Marchand de Biens : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07387

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Marchand de Biens : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07387
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N° RG 19/07387 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MVDH

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 10 octobre 2019

RG : 2018j290

Société LATURNE

SA LATURNE

C/

S.A.S. BUILDING

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 23 Novembre 2023

APPELANTES :

SARL LATURNE au capital de 2.000,00 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 531 598 829, prise en la personne de son gérant légal en exercice, Monsieur [H] [X], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

SA LATURNE au capital de 31.000,00 €, immatriculée au RCS de LUXEMBOURG sous le n° B 157010, prise en la personne de son représentant légal en exercice, Monsieur [H] [X], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6] (LUXEMBOURG)

Représentées par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, toque : 1983, postulant et par Me Julien CHAMARRE, membre de la SELARL NEVEU, CHARLES & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, substitué et plaidant par Me MIGUEL, avocat au barreau de NICE

INTIMEE :

S.A.S BUILDING au capital de 52 950.00 Euros, inscrite au RCS d’ANNECY (74) sous le numéro 500 669 676, représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas BALLALOUD, avocat au barreau d’ANNECY

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 16 Septembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Septembre 2023

Date de mise à disposition : 09 Novembre 2023 prorogé au 23 Novembre 2023, les parties ayant été avisées

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Aurore JULLIEN, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat du 11 mai 2011, la Sarl Laturne a confié à la Sas Aprilis, filiale de la Sarl Building, une mission de réalisation d’un ensemble d’études et de travaux pour un projet de rénovation d’un chalet pour un montant de 956.800 euros porté à 1.161.712 euros par avenant du 28 novembre 2011.

Le 19 novembre 2012, la Sarl Laturne et la société Building ont signé une convention d’intéressement. Il était prévu que la société Building percevrait un intéressement représentant :

– 10% du résultat net comptable de l’opération réalisée par la Sarl Laturne si ce résultat est compris entre 0 et 1 million d’euros avant service de l’intéressement,

– 15% du résultat net comptable de l’opération réalisée par la Sarl Laturne si ce résultat est supérieur à 1 million d’euros avant service de l’intéressement.

En 2016, la Sa société Laturne, société de droit luxembourgeois, a cédé ses parts de la société Laturne Sarl à la Sas Mont Blanc Investissements.

La Sarl Laturne, estimant que la société Building n’a réalisé aucune prestation pour son compte, a refusé de lui versement l’intéressement.

Par actes d’huissier du 16 et 22 janvier 2018, la société Building a assigné la Sarl Laturne et la société Laturne Sa devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 10 octobre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

– dit que la société Building a intérêt à agir tant à l’encontre de la Sarl Laturne que de la SA Laturne,

– rejeté l’ensemble des demandes des sociétés Laturne SA et Laturne Sarl,

– ordonné aux sociétés Laturne SA et Laturne SARL de verser l’acte de cession de parts au profit de la société Mont Blanc Investissements, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

– s’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte,

– sursis à statuer sur la demande de la société Building dans l’attente de la production par les sociétés Laturne Sa et Laturne Sarl de l’acte de cession de parts des 200 parts composant le capital de la Sarl Laturne au profit de la société Mont Blanc Investissements,

– réservé l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La Sarl Laturne et la Sa Laturne ont interjeté appel par acte du 28 octobre 2019.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 22 mars 2021 fondées sur les articles 122 et 700 du code de procédure civile, les articles 1134 et suivants anciens et 1129 et suivants anciens du code civil et la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, la Sarl Laturne et la SA Laturne demandent à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

en conséquence, et statuant à nouveau,

à titre principal,

– juger que la société Building est dépourvue de tout intérêt à agir à l’encontre de la société Laturne Sa, par application de l’article 122 du code de procédure civile,

– juger que la société Building est dépourvue de tout intérêt à agir à l’encontre de la société Sarl Laturne, par application de l’article 122 du code de procédure civile,

en conséquence,

– juger que la société Building est irrecevable tant en son action qu’en ses demandes dirigées à l’encontre de la société Laturne Sa,

– juger que la société Building est irrecevable tant en son action qu’en ses demandes dirigées à l’encontre de la société Sarl Laturne,

à titre subsidiaire,

– juger que la société Building ne justifie pas d’une créance fondée en son principe,

