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COUR D’APPEL DE [Localité 7]
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 26 JUIN 2023
N° RG 19/06268 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKXL
[F] [M]
[V] [O]
c/
[J] [G]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de [Localité 7] (chambre : 7, RG : 18/09573) suivant déclaration d’appel du 29 novembre 2019
APPELANTES :
[F] [M]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
[V] [O]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 5]
Représentés par Me Stéphane MESURON de la SELARL CAPLAW, avocat au barreau de [Localité 7]
INTIMÉ :
[J] [G]
né le 26 Février 1966 à [Localité 8]
de nationalité Française
Profession : Dirigeant de société,
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Fabienne LACOSTE de la SELARL FABIENNE LACOSTE, avocat au barreau de [Localité 7]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Rémi FIGEROU, conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : M. Rémi FIGEROU
Conseiller : M. Alain DESALBREs
Conseiller :M. Rémi FIGEROU
Greffier : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte authentique du 28 août 2014, Mme [F] [M] et Madame [V] [O] ont vendu à M. [J] [G], un appartement au sein d’une copropriété, situé [Adresse 4] à [Localité 7].
Se plaignant d’avoir été trompé par les vendeurs, au motif que ces derniers avaient réalisé des travaux qui ne respectaient pas le plan local d’urbanisme et le plan d’occupation des sols, M. [G] a, par actes d’huissier du 29 octobre 2018, saisi le tribunal de grande instance de [Localité 7] d’une action estimatoire fondée sur les articles 1641 et suivants du code civil, et à titre subsidiaire sur le dol.
Par jugement du 18 septembre 2019, le tribunal de grande instance de [Localité 7] a :
– débouté M. [G] de son action estimatoire en réduction du prix et en dommages et intérêts fondée sur la garantie des vices cachés,
– dit n’y avoir lieu à examiner en conséquence les fins de non-recevoir soulevées,
– constaté le dol,
– condamné solidairement Mme [M] et Mme [O] à payer à M. [G] la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la perte de chance de celui-ci,
– débouté M. [G] du surplus de ses demandes en dommages et intérêts,
– condamné solidairement Mme [M] et Mme [O] à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné solidairement Mme [M] et Mme [O] à payer les dépens,
– admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Mesdames [M] et [O] ont relevé appel de ce jugement le 29 novembre 2019.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 10 novembre 2021, Mesdames [M] et [O] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1616 et suivants, 1622, 1641 et 1648 du code civil :
– de les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,
– d’infirmer le jugement du tribunal de grande instance de [Localité 7] du 18 septembre 2019 en toutes ses dispositions,
– de débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– de condamner M. [G] au paiement d’une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 juin 2021, M. [G] demande à la cour sur le fondement des articles 1137, 1241-1, 1626, 1641, 1644, 1645, 1648 du code civil et 642 du code de procédure civile :
– de juger l’appel de Mesdames [M] et [O] non fondé,
À titre principal,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’existence de man’uvres dolosives de la part de Mesdames [M] et [O],
– d’infirmer le jugement sur le montant des dommages et intérêts accordés à M. [G] en réparation de son préjudice et le porter à la somme globale de 77 627,23 euros répartie comme suit :
– 41 587 euros en réparation de la perte de chance de contracter à des conditions plus favorables,
– 23 510,23 euros en réparation de la perte de chance liée au coût des travaux qu’il devra effectuer pour mettre l’appartement en conformité,
– 12 530 euros en réparation de la perte de chance de percevoir des loyers,
À titre subsidiaire,
in limine litis,
– de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par Mesdames [M] et [O],
– de juger que l’action en garantie des vices cachés introduite par M. [G] est recevable et bien fondée, le bien vendu étant affecté de vice dont les venderesses, professionnelles de l’immobilier et qui ne peuvent s’exonérer de leur garantie, avaient connaissance avant la vente,
en conséquence,
– de condamner in solidum Mesdames [M] et [O] paiement des sommes suivantes :
– au titre de la réduction du prix : 41 587 euros au titre de la perte de surface habitable,
– au titre des dommages intérêts : outre 23 510,23 euros correspondant au coût des travaux de régularisation à intervenir et 12 530 euros au titre de la vacance locative passée et de celle que rendra inéluctable la réalisation des travaux de mise en conformité,
En tout état de cause,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mesdames [M] et [O] à verser à M. [G] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens de première instance,
– de condamner in solidum Mesdames [M] et [O] au paiement d’une somme de 5 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– de condamner in solidum Mesdames [M] et [O] aux entiers dépens, en ce compris les frais liés à l’intervention de l’agence Anamorphose et ceux liés à l’exécution de la décision à intervenir, lesquels pourront faire l’objet d’un recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile par la SELARL Cgavocats, avocats au barreau de [Localité 7], représentée par maître [K] ; ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2023.
MOTIFS
1/ Sur la qualité des vendeurs de l’immeuble
Le tribunal a jugé que Mesdames [M] et [O] n’avaient pas la qualité de professionnelles de l’immobilier dans la mesure où le bien litigieux avait été vendu dans un but privé, s’agissant de la vente de leur domicile personnel.
M. [G] considère au contraire que les appelants auraient la qualité de professionnelles de l’immobilier en raison de leurs professions, du fait qu’elles ne sont restées propriétaires du bien que 4 mois, soit la durée des travaux irréguliers qu’elles ont entrepris pour revendre l’immeuble avec une plus-value, qu’elles ont sollicité les autorisations pour ces travaux avant même d’en être propriétaires, qu’elles n’ont pas habité cet immeuble, que c’est Mme [O] elle-même qui a rédigé les actes de vente, que pour sa part l’annonce publiée sur le site « le bon coin » émane de l’agence de Mme [M], et qu’ainsi elles ont réalisé une opération de marchand de biens.
Les appelantes contestent une telle qualité faisant valoir qu’elles ont simplement vendu le bien litigieux dans un seul but privé.
***
La jurisprudence apprécie la qualité de professionnel de l’immobilier d’une partie en fonction de son activité professionnelle, et ce en lien avec le désordre allégué (Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, n° 92-18.227 : JurisData n° 1995-000267 ; Cass. 2e civ., 18 mars 2004, n° 03-10.327 : JurisData n° 2004-022848 ; Cass. 3e civ., 24 oct. 2012, n° 11-18.774 : JurisData n° 2012-024056 ; Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, n° 18-18.469, P+B+I : JurisData n° 2019-018234 )
En l’espèce, les vendeurs de l’immeuble : Mme [M] exerçait au jour de la vente de l’immeuble la profession d’agent immobilier, et Mme [O] celle de notaire.
Si un professionnel de l’immobilier ne saurait être nécessairement un expert de la construction, le vice caché invoqué par M. [G] ne porte pas sur un quelconque désordre de la construction qui échapperait au domaine de compétence des deux appelantes, mais sur la réglementation de la construction qui relève du domaine de la compétence d’un agent immobilier et d’un notaire.
En outre, les appelantes ne démontrent nullement avoir acheté et revendu le bien litigieux à des fins privées, alors qu’elles ne justifient nullement l’avoir personnellement habité durant le court moment où elles en ont été propriétaires, étant relevé que dans l’acte de vente Mme [M] a déclaré être domiciliée, [Adresse 6], et Mme [O], [Adresse 2], à [Localité 7] également.
En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu’il a jugé que Mesdames [M] et [O] ne remplissaient pas les conditions requises pour être qualifiées de professionnelles de l’immobilier.
2/ Sur le dol
Le tribunal a considéré que M. [G] avait été trompé alors que l’annonce postée sur le site « le bon coin » précisait que le bien vendu était un duplex de 31 m² et que les vendeuses avaient vendu le bien tout en étant informés de la non-conformité des travaux qu’elles avaient projetés sans en informer leur acheteur.
Les appelantes soutiennent qu’il n’existe pas de vice du consentement au préjudice de leur acheteur alors que la description du bien vendu figurant dans l’acte authentique d’acquisition, ne fait pas état d’une chambre à l’étage, est limpide et exclusive de toute erreur, et la preuve d’une erreur provoquée n’est pas établie. En outre, la contestation de la surface d’un bien immobilier bénéficie d’un régime propre prévu aux articles 1616 et suivants du code civil si bien que l’action doit être intentée dans l’année qui suit le contrat, soit jusqu’au 28 août 2015 en l’espèce. Par ailleurs, le positionnement de la mezzanine n’affecte en rien son usage normal, et les fenêtres ne sont pas entachées d’un vice les rendant impropre à l’usage auxquelles on les destine.
M. [G] soutient que le dol est constitué alors que ses venderesses ont sciemment vendu le bien pour 28,48 m2 de surface habitable alors qu’elles avaient été alertées à deux reprises que la mezzanine ne constituerait pas une surface habitable. La surface habitable réellement vendue est de 20,02 m2 et non de 28,48 m2. L’information dissimulée était indiscutablement un élément déterminant de son consentement puisque la perte de surface habitable de près de 30% augmente le prix au mètre carré et il aurait contracté à des conditions plus avantageuses s’il avait été informé que la mezzanine ne constituait pas de la surface habitable et ne pouvait être utilisée ou louée comme chambre. En outre, Mesdames [M] et [O] ont fait construire la mezzanine et réalisé des travaux sur les menuiseries extérieures sans déposer de déclaration préalable, et se sont abstenues pendant 20 mois de l’informer des non conformités, de la procédure pénale qui les visait et des multiples déclarations préalables déposées afin de tenter de régulariser leur infraction. Ces agissements sont constitutifs d’une réticence dolosive.
