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N° RG 20/02187 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M5ZD
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON au fond du 18 février 2020
RG : 16/03573
[K]
[E]
C/
S.A. Banque PALATINE
S.A.S. I INVEST
S.A.S. I SELECTION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 29 Juin 2022
APPELANTS :
1/ Monsieur [L] [K], né le 9 décembre 1960 à [Localité 6], de nationalité française, VRP, demeurant [Adresse 3]
2/ Madame [Y] [E], épouse [K], née le 10 janvier 1963 à [Localité 5] (42), de nationalité française, Chef d’entreprise, demeurant [Adresse 3]
Représentés par Me Dominique AROSIO, avocat au barreau de LYON, toque : 24
INTIMÉES :
S.A. Banque PALATINE représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au dit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813
Ayant pour avocat plaidant Me Bruno AMIGUES, avocat au barreau de PARIS
1/ La société I INVEST, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NICE sous le numéro 479.020.893, dont le siège social est situé [Adresse 1])
2/ La société I SELECTION, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NICE sous le numéro 432.316.032, dont le siège social est situé [Adresse 1])
Représentées par Me Damien RICHARD de la SELARL RACINE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 366
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Philippe LORIZON, avocat au barreau de PARIS
******
Date de clôture de l’instruction : 13 Septembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Mars 2022
Date de mise à disposition : 29 Juin 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Christine SAUNIER-RUELLAN, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, Karen STELLA
a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société I INVEST a acquis, par acte notarié du 7 mai 2013, auprès de la société SF3I une résidence hôtelière en l’état futur d’achèvement, de 144 logements entièrement meublés et équipés. Dans le cadre de son activité de marchand de biens, la société I INVEST a mandaté la société I SELECTION pour la commercialisation des différents lots de ce bien soumis au statut de la copropriété.
La société SF3I s’était engagée auprès de la société I INVEST à finir les travaux et à livrer le bien pour le 30 novembre 2014.
Par acte authentique du 24 décembre 2013, les époux [K] ont acquis un appartement au sein de cette résidence hôtelière dans le cadre d’un projet de défiscalisation, le dispositif LMNP (Loueur en Meublé Non Professionnel), pour un montant de 161 106 euros et 5 780 euros pour le mobilier. Ce bien a été donné, dès la signature de l’acte de vente, à bail commercial pour une durée de quinze ans à la société STAYCITY FRANCE. Ils ont financé cette opération par un prêt amortissable de 176 000 euros ainsi qu’un prêt in fine de 33 200 euros contractés auprès de la Banque PALATINE.
Des difficultés sont apparues dans l’avancée des travaux dès avril 2014, parmi lesquelles notamment la procédure de redressement puis de liquidation judiciaire du maître d’ouvrage, la société SF3I.
Les travaux ont finalement été achevés, hors levée des réserves, le 29 décembre 2016. La résidence a été livrée le 27 janvier 2017, date de prise d’effet du bail commercial. L’appartement des époux [K] a été réceptionné à la même date par la société I INVEST.
Par courrier du 3 février 2017, la société I INVEST a réclamé aux époux [K] le solde du prix, soit la somme de 57 998,16 euros TTC, alors qu’ils n’ont perçus les loyers qu’à compter d’avril 2017 malgré l’effectivité du bail depuis le 27 janvier 2017 et le déblocage de tous les fonds.
Par actes d’huissier des 3 et 9 février 2016, les époux [K]/[E] ont assigné devant le tribunal de grande instance de LYON la Banque PALATINE, la société I INVEST et la société I SELECTION aux fins de les voir condamner solidairement à leur verser les sommes de 120 500 euros au visa des articles 1147 et 1382 du code civil et de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les époux [K] ont exposé que la société I SELECTION est responsable, sur le fondement délictuel, de man’uvres dolosives en les ayant incités à se décider rapidement prétextant de manière mensongère qu’il restait peu de lots. Ils ont mis en cause son incompétence puisque la façon dont elle a mené les opérations a abouti à un important retard de livraison.
Sur le fondement contractuel, les époux [K] ont soutenu que la société I INVEST a manqué à son obligation de résultat pour trouver un promoteur fiable, la faillite n’étant pas un évènement imprévisible et irrésistible. De plus, ils lui font grief de ne pas avoir été dûment informés du cours des travaux.
S’agissant de la Banque PALATINE, les époux [K] ont exposé qu’ils la considèrent également responsable de man’uvres dolosives au même titre que la société I SELECTION avec qui elle les a mis en relation en vue de l’achat de l’appartement. Aussi, ils soutiennent qu’elle a manqué à son devoir de conseil au regard notamment du prix exorbitant du bien et de l’inadaptation de l’investissement à leurs besoins de défiscalisation ; elle n’a pas respecté son engagement à différer le remboursement de l’emprunt réalisé pour rembourser la TVA.
Les sociétés I INVEST et I SELECTION ont conclu au débouté des époux [K] et à leur condamnation à leur payer 5 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elles ont affirmé n’avoir pas usé de man’uvres dolosives, expliquant l’existence de lots disponibles par la délégation de la vente d’une partie des lots et les désistements des acquéreurs en rappelant que les époux ont bénéficié des deux délais de rétractation. Elles ont relevé ensuite que l’acte de cession a été signé par la société I INVEST à qui aucune man’uvre ni mensonge ne sont prêtés. Elles ont précisé en dernier lieu n’être pas intervenues dans la construction, seul le promoteur SF3I ayant choisi les entrepreneurs. Elles ont assuré avoir fait le nécessaire par la suite en confiant les travaux à l’entreprise EIFFAGE. Par ailleurs, la liquidation des constructeurs est une cause légitime de suspension du délai de livraison en ce qu’elle constitue un évènement extérieur irrésistible et imprévisible. Les époux [K] en ont par ailleurs été très régulièrement informés.
Les sociétés I INVEST et I SELECTION ont qualifié le préjudice des demandeurs d’hypothétique et de non actuel et certain, en l’absence d’élément au soutien de leurs demandes et en l’absence d’évaluations. De plus, elles ont mis en évidence une incohérence dans le fait que soit demandé le remboursement des échéances du prêt alors même que la nullité du contrat lui-même n’est pas soulevée.
La Banque PALATINE a conclu au débouté des époux [K] et leur condamnation à lui payer 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle a soutenu n’avoir commis aucune faute aux motifs suivants :
Absence de dol : au visa des articles 1109 et 1116 du code civil, la charge de la preuve du dol appartient aux demandeurs. Les man’uvres doivent émaner du cocontractant et non d’un tiers. Or elle n’a pas été partie au contrat liant les époux [K] à la société I INVEST ;
Absence de manquement à son devoir de conseil : le banquier a un devoir de neutralité se limitant à la vérification de la solvabilité de l’emprunteur lorsqu’il n’intervient pas en qualité de conseil en gestion de patrimoine ;
Caractère adapté du crédit : les demandeurs ne démontrent pas qu’il existait un risque d’endettement excessif justifiant une mise en ‘uvre de son devoir de mise en garde ;
Absence de faute dans la gestion des comptes : elle a annulé les prélèvements reportés et suspendu les échéances du prêt immobilier.
Elle a fait valoir la défaillance des époux [K] dans l’administration de la preuve de leur préjudice, précisant qu’en suivant le calcul opéré par les époux [K], le quantum serait de 65 628 euros et non 120 500 euros. En toute hypothèse, le manquement du banquier à son devoir de mise en garde n’ouvre droit selon elle à réparation que sur le terrain de la perte de chance de ne pas contracter, qui n’est pas alléguée par les demandeurs.
Par jugement en date du 18 février 2020, le tribunal de grande instance a :
débouté les époux [K] de l’ensemble de leurs demandes ;
condamné in solidum les époux [K] à payer à la SAS I INVEST et à la SAS I SELECTION la somme de 1 200 euros, soit 600 euros chacune, et à la Banque PALATINE la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné in solidum les époux [K] à supporter le coût des entiers dépens de l’instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Nicolas BOIS.
Le tribunal a retenu en substance :
1. Sur la responsabilité relative à la formation du contrat de vente
– Sur les man’uvres dolosives
Les man’uvres dolosives consistant dans le mensonge relatif à la disponibilité des lots au moment de la réservation pour accélérer la signature ne sont pas établies en l’absence de preuve que la société I SELECTION était en charge de la commercialisation de l’ensemble du programme et que les lots proposés à la vente quelques mois plus tard étaient déjà disponibles au moment de la réservation.
S’agissant de la rapidité de la décision en elle-même, les époux [K] disposaient d’un temps de réflexion suffisant en bénéficiant des délais légaux de rétractation lors de la réservation puis lors de la vente.
Quant à la Banque PALATINE, bien qu’elle ait été impliquée dans la conclusion du contrat, aucune man’uvre dolosive indépendante de celles écartées en ce qui concerne la société I SELECTION ne saurait lui être reprochée.
La demande en dommages et intérêts au titre de la responsabilité de la société I INVEST et de la Banque PALATINE sur le fondement du dol est infondée.
– Sur le défaut de conseil de la Banque PALATINE
Bien que la teneur des échanges et de ses prises de position quant au projet caractérise un rôle de conseil et non de prêteur de la banque, il n’est pas démontré en quoi l’investissement était inadapté à la situation des époux.
Les divergences dans les revenus pris en compte ne sont pas susceptibles à elles-seules de déséquilibrer le projet. Les époux [K] ont également pris les renseignements nécessaires sur la rentabilité avant de se lancer dans l’opération et ont pu échanger avec deux interlocuteurs. Par ailleurs, il ne peut être sérieusement soutenu que la défiscalisation était attendue précisément sur les revenus de 2013.
Le délai écoulé entre la signature de la promesse de vente et l’acte définitif aurait par ailleurs pu être utilisé par les époux [K] pour approfondir leur projet et poser leurs questions éventuelles.
2. Sur la responsabilité relative à l’exécution du contrat de vente
– Sur l’incompétence de la société I SELECTION
Il ressort des éléments fournis que la société I SELECTION était le mandataire à la fois des époux [K] dans le cadre de leur recherche d’investissement et de la société I INVEST dans le cadre de la commercialisation de son projet immobilier, sans que puisse lui être attribué un rôle quelconque dans le suivi de la construction.
Dans ce contexte, il ne saurait lui être reproché son incompétence compte tenu du retard de la livraison intervenue le 29 décembre 2016 au lieu du 30 novembre 2014.
– Sur l’obligation de résultat de la société I INVEST au regard de la livraison
L’acte de vente fait état d’une transmission des droits et obligations de la société I INVEST à l’acquéreur dans les termes suivants : ” le cessionnaire sera substitué au cédant dans les droits et obligations que celui-ci tenait en vertu du contrat présentement cédé à compter de ce jour “, et mentionnait une date de livraison au 30 novembre 2014.
Il apparaît ainsi que la société I INVEST n’avait pas la main sur la construction, le promoteur étant le vendeur originaire, à savoir la société SF3I. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la société I INVEST une incompétence s’agissant d’une mission de suivi de la construction qui ne lui incombait pas de sorte qu’il n’y a pas lieu de rechercher l’existence d’un évènement irrésistible, imprévisible, et extérieur.
Par ailleurs, suite à la résiliation judiciaire du contrat entre la SF3I et la société I INVEST, celle-ci, ayant acquis un pouvoir de décision, a permis au chantier d’aboutir en le confiant à la société EIFFAGE.
La demande de dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle de la société I INVEST est infondée.
3. Sur la responsabilité de la Banque PALATINE relative au contrat de prêt
– Sur le caractère adapté du crédit
La lecture des charges et revenus pris en compte dans le cadre du crédit ne fait pas apparaître de disproportion de nature à faire naître un devoir de mise en garde à la charge de la banque en raison d’un risque de surendettement. La durée du crédit, vingt ans, compte-tenu de l’âge des emprunteurs, a pu être estimée adaptée compte-tenu de son montant et des ressources permettant d’y faire face.
