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COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/01/2024
Me Estelle GARNIER
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
ARRÊT du : 25 JANVIER 2024
N° : 20 – 24
N° RG 21/01282
N° Portalis DBVN-V-B7F-GLLF
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 08 Avril 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265260026184938
Organisme DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
Agissant poursuites et diligences du Directeur des Finances Publiques de PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR et du département des BOUCHES DU RHONE, représentant légal en application du décret n°2016-1099 du 11 août 2016 et de l’arrêté du 22 août 2016 du Ministère des Finances et des Comptes Publics publié au journal officiel du 30 août 2016
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d’ORLEANS
D’UNE PART
INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265268975079115
S.A.S. OCEANIS J.V.
Prise en la personne de son président domicilié ès-qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Ayant pour avocat postulant Me Sophie GATEFIN, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Christophe FEBVRE, membre de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 22 Avril 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 12 Octobre 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 23 NOVEMBRE 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 25 JANVIER 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon acte du 5 janvier 2007, la SNC Marguerite de Valois a acquis un ensemble immobilier composé de six bâtiments situé à [Localité 8] (Loire-et-Cher), [Adresse 5], à l’intérieur du périmètre de la ZAC de la caserne [9], cadastré section CW numéro [Cadastre 4] lieu-dit Boulevard Carnot et CW numéro [Cadastre 6] lieu-dit [Adresse 5].
La SNC Marguerite de Valois ayant pris l’engagement de revendre l’un de ces bâtiments dans les quatre ans de son achat et d’effectuer, dans ce même délai de quatre ans, des travaux de rénovation, de réhabilitation et de construction sur les autres bâtiments, l’opération a bénéficié de régimes de faveur sur les taxes de
mutation. La partie du prix portant sur l’immeuble à revendre a été soumise au tarif réduit des taxes de mutation prévu à l’article 1115 du code général des impôts et la partie du prix correspondant à l’acquisition des autres bâtiments a été exonérée de taxe de publicité foncière en application des dispositions de l’article 1594-OG du même code.
La société Oceanis J.V., qui exerce une activité de promotion immobilière de logement et, notamment, une activité de marchand de biens, qui est immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Montpellier, où elle a son siège, a acquis l’intégralité des parts de la SNC Marguerite de Valois le 13 octobre 2011.
Selon acte enregistré le 18 octobre 2011 au service des impôts des entreprises de Montpellier Sud-Est, la société Oceanis J.V. a procédé à la dissolution sans liquidation de la SNC Marguerite de Valois dont elle était devenue l’associée unique.
Par le seul effet de la loi (art. 1844-5 du code civil), cette dissolution a entraîné la transmission universelle du patrimoine de la SNC à la société Oceanis J.V.
Du 24 octobre 2013 au 9 avril 2014, la société Oceanis J.V. a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à la suite de laquelle l’administration fiscale a considéré que, faute de réalisation des travaux de construction dans les délais requis, l’impôt dont avait été exonérée la SNC Marguerite de Valois, aux droits de laquelle se trouve la société Oceanis J.V., devenait exigible, et a en conséquence adressé à cette dernière société, le 29 avril 2014, une proposition de rectification au titre de la taxe de publicité foncière et des droits d’enregistrement.
Ensuite de la contestation de cette proposition de rectification, l’administration fiscale a adressé à la société Oceanis J.V. une nouvelle proposition de rectification en date du 19 septembre 2016, annulant et remplaçant celle du 29 avril 2014.
La société Oceanis J.V. a présenté ses observations le 18 novembre 2016.
L’administration fiscale a indiqué maintenir sa position par courrier du 3 juillet 2017, puis a émis le 3 avril 2018 un avis de mise en recouvrement d’un montant de 173’015 euros, notifié à la société Oceanis sous pli recommandé réceptionné le 5 avril 2018.
