Marchand de Biens : décision du 22 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02391

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Marchand de Biens : décision du 22 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02391
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRÊT DU 22 DECEMBRE 2023

(n° 189 /2023, 29 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02391 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCCN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2020 -Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2020000479

APPELANTE

S.A.S. DUMEZ COTE D’AZUR agissant en la personne de tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

avocat présent à l’audience Me Joelle MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEES

S.A.R.L. RTP, société placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 08/08/2022 converti en liquidation judiciaire par jugement du 17 avril 2023

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Florence DIOS, avocat au barreau de PARIS

avocat présent à l’audience Me YannVIEUILLE, avocat au barreau de LYON

S.E.L.A.R.L. ETUDE [P] & GUYONNET représentée par Me [N].[P] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL RTP

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Florence DIOS, avocat au barreau de PARIS

avocat présent à l’audience Me YannVIEUILLE, avocat au barreau de LYON

S.A.R.L. BELAMBRA DEVELOPPEMENT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

avocat plaidant à l’audience Me Victoria SPIERS substituant Me Dorothée GUILLOT-TANTAY, avocat au barreau de PARIS, toque : K037

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Laura TARDY, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ

ARRET :

– Contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Valérie Guillaudier, conseillère faisant fonction de présidente et par Alexandre Darj, greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte en date du 2 décembre 2011, la société Belambra Développement a conclu avec la société Dumez Var, agissant en qualité de mandataire d’un groupement momentané d’entreprises composé de cette dernière, de la société RTP, de la société Polyvalente d’Equipement Electrique Dracenoise (la société SPEED) et de la société de Gestion d’Installations Thermiques (la société SOGITH), un marché de travaux tous corps d’état ayant pour objet la réalisation de treize logements, la rénovation d’une villa existante en quatre logements ainsi que la construction d’un bâtiment comprenant une salle polyvalente, une piscine, un bar et des locaux annexes, situés à [Localité 9] (83).

Le contrat a été conclu moyennant un prix de 4 126 200 euros TTC.

La société Belambra Clubs est intervenue en qualité de maître d’ouvrage délégué.

Par acte en date du 15 décembre 2011, la société BNP Paribas s’est portée caution personnelle et solidaire de la société Dumez Var à hauteur de 208 370 euros.

Il a été prévu que le cautionnement prendrait fin à l’expiration du délai d’un an à compter de la réception des travaux, sauf opposition notifiée à la caution.

Les travaux objet du marché tous corps d’état confiés aux sociétés Dumez Var, RTP, SPEED et SOGITH ont été réceptionnés le 27 juillet 2012 avec réserves.

La société Dumez Var s’est engagée à lever les réserves lui incombant le 30 novembre 2012 au plus tard.

Par acte d’huissier en date du 4 février 2013, la société Dumez Var a saisi le président du tribunal de grande instance de Nanterre statuant en référé et a sollicité, au contradictoire des sociétés Belambra Développement et Belambra Clubs, la désignation d’un expert judiciaire.

Par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Nanterre du 2 avril 2013, M. [X] a été désigné en qualité d’expert judiciaire avec pour mission notamment de faire les comptes entre les parties.

Par ordonnance des 19 juin et 9 octobre 2013, les opérations de M. [X] ont, à la demande de la société Dumez Var, été étendues aux sociétés Nouvelles Techniques du Bâtiment, Grand Sud Constructions, Entreprise Méditerranéenne de Revêtements, AZ Construction et Rénovation, à M. [J] puis aux sociétés RTP, SOGITH et SPEED et par ordonnance du 2 janvier 2014 à la société Bureau Veritas, à la société Voxoa, à M. [V] [U], à la société Altergis Ingénierie, à la société RBS, à la société ECIB, à M. [Y] [Z] et à la société Bati Coordination.

M. [X] a déposé son rapport le 21 juillet 2017.

Par actes d’huissier en date des 17 et 18 juillet 2013, les sociétés Belambra Clubs et Belambra Développement ont assigné les sociétés Dumez Var, RTP, SPEED, SOGITH et BNP Paribas devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation de leurs préjudices.

Par actes d’huissier en date des 4 et 5 novembre 2014, la société Dumez Var a assigné la société AZ Construction et Rénovation, la JSA, anciennement dénommée Gauthier-Sohm, en qualité de mandataire judiciaire de la société AZ Construction et Rénovation et Maître [S] en qualité de commissaire à l’exécution du plan, ainsi que la société Axa France IARD.

Par acte d’huissier en date du 26 décembre 2016, les sociétés Belambra Clubs et Belambra Développement ont assigné la société Campenon Bernard Côte d’Azur qui vient aux droits de la société Dumez Var. Cette dernière est ensuite devenue la société Dumez Côte d’Azur. Elle a assigné son assureur, la société Generali IARD, en garantie.

Par jugement du 21 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

– joint d’office les quatre causes enregistrées sous les numéros RG 2013048978, 2014065501, 2017000563 et 2019030739 sous un seul et même numéro RG J2020000479 ;

– prend acte de l’intervention volontaire de la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var ;

– prend acte de l’intervention volontaire de Me [W] [S], pris en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société AZ Construction et Rénovation ;

– met hors de cause la société JSA, anciennement dénommée Gauthier-Sohm, prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société AZ Construction et Rénovation ;

– dit que la société Belambra Clubs n’a ni qualité à agir, ni intérêt à l’encontre de la société Dumez Côte d’Azur venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var, et la déclare irrecevable en toutes ses demandes ;

– condamne la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la Société Dumez Var, à payer à la société Belambra Développement la somme de 28 019,48 euros HT, soit 33 511,30 euros TTC ;

– condamne la société BNP Paribas à relever indemne et garantir la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var, des condamnations qui sont prononcées à son encontre dans la limite de 206 310 euros ;

– condamne la société Belambra Développement à payer à la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var, la somme 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, déboutant pour le surplus ;

– déboute la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la Société Dumez Var de ses demandes de dommage et intérêts pour de l’enrichissement sans cause ;

– dit irrecevable la demande de la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var envers la société AZ Construction et Rénovation, représentée par Me [W] [S], pris en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan ;

– déboute la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var, de ses demandes de garanties par la société Axa France IARD ;

– condamne la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var, à payer à la société RTP, venant aux droits de la société RTP Sud, la somme de 55 357,00 euros, augmentés de la TVA et des pénalités au taux Banque Centrale Européenne majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures, conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce, avec anatocisme ;

– déboute Maître [D] en qualité de liquidateur judiciaire de la société SOGITH, de sa demande envers la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var ;

– condamne la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var, à payer à la société AZ Construction et Rénovation, représentée par Maître [W] [S], pris en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan, la somme de 64 010,96 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande de paiement initiale, soit à compter du 27 août 2012 ;

– déboute la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var, de sa demande de garantie par la société Generali IARD ;

– condamne solidairement les sociétés Belambra Développement et Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard Côte d’Azur, qui venait elle-même aux droits de la société Dumez Var, aux dépens qui comprennent les frais d’expertise, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 220,62 euros dont 36,34 euros de TVA ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– ordonne l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 2 février 2021, la société Dumez Côte d’Azur a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour d’appel de Paris la société Belambra Développement et la société RTP.

La société RTP a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry le 8 août 2022. La société Etude [P] et Guyonnet en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire et la société AJ UP, administrateur judiciaire, sont intervenues volontairement à l’instance. Par jugement du 17 avril 2023, le redressement judiciaire de la société RTP a été converti en liquidation judiciaire et la société Etude [P] et Guyonnet a été nommée liquidateur judiciaire. Par acte d’huissier en date du 25 septembre 2023, la société Dumez Côte d’Azur a assigné la société Etude [P] et Guyonnet en qualité de liquidateur judiciaire de la société RTP devant la cour.

PRETENTIONS

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2023, la société Dumez Côte d’Azur demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 21 décembre 2020, ce qu’il a :

– condamné la société Dumez Côte d’Azur à payer à la société Belambra Développement la somme de 28 019,48 euros HT, soit 33 510,30 euros TTC ;

– condamné la société Belambra Développement à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, la déboutant du surplus ;

– débouté la société Dumez Côte d’Azur de ses demandes de dommages et intérêts en raison de l’enrichissement sans cause ;

– condamné la société Dumez Côte d’Azur à payer à la société RTP, la somme de 55 357 euros augmentée de la TVA et des pénalités de retard au taux de la BCE majoré de 10 points et d’intérêt légal à compter de l’échéance des factures conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce avec anatocisme ;

– condamné la société Dumez Côte d’Azur aux dépens en ce compris le coût de l’expertise et ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 220,62 euros ;

– dit n’y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;

Le réformant,

– condamner le maître de l’ouvrage, la société Belambra Développement, à payer à la société Dumez Côte d’Azur, la somme de 750 452,74 euros en principal, ladite somme sera assortie d’intérêts moratoires au taux d’intérêt appliqué par la BCE majoré de 10 points, tels que prévus aux articles 20.6.1.1 et 20.6.1.2 de la norme NF P 03-100, à titre principal, et à titre subsidiaire au taux légal majoré de 7 points, et ce à compter du 1er janvier 2013 ;

– juger qu’il sera déduit de cette somme de 750 452,74 euros, la somme de 70 341,70 euros au titre des malfaçons imputées aux sous-traitants de la société Dumez Côte d’Azur et celle concernant le préjudice esthétique du mur du cinéma ;

A titre subsidiaire,

– condamner la société Belambra Développement au paiement de la somme de 750 452,74 euros à titre de dommages et intérêts, au profit de la société Dumez Côte d’Azur, en raison de l’ensemble des fautes commises par le maître de l’ouvrage à son encontre ;

– juger qu’il sera déduit de cette somme de 750 452,74 euros, la somme de 70 341,70 euros au titre des malfaçons imputées aux sous-traitants de la société Dumez Côte d’Azur et celle concernant le préjudice esthétique du mur du cinéma ;

A titre très subsidiaire,

– condamner la société Belambra Développement au paiement de la somme de 750 452,74 euros, sur le fondement de l’enrichissement injustifié ;

– juger qu’il sera déduit de cette somme de 750 452,74 euros, la somme de 70 341,70 euros au titre des malfaçons imputées aux sous-traitants de la société Dumez Côte d’Azur et celle concernant le préjudice esthétique du mur du cinéma ;

Concernant la société RTP,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Dumez Côte d’Azur, en qualité de mandataire, au paiement de la somme de 55 537 euros HT, augmentée de la TVA et de pénalités au taux de la BCE majorés de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures en application de l’article L. 441-6 du code de commerce avec anatocisme ;

– débouter la société RTP et la société Etude [P] et Guyonnet, en qualité de liquidateur judiciaire de la société RTP de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Dumez Côte d’Azur ;

– fixer la créance de la société Dumez Côte d’Azur, à l’encontre de la société RTP à la somme de 180 000 euros ;

En tout état de cause,

– débouter la société Belambra Développement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Dumez Côte d’Azur ;

– condamner la société Belambra Développement au paiement d’une somme de 35 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Belambra Développement aux entiers dépens, lesquels comprendront le coût de l’expertise et les dépens de l’ensemble des référés relatifs à l’expertise.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023, la société Belambra Développement demande à la cour de :

Sur les sommes dues à la société Belambra Développement,

A titre principal,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 décembre 2020 en ce qu’il a débouté la société Belambra Développement de sa demande visant à obtenir la condamnation de la société Dumez Côte d’Azur à lui payer la somme de 252 782,02 euros HT, soit 302 327,29 euros TTC ;

Y faisant droit,

– condamner la société Dumez Côte d’Azur, venant aux droits de la société Campenon Bernard, à payer à la société Belambra Développement la somme de 252 782,02 euros HT, soit 302 327,29 euros TTC ;

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Dumez Côte d’Azur à payer à la société Belambra Développement la somme de 28 019,48 euros HT, soit 33 511,30 euros TTC ;

Y faisant droit,

– condamner la société Dumez Côte d’Azur à payer à la société Belambra Développement la somme de 28 019,48 euros HT, soit 33 511,30 euros TTC ;

Sur les sommes réclamées par la société Belambra Développement au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande présentée par la société Belambra Développement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y faisant droit,

– condamner la société Dumez Côte d’Azur à payer à la société Belambra Développement la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance,

Sur les sommes réclamées par la société Dumez Côte d’Azur ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Belambra Développement à payer à la société Dumez Côte d’Azur la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Dumez Côte d’Azur de ses autres demandes présentées à l’encontre de la société Belambra Développement ;

Y faisant droit,

– débouter la société Dumez Côte d’Azur de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, sur les sommes réclamées par la société Etude [P] et Guyonnet, Maître [P], en qualité de liquidateur de la société RTP ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la société RTP était bien fondée à solliciter le paiement d’une somme de 55 357 euros augmentée de la TVA et des pénalités au taux BCE majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce avec anatocisme ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société RTP de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, dirigées à l’encontre de la société Belambra Développement ;

Y faisant droit,

– débouter la société étude [P] et Guyonnet, Maître [P], en qualité de liquidateur de la société RTP de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,

– condamner la société Dumez Côte d’Azur à relever et garantir indemne la société Belambra Développement des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

– condamner la société Etude [P] et Guyonnet, Maître [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la société RTP, à relever indemne et garantir la société Dumez Var, de l’ensemble des condamnations qui seront prononcées à son encontre ;

– fixer la créance de la société Belambra Développement au passif de la société RTP à la somme de 335 838,59 euros ;

– débouter la société Dumez Côte d’Azur et la société Etude [P] et Guyonnet, Maître [P], en qualité de liquidateur de la société RTP de toute demande contraire au présent dispositif ;

– condamner tout succombant à payer à la société Belambra Développement chacune la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner tout succombant aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 septembre 2023, la société RTP représentée par son liquidateur Maître [P] demande à la cour de :

– déclarer recevable l’appel incident formé par la société RTP, représentée par Maître [P], liquidateur judiciaire ;

– infirmer le jugement critiqué en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires et plus particulièrement en ce qu’il n’a pas fait droit aux demandes de la société RTP résumées comme suit :

– attendu que la société RTP demande à la société Belambra Développement la remise d’une caution égale au montant des sommes dues jusqu’à leur complet paiement ;

– attendu que la société RTP demande que la société Belambra Développement lui règle le solde du marché augmenté de 32 119,09 euros HT correspondant à une modification des quantités (évacuation de terre, travaux sur rocher) et demande de travaux supplémentaires augmentés de la TVA et des pénalités au taux BCE majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce avec anatocisme ;

Et, statuant à nouveau,

– débouter la société Dumez Côte d’Azur de ses demandes ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Dumez Côte d’Azur à régler à la société RTP la somme de 55 357 euros HT augmentée de la TVA et des pénalités au taux BCE majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable à l’espèce et avec application de l’anatocisme ;

Et réformant le jugement,

– condamner le maître de l’ouvrage, la société Belambra Développement, à fournir à la société RTP une caution bancaire correspondant au solde des sommes dues ayant fait l’objet de commandes confirmées dans le cadre du marché soit 55 357 euros HT ce sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification de l’arrêt à intervenir sauf complet paiement des sommes dues ;

– prononcer l’absence de caractère forfaitaire du marché unissant la société RTP à la société Belambra Développement en l’absence d’identité entre l’objet du marché initial et le réalisé ;

– condamner la société Belambra Développement à régler à la société RTP la somme en principal de 87 376,09 euros HT, augmentée de la TVA et des pénalités au taux BCE majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable à l’espèce, et prononcer la condamnation in solidum des société Dumez Côte d’Azur et Belambra Développement pour le paiement de ces sommes ;

– condamner la société Dumez Côte d’Azur à régler à la société RTP représentée par Maître [P] en qualité de liquidateur judiciaire la somme supplémentaire en principal de 32119,09 euros HT augmentée de la TVA et des pénalités au taux BCE majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable à l’espèce avec application de l’anatocisme, et prononcer la condamnation in solidum des société Dumez Côte d’Azur et Belambra Développement pour le paiement de ces sommes ;

– condamner la société Dumez Côte d’Azur à régler à la société RTP représentée par la société AJ UP la somme de 14 000 euros en réparation des frais et du temps consacré à sa défense pour laquelle elle avait donné mandat à la société Dumez Côte d’Azur d’y procéder ;

En tout état de cause,

– déclarer irrecevables faute d’intérêt à agir, les demandes de la société Belambra Développement au titre de pertes d’exploitation ;

– déclarer irrecevables faute d’intérêt à agir la demande de la société Belambra Développement tendant à voir la société RTP représentée par Maître [P], liquidateur judiciaire, relever indemne et garantir la société Dumez Côte d’Azur des condamnations prononcées à son encontre ;

A titre infiniment subsidiaire, s’il était considéré l’absence de contrat écrit entre la société RTP et la société Belambra Développement ;

– condamner en application du contrat oral ou en tout cas tacite de louage d’ouvrage entre lesdites sociétés, la société Belambra Développement au paiement du solde des travaux réalisés par la société RTP et acceptés par voie de réception expresse, la somme en principal de 87 376,09 euros HT, augmentée de la TVA et des pénalités au taux BCE majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable à l’espèce ;

En tout état de cause,

– débouter la société Belambra Développement de toutes ses demandes à l’égard de la société RTP représentée par Maître [P], liquidateur judiciaire ;

– débouter la société Dumez Côte d’Azur de toutes ses demandes à l’égard de la société RTP représentée par Maître [P], liquidateur judiciaire ;

– condamner la société Belambra Développement et la société Dumez Côte d’Azur au paiement de la somme de 10 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Belambra Développement et la société Dumez Côte d’Azur aux entiers dépens, lesquels comprendront le coût de l’expertise et les dépens de l’ensemble des référés relatifs à l’expertise dont recouvrement direct au profit de Maître [K].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2023.

MOTIVATION

Sur les demandes de la société Belambra Développement à l’égard de la société Dumez Côte d’Azur

1) Sur les pénalités de retard

La société Belambra Développement soutient que compte tenu du retard pris par la société Dumez Var, devenue Dumez Côte d’Azur, dans l’exécution de la mission qui lui était confiée, la livraison est survenue tardivement, de sorte que la société lui doit des pénalités contractuelles à hauteur de 108 558,15 euros, sans déduction d’une prime comme l’a fait l’expert, cette prime n’ayant pas été contractuellement stipulée. Elle précise que la société Dumez Var est un professionnel de la construction qui a accepté les délais du chantier et ne lui a pas fait part de l’impossibilité de tenir les délais fixés. Elle fait observer que M. [U] a été missionné comme maître d’oeuvre d’exécution dès décembre 2011 et non deux mois avant la date de livraison, et réfute toute désorganisation du chantier. Elle conteste tout retard dans la transmission des plans et toute modification en cours de chantier, et soutient qu’en réalité les travaux confiés à la société Dumez Côte d’Azur ont pris du retard car celle-ci a tardé à désigner ses sous-traitants, n’a pas alloué le personnel en nombre suffisant au chantier et a mal exécuté certaines prestations. Elle précise que les travaux supplémentaires demandés ne nécessitaient pas de reporter la date de réception prévue et qu’ils ont été validés dans les délais.

La société Dumez Côte d’Azur fait valoir que l’opération a été engagée sur la base de documents incomplets et modifiés en cours de chantier, et que les aspects techniques et architecturaux des ouvrages n’ont été définis que le 27 mars 2012, soit moins de trois mois avant la livraison prévue pour lesdits ouvrages, et ce alors que la société Belambra Développement est un professionnel de la promotion immobilière. Elle ajoute qu’elle a alerté le maître de l’ouvrage sur le retard pour l’obtention des plans, des ordres de service, de la détermination des prestations. Elle indique que se sont ajoutés des travaux supplémentaires et des changements de prestations commandés par le maître de l’ouvrage tout au long du chantier et jusqu’après la réception des ouvrages. Elle soutient que les adaptations des plans n’étaient pas mineures mais ont bouleversé le programme de travaux établi. Elle estime que la prime venue en déduction des pénalités était due car stipulée dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et parce que le ‘c’ur de vie’ avait été livré en avance, ce dont l’expert judiciaire a tenu compte.

La société RTP représentée par son liquidateur Maître [P] fait observer que la société Belambra Développement n’a pas respecté le programme général de travaux et fait siennes les observations de la société Dumez Côte d’Azur à ce titre.

Réponse de la cour :

L’article 1134, ancien, du code civil, applicable au présent litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 1147, ancien, du même code énonce que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l’espèce, l’article 4.1 du CCAP stipule que ‘le délai global d’exécution du marché est fixé à sept mois. Ce délai inclut la période de préparation du chantier. Il démarre à compter de la notification à l’Entrepreneur de l’Ordre de Service de commencer les travaux. Les délais d’exécution propres à chacun des lots s’insèrent dans ce délai global, conformément au calendrier prévisionnel d’exécution.’ Le paragraphe 4.3.1 précise que ‘les dispositions de la norme NFP03 001 sont applicables sauf les dispositions de l’article 9.6 qui sont inapplicables au présent marché.’ Le paragraphe 4.3.6 prévoit une prime pour avance ‘réalisée sur la date de réception des travaux. La réception étant entendue comme l’achèvement des travaux permettant au maître de l’ouvrage d’exploiter commercialement l’ouvrage.’

La norme à laquelle il est renvoyé prévoit en son paragraphe 9.5 que le contrat ‘peut prévoir des primes pour avance d’achèvement des travaux, des pénalités de retard, ou les deux. (…) Sauf stipulation différente, il est appliqué, après une mise en demeure, une pénalité journalière de 1/1000e du montant du marché.’

Les délais de livraison contractuellement fixés étaient le 22 juin 2012 pour les logements neufs, le 25 juin 2012 pour les logements à réhabiliter et le 2 juillet 2012 pour le coeur de vie. Faute de procès-verbal de réception signé des parties, l’expert a retenu une date de réception au 27 juillet 2012, soit 35 jours de retard pour les logements neufs, 32 jours de retard pour les logements à réhabiliter et 6 jours d’avance pour le coeur de vie.

Par courrier du 5 décembre 2011, la société Dumez Var, devenue Dumez Côte d’Azur, a précisé à la société Belambra Développement, en connaissance des documents établis à cette date, que le coeur de vie pouvait être livré le lundi 1er juillet 2012, les logements neufs le 21 juin 2012 (‘si plans validés reçus ce soir’) et les logements réhabilités le 22 juin 2022 (‘si plans validés reçus le 7 au soir’). La société Dumez Côte d’Azur a donc validé les délais ci-dessus, et n’a pas indiqué ne pas avoir reçu les plans validés dans les délais indiqués. Nonobstant la qualité et l’insuffisance des plans initiaux, elle s’est donc engagée sur un achèvement du chantier entre le 21 juin et le 1er juillet 2012.

Or, postérieurement au 5 décembre 2011, l’expert indique que les plans de conception générale ont été modifiés et datent, pour le coeur de vie, plan niveau 0, du 15 janvier 2012, pour le nid, les plans de niveau et façades du 1er février 2012 et du 5 mai 2012 pour les logements neufs, plan niveau 0 et coupes, précisant ‘qu’il ne s’agit pas de plans d’adaptation, mais bien de plans de conception générale indispensables à l’exécution des travaux.’

La société Dumez Côte d’Azur justifie avoir alerté la société Belambra par un courriel du 18 janvier 2012 sur des modifications demandées impliquant de diffuser les plans d’exécution au plus vite pour tenir les délais. Par courrier du 6 mai 2012, elle a alerté sur l’existence de multiples demandes de modification ‘venant perturber à la fois l’organisation du chantier et l’avancement des travaux, avec pour facteur aggravant un délai important de prise de décision de la part du maître de l’ouvrage au regard du délai d’exécution.’ La société estimait le délai supplémentaire à 4 à 6 semaines environ.

Par un dire adressé à l’expert le 1er décembre 2014, M. [U], architecte maître d’oeuvre du marché, a indiqué que ‘le projet n’étant pas réalisable sur la seule base des plans PC visant à l’obtention d’une autorisation administrative, le maître d’ouvrage Belambra Développement a décidé de me confier une mission PRO (et PC modificatif) (…). Afin de réaliser des plans plus justes et plus détaillés alors même que le chantier commençait. Le travail effectué sur les plans a eu pour effet de modifier et compléter le projet, et, par voie de conséquence, les prestations à réaliser par le groupement Dumez. S’en est suivi une multitude de devis émis par le groupement Dumez afin de tenter de réajuster le marché aux nouveaux plans, pendant que le marché avançait. La situation déjà complexe est devenue incompréhensible par toutes les parties.’ Il a précisé que les parties ont dû tenir une réunion de mise au point, que la société Dumez a été invitée à établir un devis récapitulatif en mars 2012, que le premier, du 11 avril 2012, a été refusé car incomplet et erroné, qu’une autre réunion a eu lieu le 1er juin 2012 et a conduit au devis n°30 de la société Dumez Côte d’Azur, du 8 juin 2012, pour un montant de 134 463,56 euros HT.

Les comptes-rendus de chantier produits mentionnent régulièrement des modifications, des plans à faire et en attente, des plannings revus, des prescriptions qui ne sont pas exécutées et reviennent pendant plusieurs semaines (comme relancer la mairie pour un bornage en limite de chemin communal, obligation à la charge de la société Belambra Développement)…

L’expert a fait observer dans son rapport que ‘d’une façon générale, engager un projet d’une telle importance sur la base de documents incomplets tenait d’un pari très risqué pris par un maître d’ouvrage (BELAMBRA) et une entreprise (DUMEZ) tous deux responsables et compétents.’

La société Belambra Développement a pour spécialité selon son code APE la promotion immobilière, et la société Dumez Côte d’Azur est une entreprise de construction de projets complexes. Si la société Dumez est fautive initialement d’avoir proposé des délais de chantier sur la base de plans qu’un professionnel aurait dû juger insuffisants, le retard dans la réalisation du chantier apparaît principalement imputable au maître d’ouvrage, qui a profondément modifié les plans d’exécution après le début du chantier, obligeant les entreprises d’exécution à multiplier les devis d’adaptation, au point de nécessiter une réunion de ‘mise au point’ et un devis général et rectificatif en juin 2012, soit entre 15 jours et 3 semaines avant la date de livraison contractuellement fixée.

Le délai du marché n’a pas été respecté, et le dépassement du délai est principalement imputable au maître d’ouvrage du fait de l’importance des modifications apportées au projet et des devis supplémentaires que cela a induit, de sorte que celui-ci n’est pas fondé à demander l’imputation de pénalités de retard à l’entrepreneur (Cass., 3e Civ., 26 novembre 2003, n° 02-13.875).

Quant à la prime pour travaux achevés en avance sur le planning, elle n’est pas due dès lors que l’avance primable est constituée par une date de réception avancée par rapport à la date de fin des travaux contractuellement déterminée au début de ceux-ci. Or, tel n’est pas le cas ici, la réception ayant été déterminée pour l’ensemble des travaux par l’expert à la date du 27 juillet, un mois après la date de fin des travaux initialement prévue.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a mis à la charge de la société Dumez Côte d’Azur la somme de 48 689,87 euros.

2) Sur les intérêts moratoires

Moyens des parties :

La société Belambra Développement conteste devoir des intérêts moratoires comme déterminé par l’expert, au motif qu’elle n’aurait pas réglé à la société Dumez Côte d’Azur la totalité des sommes dues au titre de son marché, alors que c’est cette société qui est débitrice à son égard.

La société Dumez Côte d’Azur ne forme pas de demande de condamnation de la société Belambra Développement à ce titre dans le dispositif de ses conclusions.

Réponse de la cour :

Les premiers juges ont condamné la société Dumez Côte d’Azur à verser à la société Belambra Développement la somme totale de 28 019,48 euros HT, somme comprenant notamment celle de 1 991,64 euros HT au titre des intérêts moratoires dus par la société Belambra Développement à la société Dumez Côte d’Azur.

La société Dumez Côte d’Azur conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à la société Belambra Développement la somme de 28 019,48 euros HT, au motif que cette société lui devrait la somme de 750 452,74 euros sous déduction de 70 341,70 euros au titre des malfaçons qui lui sont imputables. Il résulte des pièces qu’elle produit que la somme qu’elle demande n’inclut pas d’intérêts moratoires mis à la charge de la société Belambra Développement, de sorte qu’elle ne sollicite donc pas la condamnation de cette société à lui verser cette somme.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de mettre d’intérêts moratoires à la charge de la société Belambra Développement et le jugement sera infirmé de ce chef.

