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CF/SH
Numéro 23/02111
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 20/06/2023
Dossier : N° RG 23/00578 – N° Portalis DBVV-V-B7H-IOSM
Nature affaire :
Demande tendant à la vente immobilière et à la distribution du prix
Affaire :
[L] [Z] [H]
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE
S.A. KUTXABANK
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 20 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 25 Avril 2023, devant :
Madame FAURE, Présidente, magistrate chargée du rapport conformément à l’article 785 du Code de procédure civile
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Monsieur SERNY, Magistrat honoraire
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l’appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [L] [Z] [H]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 8]
de nationalité Espagnole
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 4]
Représenté et assisté de Maître GARMENDIA de la SELARL GARMENDIA MOUTON CHASSERIAUD, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEES :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE – direction régionale à [Localité 12] [Adresse 7] agissant poursuites et diligences des Président et Membres de son Conseil d’Administration ainsi que de son Directeur Général demeurant en ces qualités audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée et assistée de Maître CLAUDIO de la SCP ABC AVOCAT, avocat au barreau de BAYONNE
SA KUTXA BANK
[Adresse 9]
[Localité 3] (ESPAGNE)
Assignée
sur appel de la décision
en date du 09 FEVRIER 2023
rendue par le JUGE DE L’EXECUTION DE BAYONNE
RG numéro : 22/00887
EXPOSE DU LITIGE
Vu les poursuites de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne agissant en vertu de la copie exécutoire d’un acte notarié de prêt reçu le 4 septembre 2007 par Maître [I], selon un commandement de payer valant saisie immobilière en date du 1er mars 2022 publié le 11 avril 2022 Volume 2022 S n°6 au Service de la Publicité Foncière de [Localité 6] 1 portant sur des biens immobiliers sis à [Adresse 10], plus amplement désignés dans le cahier des conditions de vente appartenant à Monsieur [L] [Z] [H].
Vu l’assignation délivrée le 2 juin 2022 à la requête de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à l’encontre de Monsieur [L] [Z] [H] aux fins de comparution à l’audience d’orientation du 7 juillet 2022
Vu le dépôt le 7 juin 2022 de l’assignation, du cahier des conditions de vente et de l’état hypothécaire certifié au Greffe du Juge de l’Exécution,
Vu la constitution du créancier inscrit la Kutxabank,
Par jugement d’orientation du 9 février 2023, le juge de l’exécution de Bayonne a :
– rejeté la fin de non-recevoir opposée à la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne,
– débouté Monsieur [L] [Z] [H] de sa demande en annulation du commandement de payer valant saisie,
– mentionné que la créance de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascognes’élève à 253 460,79 €,
– ordonné la vente forcée des biens saisis,
– fixé le montant de la mise à prix à 50 000 €,
– dit que la vente aura lieu le 11 mai 2023, et a précisé les modalités de publicité et de visite,
– dit n’y avoir lieu à application sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge de l’exécution a considéré que la prescription applicable n’était pas la prescription biennale de l’article L 218-2 du code de la consommation puisqu’il s’agit d’un prêt consenti à un particulier poursuivant des fins spéculatives.
Le juge de l’exécution a fixé le point de départ de la prescription à compter de la déchéance du terme au 13 février 2013 interrompue par le jugement d’adjudication du 26 juin 2014 et la lettre de l’avocat du débiteur du 30 mars 2016.
Le juge de l’exécution a rejeté la demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et a ordonné la vente forcée du bien immobilier à l’audience du 11 mai 2023.
Par déclaration du 21 février 2023, Monsieur [L] [Z] [H] a interjeté appel de cette décision et a intimé le créancier poursuivant la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne et le créancier inscrit la SA Kutxabank.
Par ordonnance du 3 mars 2023, Monsieur [Z] [H] a été autorisé à assigner à jour fixe pour l’audience du 25 avril 2023.
Par acte d’huissier des 10 et 13 mars 2023, Monsieur [L] [Z] [H] a assigné la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne et la société Kutxabank devant la cour d’appel dans le cadre de la procédure à jour fixe dans les termes suivants :
Déclarer recevable l’appel interjeté par M. [Z] [H]
Réformer le jugement rendu par le Juge de l’exécution le 9 février 2023 en ce qu’il
a notamment :
– Rejeté la fin de non-recevoir opposée à la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE
– Débouté M. [Z] [H] de sa demande en annulation du commandement de payer valant saisie
– Mentionné que la créance de la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE s’élevait à 240 587,97 €
– Ordonné la vente forcée des biens saisis
– Fixé le montant de la mise à prix de I’immeuble saisi à la somme de 50 000 €
– Fixé la vente à l’audience du jeudi 11 mai 2023 à 14h15
Et statuant à nouveau :
Accueillir la fin de non-recevoir soulevée par M. [Z] [H]
Déclarer prescrite l’action de la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE
Déclarer nul et de nul effet le commandement de payer signifier le 1er mars 2022
Constater l’absence de titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible
Dire la procédure de saisie immobilière nulle et de nul effet
Dire n’y avoir lieu à vente forcée des biens le 11 mai 2023
Ordonner la mainlevée du commandement de payer et de tous les actes de saisie postérieurs
A titre subsidiaire :
Déclarer la demande de paiements des intérêts de CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE prescrite,
Autoriser la vente amiable du bien immobilier saisi par M. [Z] [H] à un prix qui ne saurait être inférieur à 100 000 €,
Ordonner le renvoi de l’affaire devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de BAYONNE
A titre infiniment subsidiaire :
Dire que le montant de la mise à prix de l’immeuble ne saurait être inférieur à 70 000 €
En tout état de cause :
Condamner la banque CREDIT AGRICOLE à régler au requérant la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouter le CREDIT AGRICOLE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Les moyens de Monsieur [L] [Z] [H] sont les suivants :
– la prescription biennale est applicable en l’espèce puisque Monsieur [Z] [H] est un consommateur puisqu’il n’est ni marchand de biens, ni un professionnel de l’immobilier ;
– aucun acte interruptif de prescription ne peut être retenu, même si la prescription quinquennale est applicable ;
– la nullité du commandement de payer valant saisie est encourue en l’absence de mentions obligatoires à défaut de décompte précis ;
subsidiairement :
– toute demande de paiement d’intérêts antérieure au 1e mars 2020 est prescrite, l’assignation ayant été délivrée au 1er mars 2022
très subsidiairement :
– la mise à prix doit être fixée à 70 000 €.
Les conclusions de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne du 14 avril 2023 tendent à :
Débouter Monsieur [Z] [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Confirmer le jugement rendu le 9 février 2023 par le Juge de l’exécution près le Tribunal judiciaire de BAYONNE (RG 23/00578) en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamner Monsieur [Z] [H] au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP ABC AVOCAT en application des dispositions de l’article 699 du même code.
Les moyens de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne sont les suivants :
– les moyens soulevés pour la première fois en appel portant sur la déchéance des intérêts, l’autorisation de vente amiable et le montant de la mise à prix sont irrecevables,
– la prescription quinquennale de droit commun est applicable et plusieurs actes interruptifs de prescription sont intervenus,
– le commandement de payer est valable puisque le décompte fait apparaître le seul versement intervenu le 4 janvier 2016.
MOTIFS
L’article 311-2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre.
Le titre exécutoire en l’espèce est la copie exécutoire de l’acte authentique du 4 septembre 2007 portant prêt d’un montant de 246 943 € au taux effectif global de 4,8548%, comportant une période d’anticipation dans le remboursement.
Ce crédit immobilier a fait l’objet d’une offre préalable de crédit de la part de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne le 10 mai 2007, acceptée le 22 mai 2007 par Monsieur [L] [Z] [H].
L’examen de cette offre de crédit fait apparaître de manière expresse qu’elle est soumise aux dispositions des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation, ce qui reflète bien la volonté commune des parties de considérer Monsieur [Z] [H] comme un consommateur.
Par ailleurs, la destination des fonds portant sur un appartement comme résidence principale et construction à usage locatif, à [Localité 11], qui s’avère être sur l’île de la Réunion, ne confère pas pour autant le statut de professionnel à Monsieur [Z] [H] dont il n’est pas démontré qu’il a agi à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Le fait que la destination de l’appartement soit à des fins locatives n’induit pas pour autant qu’il s’agit d’une activité habituelle pour Monsieur [Z] [H] dont il n’est pas démontré qu’il est un marchand de biens ou un professionnel de l’immobilier.
En conséquence, la prescription applicable est celle de l’article L 137-2 devenu L 218-2 du code de la consommation qui prévoit une prescription biennale.
Il est constant que le point de départ de la prescription est la date de la déchéance du terme pour le capital restant dû et celle de chaque échéance pour le surplus.
Il a été adressé le 25 janvier 2013 par la banque à Monsieur [Z] [H] une lettre de mise en demeure de payer la somme de 14 166, 41 € correspondant à des échéances impayées dont le détail n’est pas communiqué. Cependant il résulte de l’examen du décompte au 7 février 2022 que la banque au 13 février 2013 n’a comptabilisé qu’une somme principale de 240 587,97 € sans faire courir d’intérêts avant cette date. Le commandement de payer du 1er mars 2022 ne fait pas plus état d’échéances impayées.
Aussi, il y a lieu de considérer que la question de la prescription ne se fera que sous l’angle de la date de déchéance du terme, peu important à ce stade le montant du capital restant dû.
La date de déchéance du terme se situe donc au 13 février 2013 du fait de la mise en demeure précitée qui avait donné quinze jours au débiteur pour payer la somme de 14 166, 41 €, sous peine de déchéance du terme.
Néanmoins, il y a lieu de retenir plusieurs actes interruptifs de prescription :
– le jugement du 26 juin 2014 du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion portant adjudication d’un immeuble appartenant à Monsieur [Z] [H] situé à [Localité 11] à la Réunion. Ce jugement d’adjudication ne comporte pas les éléments antérieurs de la procédure immobilière mais constitue un acte interruptif de prescription dès lors que les actes de la saisie immobilière et le fait de requérir la vente sont des actes de poursuite pour le recouvrement de la créance, objet de la présente instance, dont il n’est pas contesté qu’elle était visée également par la précédente saisie immobilière.
– le 15 décembre 2015, le chèque de 73 000 € provenant du prix d’adjudication a été adressé au Crédit Agricole qui a été encaissé le 4 janvier 2016, faisant ainsi repartir à compter de cette date le délai de deux ans.
– le 30 mars 2016, le conseil de Monsieur [Z] [H] a demandé à la banque le montant exact de la dette ce qui est une reconnaissance du droit de la banque même si aucun montant n’est indiqué.
– le jugement du 2 juin 2017 du tribunal d’instance de Bayonne est interruptif de la prescription même s’il déclare Monsieur [Z] [H] irrecevable en sa saisine de la commission de surendettement, dès lors que la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne est partie à la procédure, caractérisant ainsi un acte de poursuite du débiteur.
En revanche, l’acte subséquent matérialisé par un commandement de saisie-vente du 24 octobre 2019 est intervenu plus de deux ans après le jugement du 2 juin 2017. La prescription biennale déjà acquise au 2 juin 2019 n’a pu être interrompue par ce commandement de saisie-vente.
Ainsi, à la date du commandement de payer valant saisie immobilière du 1er mars 2022 qui a donné suite à la procédure de saisie immobilière dont le jugement est attaqué, la prescription de la créance était déjà acquise.
En conséquence, la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne ne dispose pas d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
Il convient donc d’annuler la procédure de saisie immobilière diligentée par la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne par un commandement de payer valant saisie immobilière du 1er mars 2022 et le jugement sera infirmé.
L’équité ne commande pas l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à Monsieur [Z] [H].
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
statuant à nouveau :
Déclare la créance du caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à l’égard de Monsieur [L] [Z] [H] prescrite,
En conséquence, déclare nulle la procédure de saisie immobilière diligentée par la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à partir du commandement de payer valant saisie immobilière du 1er mars 2022 et tous les actes subséquents,
Dit n’y avoir lieu à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne aux entiers dépens comprenant les frais de la saisie immobilière.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE