Marchand de Biens : décision du 25 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 19-25.513

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Marchand de Biens : décision du 25 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 19-25.513
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COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation sans renvoi

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 334 F-B

Pourvoi n° Z 19-25.513

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022

Mme [R] [Y], domiciliée chez Dr [S] [K] [H], [Adresse 5] (Mexique), venant aux droits de [E] [X], a formé le pourvoi n° Z 19-25.513 contre l’arrêt rendu le 8 octobre 2019 par la cour d’appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l’opposant au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 7], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mme [Y], venant aux droits de [E] [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l’audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d’instance

1. Il est donné acte à Mme [R] [Y] de ce qu’elle reprend l’instance, en qualité d’héritière de [E] [X], décédée le [Date décès 4] 2020.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 8 octobre 2019), à la suite du décès de [J] [X], survenu le [Date décès 1] 2010, sa fille, [E] [X], a déposé une déclaration de succession dans laquelle elle a revendiqué, s’agissant des parts de la société [X] entreprises, qu’elle a qualifiée de holding animatrice de groupe, le bénéfice de l’exonération partielle des droits de succession à hauteur de 75 % de la valeur de ces parts, prévue à l’article 787 B du code général des impôts, en prenant l’engagement de les conserver pendant une durée de quatre ans à compter de leur transmission.

3. L’administration fiscale, remettant en cause cette exonération partielle au motif que, dès le 3 décembre 2010, la société [X] entreprises avait cédé ses participations dans certaines de ses filiales et que l’activité de la holding était devenue purement financière, a notifié à [E] [X] une proposition de rectification le 30 septembre 2013.

4. Après rejet de sa réclamation contentieuse, [E] [X] a assigné l’administration fiscale en décharge des rappels d’imposition réclamés.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [Y] fait grief à l’arrêt de rejeter les demandes de [E] [X] tendant à la décharge des droits de succession et des intérêts de retard mis en recouvrement à son encontre et au remboursement des sommes versées, soit 1 666 488 euros, alors « que la condition tenant à ce qu’une société holding anime son groupe de sociétés, à laquelle est subordonné le bénéfice de l’exonération partielle de droits de mutation prévue par l’article 787 B du code général des impôts en cas de transmission de ses parts à titre gratuit, ne doit être remplie qu’à la date de cette transmission et non postérieurement ; qu’en considérant que [E] [X] ne pouvait bénéficier de cette exonération partielle, du fait que la société holding [X] entreprises, dont une partie des parts lui avait été transmise, aurait perdu, postérieurement à cette transmission, la qualité d’animatrice du groupe de sociétés dans lesquelles elle détenait des participations et qui était la sienne à la date de cette transmission, la cour d’appel a violé l’article 787 B du code général des impôts et l’instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 :

6. Selon ce texte, les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs sont, à condition qu’elles aient fait l’objet d’un engagement collectif de conservation présentant certaines caractéristiques, et d’un engagement individuel de conservation pendant une durée de quatre ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif, exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur.

7. Est assimilée à une telle société la société holding qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le caractère principal de son activité d’animation de groupe devant être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total.

8. Pour dire fondée la remise en cause, par l’administration fiscale, de l’exonération partielle de droits de succession à laquelle prétendait [E] [X], l’arrêt, après avoir relevé qu’il n’était pas contesté que la société [X] entreprises était, au jour du décès de [J] [X], une holding animatrice d’un groupe de sociétés dont elle assurait le pilotage, et déduit que les héritiers de [J] [X] pouvaient utilement revendiquer le bénéfice des dispositions de l’article 787 B du code général des impôts, énonce cependant que, s’agissant d’une société holding, le bénéfice de l’avantage fiscal accordé par ce texte ne peut se concevoir, au regard de l’objectif fixé par le législateur, et, sauf à vider la loi de sa substance, que si ladite société conserve, pendant la durée exigée, sa fonction d’animation d’un groupe formé de filiales, lesquelles doivent, sauf circonstances indépendantes de leur volonté, comme c’est le cas, par exemple, dans l’hypothèse d’une procédure collective, conserver une activité économique. Il énonce ensuite que rien n’impose que le périmètre de ce groupe demeure immuable et qu’un changement d’activité économique peut être envisagé, sous réserve que la holding conserve, à l’égard de ses nouvelles filiales, son rôle d’animation.

9. Il en déduit que l’administration fiscale est fondée à soutenir que la perte, par la société [X] entreprises, de sa fonction d’animatrice de groupe avant l’expiration du délai légal de conservation des parts rend la transmission de ces parts inéligible à l’exonération partielle, faute de satisfaire aux conditions légales.

10. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte des constatations des juges du fond que la société [X] entreprises était, au jour du décès de [J] [X], une société holding animatrice d’un groupe de sociétés, que [E] [X] a conservé les titres de cette société pendant la période de son engagement, soit quatre années, et que les dirigeants, MM. [I] et [P] [X], sont demeurés à la tête de cette société pendant la durée requise de trois ans, de sorte que [E] [X] remplissait les conditions pour bénéficier de l’exonération partielle de droits de succession, prévue à l’article 787 B du code général des impôts, sur la valeur des parts de la société [X] entreprises dont elle a hérité.

14. Il convient, dès lors, d’annuler la décision de rejet de la réclamation de [E] [X] et de prononcer la décharge des rappels de droits d’enregistrement mis en recouvrement.

 


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