La réclamation contentieuse formulée le 10 septembre 2018 par la société Oceanis J.V. ayant été rejetée le 20 décembre suivant, ladite société a fait assigner la Direction générale des finances publiques, prise en la personne du directeur des finances publiques de la région Occitanie, devant le tribunal de grande instance de Blois par acte du 22 février 2019, aux fins de voir déclarer non fondée la décision du 20 décembre 2018, juger nul et de nul effet l’avis de mise en recouvrement en cause, obtenir la décharge de l’imposition et des pénalités contestées, en contestant la procédure de rectification puis en se prévalant, au fond, de la «’déconfiture’» du groupe SNS auquel elle appartenait, constitutive selon elle d’un cas de force majeure l’ayant empêchée de respecter son engagement de construire.
Par jugement du 8 avril 2021, le tribunal judiciaire de Blois a’:
– déclaré nul et de nul effet l’avis de mise en recouvrement en date du 3 avril 2018 délivré par la Direction générale des finances publiques de la région Occitanie à la SAS Oceanis J.V., portant sur des droits et majorations de retard d’un montant total de 173’015 euros,
– prononcé la décharge de l’imposition de la taxe foncière, des taxes additionnelles et des majorations visées par l’avis de mise en recouvrement en date du 3 avril 2018 adressé par la Direction générale des finances publiques de la région Occitanie à la SAS Oceanis J.V., d’un montant total de 173’015 euros,
– condamné l’Etat à rembourser à la SAS Oceanis J.V. les dépens mentionnés à l’article R. 207-1 du livre des procédures fiscales,
– condamné à l’Etat à payer à la SAS Oceanis J.V. la somme de 1’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer comme ils l’ont fait, en s’appropriant les motifs de la demanderesse, les premiers juges ont retenu que le réhaussement résultant, selon eux, de la vérification de comptabilité de la société Oceanis J.V., n’avait pas été notifié par l’administration fiscale conformément à la procédure spécifique prévue aux articles L. 47 et suivants du livre des procédures fiscales, en ce que ladite société a été privée de la possibilité d’un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.
Ils ont ajouté que la société Oceanis J.V. n’avait pu bénéficier de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, puisqu’elle n’avait pas été mise en mesure d’exercer les recours hiérarchiques prévus par cette charte, consistant dans la possibilité de s’adresser à l’inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l’interlocuteur spécialement désigné par le directeur des services fiscaux, ce tant pendant les opérations de contrôle sur place que postérieurement à celles-ci.
Ils ont considéré que ces atteintes aux droits du contribuable constituaient des irrégularités substantielles qui entachaient de nullité la «’procédure d’imposition’» et, en conséquence, les rectifications notifiées à la société Océanis J.V. Ils en ont déduit que l’avis de mise en recouvrement du 3 avril 2018 devait être annulé.
Les premiers juges ont ajouté que par application de l’article 350 terdecies III de l’annexe III du code général des impôts, applicable aux contrôles réalisés dans le cadre d’une vérification de comptabilité, la direction du contrôle fiscal Sud-Pyrénées était compétente, contrairement à ce que soutenait la société Oceanis J.V., pour effectuer un réhaussement de taxe de publicité foncière portant sur un immeuble situé dans le Loir-et-Cher.
Après avoir annulé l’avis de mise en recouvrement pour les motifs qui viennent d’être exposés, les premiers juges ont statué sur le bien-fondé de la rectification.
Ils ont alors commencé par indiquer que l’exonération initiale prévue à l’article 1594-0[G] n’a pas à être remise en cause quand le contribuable qui en a bénéficié s’est trouvé dans l’impossibilité de respecter son engagement de construire en raison d’un cas de force majeure et ont retenu qu’au cas particulier, le non-respect de l’engagement de construire pris par la société Oceanis J.V. trouvait sa cause dans le désengagement financier du Groupe SNS, lui-même lié à la déconfiture de cet
établissement financier néerlandais, dont ils ont retenu qu’elle présentait les caractères d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité constitutifs d’un évènement de force majeure.