– juger que le contrat est dénué d’objet et de cause,

en conséquence,

– juger que la convention d’intéressement du 19 novembre 2012 est nulle pour défaut d’objet et de cause,

à titre très subsidiaire,

si par extraordinaire la cour devait considérer que le contrat n’est pas dénué de cause et d’objet,

– juger que la société Building exerce une activité d’agent immobilier selon les termes de la convention d’intéressement signée le 19 novembre 2012,

en conséquence,

– constater que la convention d’intéressement ne répond pas aux exigences légales du formalisme des mandats défini par l’article 6 de la loi Hoguet,

– constater que la convention d’intéressement n’a pas été enregistrée au registre des mandats,

– constater que le gérant de la société Building ne possède pas de carte professionnelle d’agent immobilier,

– constater que la société Building se livre illégalement et de manière habituelle à l’activité d’agent immobilier,

– juger que la rémunération en tout état de cause ne peut être versée qu’au moment de la vente du bien visé dans le mandat,

– juger que la convention, en tant que mandat d’agent immobilier est nulle et non avenue,

en toutes hypothèses,

– débouter la société Building de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Building à régler à la société Laturne Sa la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi et de la procédure abusive menée,

– condamner la société Building à régler à la société Sarl Laturne la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi et de la procédure abusive menée,

– condamner la société Building à leur régler respectivement une somme à chacune de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Building aux entiers dépens d’instance.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 janvier 2021, la société Building demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

– condamner les sociétés Laturne SA et Laturne Sarl à lui verser la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner les mêmes aux entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 septembre 2021, les débats étant fixés au 20 septembre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est précisé que le litige n’est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l’ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est antérieur au 1er octobre 2016.

Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la Sarl Laturne

La Sarl Laturne et la Sa Laturne font valoir que l’action de la société Building est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir à l’encontre de la Sarl Laturne car à ce jour, la vente du chalet n’est toujours par intervenue ; la société Building n’a donc pas vocation à percevoir un quelconque intéressement, et la société Building n’a réalisé aucune prestation pour le compte de la Sarl Laturne.

La société Building réplique qu’elle a un intérêt à agir à l’encontre de la Sarl Laturne car l’intéressement est dû, aux termes de l’article 3 de la convention, non seulement dans l’hypothèse de la vente du chalet, mais aussi dans l’hypothèse où cette vente interviendrait indirectement par la cession de l’ensemble des titres de la Sarl Laturne.

Sur ce,

L’article 122 du code de procédure civile dispose que : ‘Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.’

En l’espèce, la convention litigieuse liant expressément la Sarl Laturne à la société Building, cette dernière dispose d’un intérêt à agir contre sa cocontractante dès lors qu’elle demande l’exécution du contrat les liant.

Cet intérêt à agir ne se confond en effet pas avec le bien fondé de l’action diligentée par la société Building en paiement de l’intéressement prévu au contrat et qui est en fait opposé par l’appelante.

La société Building dispose donc d’un intérêt à agir à l’encontre de la Sarl Laturne si elle estime que des sommes lui sont dues par cette dernière en exécution du contrat et le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la Sa Laturne

Les appelantes font valoir que :

– la société Building Sa n’est pas l’une des parties contractantes de la convention d’intéressement, n’y est pas mentionnée et n’a pris aucun engagement ; l’action de la société Building est fondée sur la responsabilité contractuelle et elle ne peut pas agir contre une société qui n’est pas partie au contrat litigieux,

– les personnes morales sont indépendantes, de sorte qu’une société mère ou fille de la Sarl Laturne ne saurait être engagée par la convention d’intéressement,

– l’application des statuts de la Sa Laturne, rendant obligatoire la signature conjointe de deux administrateurs, fait obstacle à l’engagement de la société par la seule signature de son représentant M. [X],

– sur la théorie du mandat apparent, il apparaît difficile pour un professionnel comme l’intimée de s’en prévaloir, sachant que la Sa Laturne n’apparaît dans aucun document et n’est pas intervenue ; aucune immixtion n’est caractérisée ; de surcroît, il ressort des conclusions de l’intimée qu’elle savait parfaitement que la Sa Laturne n’était pas propriétaire du chalet ; par conséquent, l’intimée ne peut se prévaloir d’aucune apparence,

– l’opération de cession de parts est purement interne à la Sarl Laturne, sans lien avec la convention d’intéressement, qui n’intéresse aucunement la société Building, de sorte que cette dernière n’est pas fondée à demander que lui soit versée, sous astreinte, l’acte de cession,

– l’intéressement ne pourrait être dû qu’au titre de la vente du chalet objet du contrat et du résultat net comptable réalisé par la Sarl Laturne sur cette vente ; l’esprit de la convention d’intéressement qui mentionne un ‘programme de construction-vente’ n’a jamais été de permettre un intéressement de la société Building en cas de vente indirecte du chalet par une cession de titres détenus par la société mère dans la société fille, sinon le contrat l’aurait expressément prévu,

– les mandats produits pour la première fois en cause d’appel par l’intimée sont sans incidence sur les stipulations de la convention d’intéressement ; il s’agit de contrat autonomes sans rapport avec la convention.

La société Building réplique qu’elle a un intérêt à agir à l’encontre de la Sa Laturne car :

– celle-ci est bien partie au contrat d’intéressement par l’engagement pris par son représentant légal M. [X],

– elle est recevable et bien fondée à se prévaloir d’un mandat apparent de la part de M. [X] et de la Sarl Laturne qui a engagé non seulement cette dernière mais aussi sa société mère, la Sa Laturne ; il apparaît clairement à l’article 3 de la convention d’intéressement que l’engagement a été pris tant pour le compte de la Sarl Laturne que pour le compte de la société qui détenait la totalité de ses titres, la Sa Laturne,

– l’esprit de la convention était de lui permettre de percevoir son intéressement, même dans l’hypothèse d’une vente indirecte du chalet par le biais d’une cession des titres détenus par la société mère dans la société fille ; cette hypothèse semble bien avoir été prévue par la convention,

– la question de l’immixtion évoquée par l’appelante est indifférente pour le mandat apparent en l’espèce,

– la cession de parts n’a rien d’une opération de restructuration interne, mais correspond indirectement à la cession du chalet.

Sur ce,

Il résulte notamment de la convention d’intéressement signée le 19 novembre 2012 entre la Sarl Laturne, désignée comme maître de l’ouvrage, et la Sarl Building désignée comme bénéficiaire, que :

– la Sarl Laturne réalise un programme de construction-vente sur la commune de [Localité 7] consistant en la rénovation d’un chalet de standing en vue de sa vente à destination d’une clientèle haut de gamme, qu’elle a besoin pour se faire du professionnalisme et du savoir faire de la société Building pour la réussite de cette opération,

– cette dernière percevra un intéressement représentant 10 % du résultat net de l’opération réalisée ce résultat est compris entre zéro et un million d’euros et de 15 % si ce résultat est supérieur à un million d’euros avant service de l’intéressement,

– selon le chapitre 3, dans le cas où la vente serait réalisée par une société ‘mère’ ou ‘fille’ les conditions seraient identiques et la société venderesse (‘mère’ ou ‘fille’) s’acquittera des sommes définies par la présente convention pour le compte de la Sarl Laturne.

Il n’est pas contesté que les deux sociétés Laturne ont le même dirigeant ni que la Sa Laturne est la société mère de la Sarl Laturne. Il résulte de l’article 3 susvisé que la Sarl Laturne s’est engagée pour la société mère, dans le cas où la vente aurait été réalisée par cette dernière, à ce que celle-ci verse elle même les honoraires d’intéressement et, le dirigeant des deux sociétés étant identique, la société Building, laquelle n’avait pas se pencher sur les modalités de fonctionnement de la Sa, ne pouvait que croire à l’existence d’un mandat apparent donné par la société mère pour la rédaction de cette clause, peut important qu’aucune immixtion de la société mère ne soit rapportée.

Il en découle que l’intimée est fondée à opposer cette clause à la société Laturne Sa.

La société Laturne Sa pouvant ainsi être amenée à payer elle-même l’intéressement visé par le contrat, la société Building a donc intérêt à agir contre elle en ce qu’elle fait valoir à son encontre que les parts composant le capital social de la Sarl Laturne ont été cédées par la Sa Laturne à la société Mont-Blanc investissements Sas et que ceci constituerait une vente indirecte du chalet par le biais d’une cessions des titres détenus par la société mère dans la société fille, étant là aussi rappelé que l’intérêt à agir ne se confond pas avec le bien fondé des prétentions de la société Building sur lesquelles il a été sursis à statuer de sorte que la cour n’a pas à l’examiner dans le cadre de la présente décision.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a reconnu l’intérêt à agir de la société Building à l’encontre de la société Laturne Sa.

Sur la validité du contrat

Les sociétés Laturne font valoir que :

– aucune contrepartie à la charge de la société Building n’est mentionnée dans la convention d’intéressement ; son rôle dans la rénovation du chalet n’est pas défini et la construction-rénovation a été dévolue à la société Aprilis Contracting ; aucune production ne permet de déterminer clairement la mission et les obligations de la société Building dans ce contrat ; elle n’est ni maître d’oeuvre, ni constructeur ; par conséquent, le contrat est sans objet déterminé ; l’objet est même inexistant, de sorte que le contrat est nul,

– de même, aucune production ne permet de relever les diligences effectuées par la société Building qui n’a en fait pas réalisé de prestation ; par conséquent, l’obligation de paiement de la Sarl Laturne n’est pas exigible,

– l’absence de document caractérisant sa mission ou les diligences entreprises par la société Building est un manquement à l’obligation d’information due à la Sarl Laturne,

– la société Building affirme pour la première fois en appel qu’elle avait déjà accompli ses missions et que la convention d’intéressement serait une convention de régularisation ; or, plusieurs pièces produites (pièces n°11, 12, 14 et 15) sont des documents antérieurs à la signature de la convention d’intéressement et ils ne peuvent en conséquence en aucune manière correspondre à de prestations qui auraient été accomplies par l’intimée ; surtout, ces mails ne mentionnant jamais la société Building, mais uniquement la société Aprilis (pièces n°11, 12, 13, 13bis, 14 et 15) ou viennent de collaborateurs de la société Aprilis qui a effectué des prestations qui ont déjà été réglées ; la pièce n°16 ne mentionne pas le chalet et n’établit aucune prestation effectuée par l’intimée,

– l’absence d’information sur le calcul de l’intéressement, inhérente à l’absence de vente du chalet, rend cet intéressement indéterminé ; par conséquent, il n’existe pas de créance certaine, liquide et exigible,

– l’absence de contrepartie ou l’existence d’une contrepartie dérisoire, tel que le simple ‘besoin de professionnalisme et de savoir-faire’, est assimilée à une absence de cause de sorte que le contrat est nul,

– la présomption d’existence de cause du contrat ne peut pas être invoquée car l’inexistence de la cause a été démontrée ci-avant et la charge de la réalité de la cause incombe à celui qui entend s’en prévaloir,

– la ‘convention d’honoraires’ signée entre la société Building et la société Quanta Finance n’a aucun rapport avec la convention d’intéressement invoquée, la société Building a usé abusivement des relations d’affaires préexistantes avec M. [X] pour l’amener à signer pour le compte de la Sarl Laturne une convention d’intéressement trompeuse dépourvue de cause et d’objet,

– la société Building a pour objet social une activité de société mère dans une holding ; elle n’a pas été créée pour apporter un conseil ou un savoir-faire à une société tierce dans le cadre d’un chantier de standing et son rôle reste inconnu ; elle est coutumière de ce type de procédure en vue d’obtenir des paiements indus ; tel a été le cas à l’encontre de la société Bois du Cerf property, dont M. [X] est également gérant et administrateur ; la cour d’appel de Chambéry a sanctionné l’absence de cause de même, le jugement du tribunal de commerce d’Annecy en date du 16 février 2021.

La société Building réplique que :

– l’objet du contrat est parfaitement indiqué dans la convention, à savoir que la Sarl Laturne avait besoin du professionnalisme et du savoir-faire de l’intimée, notamment l’ingénierie de l’opération, mise en place du projet, optimisation, relation avec la mairie, les agences immobilières et concessionnaires, pour réussir son opération de rénovation de chalet de standing en vue de sa revente ; par conséquent, le contrat est valide,

– le caractère succinct de la convention s’explique par le fait qu’elle avait déjà accompli ses missions ; il s’agissait d’une convention de régularisation ; la construction était terminée et la conformité obtenue le 23 mai 2012, alors que la convention a été signée le 19 novembre 2012,