3) Sur les pertes d’exploitation

La société Belambra Développement soutient que la société Dumez Côte d’Azur est redevable des pertes d’exploitation qu’elle a subies du fait du retard des travaux, à hauteur de la somme de 142 313 euros HT, selon l’estimation faite par M. [T], sapiteur missionné par l’expert. Elle précise que le club après travaux est comparable à l’ancien, ayant seulement été déplacé, de sorte que le chiffrage par comparaison est pertinent. Elle fait observer que la société Dumez Côte d’Azur conteste sa qualité à solliciter un préjudice tiré des pertes d’exploitation, mais ne prouve pas le bien fondé de sa contestation.

La société Dumez Côte d’Azur fait valoir que son cocontractant est la société Belambra Développement qui a pour objet la promotion immobilière de logements et est donc en charge de la réalisation des immeubles qui seront ensuite exploités, en tant que clubs de vacances, hôtels ou autres par la société Belambra Clubs en qualité de prestataire de services. Elle soutient donc que la société Belambra Développement est infondée juridiquement à se prévaloir d’un préjudice d’exploitation puisqu’elle n’exploite pas le club une fois édifié ou rénové. Subsidiairement, elle conteste le quantum demandé, indiquant que le préjudice est incertain et que la société Belambra Développement est à l’origine du dommage dont elle demande l’indemnisation.

La société RTP représentée par son liquidateur Maître [P] conclut que la société Belambra Développement n’a pas d’intérêt à agir, sur le fondement de l’article 31 du code de procédure civile, dès lors qu’elle est en charge des programmes immobiliers du groupe Belambra et non de l’exploitation des lieux, n’ayant pas la charge des clubs, et qu’elle ne subit par conséquent aucune perte de ce chef.

Réponse de la cour :

L’article 9 du code de procédure civile énonce qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L’article 31 du même code dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Les premiers juges n’ont pas fait droit à la demande d’indemnisation de la société Belambra Développement, en se référant au rapport d’expertise qui ne retient pas d’indemnisation à ce titre, sans motiver leur décision.

En l’espèce, il résulte des extraits K-bis et des situations au Répertoire Sirene des sociétés Belambra Développement et Belambra Clubs que la première a une activité principale de promotion immobilière de logements, et comme objet social la prise de participation et sa gestion, la gestion immobilière, l’acquisition et la gestion de biens immobiliers, l’assistance à maître d’ouvrage, la construction et la rénovation d’immeubles de vacances, l’activité de marchand de biens ou de promoteur immobilier. La seconde a une activité principale d’hébergement touristique et autre hébergement de courte durée, et comme objet social l’acquisition, l’installation et l’exploitation directe ou indirecte d’hôtels, villages de vacances, résidences de tourisme, etc, ouverts au public et l’exécution des opérations d’organisation ou vente de voyages et séjours, incluant la vente à forfait.

La société Belambra Développement n’a donc pas comme activité principale la gestion d’immeubles de vacances, contrairement à la société Belambra Clubs.

En outre, la société Belambra Développement ne justifie pas avoir exploité le centre de [Localité 9] après les travaux litigieux, ce qui lui aurait permis de prétendre avoir subi un préjudice du fait du retard pris dans les travaux et l’ouverture du centre au public.

Par conséquent, elle est irrecevable à solliciter une indemnisation au titre d’un préjudice d’exploitation.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté cette demande. Statuant à nouveau, la cour dira cette demande irrecevable.

4) Sur les désordres et les travaux de reprise

La société Belambra Développement renvoie aux désordres constatés par l’expert et à son chiffrage auquel elle se rapporte. Elle fait valoir que la société Dumez Côte d’Azur est tenue au paiement des travaux réparatoires en sa qualité de mandataire solidaire du groupement d’entreprise conjointes composé des sociétés SPEED, SOGITH et RTP, et du fait qu’elle est responsable de ses sous-traitants vis-à-vis du maître d’ouvrage. Elle indique que la convention de groupement lui est inopposable et que la société Dumez Côte d’Azur s’est présentée à elle comme mandataire solidaire.

La société Dumez Côte d’Azur conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu dans son décompte et à sa charge les sommes de 4 503 euros (imputée à la société Voxoa) et 708,12 euros (imputée à la société SOGITH), qui correspondent à des griefs dont elle n’a pas été reconnue responsable selon l’expertise. Elle soutient que certains des autres désordres relevés par l’expert ne lui sont pas imputables. Elle indique qu’un groupement momentané d’entreprises avait été constitué entre elle et les sociétés SPEED, SOGITH et RTP, et qu’elle n’était pas mandataire solidaire du groupement mais uniquement mandataire commun selon la convention. Elle en conclut qu’elle ne peut être tenue responsable des éventuels manquements des membres du groupement momentané d’entreprises à l’égard du maître d’ouvrage.

Réponse de la cour :

Il ressort du rapport de l’expert que le coût des travaux propres à remédier aux désordres, malfaçons et non-façons et non conformités contractuelles constatées, par ailleurs non contestés dans leur nature par les parties devant la cour, s’élève à la somme totale de 149 313,82 euros HT, l’ensemble étant imputé à la société Dumez Côte d’Azur, mandataire solidaire du groupement d’entreprises.

De cette somme doit être déduite celle de 4 503 euros imputée par l’expert à la société VOXOA qui a commis des non-facons :

– sous-dimentionnement du réseau sous voirie pour le rejet des eaux de lavage du filtre de la piscine, création d’une bâche tampon nécessaire, dont le coût est de 2 815 euros,

– pas d’accès handicapé à l’entrée du site : aménagement non prévu au contrat, son coût est de 1 688 euros.

La société VOXOA n’est pas membre du groupement momentané d’entreprises dont la société Dumez Côte d’Azur est mandataire, ni n’est liée à cette société à titre contractuel. La société Dumez Côte d’Azur n’a pas non plus la qualité d’entreprise générale ou de maître d’oeuvre, de sorte qu’elle n’est pas débitrice d’une obligation de mise en garde au titre des manquements imputés à la société VOXOA, qui en outre échappent à sa compétence.

La société Dumez Côte d’Azur reconnaît être responsable des désordres imputés à ses sous-traitants, la société AZ Construction et Rénovation et M. [J], à hauteur des sommes de 63 207 euros et 900 euros.

Elle conteste le surplus des désordres mis à sa charge.

4.1) Sur les désordres imputés à la société SOGITH

Moyens des parties :

La société Dumez Côte d’Azur estime que les désordres imputés par l’expert à la société SOGITH ne peuvent lui être opposés en qualité de mandataire du groupement momentané d’entreprises, car la société SOGITH est co-traitant de la société Belambra Développement dans ce cadre, et non son sous-traitant dont elle devrait répondre.

La société Belambra Développement indique que la convention de groupement momentané d’entreprises dont elle n’est pas signataire ne lui est pas opposable, et que la société Dumez Côte d’Azur s’est présentée, selon l’ordre de service n°1, comme mandataire solidaire du groupement momentané d’entreprises, responsable par conséquent des manquements des membres du groupement.

Réponse de la cour :

Les sociétés Dumez Var, RTP, SPEED et SOGITH ont conclu entre elles un contrat de groupement momentané d’entreprises conjointes le 1er décembre 2011, aux termes duquel chaque société indique qu’elle s’est vu confier des lots distincts, 3 à 12 pour la société Dumez Var, 1 et 2 A et B pour la société RTP, 13 pour la société SPEED et 14 et 15 pour la société SOGITH, et que selon l’article 16, ‘chaque membre du groupement demeure personnellement responsable de ses actes et de leurs conséquences à l’égard des autres membres du groupement et des tiers.’ L’article 6 du contrat stipule que ‘les membres du groupement ont décidé de confier à la société Dumez Var le rôle de mandataire commun.’ Selon l’article 17, si l’un des membres du groupement est défaillant, ‘l’exécution de la part de marché du membre du groupement défaillant sera assurée par les soins d’un autre membre ou, le cas échéant, d’une entreprise quelconque choisie par le mandataire commun et agréée par le maître de l’ouvrage.’

Ainsi, il résulte de ce qui précède que la société Dumez Var est mandataire commun non solidaire, aucune solidarité n’étant stipulée expressément ni ne résultant implicitement des termes de la convention. A ce titre, notamment, elle n’a pas la charge de substituer un membre du groupement défaillant, la substitution étant un critère permettant d’établir la solidarité entre les membres du groupement.

La circonstance qu’elle ait été désignée ‘mandataire solidaire du groupement’ dans l’ordre de service ne crée aucune solidarité entre les membres du groupement, dès lors que l’ordre de service n’a aucun caractère contractuel entre elle et le maître de l’ouvrage, étant un acte d’exécution rédigé unilatéralement par le maître de l’ouvrage.

Par conséquent, la société Dumez Var, aux droits de laquelle vient la société Dumez Côte d’Azur, n’a pas à répondre des manquements d’une société co-traitante. C’est à tort que l’expert l’a qualifiée de mandataire solidaire et lui a imputé la somme de 708,12 euros de travaux réparatoires au titre d’une malfaçon des panneaux solaires qu’il impute principalement à la société SOGITH.

4.2) Sur la galerie technique de la piscine

Moyens des parties :

La société Dumez Côte d’Azur fait valoir que le désordre a été identifié par l’expert comme constituant un sinistre relevant de la garantie dommages-ouvrage, déclaré comme tel à l’assureur, le cabinet Eurisk, qui a accepté de le prendre en charge de sorte qu’il ne peut lui être imputé. Elle soutient qu’en refusant l’indemnisation, la société Belambra Développement a laissé s’aggraver le désordre alors qu’elle aurait pu faire valoir auprès de l’assureur ses contestations quant au quantum de l’indemnisation.

La société Belambra Développement fait observer que l’expert a indiqué que le désordre, de nature décennale, pouvait relever de l’assurance dommages-ouvrage, ce qui n’exonère pas la société Dumez Var de sa responsabilité. Elle ajoute avoir refusé l’indemnisation proposée par l’assureur de 8 800 euros HT, jugée trop faible au regard du coût des travaux réparatoires chiffrés par l’expert à la somme de 49 700 euros HT, soit cinq fois plus.

Réponse de la cour :

Conformément à l’article L. 242-1 du code des assurances, l’assurance dommages-ouvrage repose sur un principe de pré-financement, ce n’est pas une assurance de responsabilité : l’assureur qui indemnise son assuré maître d’ouvrage a ensuite un recours subrogatoire contre l’auteur.

Le fait pour le maître d’ouvrage de solliciter son assureur dommages-ouvrage ne le prive pas de son recours en responsabilité à l’égard de l’entrepreneur responsable des désordres tant qu’il n’a pas été indemnisé par son assureur, seule l’indemnisation permettant la subrogation et privant le maître d’ouvrage de son droit à poursuivre l’auteur des désordres.

En l’espèce, la société Belambra Développement a sollicité la garantie de son assureur dommages-ouvrage, la société Eurisk, pour des désordres affectant la galerie de la piscine. L’assureur, au terme de son rapport dressé le 7 mai 2015, a indiqué que le désordre provenait d’une épaisseur insuffisante du revêtement de type Gelcoat à l’intérieur de la goulotte de débordement de la piscine et de l’absence d’engravure permettant l’infiltration d’eau entre le Gelcoat et le support et entraînant le décollement du revêtement de la piscine par poussée hydrostatique. Il a estimé les travaux de reprise à la somme de 8 800 euros TTC.

L’expert, nommé par ordonnance du 2 avril 2013, a procédé à ses opérations d’expertise entre le 31 juillet 2013, date de la première réunion d’expertise, et le 21 juillet 2017, date du dépôt de son rapport. C’est en lecture de ses observations que la société Belambra Développement a sollicité son assureur dommages-ouvrage pour le désordre de la galerie de piscine. Elle a également sollicité la société Air Mer Composites qui a établi à sa demande un devis pour la reprise des désordres le 23 octobre 2015, et en a fait un chiffrage à hauteur de 49 700 euros, cinq mois après la remise du rapport de la société Eurisk qui chiffrait ces mêmes désordres à la somme de 8 800 euros HT.

Il ne ressort pas du rapport de l’expert une aggravation significative du désordre dans le courant de l’année 2015, même s’il souligne l’urgence à intervenir pour éviter l’aggravation des fuites.

Compte tenu de la manifeste insuffisance de l’indemnisation du désordre proposée par son assureur dommages-ouvrage, c’est à bon droit que la société Belambra Développement l’a refusée. Elle ne s’est donc pas privée de son recours contre la société Dumez Côte d’Azur, à qui l’expert impute le dommage. Le coût des travaux réparatoires doit être mis à la charge de la société Dumez Côte d’Azur.

4.3) Sur le caniveau de la piscine

Moyens des parties :

La société Dumez Côte d’Azur fait valoir que le désordre étant constitué par une erreur de conception, il est imputable à l’architecte, lequel n’a émis aucune réserve lorsqu’elle lui a remis le plan de détail de cette partie des travaux.

La société Belambra Développement réplique que l’expert a retenu la responsabilité de la société Dumez Côte d’Azur pour non-façon car c’est un caniveau à 90° qui a été réalisé au lieu d’une cunette préformée avec chanfrein, ce qui constitue un danger pour les usagers. Elle fait valoir que la société a manqué à son devoir de conseil.

Réponse de la cour :

L’expert relève deux désordres : l’installation d’un caniveau au lieu d’une cunette, et l’absence de grille, non prévue au CCTP. Il précise que contrairement à ce que soutient la société Dumez Côte d’Azur, l’ouvrage n’est pas conforme aux plans qu’elle lui a remis et qu’elle devait exécuter, puisque sur les coupes les caniveaux sont horizontaux, alors que sur site l’expert a constaté une inclinaison de 13°, non conforme au plan du bureau d’étude technique Walker.

Il convient donc d’imputer ce désordre à la société Dumez Côte d’Azur du fait de la mauvaise exécution par celle-ci, pour le montant retenu par l’expert, soit 24 061 euros.

Sur les sommes réclamées par la société Dumez Côte d’Azur à la société Belambra Développement

La société Dumez Côte d’Azur demande l’infirmation du jugement qui a rejeté sa demande et sollicite la condamnation de la société Belambra Développement à lui payer la somme de 750 452,74 euros avec intérêts au taux de la BCE majoré de 10 points ou subsidiairement au taux légal majoré de 7 points, ajoutant que de cette somme doit être déduite celle de 70 341,70 euros au titre de malfaçons qui lui sont imputables. Elle précise qu’au terme du décompte général et définitif (DGD), elle a réclamé les sommes de 233 402,45 euros de solde du marché et de 517 050,29 euros de travaux supplémentaires, dont l’expert n’a retenu à tort qu’une partie. Elle soutient que les nombreuses et importantes modifications du marché d’origine ont fait perdre à celui-ci son caractère global et forfaitaire, de sorte qu’elle est fondée à demander au maître d’ouvrage le paiement des travaux supplémentaires effectués.

Elle sollicite la condamnation de la société Belambra Développement à l’indemniser à hauteur de la même somme, subsidiairement pour faute du maître d’ouvrage, défaillant dans la satisfaction de ses obligations et très subsidiairement pour enrichissement sans cause, la société Belambra Développement s’étant enrichie des travaux et prestations supplémentaires réalisés sans contrepartie.

La société Belambra Développement soutient que les parties ont conclu un contrat de marché à forfait conformément aux dispositions de l’article 1793 du code civil, reposant sur un plan arrêté et dont l’économie n’a pas été bouleversée par les modifications apportées qui ne sont pas d’une ampleur exceptionnelle. Elle conteste la somme demandée, précise avoir versé la somme totale de 3 543 364,65 euros HT, de sorte que le montant des sommes qui restent dues à la société Dumez Côte d’Azur au titre des travaux réalisés par ses soins s’élève à 147 402,95 euros HT, mais elle rappelle que cette société est débitrice à son égard de sorte qu’elle ne lui doit rien. Elle estime que la somme de 517 050,29 euros TTC au titre des frais supplémentaires n’est pas justifiée, et que les pièces produites sont fantaisistes. Elle s’oppose aux demandes subsidiaires, faisant observer qu’elle est un professionnel du tourisme et que la société Dumez Côte d’Azur un professionnel de la construction qui aurait dû anticiper qu’au regard d’un marché de plusieurs millions d’euros, quelques adaptations devaient être envisagées. Elle conteste toute faute et demande l’infirmation du jugement qui l’a condamnée à verser 50 000 euros de dommages-intérêts à la société Dumez Côte d’Azur. Au titre de l’enrichissement sans cause, elle fait observer que la somme demandée n’est pas justifiée.

Réponse de la cour :

L’article 1793 du code civil dispose que lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d”uvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

Lorsqu’un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un ouvrage, il ne peut réclamer le paiement de travaux supplémentaires que si ces travaux ont été préalablement autorisés par écrit et leur prix préalablement convenu avec le maître de l’ouvrage ou si celui-ci les a acceptés de manière expresse et non équivoque, une fois réalisés (Cass., 3e Civ., 8 juin 2023, n° 22-10.393).

Cependant, le contrat de marché peut perdre son caractère forfaitaire si les nombreuses difficultés rencontrées dans l’exécution du marché en bouleversent l’économie (Cass., 3e Civ., 24 janv. 1990, n° 88-13.384), ce qui sera le cas s’il connaît des modifications, en cours de réalisation d’un ensemble complexe et évolutif qui peuvent, de par leur nature, leur coût et leur ampleur, lui faire perdre son caractère forfaitaire initial (Cass., 3e Civ., 20 mars 2002, n° 00-16.713), à condition toutefois que ces travaux supplémentaires aient été demandés par le maître d’ouvrage.

Il appartient à la société Dumez Côte d’Azur, qui soutient que les travaux supplémentaires qu’elle a réalisés ont, par leur nature, leur coût ou leur ampleur, constitué un bouleversement de l’économie du contrat justifiant d’écarter la qualification de marché à forfait, d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, le contrat de marché porte sur un montant de 3 450 000 euros HT. Le CCAP stipule en son article 3.1.1 que ‘les ouvrages faisant l’objet du marché seront rémunérés par un prix global et forfaitaire. (…) Tous les travaux supplémentaires ou complémentaires exécutés sans ordre de service du maître de l’ouvrage ne seront pas payés. Le prix du marché est réputé inclure tous les travaux nécessaires au parfait achèvement des ouvrages dans le respect des règles de l’art.’

Ainsi qu’il a été établi plus haut, l’insuffisance des plans d’exécution initiaux a conduit à réaliser de nombreuses modifications alors que les travaux avaient commencé, ce qui a exposé la société Dumez Côte d’Azur à produire de nombreux devis pour répondre à ces modifications. L’architecte [U] précise qu’en avril 2012, la complexité accrue du chantier due à ces modifications a conduit à demander à la société Dumez Côte d’Azur un nouveau devis récapitulatif, accepté après corrections de sorte que les travaux modifiés se sont poursuivis sur cette base.

Il ressort du rapport d’expertise que la société Dumez Côte d’Azur a produit à l’expert son projet de décompte définitif, justifiant la somme supplémentaire demandée de 750 452,74 euros, comprenant :

montant du marché : 3 450 000

+ 673 083,90 euros de travaux supplémentaires (240 767,67 + 394 445 + 37 871,30)

– 3 495 615,05 euros déjà payé par la société Belambra Développement

= 627 468,85 euros HT soit 750 452,74 euros TTC (à 19,6 %).

La comparaison des pièces des parties démontre que les travaux supplémentaires demandés par la société Dumez Côte d’Azur à hauteur de 240 767,67 euros ont été validés par la société Belambra Développement.

A cette somme s’ajoute selon le décompte de la société Belambra Développement celle de 47 749,60 euros dont elle indique qu’il a été facturé à part, pour un mur de clôture. L’expert inclut cette somme dans son décompte définitif. Cependant, la société Dumez Côte d’Azur ne fait apparaître cette somme nulle part dans son projet de décompte définitif ou dans son mémoire en paiement, de sorte qu’il convient de considérer que cette somme, qui a fait l’objet d’une facturation à part, n’est pas réclamée.

Le surplus des sommes demandées correspond à un surcoût des travaux de 394 445 euros qui sont des heures/main d’oeuvre dues au personnel supplémentaire que la société Dumez Côte d’Azur soutient avoir dû affecter au chantier, et à des travaux supplémentaires à hauteur de 37 871,30 euros correspondant à des devis n° 34, 35, 37, 38 et 41 établis entre le 16 juillet 2012 et le 16 novembre 2012. La société Dumez Côte d’Azur ne justifie pas que les travaux correspondant à ces devis aient été demandés ou acceptés par le maître d’ouvrage ou l’architecte. Elle ne justifie d’aucune validation a posteriori de ces travaux.

Par conséquent, les seuls travaux supplémentaires justifiés s’élèvent à 240 767,60 euros HT, ce qui représente moins de 10 % du montant du marché initial. Nonobstant les modifications importantes des plans en cours de chantier, ni le montant, ni la nature ou l’ampleur des travaux supplémentaires ne caractérise un bouleversement de l’économie du marché faisant perdre à celui-ci son caractère forfaitaire.

Quant au surcoût lié à la main d’oeuvre supplémentaire que la société Dumez Côte d’Azur soutient avoir dû affecter au chantier en raison de la désorganisation du marché (selon son mémoire des sommes dues au titre du marché), dès lors que le marché conclu avec la société Belambra Développement n’a pas perdu son caractère forfaitaire, et qu’il ne s’agit pas de travaux supplémentaires acceptés ou validés par le maître d’ouvrage ou le maître d’oeuvre, il ne peut être mis à la charge de la société Belambra Développement conformément à l’article 1793 susvisé.

La société Dumez Côte d’Azur forme une demande d’indemnisation à hauteur de la même somme, à titre subsidiaire pour faute du maître d’ouvrage et à titre très subsidiaire sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Au titre de sa demande subsidiaire, il lui appartient de justifier de fautes de la société Belambra Développement, lui ayant causé un préjudice. Elle se prévaut d’un préjudice tiré des frais supplémentaires du marché et des coûts d’intervention non prévus, causés par l’impréparation du maître d’ouvrage et sa carence à lui fournir les éléments nécessaires à l’exécution du marché.

Cependant, conformément au principe du marché à forfait accepté par la société Dumez Côte d’Azur, les éventuels surcoûts liés à l’exécution du marché ne peuvent être imputés au maître d’ouvrage, sauf acceptation des travaux supplémentaires. Elle n’est donc pas fondée à les réclamer par le biais d’une demande d’indemnisation.

Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a condamné la société Belambra Développement à verser à la société Dumez Côte d’Azur la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage et, statuant à nouveau, la cour rejette cette demande.

Sa demande formulée à titre très subsidiaire sera également rejetée comme étant infondée, les surcoûts allégués étant causés par le marché conclu avec la société Belambra Développement, de sorte que l’enrichissement est causé. Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé de ce chef.

Sur les comptes entre les parties

Conformément à ce qui précède, les comptes entre les sociétés Belambra Développement et Dumez Côte d’Azur s’établissent comme suit, pour le maître d’ouvrage :

– marché : 3 450 000 euros

– travaux supplémentaires : + 240 767,67 euros

– malfaçons : – 143 202,70 euros

– paiement par la société Belambra Développement : – 3 495 615,05 euros (déduction faite de la facture de 47 749,60 euros facturée à part)

soit 51 949,92 euros HT dû par la société Belambra Développement à la société Dumez Côte d’Azur.

Le jugement du tribunal de commerce de Paris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Dumez Côte d’Azur à payer à la société Belambra Dévelppement la somme de 28 019,48 euros HT, et, statuant à nouveau, la cour condamne la société Belambra Développement à payer à la société Dumez Côte d’Azur la somme de 51  949,92 euros HT.

Sur les demandes de la société RTP

1) Sur le paiement du solde du marché

La société RTP représentée par son liquidateur Maître [P] demande la condamnation de la société Dumez Côte d’Azur à lui verser la somme de 32 119,09 euros HT augmentée de la TVA et des pénalités au taux BCE majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures, avec application de l’anatocisme. Elle précise que sa demande était de 87 376,09 euros et que le tribunal a condamné la société Dumez Côte d’Azur à lui en verser une partie, soit 55 357 euros, ce dont elle demande la confirmation, et que sa demande porte sur le surplus rejeté par les premiers juges. Elle soutient que la société a manqué à l’exécution de la convention de groupement momentané d’entreprises en ne présentant qu’une partie de ses réclamations au paiement par le maître d’ouvrage et en ne relayant pas auprès d’elle son mémoire en réclamation.

A l’égard de la société Belambra Développement, elle sollicite sa condamnation à lui verser la somme de 87 376,09 euros HT représentant le solde du marché qui lui est dû. Elle précise que sur ce montant, 55 357 euros représentent des commandes régularisées, justifiées et retenues par le tribunal, et le surplus, soit 32 119,09 euros HT, résulte de modifications de quantités, vérification que l’expert n’a pas faite. Elle soutient que le marché n’a pas de caractère forfaitaire avec les mêmes moyens que ceux développés par la société Dumez Côte d’Azur, et précise que la société Belambra doit être condamnée à payer puisque le groupement momentané d’entreprises ayant un caractère conjoint, il ne peut y avoir de compensation entre ses membres.

Subsidiairement, s’il était considéré qu’il n’y a pas de contrat écrit entre elle et la société Belambra, elle se prévaut d’un contrat verbal avec elle sur le fondement de l’article 1710, dès lors qu’elle a exécuté des travaux moyennant un prix, ce qui implique un accord entre les deux sociétés sur la chose et le prix. Elle ajoute qu’en l’absence de contrat écrit avec la société Belambra Développement, le principe de forfait lui est inopposable, et elle estime justifier des sommes dues et de leur acceptation par le maître d’ouvrage.

In fine, elle demande que pour chacune de ces deux condamnations, les sociétés Belambra Développement et Dumez Côte d’Azur soient condamnées in solidum à les lui verser car les manquements de celles-ci à leurs obligations respectives ont collectivement concouru à son préjudice, justifiant le prononcé d’une condamnation in solidum.

La société Dumez Côte d’Azur conclut à l’infirmation du jugement qui l’a condamnée à verser la somme de 55 357 euros à la société RTP, dès lors que la société RTP était co-traitante et non sous-traitante et que seul le maître de l’ouvrage est tenu de payer le solde du marché au titre du contrat de louage d’ouvrage la liant à cette société. Elle s’oppose au principe de condamnation in solidum en raison de la seule responsabilité de la société Belambra Développement dans l’éventuel préjudice subi par la société RTP.

La société Belambra Développement conteste être débitrice de la société RTP, et se prévaut des conclusions de l’expert qui a fait les comptes et a exclu toute créance entre ces sociétés. Elle rappelle que l’ordre de service a été uniquement signé par la société Dumez Côte d’Azur, alors Dumez Var, qui était son seul interlocuteur, chargé de transmettre les mémoires des membres du groupement, de recevoir les règlements du maître de l’ouvrage et de régler les membres. A ce titre, elle précise que la société Dumez Côte d’Azur lui a adressé un décompte définitif que l’expert n’a pas retenu, considérant que la société Belambra Développement n’est pas débitrice mais créancière au titre du marché. Elle ajoute que les sommes demandées par la société RTP ne sont pas justifiées, qu’elle n’était pas partie aux avenants conclus entre les sociétés RTP et Dumez Var et qu’elle n’a pas accepté les réclamations de la société RTP. Elle conteste l’application des pénalités de l’article L. 441-6 du code de commerce car elle n’est pas débitrice de sommes.

Réponse de la cour :

L’article 1984 du code civil énonce que le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

La convention de groupement momentané d’entreprises conclue le 1er décembre 2011 notamment entre les sociétés Dumez Côte d’Azur et RTP précise en son article 12 que ‘les règlements du maître d’ouvrage seront effectués directement entre les mains du mandataire commun sur le compte ouvert à cet effet dans les livres de la banque à charge pour lui de régler les autres membres.’

La cour constate que la société RTP représentée par son liquidateur demande la même somme aux sociétés Dumez Côte d’Azur et Belambra, à savoir le solde des travaux effectués, en précisant que la somme à l’égard de la société Dumez Côte d’Azur est minorée pour tenir compte de la somme partiellement allouée par les premiers juges. Il ressort de ses écritures que le fondement de la demande à l’égard de la société Dumez Côte d’Azur est la faute contractuelle tirée du manquement à l’exécution de la convention de groupement momentané d’entreprises. Le fondement de la même demande à l’égard de la société Belambra Développement est l’inexécution partielle du contrat, pour non-paiement des travaux supplémentaires.

Il appartient à la société RTP, qui se prétend créancière de sommes, de justifier du quantum de celles-ci conformément aux articles 9 du code de procédure civile et 1315, ancien, du code civil.

Selon son décompte définitif, elle sollicite la somme de 87 376,09 euros correspondant au solde entre la somme totale perçue de 495 195,03 euros HT et le montant de sa part du marché initial (fixé à 502 205,40 euros) majoré des travaux supplémentaires suivants :

– terrassement évacuation de terre : 14 975 euros

– terrassement plus-value pour déblais rocheux : 16 199,04 euros

– treize factures non détaillées pour un total de 49 291,72 euros

Selon le décompte de la situation financière établi par la société Belambra Développement, les travaux supplémentaires de ‘terrassement plus-value pour déblais rocheux’ ont été acceptés et réglés pour la somme de 16 199,04 euros. Les travaux de ‘terrassement évacuation de terre’ ont également été validés par la société Belambra Développement à hauteur de 14 975 euros revenant à la société RTP dans le cadre de l’avenant plus global n° 30 accepté (134 463,56 euros).

En revanche, aucune pièce versée par la société RTP n’établit que les travaux supplémentaires contenus dans les treize factures produites ont été validés par la société Belambra Développement et font partie de ceux acceptés à hauteur de la somme totale de 240 767,67 euros. En effet, les treize factures ont été adressées à la société Dumez Var. Or, la société RTP justifie qu’une partie de ces factures correspond à des commandes de la société Dumez Var, et ne fournit aucun justificatif de commande pour le surplus. Elle ne justifie pas que les factures ont été validées, au-delà de la société Dumez Var, par le maître d’ouvrage. Par conséquent, faute de preuve de l’acceptation par le maître d’ouvrage des travaux supplémentaires visés aux factures produites, la société RTP ne justifie de sa créance qu’à hauteur de 38 084,37 euros (87 376,09 demandé – 49 291,72 non justifié).

La société Belambra Développement établit, selon décompte non contesté (sa pièce 19), que :

– sur le marché initial de 3 450 000 euros elle reste devoir 129 900,57 euros,

– sur les travaux supplémentaires de 240 767,67 euros :

– la somme de 16 199,04 euros a été versée au mandataire commun (situation 6 au 31 mai 2012),

– sur le devis n° 30 (dont à revenir à la société RTP 14 975 euros), elle reste devoir 52 000 euros,

– le surplus des travaux supplémentaires visés, de par leur nature, n’apparaît pas concerner la société RTP.

Ni la société RTP ni la société Dumez Côte d’Azur ne fournissent les pièces comptables permettant de déterminer comment les fonds reçus de la société Belambra Développement ont été affectés entre les co-traitants, et, s’agissant de la société RTP, comment les fonds reçus de la société Dumez Var ont été affectés aux travaux commandés, à titre initial ou au titre des travaux supplémentaires. Dès lors, il doit être considéré que, sur la somme restant due à la société RTP de 38 084,37 euros, la société Belambra Développement a versé 16 199,04 euros, mais ne justifie pas avoir versé le surplus, inclus dans les sommes restant impayées.

La société Belambra Développement sera condamnée à verser à la société RTP, représentée par son liquidateur, la somme de 21 885,33 euros.

Il est établi que la société Dumez Côte d’Azur a perçu la somme de 16 199,04 euros qui était due en totalité à la société RTP. Elle ne justifie pas la lui avoir reversée. En outre, au titre des travaux supplémentaires ayant fait l’objet de treize factures, il a été établi qu’ils ne relevaient pas du marché à forfait et que la société Belambra Développement n’en était pas débitrice. La société RTP justifie pour une partie de ces travaux de commandes de la part de la société Dumez Côte d’Azur à hauteur de 27 590,40 euros. Ces travaux hors forfait sont donc dus par la société Dumez Côte d’Azur. Bien que le paiement lui en ait été demandé, elle ne justifie pas s’en être acquittée conformément à l’article 1315 ancien du code civil. Elle doit donc être condamnée à verser cette somme également à la société RTP. Cette société ne justifie pas, pour le surplus des factures produites, d’une commande de la société Dumez Côte d’Azur. Cette société ne peut donc pas être condamnée à son paiement.

La société Dumez Côte d’Azur doit ainsi à la société RTP représentée par son liquidateur la somme totale de 43 789,44 euros (16 199,04 + 27 590,40). Le jugement du tribunal de commerce doit donc être infirmé en ce qu’il a condamné la société Dumez Côte d’Azur à verser à la société RTP la somme de 55 357 euros. Statuant à nouveau, la cour condamne à la société Dumez Côte d’Azur à verser à la société RTP représentée par son liquidateur la somme de 43 789,44 euros, le reste sans changement (TVA, pénalité de l’article L. 441-6 du code de commerce) sauf à préciser que l’intérêt légal court à compter du 6 décembre 2019, date des conclusions de la société RTP demandant cette condamnation.

En effet, les sommes doivent être assorties des pénalités de l’article L. 446-1 du code de commerce dès lors que la relation entre les sociétés Belambra Développement et RTP, comme entre les sociétés Dumez Côte d’Azur et RTP, relèvent de la prestation de services, l’une étant demandeur et l’autre prestataire au sens de ce texte.

Aucun élément de la procédure ne justifie d’écarter l’anatocisme prononcé par les premiers juges.

Y ajoutant, la cour condamne la société Belambra Développement à payer à la société RTP représentée par son liquidateur la somme de 21 885,33 euros HT, outre la TVA applicable et les pénalités au taux de la BCE majorés de 10 points conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable au contrat de marché litigieux et des intérêts légaux à compter du 6 décembre 2019, avec anatocisme.

Les sommes dues par les sociétés Belambra Développement et Dumez Côte d’Azur étant distinctes, elles ne peuvent être condamnées in solidum à les verser à la société RTP.

2) Sur la fourniture d’une caution bancaire

La société RTP représentée par son liquidateur Maître [P] fait valoir qu’elle est locateur d’ouvrage, représentée par mandat par la société Dumez Côte d’Azur mais néanmoins contractuellement liée à la société Belambra Développement, de sorte que les dispositions de l’article 1799-1 du code civil trouvent à s’appliquer. Elle précise que le marché qui lui a été confié n’a pas été cautionné, en violation de cet article, et qu’elle est en droit d’exiger une caution jusqu’au paiement intégral du prix. Elle soutient que le prix n’a pas totalement été réglé et qu’elle est en droit d’exiger la caution sous astreinte.

La société Belambra Développement soutient que la convention de groupement momentané d’entreprises ne lui est pas opposable, tout comme le montant du marché de la société RTP qui y est porté, de sorte qu’elle n’a aucune obligation de lui fournir une caution. Elle ajoute que la seule sanction de l’article 1799-1 est la possibilité pour l’entrepreneur de surseoir à l’exécution du contrat, sanction dont la société RTP n’a pas usé pendant le chantier.

La société Dumez Côte d’Azur soutient que la société RTP est bien fondée à solliciter une garantie à la société Belambra Développement en sa qualité de co-traitante, dans la mesure où le maître d’ouvrage n’a pas payé le solde du marché, même si celui-ci est achevé.

Réponse de la cour :

L’article 1799-1 du code civil énonce que le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat. (…) Tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l’issue d’un délai de quinze jours.

Il est constant que l’entrepreneur qui n’est pas payé en totalité du montant des sommes dues en application d’un marché de travaux privés peut demander au maître d’ouvrage une caution bancaire tant que le marché demeure impayé, et ce même après le prononcé de la réception (Cass., 3e Civ., 9 novembre 2005, n° 04-20.047).

Il a été établi que la société Belambra Développement, maître d’ouvrage, devait encore la somme de 21 885,33 euros à la société RTP, co-traitante au titre du groupement momentané d’entreprises conjointes. Ce montant demeure impayé, nonobstant la réception des travaux prononcée le 27 juillet 2012.

Il convient donc d’infirmer la décision des premiers juges qui ont rejeté la demande de caution et d’ordonner à la société Belambra Développement de fournir une caution bancaire à la société RTP représentée par son liquidateur, caution correspondant au montant des sommes dues et conforme à l’article 1799-1 précité.

En revanche, faute de preuve que la société Belambra Développement ne défèrera pas à son obligation en exécution de l’arrêt, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la société RTP d’assortir la condamnation d’une astreinte.

3) sur la demande d’indemnisation par la société Dumez Côte d’Azur

La société RTP représentée par son liquidateur Maître [P] demande la condamnation de la société Dumez Côte d’Azur à lui verser la somme de 14 000 euros de dommages-intérêts en réparation des frais et du temps consacré à sa défense alors que cette société avait mandat pour ce faire, la société ayant commis une faute contractuelle à ne pas relayer ses demandes auprès du maître d’ouvrage par violation des dispositions de l’article 23 de la convention de groupement qui prévoit qu’en cas d’action exercée par le maître d’ouvrage, les frais d’avocat sont supportés par les membres du groupement au prorata de leur part de travaux, ce qui suppose une représentation par la société Dumez Côte d’Azur qu’elle n’a pas assurée.

La société Dumez Côte d’Azur conteste toute faute, précisant avoir transmis au maître d’ouvrage toutes les factures émises par la société RTP correspondant aux commandes validées, c’est-à-dire celles correspondant au montant du marché initial et celles correspondant à l’avenant n°01, représentant un total de 486 171,36 euros HT, pour laquelle la société RTP a reçu 461 991,87 euros HT. Le solde dû est de 24 179,49 euros HT, au titre duquel elle indique ne pas être comptable de la carence du maître d’ouvrage dans son paiement. Elle précise avoir intégré toutes les factures validées dans le DGD final et avoir pris l’initiative de la procédure en référé du fait du refus du maître d’ouvrage d’instruire ce DGD et le mémoire de réclamation, comme celle de l’extension de mission de l’expert et ajoute qu’elle a fourni les pièces de la société RTP à l’expert. Elle fait cependant observer que la société RTP est la seule à ne pas avoir assisté aux opérations d’expertise, qu’elle n’a pas adressé ses pièces à l’expert, qu’elle a reçu le pré-rapport et n’a pas fait part d’un désaccord à ce moment-là, demeurant taisante. Enfin, elle précise que la société RTP a pris l’initiative de constituer avocat dès le début de la procédure sans lui demander préalablement d’assurer la défense de ses intérêts.

Réponse de la cour :

La convention de groupement momentané d’entreprises dispose en son article 6 que le mandataire ‘assurera la représentation des membres du groupement et la défense des intérêts de chacun des membres auprès du maître de l’ouvrage. La proposition sera présentée et défendue par le mandataire commun désigné comme seul interlocuteur vis-à-vis du client. Toutefois, il sera assisté par les entreprises membres du groupement qui devront lui fournir tout l’assistance dont il aura besoin, sur simple demande.’

Selon l’article 16, paragraphe 1.2, ‘au cas où l’un des signataires estimerait qu’un préjudice lui a été causé ou risque de lui être causé par le fait d’un des membres du groupement, il devra en informer celui-ci.’

Aux termes de l’article 23, paragraphe b 2), ‘dans le cas où l’action serait intentée par le maître de l’ouvrage, les dépenses afférentes à la défense des entreprises, y compris les honoraires des avocats et arbitres, seront supportés par chacun des membres au prorata de sa part propre de travaux.’

Le mandataire est astreint à une obligation de moyens.

La société Dumez Var, devenue Dumez Côte d’Azur, a produit un projet de décompte définitif le 1er décembre 2012. La société RTP ne justifie pas lui avoir fait part de son désaccord sur les sommes demandées, ni lui avoir indiqué que des sommes lui restant dues ne figuraient pas sur ce projet de décompte. Son propre décompte définitif produit à la procédure date de 2016, et elle ne justifie pas l’avoir fait parvenir à la société Dumez Var.

Elle ne rapporte donc pas la preuve d’une faute de la société Dumez Var, devenue Dumez Côte d’Azur, dans la réclamation du paiement des membres du groupement momentané d’entreprises.

La procédure au fond a été intentée par les sociétés Belambra Développement et Belambra Clubs qui ont assigné notamment les sociétés membres du groupement momentané d’entreprises, après dépôt du rapport d’expert. La société Dumez Côte d’Azur ne justifie pas avoir proposé à ces sociétés de solliciter un avocat commun en application de l’article 23 de la convention. Cependant, il résulte de la procédure que les sociétés membres du groupement ont, pour certaines, été mises en cause par l’expert et que leur responsabilité individuelle était recherchée pour faute d’exécution. Par conséquent, les intérêts divergents des sociétés membres du groupement, susceptibles d’agir en garantie entre elles ou à l’égard du mandataire, excluaient toute défense commune dès l’introduction de l’action en justice. La société Dumez Côte d’Azur n’a donc pas commis de faute à ne pas proposer de défense commune à la société RTP.

La décision des premiers juges de rejeter cette demande sera confirmée.

Sur les appels en garantie

La société Belambra Développement demande la condamnation de la société Dumez Côte d’Azur à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre et la condamnation de la société RTP représentée par son liquidateur à garantir la société Dumez Côte d’Azur de l’ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre. Elle fonde son appel en garantie à l’égard de la société Dumez Côte d’Azur sur la mission de mandataire du groupement momentané d’entreprises de celle-ci incluant les reversements aux membres du groupement des sommes versées par le maître de l’ouvrage.

La société Dumez Côte d’Azur conclut au rejet de la demande formée à son encontre.

La société RTP représentée par son liquidateur Maître [P] soulève l’irrecevabilité de la demande de la société Belambra Développement à ce qu’elle soit condamnée à garantir la société Dumez Côte d’Azur des condamnations prononcées à son encontre en vertu du principe selon lequel nul ne plaide par procureur énoncé à l’article 31 du code de procédure civile, la société Belambra Développement étant dépourvue d’intérêt à former cette demande.

Réponse de la cour :

La société Belambra Développement, qui produit un décompte démontrant qu’elle ne s’est pas acquittée de l’ensemble des sommes dues au titre du contrat de marché à forfait et des travaux supplémentaires validés, a été condamnée à payer à la société RTP le solde du contrat de marché dû à cette dernière, qu’elle lui devait en qualité de maître d’ouvrage. Il n’y a donc pas lieu à garantie de la part de la société Dumez Côte d’Azur qui n’a commis aucune faute en lien avec le défaut de paiement du maître d’ouvrage.

Conformément à l’article 31 du code de procédure civile et au principe selon lequel nul ne plaide par procureur, la société Belambra Développement n’est pas recevable à solliciter la condamnation de la société RTP représentée par son liquidateur à garantir la société Dumez Côte d’Azur du paiement des sommes dues par cette société à son bénéfice.

Sur les demandes de fixation de sommes au passif de la société RTP en liquidation

La cour n’ayant mis aucune somme à la charge de la société RTP représentée par son liquidateur, il n’y a pas lieu à statuer sur une fixation de créance au profit de la société Dumez Côte d’Azur ou de la société Belambra Développement.

Il appartient à la société Dumez Côte d’Azur de notifier au liquidateur la modification du montant des sommes qu’elle doit à la société RTP en vertu du présent arrêt.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, les sociétés Dumez Côte d’Azur et Belambra Développement seront condamnées in solidum à verser à la société RTP représentée par son liquidateur la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Les demandes formées au titre des frais irrépétibles par les sociétés Dumez Côte d’Azur et Belambra Développement seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 21 décembre 2020 en ce qu’il a :

– rejeté la demande de condamnation de la société Dumez Côte d’Azur à lui verser des dommages-intérêts pour préjudice d’exploitation formée par la société Belambra Développement,

– condamné la société Dumez Côte d’Azur à payer à la société Belambra Développement la somme de 28 019,48 euros HT, soit 33 511,30 euros TTC,

– condamné la société Belambra Développement à payer à la société Dumez Côte d’Azur la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts,

– condamné la société Dumez Côte d’Azur à payer à la société RTP la somme de 55 357 euros, augmentés de la TVA et des pénalités au taux Banque Centrale Européenne majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures, conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce, avec anatocisme,

Statuant à nouveau,

DECLARE irrecevable la demande de condamnation de la société Dumez Côte d’Azur à lui verser des dommages-intérêts pour préjudice d’exploitation formée par la société Belambra Développement,

CONDAMNE la société Belambra Développement à verser à la société Dumez Côte d’Azur la somme de cinquante et un mille neuf cent quarante neuf euros et quatre vingt douze centimes (51 949,92 euros) HT, outre intérêts moratoires au taux de l’intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points, à compter du 1er janvier 2013,

REJETTE la demande de condamnation de la société Belambra Développement à lui verser des dommages-intérêts pour faute formée par la société Dumez Côte d’Azur,

CONDAMNE la société Dumez Côte d’Azur à verser à la société RTP, représentée par son liquidateur la société Etude [P] et Guyonnet, la somme de quarante trois mille sept cent quatre vingt neuf euros et quarante quatre centimes (43 789,44 euros) HT, augmentée de la TVA et des pénalités au taux Banque Centrale Européenne majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures, avec anatocisme,

CONFIRME le surplus des dispositions du jugement soumises à la cour,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Belambra Développement à verser à la société RTP, représentée par son liquidateur la société Etude [P] et Guyonnet, la somme de vingt et un mille huit cent quatre vingt cinq euros et trente trois centimes (21 885,33 euros) HT, augmentée de la TVA et des pénalités au taux Banque Centrale Européenne majoré de 10 points et de l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures,

ORDONNE à la société Belambra Développement de fournir une caution bancaire à la société RTP, représentée par son liquidateur la société Etude [P] et Guyonnet, caution correspondant au montant des sommes dues et conforme à l’article 1799-1 du code civil, mais REJETTE la demande d’astreinte assortissant cette fourniture de caution,

REJETTE la demande de la société Belambra Développement de condamner la société Dumez Côte d’Azur à la garantir des condamnations prononcées à son encontre,

DECLARE irrecevable la demande de la société Belambra Développement de condamner la société RTP, représentée par son liquidateur la société Etude [P] et Guyonnet, à garantir la société Dumez Côte d’Azur des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Belambra Développement,

CONDAMNE in solidum les sociétés Dumez Côte d’Azur et Belambra Développement aux dépens, dont recouvrement au profit de Maître [K], et à verser à la société RTP, représentée par son liquidateur la société Etude [P] et Guyonnet, la somme de quatre mille euros (4 000 euros) au titre des frais irrépétibles d’appel,

REJETTE les demandes formées au titre des frais irrépétibles par les sociétés Dumez Côte d’Azur et Belambra Développement.

Le greffier La conseillère faisant fonction de présidente,

 


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