– Sur la faute issue de la gestion des comptes
Bien que la banque ait à tout le moins fait preuve de légèreté dans le traitement de ce dossier au regard des délais écoulés entre les divers échanges produits, sa responsabilité ne saurait être engagée pour le retard de la re-créditation de leur compte des 33 200 euros en l’absence de démonstration quant à la nature et au quantum du préjudice subi par les demandeurs et qui doit être actuel et certain, tandis qu’il n’est fait état d’aucune difficulté financière telle qu’un incident de paiement dans l’intervalle.
Par déclaration électronique du 19 mars 2020, le conseil des époux [K] a interjeté appel des entières dispositions du jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 23 février 2021, les appelants demandent à la Cour de réformer le jugement dans toutes ses dispositions au visa des articles 1147 et 1382 anciens du code civil et de :
Dire et juger que les défendeurs ont commis des fautes au sens des articles 1147 et 1382 de l’ancien code civil sous forme de man’uvres dolosives et d’un défaut de conseil outre des fautes dans la gestion des comptes et du prêt TVA ;
Déclarer solidairement responsables la Banque PALATINE, la SAS I INVEST, la société I SELECTION de leur préjudice.
EN CONSEQUENCE,
Déclarer les banques PALATINE, I SELECTION et I INVEST entièrement responsables de leur préjudice ;
Condamner solidairement la Banque PALATINE, la SAS I INVEST, la société I SELECTION à leur payer les sommes suivantes :
150 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel subi en raison des inexécutions subies,
5 000 euros au titre du préjudice moral.
Condamner la Banque PALATINE à leur payer une somme de 5 000 euros pour le préjudice subi en raison de la mauvaise gestion des comptes bancaires ;
Condamner la Banque PALATINE, la SAS I INVEST, la société I SELECTION solidairement à leur payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les mêmes et sous la même solidarité aux entiers dépens de l’instance.
Ils soutiennent à l’appui de leurs demandes :
1. Sur la responsabilité relative à la formation du contrat de vente
– Sur les man’uvres dolosives
Sur le très court délai de réflexion et la pression exercée sur les époux [K] : La promesse d’achat en l’état futur d’achèvement du lot 417 a été régularisée le 2 août 2013, soit 3 jours après la proposition du projet aux époux [K] par la Banque LA PALATINE. Les époux [K] n’ont véritablement eu qu’une journée pour se décider sous l’insistance de la société I SELECTION et de leur banque comme le prouvent les nombreux mails échangés entre le 30 et le 31 juillet 2013, notamment tard le soir. L’insistance subie par les époux n’a été que renforcée par la confiance qu’ils portaient à leur interlocuteur habituel à la banque, Madame [S].
Sur le mensonge : fin juillet 2013, la société I SELECTION et la Banque LA PALATINE indiquaient aux époux [K] qu’il fallait se décider très rapidement car il ne restait plus que quelques appartements. Fin décembre 2015, la société PETERSON a mis en ligne une publicité pour la vente de lots dans l’ensemble STAYCITY où il apparaît que presque la totalité des lots sont encore à la vente et notamment le lot 417. En septembre 2015, la société I SELECTION faisait également apparaître une publicité où l’agence indiquait une livraison pour octobre 2015 et qu’il restait encore de nombreux appartements à acheter.
Il n’y avait donc pas lieu à se précipiter pour réaliser l’opération, et les concluants ont bien fait l’objet de pression et de mensonges de la part des intimées.
Également, il apparaît impossible que la plupart des clients ayant réservé les lots se soient rétractés après la signature des époux [K], s’agissant d’un ensemble de 144 logements. Par ailleurs, il n’a jamais été indiqué aux époux que même si les lots étaient réservés, des acheteurs pouvaient par la suite se désister, ce qui aurait libéré des lots et leur aurait permis de faire un achat sans précipitation.
Sur la caractérisation du dol : les époux [K] ont bien été victimes de man’uvres dolosives pour les forcer à réserver un lot en urgence. Il est manifeste que sans la pression qu’ils ont subie et la confiance qu’ils avaient avec leur banque, ils n’auraient peut-être pas réalisé l’opération.
Sur le rôle de cocontractant de la Banque PALATINE : elle est en effet bien cocontractante puisqu’elle a financé le prêt et s’est largement investie dans la réservation des lots. Elle était de toute évidence partie prenante à l’opération et a profité de la confiance des époux [K].
– Sur le défaut de conseil de la Banque PALATINE
L’appartement de 22,20 m² a été vendu au prix de 166 886 euros HT avec le mobilier, soit une somme de 7 517,39 euros au m², alors que le bien a été évalué en 2019 au prix de 124 391 euros. La Cour observera donc que le bien perd de sa valeur au lieu d’en gagner, ce qui le rend invendable sans perte importante.
Également, le prêt contracté pour un montant de 211 374 euros TTC est remboursable sur 22 ans et l’amortissement ne sera réalisé qu’au bout de 37 ans alors que les époux [K] ont plus de 50 ans. Or, il n’est pas de bon conseil d’espérer un amortissement à 87 ans pour les concluants.
Il est donc clair que l’investissement proposé ne sera jamais rentable, ce que la banque ne pouvait ignorer.
La banque a également commis une faute en toute connaissance de cause sur la situation financière des époux [K] en ayant estimé leurs revenus sur 2013 à 105 087 euros et non 83 188 euros. La banque n’a pas non plus tenu compte du prêt de leur résidence principale d’environ 1 400 euros par mois. La banque ne pouvait en effet ignorer leur situation financière réelle car ils lui fournissaient leur déclaration d’impôt annuellement.
En outre, la banque n’a pas prévu la perte d’emploi, alors que Monsieur [K] a perdu le sien.
La banque n’était pas un intermédiaire désintéressé puisqu’elle a financé l’opération.
De plus, la défiscalisation n’a pas pu intervenir sur l’année où ils ont gagné le plus d’argent.
L’investissement ne sera rentable qu’à l’âge de 87 ans s’il ne perd encore pas plus de valeur d’ici là.
La banque est bien intervenue comme conseil en gestion de patrimoine puisque c’est Madame [S] qui leur a présenté le projet futur de construction par mail. La banque a également été présente à tous les stades de la négociation, de la régularisation à la promesse de réservation.
2. Sur la responsabilité relative à l’exécution du contrat de vente
– Sur l’incompétence de la société I SELECTION
Il résulte des pièces versées au débat que la société I SELECTION n’était pas un simple mandataire puisque la société I INVEST lui avait confié en plus d’une mission de commercialisation une mission d’ingénierie. Elle n’était donc pas étrangère à la construction.
La confusion entre le rôle des sociétés I SELECTION et I INVEST ne peut être que redoutée puisque les deux sociétés ont le même siège social, ont régulièrement utilisé le même papier commercial et sont représentées par le même conseil.
– Sur l’obligation de résultat et d’information de la société I INVEST au regard de la livraison
La société I INVEST qui était leur seul interlocuteur avait une obligation de résultat envers les époux [K] pour trouver un promoteur fiable.
L’obligation d’information de la société I INVEST n’a pas été correctement remplie. Ce n’est que le 15 septembre 2014 que la société I INVEST leur a écrit que le chantier était suspendu en raison d’un différend entre le promoteur et l’entreprise générale alors que le promoteur avait été déclaré en redressement judiciaire depuis le 19 mars 2014. La société I INVEST a ainsi tu le réel motif de la suspension du chantier. Par la suite, aucune information n’a été donnée jusqu’au 17 septembre 2015.
3. Sur la responsabilité de la Banque PALATINE au regard du contrat de prêt
– Sur le caractère inadapté du crédit
Tout d’abord, la fin du crédit porte les époux à l’âge de 70 ans et le prêt ne tient pas compte de la diminution des revenus à la retraite. De plus, les loyers sont largement inférieurs au montant des échéances du crédit, ce qui est loin d’être négligeable. L’amortissement était prévu sur 37 ans soit l’âge de 87 ans pour les époux [K] alors qu’il s’agissait d’un investissement pour la retraite et non d’un achat de leur résidence principale. Également, aucune assurance chômage n’était prévue.
– Sur le comportement fautif de la Banque PALATINE dans la gestion des comptes durant l’exécution du contrat
Les époux avaient contracté un prêt de 33 200 euros environ pour régler la TVA qui devait être remboursable à la réception des travaux, soit initialement en décembre 2015. Compte tenu du retard dans la livraison du bien, le remboursement a été différé avec l’accord de la banque. Or, par mail du 18 juin 2018, Monsieur [K] a constaté que ses comptes avaient été vidés par la banque, sans autorisation. La banque n’a pas le droit d’effectuer des compensations entre les comptes sans autorisation. Également, les époux n’ont signé aucun avenant pour le remboursement de la TVA, de sorte que le prêt a été payé par la banque sans autorisation. La banque ne verse en effet pas au débat ni l’autorisation, ni l’avenant.
Les fonds devaient ensuite être re-crédités le 18 juillet 2018. Or là encore, la banque n’a pas respecté ses engagements puisque les fonds n’ont été recrédités que courant septembre 2018. Les concluants ont donc été privés de fonds entre juin et septembre 2018, de telle sorte que Monsieur [K] a dû rompre un contrat d’assurance-vie pour justement éviter des incidents de paiement. Le préjudice est donc bien réel et certain.
Le tribunal a jugé que la banque avait traité leur dossier avec légèreté. Or, la légèreté dans le traitement d’un dossier est constitutive d’une faute au sens de l’article 1147 du code civil.
4. Sur le préjudice subi par les époux
– Sur le préjudice lié à l’achat de la studette
Le préjudice est tant matériel que moral. Sans les man’uvres frauduleuses de la banque et des sociétés I SELECTION et I INVEST, les époux [K] n’auraient peut-être pas contracté. Les époux n’ont pas pu réaliser un investissement adapté à leur situation et ils ont subi un préjudice financier de 150 000 euros incluant la perte de la valeur du bien immobilier. Du fait des relations de confiance nouées avec leur banque, leur préjudice moral est évalué à la somme de 5 000 euros.
– Sur le préjudice lié à la gestion des comptes par la banque
Le préjudice est évalué à la somme de 5 000 euros.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 2 juin 2021, les sociétés I INVEST et I SELECTION demandent à la Cour au visa des articles 1382 et 1147 anciens du code civil de :
– CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement.
En conséquence :
– JUGER que les dispositions de l’article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 ne sont pas applicables à la société I SELECTION ;
– JUGER que la société I SELECTION n’a commis aucune faute ;
– JUGER que le report de livraison est imputable à la défaillance des constructeurs ;
– JUGER que la société I INVEST n’a commis aucune faute ;
– JUGER que les préjudices allégués par Monsieur et Madame [K] ne sont justifiés ni dans leur principe, ni dans leur quantum ;
– DEBOUTER les époux [K] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause :
– CONDAMNER in solidum les époux [K] à payer à la société I SELECTION et la société I INVEST une somme de 5.000 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER in solidum les époux [K] aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par Maître Nicolas BOIS, Avocat au Barreau de LYON conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Les intimées soutiennent notamment à l’appui de leurs demandes :
1. Sur l’absence de faute délictuelle de la société I SELECTION
Sur l’absence de mensonge et de pression : Au mois de juillet 2013, la société I SELECTION a indiqué aux demandeurs que la plupart des lots étaient réservés, mais non encore vendus, étant précisé que la société I SELECTION a délégué la vente de certains lots, et ne bénéficiait d’un mandat de commercialisation que sur une partie des lots de la résidence. Elle n’a donc pas menti ni empêché les époux de se rétracter.
Sur le défaut de qualité de cocontractant : Mais surtout, la société I SELECTION n’est pas le cocontractant de Monsieur et Madame [K], puisqu’elle s’est contentée d’intervenir en qualité d’intermédiaire. L’acte de cession de VEFA a été conclu avec la société I INVEST. Or, aucune man’uvre ni aucun mensonge ne sont prêtés à la société I INVEST.