Ils en ont conclu qu’il convenait de prononcer la décharge de l’imposition litigieuse.
La Direction générale des finances publiques, prise la personne du directeur des finances publiques de Provence Alpes Côte d’Azur et des Bouches du Rhône, a relevé appel de cette décision par déclaration du 22 avril 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 décembre 2021 par voie électronique, la Direction générale des finances publiques demande à la cour de’:
– déclarer son appel recevable et bien fondé, et y faire droit,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois en date du 8 avril 2021 (N°RG 19/01197) en ce qu’il a déclaré que la DIRCOFI Sud-Pyrénées était bien compétente pour effectuer le contrôle,
– l’infirmer sur les autres points et notamment en ce qu’il a’:
* déclaré nul et de nul effet l’avis de mise en recouvrement en date du 3 avril 2018 délivré par la Direction générale des finances publiques de la région Occitanie à la SAS Oceanis J.V., portant sur des droits et majorations de retard d’un montant total de 173’015 euros,
* prononcé la décharge de l’imposition de la taxe foncière, des taxes additionnelles et des majorations visées par l’avis de mise en recouvrement en date du 3 avril 2018 adressé par la Direction générale des finances publiques de la région Occitanie à la SAS Oceanis J.V., d’un montant total de 173’015 euros,
* condamné l’Etat à rembourser à la SAS Oceanis J.V. les dépens mentionnés à l’article R. 207-1 du livre des procédures fiscales,
* condamné à l’Etat à payer à la SAS Oceanis J.V. la somme de 1’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau’:
– déclarer la SAS Oceanis J.V. mal fondée en toutes ses demandes, fins et contestations, et l’en débouter,
– confirmer la décision de rejet du 20 décembre 2018,
– déclarer l’imposition fondée,
– ordonner que les frais entraînés par la constitution de l’avocat de la SAS Oceanis J.V. resteront à sa charge,
– condamner la SAS Oceanis J.V. à payer à la Direction générale des finances publiques une somme de 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2021 par voie électronique, la société Oceanis J.V. demande à la cour, au visa des articles 1594-O-G du code général des impôts, L. 47 et suivants du livre des procédures fiscales, 350 terdecies de l’annexe 3 du code général des impôts, R.256-1 du livre des procédures fiscales, et 700 du code de procédure civile, de’:
– déclarer la Direction générale des finances publiques mal fondée en son appel et l’en débouter,
– confirmer la décision du tribunal judiciaire de Blois rendue le 8 avril 2021 dans toutes ses dispositions, en ce qu’elle a’:
* déclaré nul et de nul effet l’avis de mise en recouvrement en date du 3 avril 2018 délivré par la Direction Générale des Finances Publiques de la région Occitanie à la SAS Oceanis J.V., portant sur des droits et majorations de retard d’un montant total de 173’015 euros,
* prononcé la décharge de l’imposition de la taxe foncière, des taxes additionnelles et des majorations visées par l’avis de mise en recouvrement en date du 3 avril 2018 adressé par la Direction Générale des Finances Publiques de la région Occitanie à la SAS Oceanis J.V., d’un montant total de 173’015 euros,
* condamné l’Etat à rembourser à la SAS Oceanis J.V. les dépens mentionnés à l’article R.207-1 du livre des procédures fiscales,
En conséquence’:
– déclarer irrégulière la procédure de rectification fiscale dirigée à l’encontre de la société Oceanis J.V., notamment en ce qu’elle’:
– ne respecte pas les droits et garanties du contribuable vérifié,
– est fondée sur un contrôle fiscal antérieur irrégulier,
– ne respecte pas les règles de compétences territoriales fiscales,
– est insuffisamment motivée quant aux impôts visés par l’avis de mise en recouvrement,
– déclarer non fondée la décision du 3 avril 2018 de la Direction générale des finances publiques de [Localité 8],
– dire nul et de nul effet l’avis de mise en recouvrement dont il s’agit,
– accorder la décharge des impositions et des pénalités contestées avec toutes les conséquences de droit,
– débouter la Direction Générale des Finances Publiques, prise en la personne du directeur régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône de l’ensemble de ses prétentions,
– condamner l’Etat à payer à la société Oceanis J.V. la somme de 3’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, représentant les frais non compris dans les dépens,
– condamner l’Etat à payer les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 12 octobre 2023, pour l’affaire être plaidée le 23 novembre suivant et mise en délibéré à ce jour.
SUR CE, LA COUR :
La cour observe à titre liminaire qu’en dépit des contestations qu’elle développe dans le corps de ses écritures, la société Oceanis J.V. ne formule au dispositif [partie finale] de ses dernières conclusions qui, seul, saisit la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile, aucune prétention tendant à voir déclarer le service à l’origine du contrôle territorialement incompétent. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur ce point qui n’a pas non plus été dévolu à la cour par la déclaration d’appel de
l’administration fiscale.
Sur la demande de décharge tirée de l’irrégularité de la procédure de rectification :
Comme l’indique la société Oceanis J.V., une procédure de rectification peut intervenir à la suite d’un contrôle sur pièces, ou d’opérations de contrôle approfondies, telle une vérification de comptabilité.
Il est constant, en l’espèce, que la société Oceanis JV a fait l’objet d’une vérification de comptabilité du 24 octobre 2013 au 9 avril 2014.
Ensuite de cette vérification, l’administration fiscale a adressé à la société concernée une proposition de rectification numéro 3924-V-SD datée du 29 avril 2014, produite par l’appelante en pièce 8, intitulée «’proposition de rectification suite à une vérification de comptabilité’», laquelle portait exclusivement sur le résultat susceptible d’être taxé à l’impôt sur les sociétés.
Le même jour, l’administration fiscale a adressé à la société Oceanis J.V. une proposition de rectification distincte, numérotée 2120-SD, portant quant à elle sur la taxe de publicité foncière ou les droits d’enregistrement.
Ensuite de la contestation de cette proposition de rectification, l’administration fiscale a adressé à la société Oceanis J.V. une proposition de rectification annulant et remplaçant la proposition de rectification n° 2120-SD du 29 avril 2014, datée du 19 septembre 2016, laquelle constitue la proposition de rectification litigieuse.
Les rectifications concernées par cette proposition, relatives à la taxe de publicité foncière et aux taxes additionnelles à la taxe de publicité foncière, «’tirent les conséquences’», ainsi qu’il est indiqué en page 3 de ladite proposition rectificative, «’des renseignements recueillis au cours de la vérification de comptabilité de la société Oceanis J.V. qui s’est déroulée du 24 octobre 2013 au 9 avril 2014 et de la consultation de la base nationale des données patrimoniales (BNDP)’».
La rectification litigieuse ne porte donc pas sur la mise en ‘uvre d’une vérification de comptabilité, mais sur un contrôle sur pièces réalisé à partir d’éléments recueillis dans le cadre d’une vérification de comptabilité passée, ce à quoi rien ne s’oppose, ainsi que l’admet d’ailleurs l’intimée.
Les contribuables soumis à un contrôle sur pièces (ou sur leur propre demande) ne bénéficient pas des droits et garanties attachés à la mise en ‘uvre d’opérations de contrôles approfondies. C’est donc vainement que la société Oceanis J.V. se plaint d’avoir été privée d’un débat oral avec le vérificateur ou de n’avoir pas bénéficié de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévue aux articles L. 10 et L. 47 du livre des procédures fiscales, alors que ces droits et garanties ne peuvent être invoqués dans le cadre d’un contrôle sur pièces.
Si la société Oceanis J.V. indique à raison, en se prévalant d’un arrêt du Conseil d’état du 11 décembre 2009, qu’un contrôle sur pièces fondé sur des renseignements obtenus lors d’une vérification de comptabilité effectuée irrégulièrement est lui-même irrégulier (v. par ex. Com. 29 octobre 2003 in fine, n° 00-22.620), la société
intimée n’établit cependant nullement, en l’espèce, que la vérification de comptabilité opérée en 2013-2014 était irrégulière.
Dans le courrier du 23 juin 2016 qui lui a été adressé en réponse à la réclamation qu’elle avait formulée le 13 février 2015 sur la proposition de rectification n° 2120-SD du 29 avril 2014, l’administration fiscale indique en effet prononcer d’office le dégrèvement des rappels de taxe de publicité foncière ou de droits d’enregistrement mis à la charge de la société au motif qu’«’il ressort de l’examen du dossier que la procédure de rectification suivie en matière de taxe de publicité foncière ou de droits d’enregistrement comporte des irrégularités’».
L’administration fiscale n’évoque aucune irrégularité affectant la vérification de comptabilité, à laquelle il n’est d’ailleurs nullement fait référence dans ce courrier du 23 juin 2016, mais des irrégularités affectant «’la procédure de rectification’», laquelle ne saurait être confondue avec la «’vérification de comptabilité’» dont la société Oceanis n’établit d’aucune manière la prétendue irrégularité.
En conclusion de son courrier du 23 juin 2016, l’administration fiscale indiquait d’ailleurs très clairement qu’une nouvelle procédure de rectification serait prochainement diligentée par l’envoi d’une proposition de rectification n° 2120-SD annulant et remplaçant celle du 29 avril 2014, ce qui a été fait, on l’a dit, le 19 septembre 2016.
C’est de manière inopérante, là encore, que la société Oceanis J.V. soutient que l’administration fiscale ne disposait pas d’éléments suffisants pour fonder une rectification sans solliciter de justificatifs complémentaires, alors qu’il suffisait à celle-ci de constater que la société en cause n’avait pas justifié de l’achèvement des travaux dans le délai de quatre ans de l’article 1594-0 G du code général des impôts, par le dépôt au service des impôts de la déclaration idoine ou par la déclaration en mairie d’une attestation d’achèvement et de conformité.
La société Oceanis J.V. ne peut pas plus sérieusement reprocher à l’administration fiscale de ne pas l’avoir mise en demeure, après avoir constaté que l’engagement de construire n’avait pas été tenu, d’avoir à déclarer les droits de mutation en découlant, alors qu’en application de l’article 1840 G ter du code général des impôts, faute de pouvoir justifier de l’achèvement des travaux à l’expiration du délai imparti, l’acquéreur est tenu d’acquitter spontanément, dans le mois suivant l’expiration de ce délai, les droits et taxe de mutation dont la perception avait été différée, assortis de l’intérêt de retard calculé depuis le premier jour du mois suivant la date d’expiration du délai de présentation de l’acte d’achat à la formalité.
S’il existait effectivement une confusion, dans la proposition de rectification initiale du 29 avril 2014, entre droits d’enregistrement et taxe de publicité foncière, la proposition de rectification du 19 septembre 2016 ayant annulé et remplacé la précédente proposition de rectification irrégulière ne recèle quant à elle aucune ambiguïté. La proposition de rectification du 19 septembre 2016 porte en effet, sans aucune équivoque, sur la taxe de publicité foncière et non plus aussi sur des droits d’enregistrement.
Rien ne justifie donc, contrairement à ce que qu’avaient retenu les premiers juges dans les motifs de leur décision, en omettant de se prononcer sur cette prétention dans le dispositif du jugement déféré, de déclarer irrégulière la procédure de rectification litigieuse.
Dès lors qu’en raison de l’effet dévolutif, il revient à la cour, par application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, de réparer l’omission des premiers juges, il convient de rejeter la demande de la société Oceanis J.V. tendant à voir déclarer irrégulière la proposition de rectification du 19 septembre 2016, sur laquelle les parties se sont contradictoirement expliquées.
Sur la demande de décharge tirée de l’irrégularité de l’avis de mise en recouvrement:
Aux termes de l’article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, l’avis de mise en recouvrement prévu à l’article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l’objet de cet avis.
L’avis de mise en recouvrement mentionne également que d’autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits.
Lorsque l’avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l’article L. 57 ou à la notification prévue à l’article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l’informant d’une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications.
Le débiteur ne doit pas se méprendre sur la cause et l’objet du paiement qui lui est réclamé.
Il est de jurisprudence assurée que les indications prescrites par l’article R. 256-1 ne peuvent être remplacées par un renvoi à d’autres documents dont le contribuable aurait eu connaissance, et qu’on ne peut non plus désigner un impôt par un autre.
Contrairement à ce que fait accroire l’appelante, la chambre commerciale de la Cour de cassation adopte une interprétation stricte de cet article R. 256-1 et sanctionne l’absence d’indication exacte de la nature des impositions réclamées (v. par ex. Com. 26 novembre 2013, n° 12-27.307′; 2 décembre 2008, n° 08-11.051).
Au cas particulier, l’avis de mise en recouvrement du 3 avril 2018 mentionne avoir pour origine la proposition de rectification du 19 septembre 2016 et la réponse aux observations du contribuable du 3 mars 2017.
L’avis de recouvrement mentionne ensuite, sous l’intitulé «’nature’», ce qui suit’:
– frais d’assiette et de recouvrement’: 2 664’euros
– taxe additionnelle à 0,20’% sur les droits départementaux d’enregistrement sur les mutations à titre onéreux d’immeubles’: 5’920 euros
– taxe additionnelle aux droits d’enregistrement ou à la taxe foncière – taxe communale’: 35’520 euros
– taxe de publicité foncière – droit de mutation à titre onéreux ‘ régime de droit commun’: 106 435 euros.
Sous l’intitulé «’droits’: période 01-2011 à 02-2011’», l’avis de recouvrement mentionne enfin’:
– majorations’: cf. lettre de motivation du 19-09-2016
– intérêts de retard -CGI art. 1727 arrêté au 30-09-2016′: 22’476 euros
– intérêt de retard -CGI art. 1727′: mémoire (*)
Total de la créance’: 173’015 euros
L’astérisque renvoie à la mention suivante’: «’l’intérêt de retard prévue à cet article du CGI sera liquidé après paiement des droits’».
Dès lors que, tout en se référant à une proposition de rectification de la taxe de publicité foncière, l’avis de recouvrement mentionne des droits d’enregistrement et comporte en conséquence une contradiction qui est source de confusion sur l’imposition applicable réclamée, l’avis litigieux ne satisfait pas aux exigences de l’article R. 256-1 du livre des procédures fiscales et ne peut qu’être annulé.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en prononçant, par substitution de motifs, la nullité de l’avis de mise en recouvrement du 3 avril 2018 et, partant, de faire droit à la demande de décharge des droits et pénalités qui ont été réclamés à la société Oceanis J.V. par cet avis de mise en recouvrement irrégulier.
Sur les demandes accessoires :
Mme la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, il n’apparaît cependant pas inéquitable de laisser à la société Oceanis J.V. la charge des frais exposés pour sa défense et non compris dans les dépens. L’intimée sera dès lors elle aussi déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Réparant l’omission de statuer des premiers juges’:
Rejette la demande de la société Oceanis J.V. tendant à voir déclarer irrégulière la proposition de rectification du 19 septembre 2016 annulant et remplaçant la proposition de rectification n° 2120-SD du 29 avril 2014,
Confirme la décision entreprise en tous ses chefs critiqués,
Y ajoutant,
Déboute la société Oceanis J.V. de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de Mme la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône formée sur le même fondement,
Condamne Mme la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône aux dépens.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT