Your cart is currently empty!
N° de minute : 151/2023
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 27 juillet 2023
Chambre civile
Numéro R.G. : N° RG 20/00392 – N° Portalis DBWF-V-B7E-ROQ
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 octobre 2020 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 18/1959)
Saisine de la cour : 30 octobre 2020
APPELANTS
M. [N] [O]
né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 6]
Représenté par Me Laure CHATAIN de la SELARL CABINET D’AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA
M. [I] [W]
né le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Laure CHATAIN de la SELARL CABINET D’AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA
M. [E] [C]
né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Laure CHATAIN de la SELARL CABINET D’AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
S.E.L.A.R.L. MARY-LAURE GASTAUD, ès qualités de mandataire liquidateur des SCI EMAPHY – JALYLE,
Siège social : [Adresse 7]
Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D’AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 5 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l’article R 123-14 du code de l’organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
Par acte sous seing privé en date du 10 mai 2004, M. [O], M. [W] et M. [C] ont constitué une société civile, dénommée Société civile immobilière Jalyle, dont le capital social fixé à 120.000 FCFP, a été divisé en vingt-quatre parts sociales, réparties comme suit :
– M. [O] : 8 parts sociales,
– M. [W] : 8 parts sociales,
– M. [C] : 8 parts sociales.
La SCI Jalyle détient l’intégralité du capital social de la SCI Emaphy, société immatriculée le 5 décembre 2003 et ayant une activité de marchand de biens immobiliers.
Par un jugement en date du 8 juin 2009, le tribunal de première instance de Nouméa a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SCI Jalyle.
Par un autre jugement en date du 8 juin 2009, le tribunal de première instance de Nouméa a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SCI Emaphy.
Selon jugement du 7 juin 2010, le tribunal de première instance de Nouméa, sur saisine d’office, a constaté la confusion de patrimoine existant entre ces deux sociétés et a ordonné la jonction des procédures de redressement judiciaire ouvertes à l’égard de la SCI Emaphy et de la SCI Jalyle.
Par un autre jugement du 7 juin 2010, ce même tribunal a arrêté « un plan de redressement de la SCI Emaphy, au regard de la confusion de son patrimoine avec celui de la SCI Jalyle prononcé ce jour, organisant la continuation de l’entreprise ».
Par jugement du 4 mai 2015, le tribunal de première instance de Nouméa a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI Jalyle et désigné la selarl Gastaud en qualité de liquidateur.
Selon jugement du 18 mars 2019, le tribunal de première instance de Nouméa, à la demande la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Jalyle, a :
– constaté la confusion des patrimoines des SCI Emaphy et Jalyle,
– prononcé l’extension à la SCI Emaphy de la liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la SCI Jalyle par jugement du 4 mai 2015,
– dit qu’une procédure de liquidation unique serait suivie contre ces deux sociétés, avec les mêmes organes.
Par requête introductive d’instance déposé le 21 juin 2018, la selarl Gastaud, « ès qualités de liquidateur de la SCI Emaphy / Jalyle » a introduit devant le tribunal de première instance de Nouméa une action en recouvrement de leur quote-part des pertes sociales des deux sociétés, dirigée contre MM. [O], [W] et [C].
Les défendeurs ont soulevé l’irrecevabilité de la demande de la selarl Gastaud aux motifs que sa mission avait pris fin « en septembre 2016 », en l’absence de décision motivée de prorogation et que la contribution aux pertes de chaque associé ne pouvait être établie qu’au moment de la clôture des opérations de liquidation judiciaire.
Par jugement en date du 19 octobre 2020, la juridiction saisie a :
– déclaré l’action introduite par la selarl Gastaud recevable,
– condamné M. [O], M. [W] et M. [C] à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur des SCI Emaphy – Jalyle, la somme de 106.218.788 FCFP chacun, représentant un tiers des pertes sociales des sociétés Emaphy – Jalyle, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018,
– condamné M. [O], M. [W] et M. [C] à payer chacun à la selarl Gastaud, ès qualités, une somme de 150.000 FCFP, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné la capitalisation des intérêts,
– condamné solidairement M. [O], M. [W] et M. [C] aux dépens.
Le premier juge a principalement retenu :
– que les fonctions du liquidateur judiciaire n’ayant pas cessé de plein droit malgré l’absence de prorogation du délai fixé en application de l’article L 643-9 du code du commerce, la selarl Gastaud était recevable à agir, sur le fondement de l’article 1832 du code civil, contre les associés ;
– que les pertes sociales des sociétés Emaphy – Jalyle s’élevaient à la somme de 318.656.363 FCFP ;
– que chaque associé, qui détenait huit parts sociales sur les vingt-quatre parts composant le capital social, devait supporter un tiers des pertes sociales.