Sur l’absence d’intervention de la société à l’acte de construire : Il est également nécessaire de rappeler que les sociétés I SELECTION et I INVEST sont deux entités juridiques distinctes, dont les activités ne sont nullement similaires. La société I SELECTION n’est par principe aucunement intervenue dans le déroulement du chantier ou le choix des constructeurs, puisqu’elle a uniquement été en charge de la commercialisation des lots de copropriété. La société I INVEST n’a pas plus choisi les locateurs d’ouvrage, et n’est nullement intervenue sur le chantier pendant la période durant laquelle les retards sont apparus. En effet, elle a simplement acquis l’immeuble en VEFA auprès de la société SF3I, afin de le revendre par lots. C’est ainsi que les entreprises intervenues sur le chantier ont été choisies par la société SF3I, promoteur, et elle seule.
2. Sur l’absence de faute de la société I INVEST
Le décalage de livraison n’est pas imputable à la société I INVEST et trouve son origine dans la défaillance des constructeurs, dont la société SF3I en sa qualité de promoteur et les entreprises choisies par cette dernière. Il s’agit d’événements extérieurs irrésistibles et imprévisibles subis par la société I INVEST, qui se trouve être la première victime de la déconfiture du promoteur. Il y a eu deux périodes distinctes :
Une première période durant laquelle la société I INVEST n’était qu’acquéreur en VEFA auprès de la société SF3I, maître d’ouvrage, les époux [K] étant en réalité sous-acquéreurs.
La seconde période à identifier débute à compter de la résiliation du contrat de VEFA, le 25 janvier 2016. Ce n’est qu’à ce moment-là que la société I INVEST est devenue le maître d’ouvrage du chantier et a pu faire les démarches nécessaires à l’achèvement des travaux.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l’obligation d’information de la société I INVEST a été respectée comme le prouvent les courriers versés au débat.
3. Sur l’absence de préjudice
En tout état de cause, dans la mesure où Monsieur et Madame [K] ne démontrent pas l’existence d’un préjudice, leurs demandes sont vouées au rejet.
En l’espèce, le principe même des préjudices allégués par Monsieur et Madame [K] n’est pas justifié. Leur quantum diffère entre leurs premières conclusions d’appelants et leurs dernières écritures, ce qui ne fait que prouver l’inconsistance de leurs demandes et l’absence de caractère certain du préjudice évoqué.
Dans la mesure où Monsieur et Madame [K] ne rapportent pas la preuve d’un dommage actuel et certain en lien avec les fautes invoquées, et ne justifient pas davantage du quantum réclamé, ils seront déboutés de l’intégralité de leurs demandes indemnitaires.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 1er juin 2021, la Banque PALATINE demande à la Cour au visa de l’article 1147 ancien du code civil de :
– Débouter les époux [K] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
En conséquence, confirmer le jugement dont appel ;
– Condamner solidairement les époux [K] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner solidairement les mêmes aux entiers de première instance et d’appel, ces derniers étant ” sic ” distraits au profit de la SAS TUDELA & Associés, avocats sur son affirmation de droit.
Elle soutient en substance à l’appui de ses demandes :
1. Sur l’absence de faute de la banque
– Sur l’absence de dol
La Banque PALATINE n’est pas partie au contrat unissant les époux [K] et la société I INVEST. Les appelants sont donc mal fondés juridiquement à soutenir que la banque aurait commis un dol pour les convaincre à contracter avec un tiers.
Il n’y avait aucune confusion entre le rôle de la Banque PALATINE et la mission des sociétés I INVEST et I SELECTION, comme en témoignent les courriels échangés avec les appelants :
– La plupart des courriels ont été échangés directement entre les époux [K] et les sociétés I INVEST et I SELECTIO, la banque étant seulement rendue destinataire de certains courriels, en simple copie et pour information.
– Les seuls courriels adressés directement par la banque, ou adressés à la banque, sont exclusivement relatifs au financement de l’opération.
La Banque PALATINE – qui n’avait pas accès aux informations relatives à la disponibilité des lots – n’a jamais menti aux candidats acquéreurs à ce sujet pour les convaincre à effectuer l’opération envisagée.
– Sur l’absence de manquement au devoir de conseil
Sur l’absence de l’obligation de conseil du banquier : A titre liminaire, le devoir de non-ingérence interdit au banquier de s’immiscer dans les affaires de son client, qui reste seul juge de l’opportunité de son investissement. Ce devoir place le banquier dans une position de neutralité, quelle que soit l’opération projetée. En matière d’investissement immobilier, il est constant que le banquier n’est pas tenu de ” conseiller aux accédants à la propriété tel cadre contractuel plutôt que tel autre pour réaliser leur projet “. En l’espèce, la Banque PALATINE n’a été débitrice d’aucun devoir de conseil à l’égard des époux [K] de sorte qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la pertinence de l’opération envisagée par les époux [K].
Sur l’absence d’intervention en qualité de conseil en patrimoine de la banque : l’obligation de la banque se limite à vérifier la solvabilité de l’emprunteur. A contrario, la banque peut engager sa responsabilité à l’égard de l’emprunteur lorsqu’elle ne se cantonne pas à son rôle de dispensateur de crédit mais en intervenant activement dans la mise en place du montage. C’est dans la seule perspective de financer le montage mis en place par la société I SELECTION que les époux [K] se sont rapprochés de la Banque PALATINE.
– Sur le caractère adapté du crédit
L’obligation de mise en garde sur le caractère excessif de l’endettement résultant du prêt accordé n’est pas automatique. Elle ne s’impose que s’il existe un risque, pour l’emprunteur, de ne pas pouvoir faire face aux échéances de remboursement en raison d’un patrimoine et de revenus insuffisants.
Par ailleurs, la charge de la preuve du caractère inadapté du prêt repose sur l’emprunteur. En l’espèce, les époux [K] ne produisent aucune pièce permettant de justifier de leur situation financière au moment de la souscription du crédit litigieux. Ce faisant, ils ne démontrent pas que, à l’époque de la souscription du prêt, leurs revenus et leur patrimoine justifiaient une mise en garde de la part de la banque sur le risque d’endettement excessif résultant de l’opération projetée. Leur action en responsabilité est donc mal fondée.
S’agissant du prêt de 33 200 euros remboursable in fine : Il s’agit d’un montage classique permettant à l’emprunteur d’éviter d’avancer les sommes dues au titre de la TVA en remboursant la banque au moment où il récupère lui-même les fonds. Son coût de 706,66 euros d’intérêts et 132,80 euros d’assurances a été plus que raisonnable eu égard aux tarifs pratiqués à cette époque.
S’agissant du prêt immobilier de 176 000 euros destiné à l’acquisition de l’appartement : il est utilisable au fur et à mesure de la présentation des appels de fonds par le promoteur jusqu’à la date de livraison. Il est remboursable en 15 échéances variables de 298,38 à 384,16 euros du 20 janvier 2014 au 20 février 2015 puis en 222 échéances constantes de 1 095,51 euros à compter du 20 avril 2015 pour tenir compte de la date de livraison, initialement prévue au dernier trimestre 2014, et du temps nécessaire après la livraison pour trouver un locataire. Il est adapté à la situation financière des époux [K] qui, au mois de juin 2013, ont déclaré des revenus de 105 087 euros. En effet, avec des revenus mensuels de plus de 8 000 euros par mois, les époux [K] étaient parfaitement en mesure d’assumer des échéances de remboursement de 1 095,51 euros et ce que le bien soit donné en location ou non. Par ailleurs, si ce crédit est remboursable sur 20 ans, c’est une durée courante pour des emprunteurs âgés de 50 ans.
– Sur l’absence de faute dans la gestion des comptes
En raison du retard de livraison de l’appartement, elle a consenti un délai supplémentaire aux époux [K] pour le remboursement du prêt relais TVA de 33 200 euros qui venait en principe à échéance en décembre 2015.
Non seulement, elle n’a pas commis de faute dans la gestion des comptes mais qu’elle a accepté toutes les demandes de ses clients pour leur permettre de disposer d’une trésorerie suffisante jusqu’à la vente effective de leur appartement.
2. Sur l’absence de préjudice des époux [K]
Aucune facture, aucune attestation ni aucun justificatif ne permet de démontrer que les sommes revendiquées ont bien été réglées.
De la même manière, rien ne justifie le prix au mètre carré de 5 000 euros revendiqué par les appelants. Dès lors, rien ne permet d’affirmer que le prix de vente de 161 106 euros aurait été excessif eu égard aux prix pratiqués pour ce type d’investissement au moment de l’acquisition, soit au dernier trimestre 2013. Le document produit par les demandeurs est une ” estimation du bien à juillet 2020 ” qui ne contredit pas la valeur en 2013. Ce document n’a d’ailleurs aucune valeur probante en ce qu’il n’émane pas d’un expert immobilier.
En réalité, les époux [K] n’ont subi aucun préjudice du fait de la Banque PALATINE grâce à laquelle ils ont pu : 1/ acquérir un actif de qualité, 2/ et bénéficier des avantages fiscaux du statut de loueur ” LMNP “.
En toute hypothèse, le manquement du banquier à son devoir de mise en garde n’ouvre droit à réparation que sur le seul terrain de la perte d’une chance de ne pas contracter. Or, les demandeurs n’allèguent aucune perte de chance.
Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 9 mars 2022 à 9 heures.
A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 29 juin 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour ” constater ” ou ” dire et juger ” ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4,5,31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Il résulte des dispositions de l’article 9 de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, complété par la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance, que les contrats ayant été conclus avant le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de la réforme, ils demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public. En l’espèce, les dispositions du code civil seront citées dans le présent arrêt dans leur version antérieure à la réforme de 2016 y compris pour la mise en jeu délictuelle compte tenu de la date de l’assignation et de la survenance des faits allégués.
La Cour constate que seule la SAS INVEST est le cocontractant des époux [K] par rapport à la signature du contrat de vente. Par rapport à cette opération, la société I SELECTION est le mandataire de la société INVEST. Elle est donc un tiers à l’égard des époux [K]. Mais, ce mandataire peut être tenu de répondre de ses fautes extracontractuelles si elles causent un préjudice aux tiers. La Banque PALATINE est également un tiers au contrat de vente même s’il apparaît qu’elle n’est pas étrangère à l’opération immobilière d’ensemble des époux [K] ainsi que cela ressort des échanges de mails entre I SELECTION, les époux [K] et Madame [S] [U] de la PALATINE qui est en copie pour chaque mail (pièces 2 à 14 des appelants) alors que l’opération n’est qu’en cours de discussion. Il n’est toutefois pas établi que la Banque PALATINE est la banque gérant tous les contrats de prêt des ventes en VEFA dans le cadre d’une collaboration étroite avec les sociétés I INVEST et I SELECTION ni que c’est elle qui a proposé cet investissement immobilier à ses clients les époux [K]. Dès lors, ses éventuelles fautes peuvent donner lieu à la mise en jeu de sa responsabilité extracontractuelle s’agissant des man’uvres dolosives reprochées. En revanche, s’agissant de ses manquements allégués à son devoir de conseil et dans la gestion de ses prêts, la responsabilité contractuelle de celle-ci peut être engagée si les manquements ont causé des préjudices certains dans leur existence et leur quantum.
Sur la responsabilité contractuelle de la SAS INVEST et la responsabilité extracontractuelle de I SELECTION pour man’uvres dolosives :
Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Selon l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier du paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En matière de dol, qui est un vice de consentement, l’article 1116 du code civil, exige la démonstration de man’uvres positives voire des réticences sans lesquelles la partie n’aurait pas conclu. Il s’agit de comportements nécessairement intentionnels.
Seule I SELECTION est intervenue activement dans le processus contractuel et non I INVEST, son mandant, à l’encontre de laquelle aucune preuve n’est fournie par les époux [K] en dehors d’un sentiment qu’elle ne pouvait pas ignorer les agissements de son mandataire dans le cadre d’une suspicion de collusion.
I SELECTION est un tiers au contrat. Or, les man’uvres dolosives ne peuvent provenir d’un tiers et il n’est pas prouvé que I-SELECTION a agi de manière illicite sur les instructions d’I-INVEST, le co-contractant.