– la nature des prestations et leur réalisation est attestée dans les mails de M. [X], représentant des sociétés Laturne et écrivant sous le nom de sa société Quanta Finance s’adressant à Monsieur [K] [L], dirigeant de l’intimée, sur sa seule adresse mail,

– le rôle de la société Aprilis se limitait à la construction du chalet ; le contrat produit par l’appelant porte exclusivement sur la construction et est étranger aux missions issues de la convention litigieuse,

– la détermination de l’intéressement est parfaitement explicité dans la convention, qu’il s’agisse des conditions de sa mise en oeuvre ou de son calcul ; ce calcul était bien compris par M. [X] lui-même selon son mail du 24 octobre 2014 relativement à un hypothétique profit de 1.000.000 euros,

– la présomption de cause du contrat issue de l’article 1132 ancien du code civil est suffisante pour que soit ordonné aux sociétés Laturne de lui transmettre l’acte de cession de parts,

– M. [X] est un homme d’affaires avisé détenant plusieurs mandats de gérant tant au Luxembourg qu’en France, de sorte qu’il comprenait la nature de ses engagements ; il a ainsi signé plusieurs conventions du même type, notamment pour le compte de son autre société Quanta Finance, pour une opération en Suisse avec l’intimée et avait respecté sa signature dans cette opération ; il est maintenant en litige via la société Bois du cerf avec la société Aprilis, société fille de l’intimée, et a indirectement été condamné à lui payer plus d’un million d’euros ; ce litige reste pendant et les décisions invoquées n’ont pas autorité de la chose jugée,

Sur ce,

L’alinéa 1er de l’article 1129 du code civil dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016 dispose que : ‘Il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce.’

L’article 1132 du code civil dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016 dispose que : ‘La convention n’est pas moins valable, quoique la cause n’en soit pas exprimée.’

S’agissant de l’objet, il ressort de la lecture du contrat que celui-ci a pour objet le paiement par la Sarl Laturne (ou des sociétés visées par l’article 3 du contrat dans le cas où la vente est réalisée par une société ‘mère’ ou ‘fille’) d’un intéressement correspondant à un pourcentage du résultat net comptable d’une opération de vente du chalet sis [Adresse 4] à [Localité 7]. Cet intéressement est parfaitement déterminable de sorte que l’obligation litigieuse a bien un objet. Le moyen tiré de l’absence d’objet du contrat soulevé par les sociétés appelantes n’est donc pas fondé.

S’agissant de la cause du contrat, il est en premier lieu relevé que contrairement à ce qu’affirme l’intimée, la présomption de cause de l’article 1132 ancien du code civil n’est pas la preuve de la cause.

Par contre, la preuve du défaut ou de l’illicéité de la cause est à la charge de celui qui l’invoque et donc à la charge des appelantes en l’espèce.

Cette preuve n’est en premier lieu pas rapportée par la production d’une décision de la cour d’appel de Chambéry statuant en appel d’une décision du juge de l’exécution ni d’un jugement du tribunal de commerce d’Annecy frappé d’appel concernant un contrat d’intéressement se rapportant à une autre opération de construction vente, ces décisions, même si elles ont retenu l’absence de cause étant sans effet sur le présent litige.

En second lieu, il se déduit des termes du contrat que la convention d’intéressement a pour contrepartie l’apport du professionnalisme et du savoir faire de la société Building dans l’opération de construction vente du chalet, ce qui révèle une cause.

Les sociétés appelantes soutiennent néanmoins l’absence de cause en contestant les pièces 11 à 16 de l’intimée qui n’émaneraient pas de cette dernière mais de la société Aprilis.

Il ressort des extraits Kbis versés par l’appelante que la société Building exerce une activité de marchand de bien tandis que la société Aprilis exerce une activité de bureau d’études et d’entreprise générale de bâtiment et d’entretien de bâtiments de toute nature. Les eux sociétés ont le même dirigeant. Le fait que les mails échangés entre les parties indiquent dans l’adresse mail ‘Aprilis’ pour ce dirigeant n’est dans ce contexte nullement déterminant d’autant que les prestations visées par les courriers ne concernent pas les opérations de construction. De même, la date des courriers en cause (avant ou après l’établissement du contrat) n’est pas plus déterminante si les parties ont notamment voulu régulariser des prestations antérieures.

Par ailleurs, le fait que le contrat ne détaille pas les prestations effectuées ne le prive pas de cause.

Enfin, les appelantes ne procèdent que par affirmations lorsqu’elles soutiennent que leur adversaire aurait abusé de relations préexistantes pour faire signer à leur dirigeant un contrat dénué de cause.

Il en découle que les appelantes échouent également à démontrer l’absence de cause du contrat.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté ces prétentions des sociétés Laturne.

Sur le rôle d’agent immobilier de la société Building

Les sociétés Laturne soutiennent qu’on ne peut que déduire des faits et des termes de la convention que le rôle de l’intimée serait celui d’agent immobilier ; le caractère habituel de l’activité d’agent immobilier est établi par la signature de deux conventions d’intéressement, avec la Sarl Laturne et avec la société Bois du cerf ; or, en l’absence de mandat rédigé selon les règles impératives édictées par l’article 6 de la loi 70-9 du 2 janvier 1970, en l’absence de carte professionnelle d’agent immobilier délivrée par la Chambre de Commerce et d’Industrie, et en l’absence de vente du bien immeuble objet de la convention d’intéressement, le mandat doit être déclaré nul et les demandes de paiement rejetées.

La société Building réplique que son objet social est notamment l’achat en vue de la revente de biens immobiliers et l’activité de marchand de biens, ce dont elle a l’habitude pour la mise en place de différents projets, qu’elle n’a jamais eu un rôle d’agent immobilier ; qu’évoquer deux conventions d’intéressement, l’une en 2012 et l’autre en 2015, ne suffit pas à caractériser l’exercice habituel de ce type d’activité.

Sur ce,

L’article 1 de la Loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce dans sa version en vigueur du 2 juillet 2004 au 27 mars 2014 dispose que :

‘Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à :

1° L’achat, la vente, l’échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis ;

[…]

4° La souscription, l’achat, la vente d’actions ou de parts de sociétés immobilières donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ;

5° L’achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l’actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;

[…]’

En l’espèce, si les prestations en cause ne se rattachent manifestement pas à l’activité de marchand de biens et si une activité habituelle peut être retenue dès l’existence de deux prestations, le tribunal de commerce a, avec pertinence, retenu que l’existence de deux contrats du même type signé par la Sarl Laturne et Building en l’espace de trois ans (soit deux prestations éloignées et isolées) était insuffisante à caractériser l’activité habituelle définie par le texte susvisé et le jugement doit également être confirmé sur ce point.

Sur les dommages intérêts

La Sarl Laturne et la Sa Laturne font valoir que :

– les société Building et Aprilis, dont les dirigeants sont les mêmes, ont imaginé une cession de créance fictive le 7 décembre 2018 dans l’unique objet de tenter de faire échec au droit de recouvrement de la société Bois du cerf des condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– elles subissent de manière totalement illégitime les procédures inconsidérées de l’intimée qui a décidé de mener un acharnement judiciaire incroyable à l’encontre de l’ensemble des sociétés gérées par M. [X],

– ce harcèlement doit cesser ; elles sollicitent donc, pour chacune d’elles, la condamnation de la société Building à une juste réparation pour le préjudice moral causé et pour procédure abusive, à hauteur de 10.000 euros.

La société Building réplique que la demande de dommages et intérêts vise pour acharnement procédural ; or, une seule action légitime a été engagée, reposant d’une part sur une convention d’intéressement régulièrement signée, et d’autre part sur une simple demande de transmission d’acte de cession de parts.

Sur ce,

Selon l’article 1240 du code civil, ‘Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’.

Au vu de ce qui a été jugé supra, les appelantes échouent à rapporter la preuve en appel du comportement abusif et plus particulièrement de l’acharnement procédural qu’elles imputent à leur adversaire alors que leurs prétentions à son encontre sont rejetées, de sorte qu’elles doivent être déboutées de leur demande de dommages intérêts.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les appelantes qui succombent sur leurs prétentions supporteront les dépens d’appel et verseront à leur adversaire la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Déboute la Sarl Laturne et la société Laturne Sa de leur demande en paiement de dommages intérêts.

Condamne la Sarl Laturne et la société Laturne Sa aux dépens d’appel, ces derniers avec droit de recouvrement et à payer à la Sas Building la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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