Marchand de Biens : décision du 2 juin 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 20/02109

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Marchand de Biens : décision du 2 juin 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 20/02109
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AFFAIRE :N° RG 20/02109 –

N° Portalis DBVC-V-B7E-GTRI

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 24 Septembre 2020 du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP de COUTANCES – RG n° 18/00229

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

APPELANTE :

Madame [U] [I] [M] [F]

née le 22 Juillet 1942 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée et assistée de Me Nicolas MARGUERIE, avocat au barreau de COUTANCES, substitué par Me BELLAMY, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Maître [C] [P]

né le 20 Avril 1962 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représenté et assisté de Me Christophe VALERY, avocat au barreau de CAEN

S.A.R.L. CABINET FOLLIOT

N° SIRET : 441 744 331

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Jean-Jacques SALMON, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 24 mars 2022

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 02 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

[U] [F] est propriétaire de locaux commerciaux situés [Adresse 1], qu’elle a acquis par voie successorale de sa mère, [K] [R] veuve [F] décédée le 1er juillet 2017.

Les locaux étaient occupés précédemment par la SARL MANCHE IMMOBILIER, laquelle a cédé son fonds de commerce à la SARL CABINET FOLLIOT suivant acte authentique établi le 27 novembre 2014 par Maître [C] [P], Notaire.

Considérant que la SARL CABINET FOLLIOT était occupante sans droit ni titre de son bien immobilier, Mme [F] a par acte d’huissier en date du 05 février 2018 fait assigner cette dernière devant le tribunal de grande instance de Coutances aux fins principalement d’ordonner son expulsion.

Suivant acte d’huissier en date du 20 février 2019, la SARL CABINET FOLLIOT a fait assigner Maître [P] aux fins notamment de la garantir de toute condamnation à son encontre le cas échéant.

Les deux procédures ont fait l’objet d’une jonction.

Par jugement en date du 24 septembre 2024, le tribunal judiciaire de Coutances a :

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL CABINET FOLLIOT relative à la prescription de l’action exercée par [U] [F] ;

– dit que la SARL CABINET FOLLIOT était titulaire d’un bail commercial régulier et opposable à Mme [F] ;

– condamné Mme [F] à payer à la SARL CABINET FOLLIOT la somme de 26.460 euros au titre de la perte de son droit au bail commercial ;

– condamné Mme [F] à payer à la SARL CABINET FOLLIOT la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [F] à payer à Maître [P] la somme de 2,000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné Mme [F] aux dépens avec droit au recouvrement direct au profit de la SELARL SALMON ET ASSOCIES ;

– dit n y avoir lieu à prononcer 1’exécution provisoire de la décision;

– débouté les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration du 2 novembre 2020, [U] [F] a fait appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions du 15 juin 2021, elle demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Coutances le 24 septembre 2020 en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir relative à la prescription de son action ;

– réformer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– constater que la SARL CABINET FOLLIOT était occupante sans droit ni titre des locaux commerciaux situés [Adresse 1] et ce sur la période courant du 27 novembre 2014 au 30 juin 2018 ;

A titre subsidiaire,

– si par extraordinaire la SARL CABINET FOLLIOT justifiait d’un droit au bail, constater que celle-ci ne respectait pas la clause de destination exclusive (article 12) stipulée aux termes du bail commercial du 28 juillet 1965 ce qui justifiait la résiliation judiciaire du bail aux torts du preneur ;

En toute hypothèse,

– constater que la SARL CABINET FOLLIOT a acquiescé aux prétentions de Mme [F] et reconnu le bien-fondé de celles-ci en libérant les lieux à compter du 30 mars 2018 ;

En conséquence,

-condamner la SARL CABINET FOLLIOT au paiement à Mme [F] d’une indemnité d’occupation d’un montant de 26.875,00 euros sur la période courant du 27 novembre 2014 au 30 juin 2018 sauf à déduire la somme de 11.838,76 euros (soit 275,32 euros X 43 mois) d’ores et déjà versée par la SARL CABINET FOLLIOT ;

– débouter la SARL CABINET FOLLIOT de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

– débouter Maître [C] [P] de ses demandes à l’encontre de Mme [F] ;

– condamner la SARL CABINET FOLLIOT à payer à Mme [F] une indemnité de 4.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP DOREL-LECOMTE-MARGUERIE par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 26 août 2021, la SARL CABINET FOLLIOT demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement en son principe et sur l’appel incident de la SARL CABINET FOLLIOT, condamner Mme [F] au paiement de la somme de 37.800 euros au titre de la perte du droit au bail ;

– condamner Mme [F] au paiement d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de mauvaise foi ;

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné Mme [F] au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner au paiement d’une somme de 3 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel ;

– la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL SALMON & ASSOCIES ;

S’il était en tout ou partie fait droit à la demande de Mme [F] et sur l’appe1 incident de la SARL CABINET FOLLIOT,

– condamner Maître [P] à garantir la SARL FOLLIOT de toute condamnation qui pourra être prononcée à son encontre ;

– pour le cas où Mme [F] ne serait pas condamnée à réparer le préjudice subi du fait de la perte du droit au bail, condamner Maître [P] à indemniser 1a SARL FOLLIOT de la perte du droit au bail et le condamner au paiement de la somme de 37.800 euros à titre de dommages et intérêts ;

– condamner en cette hypothèse Maître [P] au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appe1 dont distraction au profit de la SELARL SALMON ET ASSOCIES par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 17 novembre 2021, Maître [P] demande à la cour d’appel de :

À titre principal,

– confirmer le jugement déféré ;

– à titre subsidiaire, en cas d’infirmation du jugement, déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes de Mme [F] ;

– titre infiniment subsidiaire, en cas d’infirmation du jugement et pour le cas où la Cour retiendrait l’action de Madame [U] [F] comme étant recevable dire que les demandes indemnitaires de Mme [F] ne sont pas certaines, et l’en débouter ;

– débouter la SARL CABINET FOLLIOT de son appel incident et de toutes ses demandes à l’encontre de Maître [C] [P] ;

– dire que le préjudice de la SARL CABINET FOLLIOT n’est pas certain, et la débouter de toutes ses demandes l’encontre de Maître [C] [P] ;

En toute hypothèse,

– condamner in solidum Mme [F] et la SARL CABINET FOLLIOT à payer une indemnité de 5000 euros à Maître [C] [P], au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum Mme [F] et la SARL CABINET FOLLIOT aux entiers dépens, tant de la procédure d’appel que de la procédure en première instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

SUR CE, LA COUR

– Sur la prescription

Mme [F] soutient que son action est soumise à la prescription quinquennale et qu’elle n’est pas prescrite le délai ayant commencé à courir lors de l’occupation de l’immeuble par la SARL CABINET FOLLIOT soit le 12 décembre 2014.

La SARL CABINET FOLLIOT soulève la prescription de l’action engagée par Mme [F] soumise à la prescription biennale de l’article L145-60 du code de commerce, le tribunal ayant reconnu l’existence d’un bail commercial. Elle fait en outre valoir que Mme [F] invoque une irrégularité dans la cession du droit au bail intervenue en 1973 au profit de M. [N] de telle sorte que le point de départ de la prescription est le 1er avril 1973.

Maître [P] expose que :

– le litige est relatif à un fond de commerce et donc à un acte de commerce et que la prescription de l’article L110-4 du code de commerce est applicable ;

– que le point de départ de ce délai est la cession du fonds de commerce entre M. [N] et la SARL MANCHE IMMOBILIER le 9 octobre 1992 ou au plus tard la date à laquelle Mme [F] est devenue bailleresse soit le 3 décembre 1999 ;

– si l’action de Mme [F] doit être considérée comme fondée sur la responsabilité civile délictuelle de la SARL CABINET FOLLIOT, le délai de prescription de 30 a été réduit à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 et le nouveau délai de 5 ans courait à compter de l’entrée en vigueur de la loi soit le 19 juin 2008 et a expiré le 19 juin 2013 ;

– que l’action relative à un bail commercial et à sa cession est bien soumis à la prescription biennale de l’article L145-60 du code de commerce ;

– que le moyen de Mme [F] sur l’irrégularité de la cession du bail au profit de M. [N] a été formulé pour la première fois en cause d’appel dans des conclusions du 1er février 2021 et que dès lors l’assignation délivrée le 5 février 2018 n’avait pas pu interrompre le délai de prescription.

L’article L145-60 du code de commerce énonce que toutes les actions exercées en vertu du chapitre V du titre IV du livre 1er du code de commerce se prescrivent par deux ans.

Cette prescription ne s’applique pas à toutes les actions mettant en jeu un bail commercial mais uniquement à celles impliquant des dispositions propres au statut des baux commerciaux.

Les actions qui mettent en cause le droit commun des baux d’immeuble ou l’application des obligations contractuelles sont soumises au délai de prescription de droit commun.

En l’espèce, c’est à bon droit que le tribunal a retenu que l’action de Mme [F] relative à une demande d’indemnité d’éviction à la suite de l’occupation de locaux commerciaux sans droit ni titre relevait de la prescription quinquennale de droit commun prévue à l’article 2224 du code civil qui prévoit comme point de départ le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’action est engagée contre la SARL CABINET FOLLIOT que Mme [F] considère comme occupante sans droit ni titre des locaux commerciaux situés [Adresse 1].

La SARL MANCHE IMMOBILIER a cédé le fonds de commerce au CABINET FOLLIOT le 27 novembre 2014. L’acte de cession a été signifié à Mme [F] le 12 décembre 2014.

C’est donc à partir de cette date que Mme [F] a eu connaissance de l’occupation des locaux par la société CABINET FOLLIOT.

L’assignation a été délivrée le 5 février 2018. Il sera relevé que c’est la date de l’assignation formulant la demande qui importe et qui interrompt la prescription et non la date de développement des différents moyens.

L’action n ‘est donc pas prescrite.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur le droit d’occupation de la SARL CABINET FOLLIOT

Mme [F] conteste la cession de bail intervenue en 1973 entre la première SARL MANCHE IMMOBILIER et M. [N] précisant que l’acte de cession du bail au profit de M. [N] n’a jamais été produit alors que le bail commercial initial précisait que la validité de la cession était subordonnée à sa régularisation par un acte authentique.

Elle précise qu’il n’est justifié d’aucun acte de sa part établissant qu’elle aurait accepté sans équivoque M. [N] comme titulaire du bail commercial.

Elle soutient qu’en conséquence la SARL CABINET FOLLIOT ne peut avoir bénéficié d’une cession de bail régulière, ne pouvant détenir plus de droit que son auteur en l’espèce la seconde SARL MANCHE IMMOBILIER qui n’en détenait aucun et que la SARL CABINET FOLLIOT a d’ailleurs expressément acquiescé à sa demande en quittant les lieux le 30 juin 2018.

La SARL CABINET FOLLIOT fait valoir que la bailleresse a acquiescé aux différentes cessions du bail intervenues depuis 1965 soit expressément soit de manière tacite et non équivoque.

Elle conteste avoir reconnu sa qualité d’occupante sans droit ni titre et précise qu’elle a quitté les lieux suite à la demande de résiliation du bail et de son expulsion formulée par la bailleresse dans l’assignation du 5 février 2018, demandes qu’elle a contestées devant le tribunal judiciaire de Coutances par conclusions du 29 mai 2018.

Maître [P] précise que le droit au bail a été transféré à M. [N] lors des opérations de liquidation de la première SARL MANCHE IMMOBILIER et qu’à compter du 1er avril 1973, M. [N] a exploité le fonds de commerce dans les locaux appartenant à Mme [F] jusqu’à la cession de bail intervenue au profit de la seconde SARL MANCHE IMMOBILIER le 9 octobre 1992.

Il indique que la bailleresse a accompli plusieurs actes positifs manifestant sa volonté non équivoque de ne pas se prévaloir de la prétendue irrégularité de la cession et qu’en tout état de cause en l’espèce un acte de cession n’était pas nécessaire dès lors qu’il y avait eu par l’effet de l’article 1844-9 du code civil une transmission automatique de patrimoine de l’ancienne SARL MANCHE IMMOBILIER, liquidée, à M. [N].

Suivant acte notarié du 28 juillet 1965, M. [Y], alors propriétaire de l’immeuble sis [Adresse 1], a donné à bail un local à usage commercial à M. et Mme [T]. Ce bail prévoit que les preneurs « ne pourront céder leur droit au bail ni sous louer en tout ou partie sans le consentement exprès et par écrit des bailleurs à peine de nullité des cessions et sous-locations et même résiliation du bail de plein droit, si bon semble aux bailleurs, sauf application toutefois des articles 78 deuxième alinéa et 79 de la loi du 1er septembre 1948, si ce n’est toutefois à un successeur dans leur commerce ».

Le bail précise en outre que la cession ou la sous-location ne sera valable qu’autant quelle sera régularisée par acte authentique du ministère du notaire des bailleurs auquel ceux-ci auront été appelés et qui contiendra engagement envers eux des cessionnaires ou sous-locataires.

Par acte authentique du 14 octobre 1965, les époux [T] ont cédé leur bail aux époux [D] avec acceptation expresse du bailleur.

M. et Mme [F] ont acquis l’immeuble le 10 mars 1970, l’acte de vente mentionnant l’existence du bail commercial au profit des époux [D].

Suivant acte notarié des 25 et 29 février 1972, M. [A], syndic à la liquidation de biens de M. [D], a cédé le droit au bail commercial à la SARL MANCHE IMMOBILIER. M. et Mme [F] ont expressément consenti à cette cession.

Le bail commercial était alors modifié quant à l’activité pouvant être exercée dans les locaux, et il était indiqué qu’au lieu de pratiquer dans les lieux loués le commerce de droguerie, la société MACHE IMMOBILIER pourrait exercer son objet social c’est à dire tout ce qui concerne les transactions immobilières, la création ou l’acquisition et l’exploitation de tous autres fonds ou établissements similaires et généralement toute opérations industrielles, commerciales ou financières, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à cet objet social ou susceptibles d’en faciliter l’extension ou le développement.

Par requête en date du 26 avril 1973, M. [Z], liquidateur amiable de la société SARL MANCHE IMMOBILIER, a sollicité du président du tribunal de commerce de Saint-Lô, l’autorisation pour le compte de la société de cession du droit au bail portant sur les locaux sis [Adresse 1] ainsi que du matériel le meublant.

Par ordonnance du 27 avril 1973, le président du tribunal de commerce de Saint-Lô a précisé qu’il était sollicité l’autorisation de céder une partie de l’actif de la société au profit de M. [H] [N] ancien actionnaire de la société et porteur de 90 parts sociales et a accordé l’autorisation sollicitée.

Comme l’ont relevé les premiers juges, il résulte de l’acte de cession du 9 octobre 1992 au bénéfice de la nouvelle SARL MANCHE IMMOBILIER, que M. [N] était agent immobilier et qu’il a cédé un fonds de commerce de marchand de biens, agence d’affaires.

La cession du bail à M. [N] n’était pas soumise à l’accord exprès du bailleur s’agissant d’un successeur dans le commerce.

Cette cession n’a pas été constatée par acte notarié.

Il sera toutefois relevé que les bailleurs ont perçu les loyers commerciaux pendant plus de 19 ans.

Par courrier adressé à M. [N] versé aux débats, le notaire chargé de la gestion, indique qu’il est chargé de lui demander la révision de son loyer à compter du terme de mars 1990, ce qui établit que M. [N] était identifié et accepté comme étant le preneur.

Par ailleurs, M. et Mme [F] ont, par acte d’huissier du 6 octobre 1992, été sommés d’assister à la signature de l’acte de cession du fonds de commerce par M. [N] à la nouvelle SARL MANCHE IMMOBILIER intervenant le 9 octobre 1992.

M. et Mme [F] n’ont pas donné suite à cette sommation, ne se sont pas opposés à la cession et n’ont pas alors fait valoir que M. [N] ne disposait pas d’un bail leur étant opposable.

Ils ont continué à percevoir les loyers de la SARL MANCHE IMMOBILIER pendant de nombreuses années.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les bailleurs ont par des actes positifs manifesté sans équivoque leur acceptation de la cession du bail réalisée au profit de M. [N].

La cour reprend les motifs du tribunal pour retenir que la cession du bail au profit de la SARL MANHE IMMOBILIER le 9 octobre 1992 puis la cession du bail au profit de la société CABINET FOLLIOT le 27 novembre 2014 sont régulières.

Par conséquent, la société CABINET FOLLIOT était bien titulaire d’un bail commercial sur les locaux situés [Adresse 1].

Selon les termes de l’article 384 du code de procédure civile, en dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l’instance s’éteint accessoirement à l’action par l’effet de la transaction, de l’acquiescement, du désistement d’action ou, dans les actions non transmissibles par le décès d’une partie.

L’article 408 du code de procédure civile énonce que l’acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l’adversaire et renonciation à l’action.

En l’espèce, il est constant que la SARL CABINET FOLLIOT a quitté les locaux situés [Adresse 1] et a rendu les clés le 29 juin 2018.

Dans un courrier du 28 juin 2018 adressé au conseil de Mme [F], le conseil de la SARL CABINET FOLLIOT indiquait : « Pour faire suite à votre demande de voir constater que la SARL CABINET FOLLIOT est occupante sans droit ni titre des locaux commerciaux qu’elle occupe à [Adresse 10], elle libère les lieux ce 30 juin 2018 ».

Il ne peut se déduire de ce courrier de manière certaine qu’il s’agit d’une reconnaissance du bien-fondé des prétentions de Mme [F] relatives à l’absence de bail commercial régulier.

Devant le tribunal judiciaire, la SARL CABINET FOLLIOT a toujours revendiqué l’existence d’un bail commercial.

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté le moyen relatif à l’acquiescement par la SARL CABINET FOLLIOT aux prétentions de Mme [F].

A titre subsidiaire, Mme [F] demande à la cour dans le dispositif de ces dernières conclusions de constater que la SARL CABINET FOLLIOT ne respectait pas la clause de destination exclusive stipulée au bail ce qui justifiait la résiliation aux torts du preneur.

Les demandes de « constater » ne constituent pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer étant ajouté qu’aucun moyen n’est développé sur ce point dans les conclusions de l’appelante.

Au vu de ces éléments, le jugement déféré sera confirmé et Mme [F] sera déboutée de sa demande d’indemnité d’occupation.

– Sur la demande d’indemnisation de la perte du droit au bail de la SARL CABINET FOLLIOT

Mme [F] conteste le droit de la SARL CABINET FOLLIOT à réclamer une indemnité pour perte d’un droit au bail, inexistant, la SARL CABINET FOLLIOT ayant de surcroît quitté les lieux ce son propre chef.

Elle fait valoir que seul le préjudice réellement subi peut être indemnisé et qu’en l’espèce la SARL CABINET FOLLIOT ne justifie pas d’un préjudice économique et ne pourrait en toute hypothèse être indemnisée que sur la période du 1er juillet 2018 au 1er août 2019, date de l’échéance du bail.

La SARL CABINET FOLLIOT indique qu’elle est bien fondée à solliciter la réparation du préjudice que lui a fait subir la résiliation du bail précisant que le droit au bail se calcule sans se limiter à l’expiration de la période contractuelle en cours.

La SARL CABINET FOLLIOT a quitté les locaux commerciaux le 30 juin 2018 à la suite de la signification de l’assignation du 5 février 2018 devant le tribunal judiciaire de Coutances.

C’est donc l’action et la demande de la bailleresse qui sont à l’origine du départ du preneur sans que la bailleresse puisse invoquer une absence de bail commercial ou justifier d’un motif grave et légitime de résiliation du bail.

La SARL CABINET FOLLIOT est donc fondée à solliciter une indemnité d’éviction puisqu’elle a perdu son droit au bail.

Les parties ne contestent pas le principe de la méthode différentielle appliquée par le tribunal.

La SARL CABINET FOLLIOT payait un loyer de 275 euros par mois.

Mme [F] verse aux débats quatre exemples de loyer de commerces situés dans la même rue.

Dans ses conclusions elle évalue elle-même à 625 euros le loyer pouvant être retenu en cas de conclusion d’un nouveau bail considérant la superficie des locaux et leur situation privilégiée.

Dès lors, l’indemnité d’occupation d’éviction, calculée sur la durée du bail, peut être évaluée à la somme de : 625 – 275 x 12 x 9 = 37800 euros.

Le jugement sera infirmé sur le montant de la somme due à la SARL CABINET FOLLIOT au titre de la perte de son droit au bail et Mme [F] sera condamnée à payer à la SARL la somme de 37 800 euros à ce titre.

Les demandes en garantie de la SARL CABINET FOLLIOT à l’encontre de Maître [P] sont formées à titre subsidiaire s’il n’était fait droit aux demandes de Mme [F]. Elles sont donc sans objet.

La SARL CABINET FOLLIOT fait une demande de dommages et intérêts contre Mme [F] pour procédure abusive et de mauvaise foi. Aucun moyen n’est articulé dans les dernières conclusions de la SARL à l’appui de cette demande qui n’apparaît pas fondée et sera rejetée.

Les dispositions du jugement relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront confirmées, Mme [F] succombant en ses prétentions et son action contre la SARL CABIUNET FOLLIOT étant à l’origine de l’appel sur la cause de Maître [P].

Pour les mêmes motifs, Mme [F] sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de la SARL CABINET FOLLIOT.

Elle sera condamnée à payer au cabinet FOLLIOT la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et la somme de 2000 euros à Maître [P] sur le même fondement.

Mme [F] sera condamnée aux dépens d’appel avec distraction au profit de la SELARL SALMON ET ASSOCIES en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Maître [P] sera débouté de ses demandes formées à l’encontre de la SARL CABINET FOLLIOT au titre des l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement déféré sauf sur le montant de la somme due à la SARL CABINET FOLLIOT au titre de la perte de son droit au bail commercial ;

STATUANT à nouveau du chef du jugement infirmé ;

CONDAMNE [U] [F] à payer à la SARL CABINET FOLLIOT la somme de 37 800 euros au titre de la perte de son droit au bail commercial ;

AJOUTANT au jugement ;

CONDAMNE [U] [F] à payer à la SARL CABINET FOLLIOT la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

CONDAMNE [U] [F] à payer à Maître [C] [P] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

CONDAMNE [U] [F] aux dépens d’appel avec distraction au profit de la SELARL SALMON ET ASSOCIES en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

N. LE GALLF. EMILY

 


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