Par requête déposée le 30 octobre 2020, MM. [O], [W] et [C] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions transmises le 28 octobre 2022, MM. [O], [W] et [C] demandent à la cour de :
– dire leur appel recevable et bien fondé ;
– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
à titre principal,
– débouter la selarl Gastaud de l’intégralité de ses demandes ;
à titre subsidiaire,
– limiter la condamnation de M. [O], M. [W] et M. [C] à la somme de 34.517.491 FCFP, en deniers ou quittance ;
– condamner la selarl Gastaud à payer à M. [O], M. [W] et M. [C] la somme de 150.000 FCFP chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, outre les dépens dont distraction au profit de la selarl Cabinet d’affaires calédonien.
Selon conclusions transmises le 31 août 2022, la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Emaphy et Jalyle, prie la cour de :
– dire et juger recevable mais non fondé l’appel formé par MM. [O], [W] et [C] ;
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– condamner solidairement MM. [O], [W] et [C] à régler, au profit de la liquidation judiciaire des SCI Emaphy – Jalyle, la somme de 650.000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la selarl D&S Légal.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 février 2023.
Sur ce, la cour,
1) Les appelants arguent de l’irrecevabilité de l’action introduite par la selarl Mary Laure Gastaud à leur encontre au motif que l’action en paiement prévue par l’article 1857 du code civil n’est pas ouverte au liquidateur judiciaire puisqu’il n’est pas un créancier des sociétés Jalyle et Emaphy. Le moyen n’est pas pertinent dans la mesure où la selarl Mary Laure Gastaud n’invoque par le bénéfice de l’article 1857 du code civil mais indique exercer l’action en fixation de la contribution des associés aux pertes sociales ouverte par l’article 1832 du code civil.
2) En outre, ils excipent de l’irrecevabilité de l’action en comblement de passif menée sur le fondement de l’article 1832 du code civil au motif que la selarl Gastaud a introduit cette action avant même que la SCI Emaphy fût en liquidation judiciaire.
Il est admis que le liquidateur judiciaire est recevable à agir, sur le fondement de l’article 1832 du code civil, contre les associés d’une société civile en fixation de leur contribution aux pertes sociales.
Il résulte de la requête introductive d’instance déposée le 21 juin 2018 que l’action a été introduite par la selarl Mary Laure Gastaud « agissant ès qualités de liquidateur de la SCI Emaphy / Jalyle désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de première instance de Nouméa du 4 mai 2015. »
Or, à cette date, la selarl Mary Laure Gastaud n’avait pas la qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Emaphy. Elle ne l’aura que le 18 mars 2019, lorsque le tribunal de première instance de Nouméa prononcera l’extension à la SCI Emaphy de la liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la SCI Jalyle par jugement du 4 mai 2015.
Cette régularisation permise par l’article 126 du code de procédure civile n’a pas rétroactivement conféré à la selarl Mary Laure Gastaud la qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Emaphy à la date du 21 juin 2018. Le premier juge n’a été régulièrement saisi de l’action en fixation de la contribution de MM. [O], [W] et [C] aux pertes des sociétés SCI Emaphy et Jalyle qu’à la date du 18 mai 2020, date à laquelle la selarl Mary Laure Gastaud a transmis ses conclusions récapitulatives.
3) Certes, les appelants établissent avoir conclu avec la société Banque calédonienne d’investissement, principale créancière de la société Emaphy (créance de 293.804.934 FCFP) une transaction par laquelle la banque s’est engagée, en cas de paiement d’une somme de 59.000.000 FCFP, à consentir « un abandon de créance à hauteur du surplus des sommes dues en principal, à savoir 139.804.934 FCFP ».
Toutefois, ainsi que le note le mandataire liquidateur, aucun abandon de créance n’a, à ce jour, été enregistré par la procédure collective au passif de laquelle sont toujours enregistrées les créances déclarées par la banque. Il n’y a pas lieu de tenir compte de cet éventuel abandon de créance pour le calcul de la contribution des associés.
En l’état de la situation de passif et de la comptabilité de mandat soumises à la cour, les pertes sociales s’établissent à (741.778.446 – 322.529.023) – 117.311.756 + 539.742 = 302.477.409 FCFP. Chaque associé détenant un tiers du capital social de Jalyle, sa contribution aux pertes est de 100.825.803 FCFP.
Par ces motifs
La cour,
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [O] à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur des SCI Emaphy – Jalyle, la somme de 100.825.803 FCFP, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2020 et capitalisation des intérêts selon les modalités prévues par l’article 1154 du code civil ;
Condamne M. [W] à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur des SCI Emaphy – Jalyle, la somme de 100.825.803 FCFP, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2020 et capitalisation des intérêts selon les modalités prévues par l’article 1154 du code civil ;
Condamne M. [C] à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur des SCI Emaphy – Jalyle, la somme de 100.825.803 FCFP, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2020 et capitalisation des intérêts selon les modalités prévues par l’article 1154 du code civil ;
Déboute la selarl Gastaud, ès qualités, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne MM. [O], [W] et [C] aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la selarl D&S Légal.
Le greffier, Le président.