***
L’article 1116 du code civil dispose : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
Les appelantes ont mis leur bien en vente et ont fait paraitre à cette fin une annonce sur le site le bon coin qui le présentait comme un T2 en duplex d’une surface de 32 m², et au jour de la vente le 28 août 2014, elles n’ont pas informé leur acheteur que les travaux qu’elles avaient réalisés dans ce bien n’étaient pas conformes pour ne pas avoir respecté les prescriptions administratives et qu’ils avaient donné lieu à l’établissement de procès-verbaux d’infraction et à des poursuites pénales.
En s’abstenant de faire connaitre à M. [G] ces différentes difficultés Mesdames [M] et [O] l’ont délibérément trompé.
Par ailleurs, Mesdames [M] et [O] ont elles-mêmes acheté ce même appartement quelques mois plus tôt alors qu’il présentait une surface habitable de 22,10 m².( cf : pièce n° 32 de l’intimé)
Elles l’ont revendu à M. [G] le 28 août 2014, et il est alors indiqué dans le nouvel acte que l’appartement présentait une superficie de 28, 48 m².
La différence de surface ne peut s’expliquer que par l’ajout de la mezzanine litigieuse.
Or, il résulte de l’expertise du cabinet Anamorphoses que la mezzanine n’était pas une surface habitable et ne pouvait être utilisé qu’à titre de combles ( cf : pièce n° 11 de l’intimée)
Malgré tout, dans son courriel du 18 avril 2017, Mme [O] persistait à affirmer à M. [G] que la mezzanine constituait bien « de la surface habitable ».
En toute hypothèse, M. [G] a été trompé sur la régularité des travaux réalisés par les appelantes mais également sur la surface qui lui était vendu, et l’action de l’article 1616 du code civil n’exclut pas le dol.
En conséquence le jugement doit être confirmé en retenant que le consentement de l’acheteur avait été obtenu au moyen d’un dol alors qu’il lui avait été dissimulé que les autorisations administratives nécessaires à la réalisation de la mezzanine n’avaient pas été délivrées et que la surface du bien vendu ne correspondait pas à la réalité.
3/ Sur les préjudices subis par M. [G]
Le tribunal a fixé le préjudice de M. [G] à la somme de 28 000 euros au titre de sa perte de chance, et l’a débouté de ses autres demandes.
Les appelantes considèrent que le préjudice invoqué par M. [G] est purement hypothétique, et soutiennent qu’à titre subsidiaire, l’évaluation financière doit être arbitrée par des experts, sur le fondement de l’article 1644 ancien du code civil, alors que l’intimé ne peut fixer unilatéralement le montant de la prétendue dépréciation du prix de vente de l’appartement. Enfin, son évaluation du coût des travaux est incohérente et disproportionnée.
M. [G] fait notamment valoir que sa perte de chance doit être fixée à la somme de 41 587 euros. Il fait en outre valoir qu’il est tenu de procéder aux travaux imposés par la mairie, ce qui représentent une somme de 23 510,23 euros selon l’agence Anamorphoses. Enfin, il a subi un manque à gagner de 11 840 euros au titre de la vacance locative, ajoutant à cela la somme de 690 euros pour le mois de vacance locative à prévoir pour la réalisation des travaux.
***
Les fautes commises par les appelantes causent un préjudice à leur acheteur, consistant en la perte de chance de vendre son bien immobilier au même prix que celui auquel il l’a acheté, pour une surface moindre.
Il convient de l’apprécier sur la seule valeur du bien immobilier qui a été vendu pour la somme de 138 000 euros.
Le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant à la somme de 28 000 euros.
En revanche, il y a lieu de réformer le jugement déféré au titre des travaux de mise en conformité des fenêtres de l’appartement et ainsi d’homologuer le devis établi par la société Kit menuiseries pour un montant de 5164,23 euros au titre de tels travaux, l’intimé ne démontrant pas la nécessité des autres travaux.
Il y a lieu également de l’indemniser au titre de la perte d’un mois de loyer pendant la réalisation des travaux de mise en conformité des menuiseries, et ainsi de réformer également le jugement sur ce point.
4/ Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Les appelantes succombant en leur appel seront condamnées aux dépens et à verser à l’intimé la somme complémentaire de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande au titre des travaux de mise en conformité de l’appartement, et en ce qu’il a jugé que les appelantes n’avaient pas la qualité de professionnelles de l’immobilier et statuant de ces chefs réformés :
Dit que Mesdames [M] et [O] avaient au jour de la vente la qualité de professionnelles de l’immobilier,
Condamne Mesdames [M] et [O], ensemble à payer M. [J] [G] la somme de 5164,23 euros au titre des travaux de mise en conformité, et celle de 740 euros au titre de la perte d’un mois de loyer, y ajoutant :
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne Mesdames [M] et [O], ensemble à payer M. [J] [G] la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mesdames [M] et [O], ensemble aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme Paule POIREL, président, et par Mme Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,