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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 02 NOVEMBRE 2023
N° RG 20/02299 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LS4G
S.A.R.L. DUFFOUR FONCIER AMENAGEMENTS
c/
[L] [M]
[O] [N]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 juin 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 19/03511) suivant déclaration d’appel du 03 juillet 2020
APPELANTE :
S.A.R.L. DUFFOUR FONCIER AMENAGEMENTS
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
Représentée par Me RONDOT substituant Me Fabrice DELAVOYE de la SELARL DGD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[L] [M]
né le 12 Août 1973 à [Localité 6]
de nationalité Française
Profession : Technicien de piscine,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Albane RUAN de la SELARL RUAN, avocat au barreau de BORDEAUX
[O] [N]
né le 23 Juin 1951 à [Localité 4]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me VANGEL substituant Me Claire SAINT-JEVIN de la SELARL SAINT-JEVIN, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Jacques BOUDY
Conseiller : Monsieur Rémi FIGEROU
Conseiller : Madame Christine DEFOY
Greffier : Madame Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte authentique du 28 mars 2017, Monsieur [L] [M] a acquis une maison en ossature bois située [Adresse 2] à [Localité 5] ( Gironde) auprès de la SARL Duffour Foncier Aménagements.
Les diagnostics en vue de la vente ont été réalisés par Monsieur [O] [N], agissant sous l’enseigne Diagnostics Girondins.
Ayant fait constater postérieurement à la vente, par le cabinet Diagamter, la présence d’amiante dans la maison, M. [M] a mis en demeure la SARL Duffour Foncier Aménagements de lui régler le coût du désamiantage.
La SARL Duffour Foncier Aménagements a alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux d’une demande d’expertise, par assignations des 17, 22, 23 et 26 janvier 2018 à l’encontre de M. [M], la société Diagnostic Girondins et des précédents propriétaires, les consorts [C]-[P].
Par ordonnance de référé du 5 mars 2018, M. [F] a été désigné en qualité d’expert. Il a déposé son rapport le 2 novembre 2018.
Sur la base de ce rapport, M. [M] a, le 2 avril 2019, assigné la société Duffour Foncier Aménagements et M. [N] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux sur le fondement des articles 1641 du code civil à l’égard du vendeur et 1240 du même code à l’égard du diagnostiqueur, afin d’indemnisation.
Par jugement du 9 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– condamné in solidum la SARL Duffour Foncier Aménagements sur le fondement de l’article 1641 du code civil, et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins sur le fondement de l’article 1240 du code civil, à verser à M. [M] la somme de 44 059,20 euros TTC au titre du coût des travaux réparatoires, et dit que dans leurs rapports entre eux, la SARL Duffour Foncier Aménagements sera garantie et relevée indemne de cette condamnation par M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins, et rejeté tout autre recours en garantie,
– condamné la SARL Duffour Foncier Aménagements à verser à M. [M] la somme de 25 000 euros au titre de la reprise du bardage et la somme de 3 000 euros au titre du coût du relogement,
– dit que ces sommes seront indexées sur l’indice BT 01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d’expertise et jusqu’au présent jugement, et porteront intérêts au taux légal au-delà,
– condamné la SARL Duffour Foncier Aménagements à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
– débouté M. [M] de sa demande d’indemnisation du préjudice moral,
– rejeté plus amples demandes d’indemnisation,
– condamné in solidum la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins à verser à M. [M] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins à payer à la SARL Duffour Foncier Aménagements la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– rejeté plus amples demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins supporteront in solidum les dépens en ce compris les frais de référé et d’expertise judiciaire,
– dit que dans leurs rapports entre eux, M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins devra garantir et relever indemne la SARL Duffour Foncier Aménagements à concurrence de 50% de la charge des frais et dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
La SARL Duffour Foncier Aménagements a relevé appel du jugement le 3 juillet 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 août 2023, la SARL Duffour Foncier Aménagements demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et 1240 du code civil :
– d’infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 9 juin 2020 en ce qu’il :
– l’a condamnée à verser à M. [M] la somme de 25 000 euros au titre de la reprise du bardage, et la somme de 3 000 euros au titre du coût du relogement,
– a dit que ces sommes seront indexées sur l’indiceBT 01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d’expertise et jusqu’au jugement, et porteront intérêts au taux légal au-delà,
– l’a condamnée à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
– a débouté M. [M] de sa demande d’indemnisation du préjudice moral,
– rejeté plus amples demandes d’indemnisation,
– l’a condamnée in solidum avec M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins à verser à M. [M] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– a rejeté plus amples demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– a dit qu’elle et M. [N] supporteront in solidum les dépens en ce compris les frais de référé et d’expertise judiciaire,
– a dit que dans leurs rapports entre eux, M. [N] devra la garantir et la relever indemne à concurrence de 50% de la charge des frais et dépens,
– a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,
Et statuant à nouveau,
– de juger que les travaux de remplacement du bardage, les frais de relogement et le préjudice de jouissance de M. [M] sont imputables à la faute de M. [N] qui n’a pas détecté la présence d’amiante,
– de condamner M. [N] à la relever indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
En tout état de cause,
– de juger que le préjudice de M. [M] n’excède pas la somme de 71 000 euros,
– de rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions formulées à son encontre,
– de condamner M. [N] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à son profit,
– de condamner M. [N] au paiement des dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 février 2022, M. [M] demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants et 1240 du code civil :
– de confirmer le jugement en ce qu’il a :
– condamné solidairement la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins à l’indemniser des travaux réparatoires,
– condamné la SARL Duffour Foncier Aménagements à l’indemniser au titre de la reprise du bardage, des frais de relogement et du préjudice de jouissance,
– dit que les sommes seront indexées sur l’indice BT 01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d’expertise et jusqu’au présent jugement, et porteront intérêts au taux légal au-delà,
– condamné in solidum la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
– dit que la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins supporteront in solidum les dépens en ce compris les frais de référé et d’expertise judiciaire,
– d’infirmer le jugement sur les montants des sommes allouées et le rejet du surplus de ses demandes,
statuant à nouveau,
– de condamner solidairement la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] à lui verser à titre de dommages-intérêts équivalents au coût des travaux réparatoires :
– à titre principal : 92 228,80 euros selon devis réactualisés en 2021,
– à titre subsidiaire : 81 354 euros selon devis établis en cours d’expertise,
– de condamner solidairement la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] à lui verser 5 520 euros à titre de dommages-intérêts pour le relogement,
– de condamner solidairement la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de son préjudice moral,
– de condamner solidairement la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] à lui verser à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
– de condamner solidairement la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre des frais exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre à supporter les dépens d’appel, dont les frais de timbre,
– d’ordonner la capitalisation des intérêts et l’indexation des sommes allouées sur l’indice BT 01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d’expertise et jusqu’à complet paiement,
– de condamner solidairement la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] à supporter les frais d’exécution forcée éventuels,
– de débouter toute partie de toutes demandes plus amples et contraires qui seraient formulées à son encontre.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 mars 2021, M. [N] demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants et 1240 du code civil :
– de dire et juger que l’action estimatoire intentée par M. [M] contre son vendeur professionnel la SARL Duffour Foncier Aménagements ouvre droit à une restitution de prix qui n’est pas constitutive de préjudice indemnisable par un tiers au contrat de vente,
dès lors,
– d’infirmer le jugement,
– de débouter M. [M] et la SARL Duffour Foncier Aménagements de l’ensemble de leurs demandes à son encontre,
subsidiairement,
– de dire et juger qu’en présence de matériaux et produits contenant de l’amiante situés à l’extérieur de l’immeuble et ne nécessitant qu’une évaluation périodique sans obligation de travaux, le préjudice de l’acquéreur n’est composé que de la gêne subie par la présence de ces matériaux,
dès lors,
– d’infirmer le jugement,
– de limiter à la somme de 6 000 euros demandée par M. [M] au titre de son préjudice moral, le montant de l’indemnisation éventuellement allouée,
à titre infiniment subsidiaire,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a limité le préjudice de l’acquéreur en lien avec la responsabilité du diagnostiqueur immobilier, aux frais de désamiantage,
– de débouter les autres parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– de condamner la SARL Duffour Foncier Aménagements au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de référé et d’expertise.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2023.
MOTIFS
Sur les responsabilités
Sur la responsabilité du vendeur de l’immeuble
Le tribunal a considéré que le vendeur de l’immeuble était un marchand de biens, soit un professionnel de l’immeuble si bien qu’il ne pouvait ignorer l’existence du vice caché affectant le bien, soit la présence d’amiante qui constituait un vice grave puisqu’il était généralisé car étendu à toutes les façades de la maison, et qu’il pouvait porter atteinte à la santé de ses habitants par émission de fibres lors de la réalisation de travaux. Il en a conclu que l’acheteur de l’immeuble devait être garanti de ce vice caché par son vendeur.
La SARL Duffour foncier aménagements ne conteste pas que la présence d’amiante sur les facades de l’immeuble vendu constitue un vice caché mais estime qu’elle doit être intégralement relevée indemne de toutes les condamnations prononcées par le diagnostiqueur qui n’a pas révélé la présence de cet amiante.
M. [M] sollicite la confirmation du jugement.
M. [N] considère également que la responsabilité du vendeur professionnel est établie de plein droit au titre du vice caché affectant l’immeuble.
***
L’existence d’un vice caché, constitué par la présence généralisée d’amiante sur les façades de l’immeuble vendu, n’est pas contesté.
La qualité de professionnel du vendeur n’est pas davantage discutée.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de la SARL Duffour Foncier Aménagements sur les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil, alors que le vendeur a remis à l’acheteur un document annexé à l’acte de vente l’assurant de l’absence d’amiante alors qu’elle était présente.
Sur la responsabilité du diagnostiqueur
Le tribunal a jugé recevable l’action dirigée par l’acheteur vis-à-vis du diagnostiqueur. Si ce dernier était tenu à une obligation de moyen, il résulte des opérations d’expertise que la présence d’amiante était décelable sans moyens destructifs si bien que le diagnostiqueur a manqué à ses obligations en ne procédant pas à un repérage suffisant des lieux. Le premier juge a ajouté que cette faute était en lien avec le préjudice subi par l’acheteur mais que le coût du désamiantage était le seul préjudice indemnisable en relation directe avec celle-ci, si bien que le vendeur de l’immeuble ne pouvait être relevé indemne qu’à ce titre.
La SARL Duffour Foncier Aménagements considère qu’une telle ventilation n’est pas justifiée car la nécessité de refaire le bardage, les frais de relogement et le préjudice de jouissance sont uniquement imputables à la nécessité de procéder à des travaux de désamiantage, si bien qu’il n’existe donc aucun motif de fait ou de droit pour que les frais subséquents ne soient pas également mis à sa charge, et que par voie de conséquence, M. [N] doit être condamné à la relever indemne de l’intégralité des sommes qui seraient mises à sa charge.
M. [N] soutient que dans la mesure où M. [M] exerce une action estimatoire au sens des articles 1641 et suivants du code civil, il ne peut réclamer à un tiers au contrat de vente les mêmes sommes qu’il demande à son vendeur, et ledit vendeur ne peut former de recours contre un tiers au titre de ces sommes. En conséquence, la SARL Duffour Foncier Aménagements doit être déboutée de son appel en garantie à son encontre. Par ailleurs, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir décelé la présence d’amiante qui n’était pas perceptible par un simple examen visuel sans travaux destructifs. A titre subsidiaire, le préjudice indemnisable en cas d’erreur de diagnostic est équivalent au coût du désamiantage, et en aucun cas des frais de réfection des façades qui ne sont pas en lien causal avec la présence d’amiante.
M. [M] affirme que si M. [N] est tiers au contrat de vente de l’immeuble, l’acheteur peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors qu’il lui a causé un dommage. Or, M. [N] qui a commis une faute en établissant un diagnostic erroné est tenu de réparer l’intégralité du préjudice subi par l’acquéreur final. Il rappelle qu’il ne demande pas une restitution du prix d’achat de la maison mais bien des dommages et intérêts pour compenser les préjudices qu’il subit. L’action indemnitaire est une action autonome et n’est pas subordonnée à l’exercice d’une action rédhibitoire ou estimatoire.
***
L’acquéreur, en tant que tiers au contrat conclu entre le vendeur et le diagnostiqueur, peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Dès lors, M. [M] ayant reçu une information erronée est fondé à rechercher la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur en raison du dommage que lui cause la mauvaise exécution, par ce technicien, du contrat qu’il a conclu avec le vendeur ( Cass. 3e civ., 9 juill. 2020, n° 18-23.920 : JurisData n°2020-009897 ).
En l’espèce, le diagnostiqueur a commis une faute en établissant un rapport affirmant que l’immeuble à vendre était exempt d’amiante alors que l’expert judiciaire a constaté au contraire que des panneaux en fibre-ciment lesquels contenaient de l’amiante revêtaient les façades de l’immeuble, et qu’ils étaient identifiables par sondage visuel depuis les combles ou encore par sondage par résonnance depuis l’extérieur (rapport d’expertise page 8)
Aussi, l’expert judiciaire a considéré que la présence d’amiante pouvait être constatée par M. [N], notamment depuis les combles (rapport d’expertise page 16)
En conséquence, M. [N] a commis une faute en ne menant pas des investigations suffisantes, alors que des diligences courantes que l’on est en droit d’attendre d’un diagnostiqueur par une simple analyse visuelle des combles de l’immeuble, auraient permis de déceler la présence de l’amiante.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé que M. [N] avait commis une faute.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné in solidum le vendeur et le diagnostiqueur au coût du désamiantage. En effet, le vendeur a commis une faute contractuelle en vendant à son acheteur un immeuble présenté comme exempt d’amiante alors qu’il en possédait. Par ailleurs, le diagnostiqueur a commis une faute contractuelle vis-à-vis du vendeur et délictuelle vis-à-vis de l’acheteur en les assurant de l’absence d’amiante dans le bâtiment alors qu’il en possédait. Ces deux fautes, de nature différente, ont néanmoins toutes deux concouru à la réalisation du même préjudice dont M. [M] sollicite la réparation.
En revanche, le jugement sera réformé en ce qu’il a considéré que le coût du désamiantage était le seul préjudice indemnisable en relation directe avec la faute du diagnostiqueur, alors que l’information erronée donnée par ce dernier a causé l’intégralité du dommage à savoir la nécessité de procéder à un désamiantage de l’immeuble avec toutes les conséquences financières qui en découlent et qui ne peuvent être limitées au seul coût du désamiantage.
En conséquence, le jugement entrepris sera également réformé en ce qu’il a dit que dans leurs rapports entre eux, M. [N] devrait relever indemne le vendeur des seuls frais de désamiantage et a limité cette garantie pour les autres condamnations alors que le vendeur qui n’a fait qu’utiliser une information erronée qu’il pensait fiable, provenant d’un professionnel du désamiantage, doit être relevé indemne des toutes les condamnations prononcées contre lui.
Sur les demandes de M. [M]
Sur les travaux réparatoires
Le tribunal a fixé à la somme de 44 059,20 euros TTC le coût des travaux de désamiantage, soit la somme évaluée par l’expert judicaire.
M. [M] demande que le devis de la société Di Environnement d’un montant de 92 228,80 euros selon l’actualisation de son devis initial soit retenu, car il est le seul à prendre en compte l’effet du vent lors du retrait des façades.
La société Duffour Foncier Aménagements soutient que seul le devis réalisé par l’entreprise Valgo, retenu par l’expert judiciaire peut être retenu alors que rien ne permet de présager que des vents violents pourraient affecter la réalisation des travaux.
M. [N] affirme que le désamiantage n’est pas nécessaire.
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Si l’expert judiciaire a considéré que les panneaux litigieux ne présentaient pas en l’état un danger, ils devraient néanmoins être retirés si le bâtiment devait être démoli ou en cas d’interventions techniques destinées à percer ou accoler un nouveau bâtiment. Il a ajouté que la présence de ces panneaux constituait une moins-value qui était au maximum équivalent au montant des travaux de retrait et de remplacement des panneaux de façades par des panneaux de façade ne contenant pas d’amiante.
Or, au titre de cette moins-value, M. [M] est en droit de solliciter la suppression de l’amiante affectant son immeuble.
En conséquence, il est recevable à solliciter la prise en charge du coût du désamiantage une juste réparation
En revanche seul le devis retenu par l’expert judiciaire alors qu’il est moins coûteux et que ce dernier a indiqué qu’il permettrait d’obtenir un résultat équivalent.
En outre s’agissant d’une confirmation il n’y a pas lieu de réévaluer le coût des travaux alors que le tribunal a pris soin de prévoir une indexation habituelle en la matière. En outre le nouveau devis de la société Di environnement du 27 octobre 2021 comprend des prestations différentes de celles objet de son devis du 2 juillet 2018.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la somme de 44 059,20 euros au titre des travaux de désamiantage et celle de 25 000 euros au titre de la reprise du bardage.
Sur les frais de relogement
Le tribunal a fixé à la somme de 3000 euros le coût du relogement conformément au devis qui avait été communiqué.
M. [M] considére que les frais de relogement doivent être fixés à la somme de 5 520 euros dès lors que sa famille et lui-même seront contraints de se reloger 8 semaines, et non pas 4, et que le coût d’un tel relogement s’établit à 5 520 à raison de 92 euros la nuit.
La SARL Duffour foncier aménagements fait valoir que l’expert avait considéré qu’un déménagement pendant 3 semaines était suffisant et pouvait même être évité si des mesures de sécurité suffisantes étaient prises.
***
L’expert judiciaire a fixé à trois semaines maximum, soit le temps de retrait des panneaux contenant de l’amiante, la durée d’inoccupation de l’immeuble, et a considéré que si les travaux étaient réalisés hors saisons, un hébergement d’un coût de 2000 euros était à prévoir.
Le tribunal a fixé à la somme de 3000 euros ce coût, en contemplation des différents devis qui lui ont été soumis.
A la lecture de ces mêmes pièces, il convient de confirmer le jugement sur ce point.
Sur le préjudice moral
Le tribunal a débouté M. [M] de sa demande au titre d’un préjudice moral en l’absence de la démonstration d’une atteinte à son honneur, son affection ou sa considération.
M. [M] fait valoir un sentiment d’anxiété en raison de la présence de l’amiante.
***
Un sentiment d’anxiété est avéré lorsqu’une personne a été soumise à de l’amiante en suspension dans l’air respiré, comme ce fut le cas de certains ouvriers en prise directe avec des particules de ce produit désormais interdit.
En revanche, l’amiante présente sur les façades de l’immeuble de M. [M] est inactive si bien que l’expert a précisé qu’elle n’affectait pas l’utilisation du logement, mais uniquement la possibilité de réaliser des travaux ( rapport d’expertise page 17)
En conséquence, M. [M] ne dispose pas de raisons objectives pour craindre le développement d’un sentiment d’anxiété alors qu’il ne court aucun risque à continuer à vivre dans son immeuble. Il ne communique d’ailleurs aucune pièce médicale qui démontrerait une altération de sa santé psychologique.
Enfin, ainsi que le premier juge l’a justement relevé, il ne démontre pas que la situation qu’il a vécue porte atteinte à son honneur, son affection ou encore à sa considération.
Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande au titre d’un préjudice moral.
Sur le préjudice de jouissance
Le tribunal a fixé à la somme de 1000 euros le préjudice de jouissance de M. [M] en raison de l’absence de jouissance de son immeuble pendant le temps des travaux.
M. [M] demande à la cour de porter cette indemnisation à la somme de 4000 euros. Il fait valoir que sa situation économique ne lui permet pas d’avancer le coût des travaux de reprise nécessaires, et que dès lors il ne peut effectuer le changement des menuiseries qui deviennent vétustes.
La SARL Duffour Foncier Aménagement considère que sa demande parait injustifiée.
***
M. [M] ne démontre pas la nécessité actuelle de procéder à des travaux de menuiserie pour lesquels il ne verse au débat aucun devis.
En conséquence, le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a fixé à la somme de 1000 euros son préjudice de jouissance qui correspond à une juste appréciation de la perte de jouissance de l’immeuble pendant une partie du temps des travaux.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
M. [N] succombant devant la cour d’appel sera condamné aux dépens d’appel et à verser à la SARL Duffour Foncier Aménagements d’une part, et à M. [M] d’autre part la somme 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a limité la condamnation de M. [N] aux seuls travaux de reprise et sauf en ce qu’il a limité la condamnation de celui-ci à garantir et relever indemne la SARL Duffour Foncier Aménagements de ces seuls travaux réparatoires, en conséquence :
Condamne in solidum la SARL Duffour Foncier Aménagements sur le fondement de l’article 1641 du code civil, et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins sur le fondement de l’article 1240 du code civil, à verser à M. [M] la somme de 44 059,20 euros TTC au titre du coût des travaux réparatoires,
Condamne in solidum la SARL Duffour Foncier Aménagements sur le fondement de l’article 1641 du code civil, et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins sur le fondement de l’article 1240 du code civil à verser à M. [M] la somme de 25 000 euros au titre de la reprise du bardage,
Condamne in solidum la SARL Duffour Foncier Aménagements sur le fondement de l’article 1641 du code civil, et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins sur le fondement de l’article 1240 du code civil à verser à M. [M] la somme de 3000 euros au titre du coût du relogement,
Condamne in solidum la SARL Duffour Foncier Aménagements sur le fondement de l’article 1641 du code civil, et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins sur le fondement de l’article 1240 du code civil à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
Dit que ces sommes seront indexées sur l’indice BT 01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d’expertise et jusqu’au présent jugement, et porteront intérêts au taux légal au-delà,
Condamne in solidum la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins à verser à M. [M] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne in solidum la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins à verser à M. [M] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
Dit que la SARL Duffour Foncier Aménagements et M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins supporteront in solidum les dépens de première instance, ceux de référé et d’expertise judiciaire,
Dit que dans leurs rapports entre eux, M. [N] exerçant sous l’enseigne Diagnostics Girondins devra garantir et relever indemne la SARL Duffour Foncier Aménagements de toutes ces condamnations en principal frais et dépens,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les parties de leurs autres demandes,
Condamne M. [N] à payer à M. [L] [M], d’une part et à la SARL Duffour Foncier Aménagements, d’autre part, la somme de 1500 euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel,
Condamne M. [N] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,