Marchand de Biens : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/02826

·

·

Marchand de Biens : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/02826
Ce point juridique est utile ?

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 14/12/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/02826 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UKON

Jugement n° RG 2019/486 rendu le 30 mars 2022 par le tribunal de commerce d’Arras

Ordonnance rendue le 6 avril 2023 par pôle commercial section 2 la cour d’appel de Douai

– DÉFÉRÉ –

DEMANDEURS au déféré

INTIMÉS

Monsieur [C] [T] en qualité d’ancien gérant de la SARL Habitat familia

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 5] (62), de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

SARL Habitat Familia, société ayant fait l’objet d’une mesure de liquidation amiable

ayant son siège social [Adresse 3]

représentés par Me Stéphane Campagne, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué substitué à l’audience par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

DEFENDEUR au déféré

APPELANT

Monsieur [D] [E]

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 6], de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Mohamed Abdelkrim, avocat au barreau d’Arras, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

DÉBATS à l’audience publique du 12 octobre 2023 après rapport oral de l’affaire par Dominique Gilles, président de chambre

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Habitat familia, spécialisée dans les activités de réalisation de lotissements, promotion immobilière, prestations de services et marchand de biens, a eu pour gérant M. [T] [C], détenant en outre le capital social par moitié à égalité avec M. [D] [E].

Par acte extrajudiciaire en date du 6 mars 2019, M. [E], arguant de mouvements anormaux sur les comptes de la société et contestant une décision unilatérale anticipée de liquidation amiable de la part du gérant, a assigné devant le tribunal de commerce d’Arras la société Habitat familia et M. [C] [T] aux fins d’obtenir’ la condamnation de M. [T] à lui payer les sommes de :

– 138’150,78 euros correspondant à son préjudice financier ;

– 20’000 euros à titre de dommages-intérêt.

Par jugement contradictoire du 30 mars 2022, le tribunal de commerce d’Arras a statué en ces termes’:

« Dit et juge que M. [D] [E] est non fondé en ses demandes

Dit et juge que le Tribunal ne peut pas se prononcer

Déboute en conséquence M. [D] [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Déboute les parties de leurs autres demandes

Dit que chacune des parties conservera ses propres frais et dépens

Taxe le frais de greffe à la somme de 84,48 euros.’».

Le jugement a été signifié par la SARL Habitat familia et M. [T] à M. [E], par acte extrajudiciaire du 2 mai 2022 délivré à une personne présente à son domicile et ayant accepté de le prendre.

Par déclaration au greffe de la cour du 11 juin 2022, M. [E] a interjeté appel de la décision, contestant expressément chacun des chefs du jugement.

Par ordonnance du 6 avril 2023, le conseiller de la mise en état, reconnaissant bien fondé l’incident formé par M. [T] et la SARL Habitat familia, a déclaré cet appel irrecevable comme tardif et a condamné M. [E] à leur payer 2’500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dépens d’appel en sus.

Par requête déposée et notifiée par la voie électronique le 21 avril 2023, M. [E] a déféré cette ordonnance à la cour.

Il sollicite, au visa des articles 916 et 654 du code de procédure civile, par infirmation de l’ordonnance querellée, que l’appel soit déclaré recevable et que M. [T] soit condamné à lui payer 2’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.

Par conclusions en déféré déposées et notifiées par la voie électronique le 4 mai 2023, M. [T] et la SARL Habitat familia demandent à la cour de confirmer l’ordonnance querellée, de débouter M. [E] de ses demandes et de le condamner à payer 1’500 euros à chacun des concluants au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

MOTIFS

L’ordonnance querellée a essentiellement retenu que, compte tenu de la date de l’exploit introductif de l’instance, soit le 6 mars 2019, n’était pas applicable à celle-ci la règle de la représentation obligatoire devant le tribunal de commerce issue de l’article 5 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et ayant modifié l’article 853 du code de procédure civile.

Le conseiller de la mise en état a indiqué en substance que l’article 55 de ce décret prévoit expressément que, si en principe ce décret est rentré en vigueur le 1er janvier 2020 et s’applique aux instances en cours (article 55, I), l’article 5 est, par exception, uniquement applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Le conseiller de la mise en état en a déduit que l’article 678 du code de procédure civile, qui prévoit la nullité de la signification à partie du jugement faute de notification préalable au représentant de celle-ci, n’était pas davantage applicable, de sorte que l’appel, interjeté en l’espèce après l’expiration du délai d’un mois suivant la signification du jugement était irrecevable.

Le requérant, dont la requête est recevable pour avoir été effectuée dans les quinze jours de l’ordonnance déférée, fait essentiellement valoir devant la cour que :

– l’analyse du conseiller de la mise en état est «’discutable dans la mesure où il est d’usage de notifier à avocat avant la signification à partie’» ;

– en outre, l’ordonnance n’a pas tenu compte du fait que la décision n’a pas été signifiée à personne mais «’à personne à domicile en date du 2 mai 2022’», de sorte que le jugement «’n’a été signifié ni à M. [E] ni à son conseil’».

Le requérant expose qu’en droit, le délai d’appel court à compter de la notification du jugement sous réserve de la régularité de celle-ci, alors qu’en l’espèce, sauf à vider de leur substance les articles 654 et 655 du code de procédure civile, faute pour l’huissier d’avoir effectué les diligences nécessaires à la signification à sa personne – celui-ci s’étant contenté de remettre l’acte à une personne présente au domicile sans demander de numéro de téléphone pour le joindre et sans avoir cherché à connaître son lieu de travail -, la signification du 2 mai 2022 doit être annulée.

Le requérant explique que l’acte a été remis à son épouse ,qui atteste qu’à cette date elle était sous traitement médical pour soigner un cancer et qu’elle n’a pas informé son mari de la signification.

Il soutient que le grief est manifeste.

Au contraire, M. [T] et la SARL Habitat familia, qui soulèvent que la nullité tirée du défaut de signification à personne est un moyen nouveau faute d’avoir été invoqué de manière autonome devant le conseiller de la mise en état, contestent la force probante de l’attestation et des pièces médicales produites, mais surtout considèrent que l’acte est valable puisque ses mentions démontrent que de l’huissier a vérifié qu’il était bien au domicile du destinataire, que Mme [E] a précisé que son mari était absent du domicile et qu’elle a refusé de donner des indications sur le lieu où le trouver.

Ils exposent que le requérant ne justifie nullement du caractère insuffisant des mentions de l’acte et qu’en outre le grief serait illusoire dès lors qu’un exemplaire a été envoyé par la voie postale.

Sur ce, la cour rappelle que de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l’occasion du déféré pour contester l’ordonnance du conseiller de la mise en état, la seule limite étant que la cour d’appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n’ont pas été soumises au conseiller de la mise en état. (Cass. Civ.2°, 5 mars 2021, pourvoi n° 19-15.695).

Or, en l’espèce, la nullité de la signification était déjà demandée devant le conseiller de la mise en état, certes pour un autre moyen, mais au soutien de la même prétention, de sorte que le requérant peut invoquer un nouveau moyen de nullité.

S’agissant de ce nouveau moyen, pris du défaut de signification à personne du jugement entrepris, l’article 655 du code de procédure civile dispose que si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré à domicile.

En outre, les notifications sont faites au lieu où demeure le destinataire s’il s’agit d’une personne physique ; cependant, une notification à personne est valable quel que soit le lieu où elle est délivrée, y compris le lieu de travail.

Il résulte de ces règles que lorsqu’il s’est assuré de la réalité du domicile du destinataire de l’acte et que celui-ci est absent, l’huissier de justice n’est pas tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail, et peut remettre l’acte à domicile (2e Civ., 2 décembre 2021, pourvoi n° 19-24.170 ).

En l’espèce, il résulte de l’acte litigieux que celui-ci a été remis au lieu du domicile du destinataire, qui n’est pas contesté.

L’huissier relate avoir remis l’acte à Mme [X] [E] qui a déclaré être l’épouse du destinataire.

L’huissier a mentionné dans l’acte :

«’La personne rencontrée m’a confirmé le domicile.

Le destinataire étant absent et n’ayant pu lors de mon passage avoir des précisions suffisantes sur le lieux où se trouvait le destinataire par la personne rencontrée au domicile.

La signification à personne s’avère donc impossible.’»

Ces mentions établissent que le destinataire était absent de son domicile et que, dès lors, l’huissier pouvait procéder à la signification à domicile sans se livrer à de plus amples diligences.

Il n’est pas établi que l’huissier ait eu connaissance des troubles de santé allégués de la personne à qui l’acte a été remis ni a fortiori que ces troubles auraient pu empêcher la remise effective.

Le moyen nouveau de nullité est donc mal fondé.

Et s’agissant du moyen de nullité pris de l’article 678 du code de procédure civile, c’est par des moyens pertinents que la cour adopte que le conseiller de la mise en état a retenu qu’il était mal fondé.

A ces justes motifs, il sera ajouté que si le requérant estime que l’analyse du premier juge sur l’entrée en vigueur de la représentation obligatoire devant le tribunal de commerce est discutable, il ne conteste pas pour autant son exactitude intrinsèque.

En outre, contrairement à l’affirmation du requérant, la cour n’a connaissance d’aucun usage de nature à avoir rendu la représentation devant le tribunal de commerce obligatoire aux instances en cours introduites avant le 1er janvier 2020.

L’ordonnance entreprise doit être confirmée.

En équité, M. [E] sera condamné à verser aux intimés une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.

M. [E] sera condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance entreprise ;

Condamne M. [E] à verser 1’200 euros à M. [T] et la SARL Habitat Familia, ensemble ;

Condamne M. [E] aux dépens.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x