En tout état de cause, les époux [K] font grief à I SELECTION d’avoir subi une importante pression du fait que leur interlocuteur leu a fait croire mensongèrement qu’il fallait conclure dans l’urgence par rapport à la disponibilité des lots et qu’ils ont dû signer la promesse dans les trois jours le 2 août 2013 après un échange de mails entre le 30 et le 31 juillet 2013, notamment tardivement.
Or, après examen de ces courriels, un seul mail peut apparaître tardif (pièce 7) puisque Monsieur [I] a répondu à 22 heures 06 le 31 juillet 2013 mais la teneur de son mail ne contient aucune pression pour conclure au plus vite. Il s’agit d’une étude du lot 417
Enfin, les époux [K] ont bénéficié des deux délais de rétractation lors de la réservation du bien puis lors de la vente. Ils ont donc disposé d’un délai de réflexion. Par ailleurs, pas plus en appel qu’en première instance, ils ne sont en mesure d’administrer la preuve qu’I SELECTION était en charge de la commercialisation de l’ensemble du programme et que les quelques lots proposés à la vente quelques mois plus tard étaient déjà disponibles au moment de la réservation.
Sur la participation de la Banque PALATINE aux man’uvres dolosives alléguées :
Le dol ne peut être que le fait d’un cocontractant et non d’un tiers. Dès lors, la faute de la Banque PALATINE qui est un tiers au contrat ne peut être établie.
De plus, il ne ressort d’aucune pièce des époux [K] que Madame [S] aurait participé comme complice en donnant sa caution morale à des man’uvres d’I SELECTION, ces man’uvres n’étant pas plus en première instance qu’en appel établies d’autant qu’il est évoqué en page 14 de leurs écritures qu’il convient de se reporter à un mail de la banque du 31 juillet 2013 dans lequel il leur a été dit qu’ il conviendrait de prendre position rapidement car il n’y a plus de lot disponible mais ces écritures ne renvoient pas à la pièce en question. Et, aucun des mails de cette date, figurant dans le dossier de pièces ne renferme une telle allégation.
La Cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté les époux [K] de leurs demandes indemnitaires de ces chefs.
Sur la responsabilité d’I-SELECTION et d’I INVEST dans l’exécution du contrat de vente :
Les époux [K] font grief aux premiers juges d’avoir considéré qu’I SELECTION était un mandataire et de ne pas avoir tenu compte du fait que cette société avait une mission d’ingénierie. Ils en déduisent qu’I SELECTION a choisi des sociétés qui ont été déclarées en liquidation judiciaire et que le délai de livraison a été décalé d’octobre 2014 à décembre 2016 en raison de ses insuffisances professionnelles.
Or, l’activité d’ingénierie est une activité non de construction mais d’étude globale d’un projet, en l’espèce immobilier, sous tous ses aspects (techniques, fiscaux, financiers…) ainsi que cela ressort de leur propre convention figurant dans leur pièce 18 dénommée ” frais d’études : mission d’ingénierie ” l’objet en étant l’étude, la recherche, la distribution des produits immobiliers de placement, et l’accompagnement des investisseurs jusqu’à l’acte d’acquisition.
I SELECTION ne peut donc avoir de responsabilité par rapport au non-respect du délai de livraison d’autant que la mise en liquidation des constructeurs peut être un cas de force majeure différant licitement ce délai. D’ailleurs, le choix des entreprises a été le fait de la société SF3I qui s’était engagée à finir les travaux et à livrer le bien pour le 30 novembre 2014. I INVEST n’a pas eu la qualité de maître de l’ouvrage mais celle d’acquéreur ce qui est bien précisé dans l’acte de vente puisqu’il est prévu que le vendeur conserve la qualité de maître de l’ouvrage.
D’ailleurs, à partir du moment où la convention a été résiliée, le 25 août 2016, I INVEST a fait le nécessaire.
Les époux [K] procèdent par pures allégations en indiquant que si I INVEST avait fait une recherche de solvabilité de la société promoteur, elle se serait rendue compte qu’elle était la moins disante donc la moins solvable et qu’elle allait rencontrer des difficultés financières et des soucis avec l’entreprise générale.
En ce qui concerne un éventuel défaut d’information s’agissant des difficultés du promoteur et du chantier, il n’est nul démonstration d’un lien de causalité avec un préjudice constitué.
Dès lors, la Cour adopte les motifs du jugement déféré en ce qu’il a rejeté ce moyen.
La Cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires formées à l’encontre des sociétés I INVEST et I SELECTION.
Sur la responsabilité précontractuelle et contractuelle de la Banque PALATINE :
Il ressort des pièces du dossier, en contradiction avec l’analyse des premiers juges, que la Banque PALATINE s’est bornée à un rôle de prêteur et qu’elle n’a pas fait du conseil en gestion de patrimoine en dépit de la qualité affichée d'[U] [S] signant en tant que conseillère en gestion de patrimoine. En effet, si elle a été tenue informée par ses clients et I SELECTION du projet, elle n’a fait que transmettre les offres de prêt puisqu’I SELECTION était en charge de la simulation économique du projet d’achat au vu de la situation personnelle des époux [K] et des détails de l’investissement conformément au mandat confié par les époux [K] à I SELECTION le 8 août 2013. Les mails invoqués par les époux [K] au soutien de leur thèse d’une ingérence de la Banque PALATINE dans leur projet d’investissement ne sont pas au dossier et leurs écritures ne renvoient à aucune pièce. Dès lors, la Banque PALATINE n’avait pas de devoir de conseil quant à la pertinence du projet d’investissement envisagé qui s’est avéré peu rentable.
Dès lors, son devoir de conseil était limité à l’étude de solvabilité du couple afin de leur proposer un crédit adapté à leur situation et à leur capacité financière. Le banquier prêteur doit également mettre en garde dans ce cadre l’emprunteur non averti s’il apparaît un caractère excessif de son endettement par rapport au prêt accordé.
A la lecture des écritures des appelants, il est soutenu un défaut de conseil quant au prêt en lui-même, dans son montant et sa durée. Néanmoins, le défaut de conseil n’est pas établi car l’âge de 75 ans, et non de 87 ans comme indiqué, est généralement considéré comme l’âge limite de fin de prêt, ce que respecte le prêt contracté par les époux [K]. S’agissant des revenus pris en compte lors de la souscription du prêt, ils ressortent de la déclaration à l’administration fiscale de juin 2013 (pièce 6 de la Banque PALATINE). L’erreur commise dans les heures supplémentaires n’est pas de nature à remettre en cause l’adaptation du prêt. Le fait que la banquière connaissait par ailleurs les éléments de la vie personnelle des époux [K] notamment sur le fait que la pension alimentaire allait être supprimée rapidement, que Monsieur [K] bénéficiait de revenus exceptionnels et qu’ils n’avaient pas de revenus fonciers, si cela peut constituer des négligences de la banque, il n’est en revanche pas établi que les emprunteurs n’ont pas pu faire face aux échéances du prêt telle que contractées. Par ailleurs, il n’est pas établi que le prêt était de nature à créer un endettement excessif déclenchant une obligation de mise en garde qui n’aurait pas été respectée.
Au surplus, le préjudice ne pourrait être constitué que d’une perte de chance de ne pas conclure le prêt, ce qui n’est pas allégué en l’espèce.
Enfin, il n’est pas justifié par la moindre pièce du fait que Monsieur [K] a dû racheter une assurance-vie comme prétendu dans le but de faire face aux difficultés financières liées aux échéances au prêt censé être inadapté car il ressort de leur pièce 77 que cet argent devait servir à leur déménagement.
Ainsi, la responsabilité précontractuelle de la banque ne peut être engagée pour manquement à la vérification de la solvabilité des emprunteurs.
Ainsi, la responsabilité civile des sociétés I INVEST, I SELECTION et de la Banque PALATINE ne saurait être engagée pour obtenir la réparation du préjudice matériel allégué par les époux [K].
La Cour confirme le jugement sur ce point.
En revanche, s’agissant des fautes de la Banque PALATINE dans la gestion des comptes, la Cour adopte la position des premiers juges qui ont constaté que la banque avait, sans autorisation des débiteurs, prélevé en mai 2018, des sommes en déplaçant l’argent de plusieurs de leurs comptes qu’elle s’est engagée recréditer après intervention du conseil des époux [K] le 29 juin 2018.
Contrairement à son engagement, elle a tardé sans motif légitime à le faire puisque le crédit a été porté au compte le 31 août 2018, soit plus de deux mois après avoir été avertie. Si le préjudice matériel a été réparé, c’est à juste titre qu’il est indiqué que cette attitude désinvolte de la banque vu le montant concerné, 33 200 euros qui s’est avéré indisponible, et le délai mis pour faire une opération qui ne devait lui prendre, de son propre aveu qu’une semaine, a généré un préjudice moral qu’il convient de réparer. Le conseil des époux [K] a dû intervenir une seconde fois le 19 juillet 2018. C’est à cette époque que Monsieur [K] a dû avoir recours à son assurance vie pour faire face à son déménagement ce qui est directement en lien avec la négligence de la banque à re-créditer leurs comptes rapidement. Ces négligences contractuelles ont donc causé un préjudice de nature purement moral qu’il convient de réparer. La responsabilité contractuelle de la Banque PALATINE pour la légèreté dans la gestion des comptes est engagée.
La Cour infirme le raisonnement du tribunal en ce qu’il a débouté les époux [K] de leur demande d’indemnisation à ce titre. Statuant à nouveau, la Cour condamne la Banque PALATINE à payer aux époux [K] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral.
Sur les demandes accessoires :
Partie succombante, la Banque PALATINE doit les entiers dépens de première instance et d’appel. La Cour infirme le jugement déféré sur les dépens. Statuant à nouveau, la Cour condamne la Banque PALATINE aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La Cour autorise Maître Nicolas BOIS qui en a fait la demande expresse à utiliser les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile pour recouvrer directement ceux des dépens d’appel dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision.
En équité, eu égard aux circonstances de l’affaire, la Cour condamne la Banque PALATINE à verser aux époux [K] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour infirme la condamnation de première instance au titre de l’article 700 du code de procédure civile prononcée contre les époux [K].
En équité, eu égard aux circonstances de l’affaire et au piètre investissement qu’elles ont présenté aux époux [K], lequel a été à l’origine de la procédure, la Cour déboute les sociétés I SELECTION et I INVEST de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile à leur encontre. Il y a lieu de les laisser à leur charge.
La Cour déboute les époux [K] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre des sociétés I INVEST et I SELECTION.
La Cour déboute la Banque PALATINE de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté les époux [K] de leurs demandes indemnitaires à l’encontre de sociétés I INVEST et I SELECTION,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté les époux [K] de leurs demandes indemnitaires à l’encontre de la Banque PALATINE s’agissant de sa responsabilité extracontractuelle pour man’uvres dolosives et de sa responsabilité précontractuelle pour manquement à son devoir de conseil,
Infirme partiellement le jugement déféré en ce qu’il a débouté les époux [K] de leur demande indemnitaire à l’encontre de la Banque PALATINE s’agissant de sa responsabilité contractuelle pour manquement à la bonne gestion de leurs comptes.
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne la Banque PALATINE à payer aux époux [K] la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
Déboute les époux [K] de toutes demandes indemnitaires contre la Banque PALATINE pour préjudice matériel,
Infirme le jugement déféré sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne la Banque PALATINE aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Autorise Maître Nicolas BOIS à utiliser les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile pour recouvrer directement ceux des dépens d’appel dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision,
Condamne la Banque PALATINE à verser aux époux [K] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirme la condamnation de première instance au titre de l’article 700 du code de procédure civile prononcée contre les époux [K].
Déboute les sociétés I SELECTION et I INVEST de leurs entières demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre des époux [K],
Déboute les époux [K] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre des sociétés I INVEST et I SELECTION,
Déboute la Banque PALATINE de ses entières demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT