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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 10
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00861 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFAD5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2020022495
APPELANTE
S.A.S. LURI
ayant son siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 533 873 667
Représentée par Me Emmanuel NOMMICK, avocat au barreau de PARIS, toque : C1647
Représentée par Me Jean Marc HOURSE Avocat au Barrreau de LYON, Avocat plaidant
INTIMEES
S.A.S. OBJECTIF CONSTRUCTION 106
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 832 471 650
Représentée par Me Christian CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0384
Représentée par Me Laura GIRAUDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0384, avocat plaidant
S.A.S. ANAXAGO
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 4]
N° SIRET : 539 539 064
Représentée par Me Christian CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0384
Représentée par Me Laura GIRAUDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0384
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signée par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Président pour Edouard LOOS, Président empêché et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
La société Luri réalise des opérations de marchand de biens sur la région lyonnaise.
La société Anaxago, immatriculée en tant que conseiller en investissements participatifs auprès de l’ORIAS, gère une plateforme de financement participatif permettant à des investisseurs privés de financer des programmes immobiliers.
La société Objectif Construction 106 est une société « véhicule » constituée par la société Anaxago en 2017 ayant pour objet une activité de « holding de financement ».
Par courriel du 3 mars 2018, la société Luri a demandé à la société Anaxago par l’intermédiaire de la société « Carte financement » un financement de 1 500 000 d’euros.
A la suite d’une lettre de proposition du 9 mars 2018 de la société Anaxago, la société Luri a souscrit un « financement corporate », sous forme d’emprunt obligataire pour un montant de 1 500 000 d’euros pour 24 mois avec la société Objectif Construction 106.
Le 22 mars 2018 la société Luri a payé à la société Anaxago la somme de 150 000 euros au titre des honoraires prévus au contrat.
Le 17 octobre 2019, la société Luri a remboursé par anticipation la somme de
1 500 000 euros et payé 300 000 euros d’intérêts (soit un total de 1 800 000 euros).
La société Objectif Construction 106, considérant que selon l’application du contrat, les intérêts dus au 17 octobre 2019 étaient de 356 712 euros, a demandé le paiement d’un reliquat de 56 712 euros.
Cette demande étant restée infructueuse, la société Objectif Construction 106 a assigné en référé la société Luri pour obtenir le paiement de ladite somme.
Par ordonnance de référé du 6 mars 2020, le président du tribunal de commerce de Paris a ordonné le paiement de la somme de 56 712 euros.
Par acte d’huissier de justice en date du 11 juin 2020, la société Luri a assigné la société Objectif Construction 106 et la société Anaxago devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de prononcer la réduction des honoraires, outre la nullité de la convention stipulant le montant des honoraires.
* * *
Vu le jugement prononcé le 15 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris qui, a statué comme suit :
– Déboute les parties de leurs demandes,
– Condamne la société Luri à payer à la société Anaxago et à la société Objectif Construction 106 la somme de 6 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne la société Luri aux dépens de la présente instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 euros dont 15,64 euros de TVA, constate que ordonne l’exécution provisoire est de droit, ce y compris l’article 700.
Vu l’appel déclaré le 05 janvier 2022 par la société Luri,
Vu les dernières conclusions signifiés le 07 mars 2023 par la socie’te’ Luri,
Vu les dernières conclusions signifiées le le 12 avril 2023 par les socie’te’s Anaxago et Objectif Construction 106,
La société Luri demande à la cour de statuer comme suit :
Vu les articles 6, 1137, 1162, 1165 et 1223 du code civil, L411-2 et suivants du code monétaire et financier, L441-9 du code de commerce ;
– Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu’il a :
* Débouté la société Luri de l’ensemble de ses demandes,
*Condamné cette dernière à payer 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant de nouveau :
– Prononcer la nullite’ des conventions qui lient les sociétés Luri, Anaxago et Objectif Construction 106 et condamner ces dernie’res :
* A rembourser l’inte’gralite’ des inte’rêts verse’s soit la somme de 356 712 euros,
* A rembourser les 150 000 euros d’honoraire, outre inte’re’ts au taux le’gal a’ compter de la date de de’livrance de l’assignation.
A titre subsidiaire :
– Condamner la société Anaxago a’ rembourser les deux factures d’honoraires pour 150 000 euros, outre inte’rêts à compter de l’assignation en re’fe’re’, au titre de la re’duction des honoraires,
– Condamner les sociétés Anaxago et Objectif Construction 106 a’ payer 150 000 euros de dommage et inte’rêts,
Condamner in solidum les sociétés Anaxago et Objectif Construction 106 aux entiers de’pens outre la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Les socie’te’s Anaxago et Objectif Construction 106 demandent à la cour de statuer comme suit :
Vu les dispositions des articles 1102, 1103, 1193 et 1993 du code civil, L211-1 II 1 et 2, L411-2 I bis, L547-1 et L547-9 du code monétaire et financier, L 228-1 du code de commerce ;
– Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 15 de’cembre 2021 en ce qu’il a rejete’ les demandes de paiement formule’es par la socie’te’ Luri a’ l’encontre de la socie’te’ Objectif Construction 106 et de la socie’te’ Anaxago et l’a condamne’e au titre de l’article 700 du code de proce’dure civile ;
– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 15 de’cembre 2021 en ce qu’il a rejete’ les demandes formule’es par la socie’te’ Objectif Construction 106 et la socie’te’ Anaxago a’ l’encontre de la socie’te’ au titre de la proce’dure abusive.
Statuant a’ nouveau,
– Condamner la socie’te’ Luri a’ payer a’ la socie’te’ Objectif Construction 106 la somme de 10 000 euros au titre de la proce’dure abusive dans le cadre de la premie’re instance
– Condamner la socie’te’ Luri a’ payer a’ la socie’te’ Anaxago la somme de 25 000 euros au titre de la proce’dure abusive dans le cadre de la premie’re instance ;
En tout e’tat de cause,
– Rejeter l’inte’gralite’ des demandes formule’es par la socie’te’ Luri a’ l’encontre de la socie’te’ Objectif Construction 106 et la socie’te’ Anaxago.
– Condamner la socie’te’ Luri a’ payer a’ la socie’te’ Objectif Construction 106 la somme de 15 000 euros au titre de la proce’dure abusive dans le cadre de la pre’sente proce’dure d’appel
– Condamner la socie’te’ Luri a’ payer a’ la socie’te’ Anaxago la somme de 30 000 au titre de la proce’dure abusive dans le cadre de la pre’sente proce’dure d’appel
– Condamner la société Luri a’ payer respectivement aux sociétés Objectif Construction 106 et Anaxago la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de proce’dure civile ainsi que les entiers de’pens.
SUR CE, LA COUR
A) Sur la demande de nullité du contrat
a) Sur la violation du code monétaire et financier
La société Luri sollicite la nullité de la convention pour atteinte à l’ordre public aux motifs que la société Objectif Construction n’est pas immatriculée auprès de l’Orias, que la société Anaxago n’a pas respecté les dispositions de l’article L541-8-1 du code des marchés financiers, qu’aucune obligations n’a été émise au profit d’un crédit classique et que des manoeuvres dolosives ont prèsidé à la conclusion du contrat . Elle en déduit que la nullité du contrat doit conduire les intimées à restituer la somme de 356 712 euros correspondant au paiement des intérêts et celle de 150 000 euros au titre des honoraires versés outre les intérêts.
Les sociétés Objectif Construction 106 et Anaxago contestent toute violation du code monétaire et financier.
Ceci étant exposé, le contrat de souscription a été conclu le19 mars 2018 entre la société Luri ,émetteur, et la société Objectif Construction 106, souscripteur. Il porte sur l’émission d’un emprunt obligataire d’un montant de 1 500 000 euros. Il est mentionné que l’émetteur a sollicité de la société Anaxago , conseil en investisements participatifs, la mise en place d’un financement participatif pour un montant maximum de 1 500 000 euros.
La cour constate que la société Luri sollicite la nullité d’un contrat qu’elle a exécuté puisqu’elle a reçu le financement de 1 500 000 euros, s’est acquittée le 22 mars 2018 de la somme prévue au titre des honoraires ( 150 000 euros) puis a procédé au remboursement du principal ( 1 500 000 euros) et des intérêts ( 300 000 euros) le 17 octobre 2019.
Compte tenu des conclusions des parties, la cour examinera néanmoins les moyens soulevés puisque les sociétés intimées y ont répliqué à titre principal .
Ainsi que relevé par les parties intimées, la société Anaxago était bien immatriculée à l’Orias et adhérente à une société agréée.
Alors qu’il n’est pas établi que les sociétés Anaxagos et Objectif Construction effectuent des opérations de crédit de façon habituelle, la société Luri a souscrit des obligations émises par la société Objectif Construction et cette dernière, en tant que simple holding, n’était pas obligée d’être immatriculée à l’Orias .
Les dispositions relatives aux prestataires de services bancaires, aux prestataires de services de paiement, aux conseillers en investissements financiers ou celles relatives aux intermédiaires en financement participatif ne sont pas applicables au présent litige. A défaut d’opter pour le statut de prestataire de service d’investissement, les plateformes de conseillers en investissement participatifs ne sont pas tenues de recueillir un agrément ni de se doter d’un capital social minimal. Les réglementations relatives au financement par souscription de titre tel que l’emprunt obligataire et au taux d’usure ne sont pas applicables à l’opération de la requérante le seuil de souscription étant limité à 2 500 000 euros. Les conseillers en investissements participatifs peuvent mettre en place des financements participatifs sous forme de titres financiers .
Le ‘crowdfunding par souscription de titres’ est soumis au régime général des obligations, l’article 1304-4 du code civil étant applicable à la cause.
Il se déduit de ce qui précède que la société Luri est mal fondée à solliciter la nullité de la convention pour manquement aux dispositions du code monétaire et financier.
b) Sur les man’uvres dolosives
La société Luri soutient, au visa de l’article L519-4-1 du code monétaire et financier, qu’elle a été victime de man’uvre dolosive de la part des intimées aux motifs que ceux-ci ont dissimulé les absences, de financement participatif, d’émission d’emprunt obligataire, d’immatriculation à l’Orias de la société Objectif Construction 106 et la non-réalisation de l’information réglementaire auprès des marchés financiers nonobstant l’engagement pris le 9 mars 2018. Elle estime que si elle avait eu connaissance du contexte réel de cette opération, elle n’aurait pas souscrit cet emprunt. La nullité de l’opération étant sans objet puisque le principal a été remboursé, elle s’estime fondée à solliciter la restitution des intérêts versés, soit le montant total de 356 712 euros.
Les sociétés Anaxago et Objectif Construction 106 soutiennent que la requérante ne saurait se prévaloir de man’uvres dolosives, ni d’un quelconque préjudice au motif qu’elles n’ont commis aucune man’uvre et la requérante ne démontre pas avoir subi un préjudice.
Ceci étant exposé, il a été ci dessus jugé que les atteintes dénoncées du code monétaire et financier n’étaient pas établies. Il s’en déduit que le grief relatif aux manoeuvres dolosives dans le but de dissimuler ces violations n’est pas fondé.
Le jugement déféré doit également être confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes présentées à ce titre.
B) Sur les demandes de remboursement
a) Sur le montant des honoraires
La société Luri soutient, au visa des articles 1165, 1223 du code civil et 441-9 du code de commerce que le montant des honoraires n’est pas fondé au motif que la société Anaxago n’a pas réalisé la prestation convenue. Dès lors que la prestation effectivement réalisée s’était déroulée sur une période de 15 jours et avait consisté essentiellement à un travail administratif de traitement des documents, elle ne pouvait justifier le paiement de 150 000 euros d’honoraires. Le contrat doit donc être déclaré nul. À défaut, elle sollicite le paiement d’un montant identique à titre de dommages et intérêts. À titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la fixation des honoraires de la société Anaxago à l’euro symbolique et la condamnation de celle-ci à rembourser la somme de 150 0000 euros perçue sans contrepartie. La comparaison introduite avec la profession d’Avocat concernant les honoraires est inopérante.
Les sociétés Anaxago et Objectif Construction 106 soutiennent, au visa des articles 1102, 1103, 1193 du code civil, que les demandes de la requérante visant à prononcer la nullité pour abus dans la fixation unilatérale du prix, la réduction des honoraires pour disproportion et la sanction pour inexécution sont infondées au motif que le montant des honoraires a été convenu entre les parties et n’est pas excessif. Les dispositions de l’article 1165 du code civil sont inapplicables en l’espèce. De même les articles 1217, 1223,1227 et 1231-1 du même code ne sauraient trouver application puisque la requérante ne rapporte pas la preuve d’une inexécution totale ou partielle des obligations de sa cocontractante. Les prestations réalisées ont été suffisamment détaillées et consistaient à réaliser des démarches non seulement administratives, mais aussi juridiques, et surtout, à réaliser un véritable travail d’investigation et d’analyse portant sur le projet présenté par la requérante. Ses honoraires ne peuvent être réduits que s’ils sont hors de proportion avec les services rendus et qu’ils n’ont pas été versés par son bénéficiaire en connaissance du travail effectué et après service fait. Dès lors que les honoraires sont réglés, la requérante n’est pas fondée à solliciter leur réduction.
Ceci étant exposé, les sociétés intimées se sont conformées à leurs obligations contractuelles, le calendrier ayant été accéléré par le remboursement anticipé auquel a procédé la société Luri en application de l’article 8.1 du contrat dénommé ‘Amortissement anticipé volontaire’. La demande de remboursement de la somme de 150 000 euros versée par la société Luri au titre des honoraires n’est pas justifiée et doit être rejetée.
b) Sur le solde restant dû au titre des intérêts
Le contrat devant être exécuté sans minoration des sommes qui y sont prévues, les premiers juges ont justement débouté la société Luri de sa demande de paiement du solde restant dû au titre des intérêts soit 56 712 euros, cette somme ayant d’ores et déjà été allouée à la société Objectif Construction par ordonnance de référé du 6 mars 2020.
C) Sur les autres demandes .
La solution du litige conduit à débouter la société Luri de sa demande de dommages et intérêts .
Au delà de son caractère infondé, les sociétés intimées ne prouvent pas en quoi la procédure engagée à leur encontre par la société Luri présenterait un caractère abusif tant en première instance qu’en cause d’appel.
Les demandes de dommage et intérêts présentées à ce titre doivent être rejetées.
La solution du litige conduit à condamner la société appelante à verser à chacune des sociétés intimés une indemnisation complémentaire à celle des premiers juges sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement déféré;
CONDAMNE la société Luri aux dépens ;
CONDAMNE la société Luri à verser, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, 3 000 euros à la société Anaxago et 3 000 euros à la société Objectif Construction 106 ;
REJETTE toutes autres demandes.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ
S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL