un chèque que le franchiseur encaissera trois mois après la signature, délai accordé pour permettre au franchisé de finaliser la vente de sa maison. Il est prévu une redevance mensuelle de 2 500 euros HT payable à compter de décembre 2015 avec l’aménagement suivant : « le franchisé devra payer au franchiseur, jusqu’à la signature d’un premier avant-contrat (compromis de vente ou promesse unilatérale) une redevance mensuelle de 1 250 euros HT que cette signature intervienne sur le territoire n°1 ou le territoire n°2. »

Aux termes du deuxième contrat signé le même jour, la société ARGOgroupe concède à M. [I] l’exclusivité de la marque et de l’enseigne Argo sur le territoire n°2 du département de l’Hérault, moyennant un droit d’entrée de 50 000 euros HT, montant prenant en compte le fait qu’au titre de ce deuxième contrat, le franchisé renonce à la formation initiale, cette somme étant payable selon les mêmes modalités que celle prévues pour le paiement du droit d’entrée de 100 000 euros HT. Il est prévu une redevance mensuelle de 2 500 euros HT payable à compter de décembre 2015 avec l’aménagement suivant : « le franchisé devra payer au franchiseur, jusqu’à la signature d’un premier avant-contrat (compromis de vente ou promesse unilatérale) une redevance mensuelle de 1 250 euros HT que cette signature intervienne sur le territoire n°1 ou le territoire n°2. »

Une formation est effectuée par le franchiseur.

Aux termes de chaque contrat, il est stipulé que le franchiseur est informé par le franchisé d’une activité, sur son temps libre et en l’absence de rémunération, d’assistance au développement d’un logiciel informatique, le franchisé possédant des parts dans la société s’occupant de ce développement. Il est précisé que cette activité secondaire ne doit intervenir que sur le temps considéré comme « libre » du franchisé.

Le 10 avril 2015, la société ARGOgroupe a conclu avec M. [I] un contrat de co-promotion, aux termes duquel les parties se sont engagées à investir en commun dans des programmes de construction de logements par le biais de sarl ou sociétés civiles de construction vente, 70% du capital étant détenu par ARGOgroupe, 30% par la société Bardot, l’assistance d’autres sociétés du groupe Argo, étant obligatoire pour :

– L’assistance à la maîtrise d’ouvrage par la sarl ACPI ayant pour activité les honoraires de gestion, apporteur d’affaires immobilières, construction vente, promotion immobilière, qui assure les montages des opérations et leur commercialisation, moyennant des honoraires de 3% HT du chiffre d’affaires du programme,

– L’assistance comptable et la communication par la sarl Primmogest désormais dénommée sarl Argo gestion, moyennant une rémunération de 1% HT du chiffre d’affaires du programme.

Par ailleurs la SAS BGroupe, désormais dénommée SAS Groupe Argo, ayant pour activité le conseil et ingénierie en immobilier et finance, prenait des participations dans les sociétés de projet immobilier.

M. [I] a ensuite transféré la franchise à la société Orbiprom, société de services administratifs qu’il a créée pour la réalisation des opérations immobilières.

Malgré des démarches et recherches, M. [I] n’a pas été en mesure de monter un programme immobilier et à partir de mai 2017, il a cessé de régler les redevances, en a avisé le franchiseur et après avoir fait le point avec son comptable, il a souhaité mettre fin à la franchise (échanges de courriels des 23, 26 juin 2017, 1er et 8 septembre 2017, pièces Argo n°13 et 14).

Après échanges entre les conseils respectifs des parties, et mise en demeure de payer l’arriéré de redevances, la société Argo Groupe adressait le 11 octobre 2017 un courrier recommandé avec AR à la société Orbiprom lui notifiant la résiliation des contrats de franchise à ses torts exclusifs.

Par acte en date du 30 octobre 2017, la société Argo Groupe a fait assigner M. [I] et la société Orbiprom (SAS) devant le tribunal de commerce d’Annecy en paiement d’un arriéré de redevances de franchise.

Par acte en date du 9 août 2018, la société Orbiprom et M. [I] ont fait assigner les sociétés Libertea, Bgroupe, Acpi, Primmogest et Agape devant le tribunal de commerce d’Annecy aux fins d’obtenir la jonction des instances introduites par les différents protagonistes et l’annulation des deux contrats de franchises conclus le 9 avril 2015.

Par jugement rendu le 11 janvier 2021 le tribunal de commerce d’Annecy a :

– déclaré valable l’assignation en intervention forcée délivrée à l’encontre des sociétés d’Argo Groupe, et ordonné la jonction des instances introduites par les différents protagonistes,

– annulé les deux contrats de franchise conclus le 9 avril 2015 par M. [I] ès qualités et la société Argo Groupe sur le fondement de l’erreur, du dol et de l’absence de cause,

– condamné les sociétés Argo Groupe, Libertea, Bgroupe, Acpi, Primmogest et Agape, in solidum, à verser à la société Orbiprom 231 000 euros au titre des restitutions consécutives à ladite annulation,

– débouté les sociétés Argo Groupe, Libertea, Bgroupe, Acpi, Primmogest et Agape de l’intégralité de leurs demandes ;

– condamné les sociétés défenderesses in solidum, outre aux entiers frais et dépens, à payer à la société Orbiprom et à M. [I] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Le tribunal a retenu que :

‘ dans la mesure où toutes les sociétés du groupe Argo sont impliquées dans la gestion des franchisés par l’intermédiaire du contrat de co-promotion, l’appel en intervention forcée des sociétés Libertea, Bgroupe, Acpi, Primmogest et Agape est justifié.

‘ les contrats de franchise conclus en avril 2015 sont nuls et non avenus pour absence de cause puisque le document d’informations pré-contractuelles fourni par la société Argo reste laconique sur les informations du marché et ses perspectives, et le contrat de franchise n’explique pas la méthode permettant la construction de logements sociaux à un prix inférieur au marché, de telle sorte que la société Argo Groupe n’a fourni à Orbiprom aucun avantage concurrentiel.

‘ il y a erreur sur la rentabilité de l’activité et erreur sur la nature du partenaire puisque le document d’informations pré-contractuelles est lacunaire et le montage Argo Groupe de co-promotion n’a pas été expliqué.

Par déclaration au greffe en date du 27 janvier 2021, M. [I] et la société Orbiprom ont interjeté appel de cette décision en ce qui concerne le refus d’allocation de dommages et intérêts.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 21/142.

Par déclaration au greffe en date du 21 février 2021, les sociétés Argo groupe, Libertea, Groupe Argo, ACPI, Argo gestion, et Agape ont interjeté appel de cette décision et l’affaire a été enrôlée sous le numéro 21/245.

Elle a fait l’objet d’une jonction le 17 octobre 2022 sous le numéro 21/142.

Saisie à la requête de l’ensemble des sociétés du groupe Argo, d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire, et à titre subsidiaire d’une autorisation de consigner les sommes dues, la première présidente de la cour d’appel de Chambéry, par ordonnance de référé en date du 18 mai 2021, a ordonné la consignation à la Caisse des dépôts et consignation du montant des condamnations soit la somme de 231 000 euros en principal, outre intérêts et frais selon l’échéancier accordé par le juge de l’exécution et 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile par les sociétés Argo groupe, Libertea, Groupe Argo, (anciennement Bgroupe) ACPI, Argo gestion (anciennement Primmogest) et Agape.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures en date du 25 novembre 2022 , régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Orbiprom et M. [I] sollicitent l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

– juger que M. [I] et la société Orbiprom sont recevables en leur appel, en leur action et en leurs demandes ;

– réformer le jugement rendu le 11 janvier 2021 uniquement en ce qu’il a refusé de dédommager la société Orbiprom et M. [I] au titre des dommages-intérêts supplémentaires et le confirmer en toutes ses autres dispositions ;

et statuant à nouveau,

à titre principal,

– annuler les deux contrats de franchise conclus le 9 avril 2015 par M. [I] ès qualités et la société Argo Groupe sur le fondement de l’erreur, du dol et de l’absence de cause ;

– condamner en conséquence in solidum la société Argo Groupe et les sociétés Libertea, Bgroupe (devenue Groupe Argo), Acpi, Pimmoest (devenue Argo Gestion), et Agape à verser à la société Orbiprom :

– 231 000 euros au titre des restitutions consécutives à ladite annulation ;

– 190 000 euros au titre des dommages-intérêts complémentaires ;

à titre subsidiaire,

– juger que les deux contrats de franchise conclus le 9 avril 2015 par M. [I] ès qualités et la société Argo Groupe ont été résiliés aux torts de cette dernière ;

– condamner en conséquence in solidum la société Argo Groupe et les sociétés Libertea, Bgroupe (devenue Groupe Argo), Acpi, Pimmoest (devenue Argo Gestion), et Agape à verser à la société Orbiprom une somme de 421 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

en toute hypothèse,

– débouter la société Argo Groupe et les sociétés Libertea, Bgroupe (devenue Groupe Argo), Acpi, Pimmoest (devenue Argo Gestion), et Agape de l’intégralité de leurs demandes, fins, moyens, conclusions et appel incident ;

– condamner les sociétés Argo Groupe, Libertea, Bgroupe (devenue Groupe Argo), Acpi, Pimmoest (devenue Argo Gestion), et Agape in solidum, outre aux entiers frais et dépens, à payer à la société Orbiprom et à M. [I] la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, la société Orbiprom et M. [I] exposent essentiellement que :

‘ en présence d’un ensemble de contrats soudés par l’existence d’un but commun, il est légitime de condamner l’ensemble des parties à qui l’anéantissement de cet ensemble est imputable à répondre in solidum de toutes les conséquences pécuniaires issues d’un tel anéantissement, or :

– les sociétés du groupe Argo sont imbriquées puisqu’elles n’ont été mises en place qu’afin d’assurer l’activité de promotion immobilière sous l’enseigne Argo, et interviennent, directement ou indirectement, dans la mise en place des différents contrats nécessaires à l’exploitation du concept « Argo » et dans leur exécution ;

– la relation de franchise implique la conclusion d’un contrat de co-promotion, imposant la conclusion de contrats (de gestion, d’assistance, de communication) avec toutes les filiales du groupe Argo. Dès lors tous ces contrats sont indivisibles et toutes les sociétés qui s’y trouvent mêlées sont solidaires ;

‘ le lien entre les instances introduites par les différents protagonistes est incontestable et l’absence de jonction risquerait de conduire à des décisions contradictoires quant à la validité des contrats de franchise ;

‘ les sociétés du groupe Argo ne connaissent aucune difficulté de nature à les empêcher d’exécuter les causes des trois jugements rendus le 11 janvier 2021 ;

‘ le système mis en place par Argo est structurellement déséquilibré, incapable de permettre aux franchisés d’avoir une activité rentable ;

‘ les demandes en annulation sont recevables puisqu’elles sont uniquement dirigées à l’encontre de la société Argo Groupe, les sociétés du groupe Argo seront pour leur part condamnées in solidum à verser une somme à titre de dommages-intérêts ;

‘ le contrat de franchise est dénué de cause dans la mesure où la société Argo Groupe n’a transmis à M. [I] aucun véritable savoir-faire et avantages concurrentiels, et ne lui a pas non plus fourni les formations nécessaires à l’exercice du métier de promoteur immobilier ;

‘ bien qu’il ait conclu des contrats stipulant qu’il avait été suffisamment informé, M. [I] n’a pas reçu les coordonnées des autres membres du réseau, et n’a pas été informé d’une sévère concurrence locale et des spécificités du marché s’avérant particulièrement inadapté aux programmes de promotion immobilière portant sur des logements sociaux. Or, si les informations précontractuelles avaient été portées à sa connaissance, elles l’auraient dissuadé de contracter ;

‘ M. [I] a subi deux erreurs déterminantes : une sur la rentabilité de l’activité entreprise et une sur la nature même du partenariat ;

‘ la demande de paiement des redevances de la société Argo Groupe doit être rejetée puisque ces dernières ont été facturées en vertu d’un contrat nul,

‘ le franchiseur doit restituer à M. [I], par suite de la nullité du contrat de franchise, les droits d’entrée, les redevances, les pertes d’exploitation et les investissements spécifiques à la franchise,

‘ en revanche, M. [I] n’est soumis à aucune restitution :

– des sommes dont le franchisé obtiendrait le paiement au titre des programmes qu’il prétend avoir réalisés dans la mesure où le manque à gagner lié à ces programmes non payés n’est pas restituable comme le serait un bien, une somme ou une prestation reçue du cocontractant, et qu’il pourrait assurément conserver ces sommes en réparation des préjudices accessoires causés par l’annulation du contrat de franchise et des contrats associés imputables aux parties adverses ;

– de la valeur des redevances de savoir-faire et de marque puisque c’est précisément en raison de l’absence de savoir-faire rentable que la nullité des contrats doit être prononcée ;

‘ l’action en annulation d’un contrat n’est pas exclusive d’une action en réparation des préjudices complémentaires subis. Par conséquent, l’exploitation par M. [I] d’une activité onéreuse ne générant aucun profit, sans pouvoir percevoir de revenus d’une autre activité, constitue un préjudice personnel, direct, actuel et certain dont il est fondé à demander réparation ;

Subsidiairement,

‘ compte tenu des fautes imputables à Argo liées à l’absence de transmission d’un savoir-faire, au manquement à son obligation d’assistance et aux défauts d’informations, la résiliation de l’ensemble des contrats doit être prononcée à ses torts exclusifs ;

‘ la société Argo n’est pas fondée à réclamer le paiement des redevances puisque :

– lorsque le franchiseur ne fournit pas ou plus ses services au franchisé, les redevances qui sont des sommes causées par les contreparties attendues du franchiseur perdent leur fondement ;

– les redevances sont déséquilibrées compte tenu de l’impossibilité pour le franchisé de réaliser un programme la première année d’exécution du contrat ;

– la résiliation anticipée du contrat de franchise ne permet pas au franchiseur d’obtenir le versement d’une somme égale aux redevances restant à courir jusqu’au terme du contrat puisque le franchiseur n’assume plus ses obligations contractuelles ;

‘ la société Argo Groupe ne démontre pas un engagement solidaire souscrit par M. [I], qui n’aurait, en tout état de cause, été souscrit que sous l’emprise d’un vice du consentement dans la mesure où :

– le contrat de franchise est un contrat d’adhésion, et la société Argo Groupe n’a jamais attiré l’attention de M. [I] sur la portée d’un éventuel engagement de solidarité ;

– la solidarité était noyée dans le contrat de franchise, ne précisant pas la nature des engagements garantis et ne fixant pas le montant maximum de la garantie.

Par dernières écritures en date du 18 novembre 2022 régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Argo Groupe sollicite de la cour de :

A titre principal,

– déclarer la société Argo Groupe recevable et bien fondée en ses demandes,

– débouter M. [I] et la société Orbiprom de toutes leurs demandes ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [I] et la société Orbiprom de leurs demandes de dommages et intérêts et reformer le jugement pour le surplus ;

– condamner à titre solidaire M. [I] et la société Orbiprom à verser à la société Argo Groupe la somme de 91 666 euros HT en réparation de son préjudice du fait de la résiliation anticipée des deux contrats de franchise ;

– condamner solidairement M. [I] et la société Orbiprom à payer à la société Argo Groupe la somme de 13 306, 46 euros HT au titre des factures impayées, avec intérêt égal à trois fois le taux d’intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter de la date de mise en demeure du 11 octobre 2017 ;

– condamner solidairement M. [I] et la société Orbiprom à payer à la société Argo Groupe la somme de 480 euros, représentant 12 fois l’indemnité forfaitaire de recouvrement afférente aux 12 factures impayées ;

– débouter M. [I] et la société Orbiprom de toutes leurs demandes ;

– subsidiairement, si la nullité d’un ou plusieurs contrats était retenue ou la résiliation aux torts d’Argo retenue, ordonner la compensation entre les sommes pouvant être dues de part et d’autre ;

– condamner solidairement M. [I] et la société Orbiprom à payer à la société Argo Groupe la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, avec pour ceux d’appel application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Audrey Bollonjean, avocat associé de la selurl Bollonjeon.

 Au soutien de ses prétentions, la société Argo Groupe fait essentiellement valoir que :

‘ L’intervention forcée des sociétés Libertea, Agape, Primmogest, ACPI et Bgroupe est injustifiée puisque :

– les sociétés Libertea et Agape sont de simples sociétés holding dont l’activité consiste en prises de participation ;

– les sociétés Primmogest et ACPI n’ont pas eu de relations contractuelles avec M. [I] et ses sociétés ;

– M. [I] pouvait refuser un projet de co-promotion qui lui aurait été présenté par la société Bgroupe ;

– en cas de vente en bloc, si la société Bgroupe se réserve 70% du capital de la SCCV qui portera le projet c’est parce qu’elle apporte seule l’ensemble des fonds nécessaires et supporte seule le risque ;

– seul le franchiseur peut et doit répondre aux arguties de M. [I] concernant la validité et l’exécution du contrat de franchise ;

‘ si le contrat permet au franchisé de créer une société d’exploitation de la franchise concédée, il est expressément stipulé qu’en tel cas, « le présent contrat restera conclu en considération de la personne physique, initialement signataire du contrat, laquelle demeurera tenue à l’égard du franchiseur, solidairement avec la société, des charges et obligations du présent contrat » ;

‘ M. [I] et sa société sont tenus solidairement au paiement des redevances mensuelles impayées du mois de mai 2017 jusqu’au 10 octobre 2017, jour précédent la résiliation. En outre, la mise en demeure de payer adressée au franchisé le 21 septembre 2017 fait courir les intérêts moratoires ;

‘ M. [I] et sa société doivent indemniser le franchiseur du fait de la cessation anticipée des contrats conformément à la clause résolution stipulée à l’article 6,2 ;

‘ il appartient au franchisé de démontrer, eu égard à son expérience et ses propres démarches, que si les informations manquantes ou insuffisantes avaient été communiquées, il n’aurait pas souscrit le contrat en question ;

‘ il n’y a pas d’erreur sur la rentabilité dans la mesure où :

– la loi ne met pas à la charge du franchiseur la réalisation d’une étude de marché local ou national ;

– le franchisé doit apprécier la valeur économique du projet et s’informer sur les potentialités économiques du fonds après avoir lui-même réalisé une étude précise du marché local ;

– la jurisprudence n’admet la nullité pour erreur sur la rentabilité que si le franchiseur a communiqué un prévisionnel d’activité excessivement optimiste, déterminant du consentement du franchisé, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

– la rentabilité ressort des chiffres du site pilote et de plusieurs franchisés, et a été mise en évidence par deux experts, l’un mandaté par le franchiseur et l’autre mandaté par des franchisés ;

– il faut deux ans avant que l’activité commence à porter ses fruits du fait des spécificités de l’activité ;

‘ la cause du contrat existe puisque :

– un savoir-faire a été transmis a M. [I],

– les formations ont été délivrées et accompagnées de supports de formation à mettre en rapport avec le manuel savoir-faire communiqué,

– des rencontres régulières ont eu lieu,

– l’assistance a été assurée ;

‘ M. [I] n’a jamais au cours des trois années de relations contractuelles fait le moindre reproche relatif à la formation, à l’assistance et à la communication, et il ne démontre ni les manquements ni leur gravité justifiant la rupture des contrats aux torts du franchiseur ;

‘ il y aura lieu, en cas d’annulation de l’un ou l’autre des contrats, à restitutions réciproques tenant compte des prestations exécutées, des montants perçus HT et des fautes du franchisé ayant contribué à son propre préjudice.

 

Par dernières écritures en date du 16 mars 2022 régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les sociétés ACPI, Agape, Argo Gestion, Groupe Argo et Libertea en présence de la SAS Argo Groupe sollicitent de la cour de :

– réformer la décision entreprise, notamment en ce qu’elle a :

– déclaré valable l’assignation en intervention forcée délivrée à l’encontre des sociétés d’Argo Groupe, et ordonné la jonction des instances introduites par les différents protagonistes, en ce qu’elle a annulé les deux contrats de franchise conclus le 9 avril 2015 par M. [I], es qualités, et la société Argo Groupe sur le fondement de l’erreur, du dol et de l’absence de cause ;

– condamné les sociétés Argo Groupe, Libertea, Bgroupe, Acpi, Primmogest et Agape, in solidum, à verser à la société Orbiprom 231 000 euros au titre des restitutions consécutives à ladite annulation ;

– débouté les sociétés Argo Groupe, Libertea, Bgroupe, Acpi, Primmogest et Agape de l’intégralité de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

Vu l’absence de démonstration que les sociétés Agape, Libertea, Groupe Argo, Acpi et Argo Gestion aient participé à la négociation du contrat de franchise et qu’elles aient par quelque agissement que ce soit induit en erreur M. [I] pour le conduire à signer un contrat de franchise :

– juger qu’il n’est démontré aucun règlement intervenu de M. [I] ou de la société Orbiprom à aucune des concluantes,

– en conséquence, les débouter de toute demande tendant à la restitution de quelque somme perçue au titre du contrat de franchise, ni d’aucun contrat ;

– les débouter de la demande d’annulation subséquente de contrats qui n’ont pas été produit ni déterminés ;

– à titre infiniment subsidiaire, constater l’absence de démonstration de tout préjudice en relation causale avec une faute commise par l’une de ces sociétés et en conséquence confirmer le débouter de toute demande à titre de dommages et intérêts et réformant la décision débouter la société Orbiprom de toute demande de dommages et intérêts en l’absence de preuve de préjudice ;

– condamner in solidum M. [I] et la société orbiprom au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive à chacun des concluants ;

– les condamner in solidum au paiement d’une somme de 10 000 euros pour chacun des concluants sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec pour ces derniers application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de maître Audrey Bollonjeon, avocat associé de la SELURL Bollonjeon.

Au soutien de leurs prétentions, les sociétés ACPI, Agape, Libertea, Argo gestion et Groupe Argo font essentiellement valoir que :

‘ la cour ne peut affirmer l’existence d’une imbrication de sociétés appartenant au même groupe sans détailler et expliquer quelles sont les implications en question pour chacune des sociétés.

‘ Or,

– la société Agape n’entretient aucune relation financière et n’a signé aucun contrat directement avec la société Orbiprom ou M. [I] ;

– la société Libertea ne détient aucune part dans la société de franchise Argo Group, n’a pas pris part aux négociations du contrat de franchises ou à son exécution, et aucun mouvement financier n’est intervenu entre elle et M. [I] ou sa société Orbiprom ;

– la société ACPI, qui est une société indépendante du groupe de société Argo, et la société Argo gestion (autrefois Primmogest) n’ont signé avec la société Orbiprom aucun contrat ni reçu aucune rémunération, et n’ont pas participé aux négociations du contrat de franchise ;

– l’accord de co-promotion signé par la société Groupe Argo avec le franchisé n’a pas reçu d’exécution,

‘ M. [I] et la société Orbiprom n’établissent aucun préjudice indemnisable autre que les redevances et droits d’entrée au sein de la franchise. Or, seul le franchiseur peut être tenu de régler ces sommes ;

‘ les rapports d’expertises et analyses privées effectués sans contradiction et avec des documents partiels ne peuvent avoir aucune valeur probante ;

‘ si une partie peut, au bénéfice de l’exécution provisoire, poursuivre des actions en paiement voire en recouvrement, elle poursuit cette exécution provisoire à ses risques et périls et doit répondre des conséquences des poursuites qu’elle engage, surtout lorsqu’elle ne saurait ignorer que la décision frappée d’appel est éminemment critiquable en tout ou partie. Dès lors, M. [I] et la société Orbiprom seront condamnés pour procédure abusive.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 28 novembre 2022 clôture l’instruction de la procédure.

En cours de délibéré la cour a sollicité la production d’un extrait Kbis à jour de la société Argo groupe, qui a été produit par le conseil de cette dernière, et dont il ressort que la nouvelle dénomination sociale de la société Argo groupe immatriculée sous le n°815 397 872 est « Seigvie groupe » depuis le 1er février 2023.

Motifs et décision

I – Sur la nullité des contrats de franchise

Le contrat de franchise est un contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise dénommée franchiseur confère à une ou plusieurs autres entreprises dénommées franchisées le droit de réitérer, sous l’enseigne du franchiseur, à l’aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l’avantage concurrentiel qu’il procure, raisonnablement permettre à un franchisé de faire des affaires profitables.

Ainsi la franchise est un contrat par lequel une entreprise ayant expérimenté un succès commercial octroie à une autre les clés susceptibles de dupliquer ce succès.

Le franchiseur doit permettre au candidat à la franchise de s’engager en pleine connaissance de cause. Il doit démontrer que lui-même a réussi à générer une activité profitable et que celle-ci est reproductible grâce au savoir faire spécifique qu’il a mis en place, et ce dans le secteur concédé au franchisé.

1-1 Sur le document d’informations précontractuelles

Les articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce imposent la fourniture d’un document d’informations précontractuelles (DIP) permettant de s’engager en pleine connaissance de cause « à toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité ».

Le document à produire par le franchiseur au franchisé, selon l’article L 330-3 du code de commerce doit notamment préciser :

– l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise,

– l’état et les perspectives de développement du marché concerné,

– l’importance du réseau d’exploitants,

– la durée,

– les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat,

ainsi que le champ des exclusivités.

L’article R 330-1, 4° du code de commerce précise que « le document prévu au premier alinéa de l’article L 330-3 contient les informations suivantes : (‘) la date de la création de l’entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d’exploitants, s’il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d’apprécier l’expérience professionnelle acquise par l’exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l’alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l’état général et local du marché des produits ou des services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché. »

Par ailleurs ces informations doivent être sincères (article L 330-3).

Ce document doit notamment préciser « l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement ».

La présentation de l’état général et local du marché implique la fourniture par le franchiseur de données brutes telles que les principales données chiffrées en lien avec ledit marché (chiffre d’affaires global, nombre d’acteurs, démographie de la clientèle, répartition sur le territoire, etc…), la structure de l’offre et de la demande, la présentation des principaux concurrents, ainsi que les perspectives d’évolution à court et à moyen terme, étant précisé que cette présentation ne saurait être confondue avec la réalisation d’une véritable étude de marché et l’établissement de comptes d’exploitation prévisionnels que la loi ne met pas à la charge du franchiseur (Com 19 janvier 2010, pourvoi 09-10.980, Com 11 février 2003, n°01-03.932).

En l’espèce, il sera, au préalable, souligné que M. [I], n’avait pas aucune connaissance en matière de promotion immobilière laquelle conjugue quatre missions indissociables :

– Le développement (trouver des terrains, les acquérir, en vérifier la constructibilité et obtenir cette dernière).

– La commercialisation (vendre les biens du programme immobilier à un ou plusieurs acquéreurs, la vente étant formalisée par un contrat de réservation).

– La construction en faisant appel aux services de prestataires externes (architecte, bureaux d’études, contrôleurs, entreprises du BTP etc…) et en opérant un contrôle permanent sur le déroulement des travaux.

– La finance (s’assurer de la rentabilité économique du programme de promotion et planifier la gestion financière ainsi que la trésorerie de l’opération).

En effet il résulte de son curriculum vitae (pièce [I] n°1.1), qu’il est titulaire d’un DESS génie informatique et gestion de projet, qu’il a passé plus de dix ans à développer des systèmes de trading en temps réel pour de grande banques de la City à Londres comme consultant freelance avant son retour en France en 2014.

D’ailleurs, il résulte de l’interview qu’il a donnée auprès de l’observatoire de la franchise le 9 juillet 2013, que M. [F] [P] ne recherchait pas forcément des candidats ayant une expérience du bâtiment ou de la promotion immobilière :

« L’activité de promotion immobilière est très complexe car elle regroupe quatre métiers : le développement, la vente, la construction et la gestion financière. Nous recherchons donc des profils capables de manier la complexité. Nos candidats ne doivent pas forcément avoir une expérience du bâtiment ou de la promotion immobilière mais ils doivent avoir une intelligence globale qui leur permet de mener à bien tous les programmes. »

S’il résulte du dossier que le DIP fourni par la société ARGOgroupe à M. [I] mentionne bien l’identité, l’ancienneté, l’expérience du franchiseur, et les principales clauses du contrat de franchise dont la conclusion est envisagée, l’information concernant l’état du marché et ses perspectives se borne à l’énoncé des poncifs suivants :

« un déficit de logement est constaté en France alors qu’une demande de logements dans le logement social est très soutenue. Nous rappelons qu’Argo est positionné sur ce créneau. Tous les indicateurs de nos partenaires (Domofrance, Foyer de Gironde, Vilogia, Logement français ‘) révèlent un besoin élevé dans les années à venir, les perspectives de développement sont donc importantes. »

Ces explications très générales, qui ne font que rappeler une évidence à savoir un manque de logements sociaux en France, ne correspondent en rien aux exigences du texte.

Elles n’indiquent en rien à M. [I] en quoi il lui sera possible concrètement de construire de tels logements dans son secteur de l’Hérault.

Ainsi :

La construction de logements en France se heurte au manque de foncier, à des contraintes réglementaires quant à la qualité des bâtiments et à des réglementations d’urbanisme sévères. Il ne suffit donc pas de dire qu’une demande existe en matière de logements pour en conclure qu’une activité de promoteur est envisageable, l’absence de terrains disponibles étant de nature à empêcher toute construction même (et surtout) dans un secteur tendu, et ce quelques soient les efforts déployés par un promoteur.

La construction de logements sociaux se heurte au surplus à des difficultés spécifiques, à savoir la nécessité d’obtenir un coût moindre de construction, malgré les règles imposées, le coût élevé du foncier se répercutant nécessairement dans le prix final rendant l’obtention d’une rentabilité plus incertaine. Par ailleurs, les promoteurs sont confrontés à la résistance des collectivités locales, souvent enclines à préférer des logements en accès à la propriété ou mixtes, les logements sociaux étant intégrés alors dans des programmes classiques, alors que le concept Argo est la construction de logements sociaux dans des immeubles dédiés à cet effet.

Le département de l’Hérault présente quant à lui des spécificités en matière de construction immobilière en raison de sa configuration : bord de mer touristique avec des constructions denses, et majeure partie de l’arrière pays constituée de zones montagneuses .

A cet égard, il résulte de la capture d’écran du 6 juillet 2013 relative à la foire aux questions (FAQ) sur le site internet d’Argo que tous les territoires concédés ne sont pas équivalents :

« Dans quels départements cherchez vous des franchisés ‘

Argo souhaite s’implanter partout en France. Certaines régions sont plus propices au logement social compte tenu des prix du foncier. Contactez-nous : nous vous dirons si le département qui vous intéresse est porteur pour votre activité. (pièce [I] n°2.6)

Force est de constater que le DIT fourni à M. [I] ne fait aucunement mention des obstacles à surmonter en matière de logement social, ni des particularités du département de l’Hérault, ni de la situation du marché local du front de mer ou de l’arrière pays ni encore de la justification économique du découpage territorial de ce département.

M. Bardot a ainsi contracté au vu des perspectives très optimistes de la société ARGOgroupe sur son secteur sans qu’il soit véritablement informé des difficultés qui seraient rencontrées et sans qu’il lui soit donné les outils pour les surmonter.

Il s’agit là d’une erreur excusable, portant sur un élément déterminant et substantiel, caractérisant un vice du consentement.

1- 2 Sur la transmission d’un savoir-faire propre au franchiseur et de nature à procurer au franchisé un avantage concurrentiel

La mise à disposition au franchisé par le franchiseur d’un savoir-faire est l’un des éléments essentiels du contrat de franchise. Ce savoir-faire doit lui permettre d’acquérir un avantage concurrentiel : c’est toute la finalité du contrat de franchise et la raison pour laquelle le franchisé accepte de supporter un certain nombre d’obligations financières.

Ce savoir faire est défini par la Cour de cassation comme un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié (Com 8 juin 2015, n°15-22.318).

Ce savoir faire ne peut se résumer aux règles de l’art (Com. 26 juin 2007, n° 06-13.211), au mode d’emploi d’une machine ou d’un logiciel, ou à un agrégat d’informations aisément accessibles et largement connues.

En l’espèce, la société ARGOgroupe ne démontre pas avoir communiqué à M. [I] les instruments nécessaires pour lui permettre de réaliser des opérations de promotion.

Certes, la société ARGOgroupe a pu mener à bien de multiples programmes immobiliers de construction de logements sociaux dans la région bordelaise. Mais le franchiseur n’a pas développé un savoir-faire spécifique tels qu’il puisse être reproductible dans d’autres régions françaises, lesquelles ont chacune leurs particularités et donner au franchisé un avantage concurrentiel lui permettant de s’implanter sans difficulté majeure.

Ainsi, la documentation produite, dont du reste, la majeure partie a été élaborée bien postérieurement à la signature du contrat (pour certains documents en 2016, 2017), ne démontre pas l’existence d’un mode de production de logements à un prix sensiblement inférieur à ceux pratiqués couramment sur le marché.

Il est indiqué que : « en général le type de projet rentable pour le logement social est une construction d’un immeuble R+1 ou R+2 sans attique, sans ascenseur, sans sous sols et avec des prestations de second ‘uvre simplifié. La surface moyenne de ces logements oscille entre 62 m² et 67 m² en fonction des demandes et obligations. Le nombre de logements vendus en bloc par programme est de 20 à 50 lots, au-dessus de ce chiffre quelques autres problèmes se poseront à nous. »

Or, ces pratiques sont courantes chez les promoteurs immobiliers, et aucune de ces recommandations, de par leur généralité et leur banalité, ne constitue une originalité et une spécificité telles qu’elles puissent être considérées comme transmettant un modus operandi propre à la société Argo groupe, qu’elle aurait développé après de multiples expériences.

Il n’a, par ailleurs, pas été indiqué à M. [I] la marche à suivre pour convaincre efficacement les décideurs en matière de logement social sur le secteur (maires, organismes d’HLM) alors que la pratique est de réaliser des immeubles mixtes intégrant l’accès à la propriété et des logements sociaux.

Ainsi le franchiseur a manqué à son obligation de délivrer à son franchisé une méthode autre que celle suivie par n’importe quel promoteur normalement avisé, même si les conseils donnés sont pertinents et de bon sens, comme constituer un dossier foncier à partir du cadastre et du zonage de parcelle à construire, établir un bilan prévisionnel, rédiger un compromis de vente, connaître les différentes facettes du métier de promoteur (la conception du programme, la commercialisation, la construction, la gestion financière ainsi que les différents intervenants dans l’acte de bâtir (géomètre, architecte, bureaux d’études, etc…).

Plus particulièrement, alors qu’il est insisté sur la nécessité de « définir un territoire en fonction des besoins en logement social », aucune méthode n’est proposée pour ce faire, sinon de « trouver une ou trois villes de prédilection afin de réitérer un programme immobilier par an. » De même la recommandation selon laquelle « pour connaître son territoire, il faut s’imprégner de celui-ci, sillonner les rues, boire le café au bistrot du coin, discuter avec les gens, les commerçants » est bien trop vague pour permettre à un futur promoteur d’être opérationnel, alors que par exemple, aucune coordonnée d’agent immobilier ou d’apporteur d’affaires sur le secteur donné en franchise avec laquelle le franchiseur aurait eu des contacts fructueux n’est donnée.

Si des exemples sont donnés, avec des cartes, ils ne concernent pas le secteur concédé à M. Bardot, mais la seule région bordelaise et sont de peu d’utilité.

Par ailleurs, et ainsi que l’ont relevé à bon droit les premiers juges, la formation initiale du franchisé représentait huit journées au cours desquelles sont repris les conseils et techniques indispensables à tout promoteur concernant la conception de programme de promotion, la construction, la gestion financière, la connaissance du métier des principaux intervenants à l’acte de construire, soit une formation très générale qui ne constitue pas un outil permettant à un franchisé néophyte de bénéficier d’un avantage concurrentiel déterminant.

Cette absence de transmission d’un savoir-faire spécifique est confirmée par l’attestation de M. [C], ex-franchisé du Haut Rhin, qui indique notamment (pièce franchisé n° 49):

« Exerçant le métier de lotisseur depuis plus de 20 ans, j’ai voulu développer mon activité avec de la promotion immobilière.

L’offre que proposait le groupe Argo et son dirigeant M. [F] [P] paraissait alléchante et proposait une association sous forme de co-promotion classique à 70/30 et la promesse d’un appui financier et d’un savoir-faire.

A la signature du contrat de franchise déjà très contraignant se sont adossés toute une série de contrats me liant à l’ensemble des filiales du groupe Argo.(…)

Après avoir repris ma liberté du groupe Argo, j’ai décidé de continuer dans le métier de la promotion immobilière avec des logements revendus en privé à des particuliers et certains en bloc à des bailleurs.

La revente de logements en bloc à des bailleurs n’est pas une invention, ni un concept, ni un savoir-faire mais une pratique courante des promoteurs dont Argo s’est inspiré chez ses concurrents (Groupe Amétis, Alila etc…). » (souligné par le rédacteur).

Selon les articles 1108 et 1131 du code civil dans leur rédaction applicable aux faits de l’espèce, la cause des obligations souscrites par chaque partie réside dans les obligations assumées par l’autre, l’absence de cause provoquant, là encore, la nullité du contrat.

Faute de transmission d’un savoir faire spécifique et d’une méthode permettant la construction de logements sociaux à un prix sensiblement inférieur au marché existant dans le département de l’Hérault, les contrats sont dépourvus de cause et doivent être déclarés nuls. Le jugement déféré sera confirmé en ce sens.

1- 3 Sur l’absence de rentabilité des franchises

Le groupe Argo sur son site internet en 2013 donnait les perspectives suivantes en vue de recruter de futurs franchisés (pièce franchisé n° 2.8)  :

« Argo est le promoteur immobilier de la holding Argogroupe ([Localité 5]). Il est spécialisé dans l’accès au logement par le locatif social et la primo-accession.

Une centaine de logements par an

Basé à [Localité 6], Argo construit des maisons et des appartements simples et solides, à prix attractif : ils sont 10 à 15% moins chers que les prix du marché.

Il réalise une centaine de logements par an avec deux collaborateurs. Il se développe et recrute pour atteindre les 200 logements sous 3 ans. Les principaux partenaires financiers d’Argo : Crédit agricole, Banque populaire, Crédit du Nord.

Devenir promoteur immobilier

Depuis 2013, Argogroupe a lancé une activité de franchiseur pour permettre à des managers expérimentés de devenir promoteurs immobiliers. A terme le réseau Argo devrait compter 50 franchisés et couvrir la plupart des régions françaises. »

Sur le site « toute-la-franchise.com » le groupe Argo se présentait comme étant le premier franchiseur de France de promotion immobilière et faisait état pour les franchisés d’un chiffre d’affaires réalisable après deux années de 4 millions d’euros et en régime de croisière 7 à 10 millions d’euros (pièce franchisé n°2.7)

Or d’une part, le découpage artificiel du département de l’Hérault en deux territoires, s’il permettait à la société ARGOgroupe de percevoir une double rémunération composée de droits d’entrée et royalties, pénalisait en revanche fortement le franchisé au regard du montant des droits d’entrée et des redevances, étant précisé au surplus que, s’agissant de logements sociaux ces derniers sont nécessairement implantés en milieu urbain et non pas en secteur rural, montagnard ou touristique.

D’autre part, ce découpage horizontal en deux parties l’une au sud l’autre au nord n’a aucune justification économique rationnelle avec une répartition équilibrée, entre les deux territoires, des secteurs susceptibles d’être prospectés utilement en vue de la vente de logements sociaux.

En effet le territoire n°1 contient toute la bande côtière et l’arrière-pays proche dans lequel se trouvent les communes les plus importantes du département dont [Localité 11]. Le territoire n°2 est lui constitué essentiellement du nord du département, rural et montagneux.

C’est d’ailleurs ce qu’a constaté M. [I] après de multiples investigations et recherches de foncier à savoir que la zone de prospection se limite à [Localité 11] et à un rayon de 15 kms autour de la ville avec en outre de très nombreux concurrents sur cette zone.

Ces constatations sont confirmées par la documentation produite par Argo (pièce n°62) émanant de la Dreal qui montre que la demande de logement social en 2015 se répartissait ainsi sur le département de l’Hérault :

Communauté d’agglomération de Béziers méditerranée 3 815 demandes

Montpellier méditerranée métropole 21 594 demandes

Communauté d’agglomération du bassin de Thau 3 491 demandes

Communauté d’agglomération du Pays de l’Or 1 163 demandes

Communauté d’agglomération Hérault-Méditerranée 1 492 demandes

Elles sont également confirmées par le courriel que M. [I] adressait le 25 novembre 2015 à M. [H] [P] en ces termes :

« J’ai eu Promologis au téléphone hier soir et ils ne sont pas moteur pour aller sur [Localité 10] ou sur [Localité 7]. En fait ils ne veulent bosser que sur [Localité 11] et la première couronne. Il faut donc voir avec Unicil où ils veulent aller et surtout qu’on rencontre d’autres bailleurs ! »

Par ailleurs, s’agissant de la rémunération du franchisé, cette dernière était présentée ainsi sur le site internet Argo :

« Chaque programme mené par un promoteur franchisé génère deux types de revenus :

Des honoraires facturés par sa sarl de gestion de programmes immobiliers à la société de promotion. Ils s’élèvent à un tiers de la marge brute, plafonné à 7%.

Une partie de la marge brute réalisée par la société de promotion. Cette marge s’élève en moyenne à 14% du chiffre d’affaires HT du programme.

Exemple pour un franchisé en rythme de croisière :

S’il a réalisé 50 logements sociaux pour un chiffre d’affaires total de 7 millions d’euros HT et qu’il détient 30 % de la société de promotion, il percevra 784 000 euros. »

Ainsi, dans le cadre des contrats de co-promotion signés entre ARGOGroupe et la société Orbiprom, il était prévu un contrat de gestion aux termes duquel la rémunération du franchisé résultait tout d’abord des honoraires de gestion facturés par l’intermédiaire de sa société Orbiprom à hauteur de 5% du chiffre d’affaires de la société de construction vente créée en co-promotion (et non pas 7% comme annoncé par Argo dans sa publicité).

Or ces honoraires étaient exigibles par tranches, et le premier paiement (20% des honoraires) n’intervenant qu’à l’achèvement des fondations, mettait ainsi nécessairement le franchisé en difficulté financière sur le plan de sa trésorerie alors que dans le même temps, il devait régler au franchiseur les droits d’entrée et les redevances.

S’agissant de l’autre rémunération résultant de la participation du franchisé par l’intermédiaire de sa société d’investissement au capital de la société de construction vente soit 30% de la marge finale, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, cette marge restait hypothétique compte tenu de la concurrence dans ce secteur et de l’objectif de vente à des coûts inférieurs de 10 à 15% à ceux de la concurrence.

Il sera relevé à cet égard que la société Argo groupe en octobre 2016 a subordonné la réalisation des programmes à une marge finale pour la société de promotion d’au moins 10% précisant qu’à défaut, le montant des honoraires de gestion du franchisé serait diminué d’autant.

Cette absence de rentabilité résulte du montage entourant les opérations de construction qui favorise le franchiseur au détriment du franchisé qui a été unanimement dénoncé par les franchisés et ne correspond en rien aux annonces et promesses du franchiseur :

Le contrat de franchise permet au franchisé de prospecter dans son secteur aux fins de trouver des terrains éligibles à la construction de logements sociaux puis de déposer un permis et de rechercher un bailleur social intéressé par une vente en bloc du projet immobilier.

A l’obtention du permis de construire, il est constitué une société de promotion (prévue par le contrat cadre de co-promotion) entre Bgroupe ou Groupe Argo (70% du capital) et le franchisé (30% du capital).

Cette société de promotion acquiert le terrain, l’objectif étant de vendre la totalité du projet à un bailleur social par une VEFA qui permet ainsi à la société de projet d’encaisser une importante somme dès la signature de cet acte de vente.

Pour justifier cette répartition du capital au sein de la société de promotion, la société Argo groupe fait valoir qu’elle portait tout le risque financier de l’opération. Or elle écrivait le contraire dans une lettre circulaire du 12 février 2016 adressée aux franchisés et intitulée « Rappel des accords de co-promotion » : « Dans l’hypothèse où l’opération de promotion serait abandonnée, il est d’ores et déjà prévu que les coûts engagés seront supportés par les actionnaires, selon les conditions de co-promotion donc au prorata de l’actionnariat. »(pièce franchisé n°43 bis)

S’agissant des honoraires, dès la signature de l’acte de vente, la société ACPI facture 100% des honoraires d’assistance à maîtrise d’ouvrage et 100% des honoraires de commercialisation de l’immeuble, honoraires représentant 3% du prix de vente. La société Primmogest, devenue Argo gestion, facture, quant à elle, à cette même date 50% des honoraires de gestion administrative et 50% des honoraires de communication lesquels représentent un montant total de 1,5% du prix de vente.

Le franchisé ne facturera quant à lui ses honoraires de gestion technique représentant un pourcentage de 5% du chiffre d’affaires de la société de promotion que lorsque les fondations seront achevées et ce à hauteur de 20% des honoraires dus.

Cette absence de rentabilité du concept Argo pour les franchisés est corroborée par l’existence des procédures en nullité qui ont été introduites par cinq des huit franchisés d’Argo :

L’une initiée par M. [B] a donné lieu à un arrêt de la présente cour en date du 9 octobre 2018, devenu définitif après rejet du pourvoi en cassation exercé par la société Libertea, arrêt qui a prononcé la nullité du contrat de franchise pour vices du consentement.

Trois procédures dont celle-ci sont pendantes devant la présente cour.

Une autre procédure en nullité est pendante devant les juridictions du Pas de Calais.

Enfin les trois franchisés restants n’ont pas renouvelé leur contrat à l’issue de ce dernier et la société Argo groupe ne justifie pas et ne soutient même pas qu’elle aurait perduré dans ce modèle avec de nouveaux franchisés.

La société Argo groupe produit une consultation du 18 juin 2020, de M. [R] [Z], expert comptable, qu’elle avait missionné dans le cadre de l’affaire ayant opposé la société Libertea à M. [B] et fait valoir qu’au vu des calculs de cet expert, l’activité de franchisé au sein du groupe Argo était rentable.

Il résulte tout d’abord du calcul effectué par cet expert que le franchisé doit disposer d’un apport pour financer les dépenses des deux premières années au cours desquelles il travaillera à perte compte tenu des délais nécessaires à la mise en route d’un programme immobilier, ce qui était d’ailleurs annoncé dans l’annonce précitée figurant sur le site internet « toute la franchise.com »:

« Investissement global : de 130 000 euros à 230 000 euros ‘ Pouvoir couvrir ses propres besoins pendant 18 à 24 mois. »

Par ailleurs, il a effectué un prévisionnel, basé sur la réalisation de trois programmes par an de 34 logements chacun, avec un début de facturation des prestations 20 mois après la souscription du contrat de franchise, données manifestement fournies par le franchiseur qui paraissent irréalistes et ne correspondent pas à la réalité.

Il sera enfin souligné d’une part l’état de dépendance dans lequel les franchisés se trouvaient à l’égard du franchiseur , d’autre part le défaut d’exécution loyale par ce dernier de ses obligations.

Il est évident que le métier de promoteur immobilier ne s’improvise pas, de sorte que si les contrats de franchise n’obligent pas les franchisés à signer en plus des contrats de co-promotion, et à verser des honoraires aux sociétés du groupe Argo par l’intermédiaire des sociétés de construction, ils sont en pratique obligés de le faire, compte tenu de leur méconnaissance du métier.

Le contrat de franchise nécessite de la part du franchisé une parfaite connaissance du métier de promoteur le rendant moins dépendant du franchiseur ainsi que des ressources financières suffisantes pour porter les projets dans le temps, ce qui n’était pas le cas.

Cet état de dépendance a permis également à la société Argo de modifier les règles contractuelles à son avantage ainsi que le montre le témoignage de M. [C] ex-franchisé du Haut-Rhin :

« Grâce à mon expérience et mes nombreux contacts et réseaux j’ai eu la chance de trouver rapidement un terrain à bâtir pour une première opération ([Adresse 9] à [Localité 8]).

J’ai donc réalisé l’intégralité du montage de l’opération à savoir :

Rechercher et négocier un terrain à bâtir ;

Recherche des intervenants locaux, architecte, maître d”uvre, bureau étude, entreprises de BTP etc…. ;

Dépôt du permis de construire ;

Recherche et négociation de la vente de ce bâtiment auprès d’un bailleur social.

Puis quelques semaines avant signature de cette première affaire (achat foncier et signature de l’acte VEFA), M. [P] a fait soudainement part à l’ensemble des franchisés associés de son envie de nous voir démissionner de nos postes de gérants dans les sociétés de co-promotion déjà immatriculées, évoquant un problème de responsabilité que les établissements bancaires souhaiteraient nous faire engager.

Quelques semaines plus tard, M. [P] nous a à nouveau fait part d’une nouvelle envie de reprendre sa liberté et a formellement demandé à tous les franchisés de démissionner des mandats d’associés dans les sociétés de co-promotions (détenues à 30%).

Pour ma part,afin de m’obliger à accepter ces démissions, M. [P] m’a clairement expliqué que soit j’acceptais ces propositions, soit les programmes que j’avais initiés et montés se réaliseraient sans moi.

M. [P] oblige ses franchisés associés à signer les fonciers (terrains de construction) sous une société de son groupe dont le franchisé associé n’a pas de lien. Ce qui lui permet de garder la maîtrise du foncier et donc de l’opération.

Je n’ai eu d’autres solutions que d’accepter afin de limiter mes pertes (Droit d’entrée, redevance payée et temps passé au montage de l’opération)

Vous trouverez ci-joint le détail des résultats financiers de l’opération de la résidence du lilas à [Localité 8]. Je laisserai le tribunal juger du sens du partage de mon bienfaiteur. »

C’est ainsi qu’il précise que, sur cette opération d’un montant de 4 242 780 euros HT, montée en douze mois et livrée après 18 mois de chantier, ses honoraires se sont montés à la somme de 225 261 euros HT soit, après déduction du droit d’entrée d’un montant de 100 000 euros HT et des redevances à hauteur de 36 600 euros HT, une somme de 101 623,24 euros.

Il mentionne que le groupe Argo, outre les redevances, a perçu une somme totale de 1 208 909 euros se décomposant de la manière suivante :

127 284 euros d’honoraires pour ACPI, 63 642 euros pour Primogest et 1 017 983 pour Argogroupe correspondant à la marge de l’opération.

Le jugement qui a prononcé la nullité des deux contrats de franchise du 9 avril 2015 sera confirmé.

II ‘ Sur les sociétés concernées par la nullité des contrats de franchise

Seules deux sociétés du groupe Argo sont concernées par la nullité des contrats de franchise  : la société Argo groupe, devenue Seigvie groupe, immatriculée au RCS d'[Localité 5] sous le numéro 815 397 872 et la société Libertea initialement dénommée ARGOgroupe immatriculée au même RCS sous le numéro 411 169 147.

En effet, les contrats de franchise ont été signés entre la société ARGOgroupe (Libertea) et M. [I], le 9 avril 2015 et, ainsi qu’il a été indiqué dans l’exposé des faits, la société Argo groupe (Seigvie groupe) a été immatriculée au RCS d’Annecy sous le numéro 815 397 872 à la suite de l’apport qu’elle a reçu le 23 décembre 2015 de la société ARGOgroupe devenue Libertea de « la branche complète et autonome d’activité de franchisage d’un fonds de commerce sis [Adresse 3] au prix évalué à 270 000 euros ‘ Précédent propriétaire : la société Libertea 411 169 147 RCS Annecy » .

Ce transfert a été notifié à M. [I] par courrier du 30 décembre 2015. (pièce Argo n°7).

En l’absence de production par les sociétés Argo groupe (Seigvie groupe) et Libertea, des conditions dans lesquelles cette transmission a été consentie, notamment en ce qui concerne les éventuels litiges résultant des franchises que la société ARGOgroupe (Libertea) a créées puis cédées à cette nouvelle entité, les deux sociétés seront tenues in solidum des conséquences de la nullité des contrats de franchise, étant précisé que ces sociétés ne cessent dans leurs écritures d’entretenir une ambiguïté et une confusion entre les termes « Argo groupe » et « Libertea », cette dernière étant présentée comme une simple société holding, alors qu’il résulte de l’extrait RCS en date du 11 avril 2018 que son activité à cette date était :

« Conseil et ingénierie en immobilier finance, le conseil en management, développement commercial et gestion, toute activité d’assistance de PME et PMI, de formation professionnelle , toutes opérations d’assistance de PME et PMI, de formation professionnelle, toutes opérations d’analyses, de prestations de services ; et notamment celles liées à la perception d’honoraires de gestion sur programmes immobiliers, la prise de participations ou d’intérêts dans toutes sociétés civiles, commerciales, industrielles ou financières, l’acquisition de valeurs mobilières de toute nature, la gestion de ces participations et des valeurs mobilières. Marchand de biens, lotisseur et promotion immobilière. »

La société Libertea ne peut donc sérieusement soutenir, comme elle le fait, qu’elle n’aurait jamais pris part aux négociations des contrats de franchise, leur signature ou encore leur exécution puisqu’elle est le franchiseur initial qui a élaboré le concept, créé le réseau de franchise Argo et signé les contrats.

III ‘ Sur les demandes indemnitaires

La société Orbiprom sollicite le remboursement des droits d’entrée et des redevances payées au titre des contrats de franchise outre des dommages intérêts pour le temps perdu et les gains manqués.

3-1 Sur les restitutions du fait de la nullité des contrats de franchise

La nullité des contrats étant prononcée aux torts des sociétés Argo groupe (Seigvie groupe) et Libertea, ces dernières ne peuvent en aucun cas exiger au titre de restitutions réciproques, le paiement de la valeur du savoir faire qu’elles indiquent avoir transmis à M. [I] et à la société Orbiprom, savoir-faire dont il a été indiqué qu’il n’avait rien de spécifique à la société Libertea et qu’il ne permettait pas aux franchisés d’avoir une activité rentable.

Par ailleurs, leurs demandes relatives à une résiliation des contrats de franchise aux torts de la société Orbiprom deviennent sans objet.

En revanche, ces sociétés seront condamnées in solidum à restituer le montant des droits d’entrée et des redevances versés par la société Orbiprom en exécution des contrats de franchise du 9 avril 2014, soit pour les droits d’entrée une somme de 150 000 euros HT (100 000 + 50 000) et pour les redevances une somme de 2 x 1250 euros HT x 17 mois (décembre 2015 à mai 2017) soit 42 500 euros HT.

Elles seront ainsi condamnées in solidum à verser à la société Orbiprom une somme de 192 500 euros HT au titre des restitutions.

3-2 Sur les dommages-intérêts complémentaires

Au regard de l’absence totale de chiffre d’affaires pendant 3 ans et demi, alors que la société Orbiprom a assumé des charges, en sus des redevances, d’un montant total de l’ordre de 55 000 euros, de l’impossibilité dans laquelle le gérant a été d’exercer une activité lucrative, et du temps consacré en vain à l’activité de franchise, il sera alloué à la société Orbiprom des dommages intérêts d’un montant de 70 000 euros que les sociétés Seigvie groupe et Libertea seront condamnées in solidum à lui régler et le jugement sera infirmé en ce sens.

IV ‘ Sur les demandes dirigées contre les sociétés Argo gestion, Agape, Groupe Argo et ACPI

Force est de constater que les premiers juges n’ont pas motivé la condamnation in solidum de ces sociétés avec les sociétés Argo groupe et Libertea à indemniser la société Orbiprom des conséquences de l’annulation des contrats de franchise.

Or, d’une part ces sociétés ne sont pas parties au contrat de franchise.

D’autre part, en l’espèce, aucun programme n’a été engagé, aucune société de construction n’a été créée, de sorte que ces sociétés ne sont pas intervenues et qu’elles n’ont facturé aucun honoraire.

Il en résulte que c’est à tort que les premiers juges ont condamné ces dernières in solidum avec Argo groupe et Libertea au paiement des restitutions et le jugement sera infirmé sur ce point.

V – Sur la demande indemnitaire des sociétés ACPI, Agape, Argo gestion et Groupe Argo et Libertea

Ces sociétés réclament la condamnation in solidum des sociétés Bardot à leur payer chacune 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise ou d’erreur grossière équipollente au dol, abus de droit qui est d’autant moins constitué en l’espèce que la légitimité de cette action à l’encontre desdites sociétés a été reconnue par la juridiction du premier degré.

La demande sera rejetée.

VI ‘ Sur les mesures accessoires

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [I] et de la société Orbiprom et de rejeter les autres demandes d’indemnité procédurale.

La société Seigvie groupe et la société Libertea qui succombent en leur appel sont tenues aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevables les demandes formées par M [I] et la société Orbiprom contre les sociétés Libertea, Bgroupe (Groupe Argo), Primmogest (Argo gestion), ACPI et Libertea,

Confirme le jugement en ce qu’il a annulé les deux contrats de franchise du 9 avril 2014 conclus entre la société ARGOgroupe et M. [I],

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum la société Seigvie groupe (Argo groupe) et la société Libertea à verser à la société Orbiprom la somme de 192 500 euros HT au titre des restitutions consécutives à l’annulation des contrats de franchise, outre celle de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute la société Orbiprom de ses demandes dirigées à l’encontre des sociétés Argo gestion (Primmogest), Agape, Groupe Argo (Bgroupe) et ACPI,

Déboute les sociétés Libertea, Argo gestion, Agape, Groupe Argo et ACPI de leur demande indemnitaire dirigée à l’encontre de la société Orbiprom et M. [I] ainsi que de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Seigvie (Argo groupe) et la société Libertea aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne in solidum la société Seigvie (Argo groupe) et la société Libertea à payer à M. [I] et à la société Orbiprom, ensemble, la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 03 octobre 2023

à

la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN

la SELARL BOLLONJEON

Copie exécutoire délivrée le 03 octobre 2023

à

la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN

 


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