Your cart is currently empty!
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00273 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG5UH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juillet 2022 -Conseil de Prud’hommes de PARIS 10 – RG n° F 21/10441
APPELANTE
S.A. CAPELLI
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
INTIMÉ
Monsieur [V] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Alex-Igor CHMELEWSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1421
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Christine LAGARDE, conseillère
Didier MALINOSKY, Magistrat Honoraire
Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Capelli (ci-après la ‘Société’) a pour activité « la réalisation, commercialisation de projet immobilier, lotisseur, marchand de biens, prise de participation ».
M. [V] [W] a été embauché par la société Capelli (ci-après la ‘Société’) à compter du 11 juin 2018, en qualité de Directeur Grands Projets et Innovation France.
Le 31 mars 2021, la Société et M. [W], à titre personnel et en sa qualité de porte fort « de sa société à constituer en exécution du présent protocole », ont signé un document intitulé « Protocole d’accord cadre » (ci-après le ‘Protocole’) aux termes duquel ce dernier s’est engagé à démissionner de la Société en contrepartie de diverses obligations de celle-ci.
Le 24 décembre 2021, M. [W] considérant que la Société n’a pas respecté son engagement de paiement de certaines commissions figurant au Protocole et en lien avec son contrat de travail antérieur, a saisi le conseil de prud’hommes de Paris.
Par jugement du 26 juillet 2022, le conseil de prud’hommes s’est déclaré compétent, a renvoyé l’affaire au bureau de jugement et a réservé les dépens.
Selon déclaration du 28 décembre 2022, la Société a interjeté appel de cette décision.
La Société a été autorisée à assigner à jour fixe l’intimé.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 28 décembre 2022, la Société demande à la cour de :
« INFIRMER le jugement attaqué en ce que le Conseil de prudhommes s’est déclaré compétent,
Statuant à nouveau,
SE DECLARER incompétent sur le plan matériel,
DESIGNER le tribunal judiciaire de PARIS,
RENVOYER Monsieur [V] [W] à mieux se pourvoir,
CONDAMNER Monsieur [V] [W] à verser à la société CAPELLI la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Le CONDAMNER aux entiers dépens,
DIRE que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Audrey HINOUX, SELAR LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ».
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 13 mars 2023, M. [W] demande à la cour de :
« CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes le 26 juillet 2022 en ce qu’il s’est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de Monsieur [W] ;
Y ajoutant
CONDAMNER la société CAPELLI à payer à Monsieur [V] [W] la somme de 3.000 euros au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ».
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur la compétence du conseil de prud’hommes
Pour contester la compétence du conseil de prud’hommes, la Société soutient que :
– il appartient à M. [W] de démontrer que ses demandes sont en lien avec l’exécution d’un contrat de travail ;
– le Protocole, fondement de sa demande est conditionné, conformément à l’article 1304 du code civil par la survenance d’un événement futur, soit la démission ;
– il a été convenu que si M. [W] mettait en oeuvre sa démission et créait son entreprise, elle pourrait l’aider financièrement avec le versement de commissions non dues au titre du contrat de travail et indirectement dans son activité future au sein d’une société de conseil qu’il entendait créer ;
– le Protocole a vu ses conditions suspensives accomplies qui a produit les effets juridiques limités aux obligations qu’il contient ;
– le Protocole conditionne le paiement de commissions hors exécution du contrat de travail à la conclusion d’un autre accord définissant les « conditions d’exécution et le traitement social et fiscal » et selon l’article 4 du Protocole , il est convenu qu’« aucun versement n’intervient au titre du présent Protocole », renvoyant à un contrat spécifique définissant les conditions financières relatives aux commissions payées après rupture ;
– ce n’est que par exception au contrat de travail, qu’il a été convenu qu’un accord « pourrait » être conclu définissant les conditions financières de versement de commissions qui « pourraient » être versées lorsque le fait générateur survient après la rupture du contrat de travail ; la conclusion de cet accord constitue donc une condition suspensive du paiement de ces commissions ;
– à considérer que ce contrat spécifique ait été conclu, il ne pourrait pas s’agir d’un contrat de travail alors que le fait générateur du versement de la commission est la signature de la promesse de vente et de l’acte réitératif, faits générateurs qui surviennent sans la moindre prestation de la part de M. [W] et en l’absence de contrat de travail.
M. [W] oppose que :
– s’il n’y a pas de démission, il n’y a pas de protocole et il est donc certain que le protocole a été conclu « à l’occasion d’un contrat de travail » et précisément pour définir diverses obligations aux parties à l’occasion de sa rupture ;
– les parties ont aménagé, à l’occasion de la rupture du contrat de travail, un droit de suite pour le paiement de commissions sur un nombre limité de dossiers pour lesquels il était intervenu lors de l’exécution de son contrat de travail mais pour lesquels le fait générateur (la signature d’une promesse de vente) n’était pas encore intervenu à la date de sa sortie des effectifs ;
– les conditions d’attribution des commissions sont définies au sein du « Protocole d’accord cadre » de mars 2021 et peuvent être mises en application sans accord ultérieur ;
– l’exécution de ce droit de suite en termes de commissions liées à un travail effectué dans le cadre d’un contrat de travail relève de la compétence du conseil de prud’hommes.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 1411-1 du code du travail : « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti ».
Aux termes de l’article 1304 du code civil, « l’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain.
La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple.
Elle est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation ».
Le Protocole stipule notamment :
« Il est préalablement rappelé ce qui suit » :
(…) Le lundi 4 janvier 2021, Monsieur [V] [W] a informé la société CAPELLI de sa volonté de quitter la société CAPELLI dans le cadre d’un Projet (ci-après le « Projet ») de reconversion consistant en :
– la démission préalable de son poste de Directeur Grands Projets & Innovation Groupe occupé au sein de la société CAPELLI, ainsi que de son mandat de membre du Comité Social et Economique.
– La création d’une activité commerciale sous la forme d’une société commerciale à constituer ci-après désigné la « Société » ayant pour activité Conseil aux Territoires.
Dans ce contexte la société CAPELLI a manifesté son intérêt dans le Projet de Monsieur [V] [W] et a émis la volonté d’accompagner la création de cette activité.
Les Parties sont convenues par ailleurs, que nonobstant les clauses du contrat de travail, un certain nombre d’éléments de rémunération variable pouvaient être réglées a l’issue de la période contractuelle pour des dossiers apportés par Monsieur [V] [W] » ;
« ARTICLE 1 : OBJET DU CONTRAT
Le présent contrat a pour objet de définir :
– Le paiement de commissions postérieurement à la rupture du contrat de travail, nonobstant les dispositions du contrat
– La liberté de travail et l’obligation de non-concurrence liant Monsieur [V] [W]
– L’accompagnement de la société CAPELLI dans la création de la société de Monsieur [V] [W] ».
« ARTICLE 3 :OBLIGATIONS DES PARTIES »
Les obligations de M. [W] (3.1) sont les conditions suspensives portant sur sa démission de son poste et de ses fonctions de membre du CSE (3.1.1.)et sur la création de sa société de conseil (3.1.2.), conditions suspensives réalisées, ce qui n’est pas contesté.
Les obligations de la Société sont fixées au 3.2 et portent sur la promesse de lever la clause de non-concurrence (3.2.1) et sur les points suivants mentionnés au (3.2.2) :
« 3.2.2 PROMESSE DE CONCLURE UN PROTOCOLE D’ACCORD CONCERNANT LE PAIEMENT DE COMMISSIONS POSTÉRIEUREMENT A LA FIN DU CONTRAT DE TRAVAIL
Sous réserve de l’exécutions des obligations décrites à l’article 3.1. du présent Protocole et en contrepartie de l’exécution de ces obligations, la société CAPELLI s’engage, dans le cadre, d’une obligation de faire, à verser a Monsieur [V] [W] des commissions sur les dossiers non encore achevés à la date de fin du contrat.
Il est rappelé qu’en principe, conformément au contrat de travail, les commissions sont versées au titre du contrat de travail, lorsque le fait générateur intervient durant la durée du contrat de travail, de la manière suivante : (…).
Il est convenu que par exception, dans le cadre du présent accord, des commissions pourront être versées par la société CAPELLI à Monsieur [V] [W] après rupture du contrat de travail lorsque le fait générateur survient après ladite rupture.
Des commissions pourront être versées dans un certain nombre de dossiers spécifiques.
Les dossiers dont s’agit sont : (…). (sept opérations sont mentionnées avec le chiffre d’affaires évalué en comité d’engagement).
L’exigibilité et le montant de ces commission seront déterminés en application d’un barème incluant une décote tenant compte de la durée écoulé entre la date de réalisation du fait générateur de la commission et le dernier jour de la prestation de travail réalisée par Monsieur [W] pour la société CAPELLI et définit comme suit :
– Événement déclenchant le paiement de la commission intervenant dans les six mois de la fin du contrat de travail : 50 % de la commission calculée par application du contrat de travail calculée par application du contrat de travail.
– Événement déclenchant le paiement de la commission intervenant dans un délai de six à douze mois a compter de la fin du contrat de travail : 35% de la commission calculée par application du contrat de travail.
– Événement déclenchant le paiement de la commission intervenant postérieur à l’expiration d’un délai de douze mois suivant la fin du contrat de travail : 0 % de la commission calculée par application du contrat de travail.
Apres réalisation de la condition suspensive de démissions, cet engagement fera l’objet d’un protocole distinct qui définira précisément ses conditions d’exécution et son traitement social et fiscal ».
Il s’évince des stipulations qui précèdent et des clauses claires et précises qu’elles contiennent figurant au 3.2.2, que la Société s’est engagée, en faisant régulièrement référence au « contrat de travail » à payer à son salarié des commissions sur des dossiers spécifiques qu’il suivait, dont les opérations sont listées, dont le mode de calcul a été précisé, tout comme l’événement déclenchant le paiement de la commission et le délai à prendre en compte pour arrêter le pourcentage à appliquer.
La cour relève aussi que le « protocole distinct » mentionné directement ci-dessus n’a pas été conclu et ne portait que sur la ‘définition précise’ de « ses conditions d’exécution et sur son traitement social et fiscal » et aucunement sur le principe même du paiement de ces commissions, tel que très précisément décliné dans le Protocole.
A ce titre, l’article 4 : « CONDITIONS FINANCIÈRES » stipule ;
« Aucun versement n’intervient au titre du présent Protocole.
Les conditions financières seront définies dans le cadre de contrats spécifiques sur chaque obligation :
– Les conditions financières de la rupture du contrat de travail (…).
– Les conditions financières relatives aux commissions versées après rupture du contrat de travail feront l’objet d’un protocole spécifique qui précisera les délais de règlement desdites commissions et des bulletins de paie seront établis à chaque versement,
– Les conditions financières de l’accompagnement (…) ».
Il ressort aussi des clauses claires de cet article, que « ce contrat spécifique » portait sur « les délais de règlement des commissions » et « les bulletins de paie », points non définis dans le Protocole et qui ne portent que sur des détails de son exécution s’agissant du paiement des commissions versées après la rupture, sans remettre en cause le principe même du paiement de ces commissions.
Dès lors, il ne peut être considéré, que le « Protocole d’accord cadre » définirait uniquement les grandes lignes d’un accord pour la conclusion ultérieure d’accords, conclusion qui constituerait elle même une condition suspensive du paiement de ces commissions.
Le principe du paiement de commissions postérieurement à la démission de M. [W] et portant sur des dossiers sur lesquels il avait travaillé avant celle-ci, dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, c’est en conséquence a bon droit que le conseil de prud’hommes a retenu qu’il était compétent pour trancher le litige entre les parties.
Dès lors, le jugement sera confirmé et ce sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que les constatations précédentes rendent inopérantes.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La Société, qui succombe sur les mérites de son appel, doit être condamnée aux dépens de la procédure et déboutée en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera fait application de cet article au profit de l’intimé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne la société Capelli aux dépens de la procédure d’appel ;
Condamne La société Capelli à payer à M. [V] [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre.
La Greffière, La Présidente,