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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 13 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/05859 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PFEY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 01 SEPTEMBRE 2021
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2019009823
APPELANTE :
S.A.S.U. [D] IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Alain PORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [W] [G] venant aux droits en qualité d’héritier de Madame [A] [T], décédée le 22 août 2019
né le 09 Septembre 1981 à [Localité 1] (34)
de nationalité Française
CCAS [Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Jérôme PASCAL de la SARL CAP-LEX, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [N] [G] venant aux droits en qualité d’héritier de Madame [A] [T], décédée le 22 août 2019
né le 28 Mars 1987 à [Localité 1] (34)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Jérôme PASCAL de la SARL CAP-LEX, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 16 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 AVRIL 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère faisant fonction de président en remplacement du président de chambre régulièrement empêché, et par Mme Audrey VALERO, Greffière.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
Le 3 juin 2013, la S.A.S.U. [D] immobilier a conclu avec Mme [A] [T] un contrat d’agent commercial.
Le contrat a fait l’objet d’un avenant le 30 novembre 2014 précisant notamment les modalités de rémunération de Mme [T].
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 mai 2019, la société [D] immobilier a informé Mme [T] de sa décision de rompre le contrat d’agent commercial sans préavis ni indemnité, lui reprochant des manquements graves à ses obligations professionnelles.
Par exploit d’huissier en date du 4 juillet 2019, la société [D] immobilier a fait assigner Mme [T] (qui décédera le 22 août 2019, ses deux fils MM. [N] et [W] [G] ayant repris l’instance) devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement en date du 1er septembre 2021, a:
– Jugé que la rupture du contrat d’agent commercial pour faute grave de Mme [T] n’est ni fondée, ni justifiée,
– Jugé que les notes d’honoraires présentées par Mme [T] sont parfaitement justifiées et nécessitent paiement,
– Jugé que les dommages et intérêts réclamés pour résistance abusive sur les factures n° 88, n°89 et n° 90 sont justifiés,
– Condamné la société [D] immobilier régler à MM. [G] la somme de 11’600 euros TTC au titre des factures n° 88, n° 89 et n° 90, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure datée du 4 juin 2019,
– Condamné la société [D] immobilier à régler à MM. [G] la somme de 2 000 euros au titre des dommages-intérêts pour résistance abusive dans le règlement desdites factures,
– Condamné la société [D] immobilier à régler à MM. [G] la somme de 11’600 euros TTC au titre des factures n° 88, n° 89 n° 90,
– Condamné la société [D] immobilier à payer à MM. [G] la somme de 25’000 euros TTC au titre des factures n° 91, n° 92, n° 93 et n° 94,
– Débouté MM. [G] de leur demande de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat d’agent de Mme [T],
– Condamné la société [D] immobilier à régler à la somme de 45’263,86 euros au titre de l’indemnité de cessation du contrat d’agent commercial immobilier,
– Débouté la société [D] immobilier de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– Condamné la société [D] immobilier à payer à MM. [G] la somme de 1 500 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la société [D] immobilier aux entiers dépens dont frais de greffes liquidés et taxés à la somme de 64,64 euros TTC.
Le 4 octobre 2021, la société [D] immobilier a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 28 juin 2022, de’:
– Infirmer le jugement du 1er septembre 2021 dont appel en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat d’agent commercial pour faute grave de Mme [T] ne serait ni fondée, ni justifiée,
– Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société [D] immobilier de toutes ses demandes, fins et conclusions, dont ses demandes d’indemnisation, avec conséquences de droit, au titre des préjudices incontestablement subis du fait d’une vente réalisée entre deux prospects de l’agence mis en relation par les soins de l’agent commercial, sans que celle-ci en ait informé sa mandante,
– Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société [D] immobilier de ses demandes au titre de l’article d’article 700 et des dépens,
– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société [D] immobilier à payer à MM. [G] la somme de 1’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et encore aux entiers dépens,
En conséquence :
Vu les articles 1142,1145, 1147 anciens du code civil,
Vu l’article L134-13 du code de commerce,
Vu la révélation de la violation par l’agent commercial de ses obligations de confidentialité, non concurrence, Loyauté ;
Vu l’aveu judicaire par les défendeurs du manquement au devoir de loyauté de l’agent commercial ayant mis en relation et fourni les coordonnées d’un prospect de la société [D] immobilier à un vendeur figurant également dans le fichier de la société [D] immobilier, cette mise en relation ayant aboutie à la vente effective du bien,
Vu les préjudices subis,
– Condamner in solidum les ayants droit de Mme [T], MM. [G] à payer à la société [D] immobilier les sommes de :
‘ 50 400 euros au titre d’indemnisation de la commission perdue,
‘ 4 000 euros au titre du préjudice financier complémentaire,
‘ 5 000 euros à titre de l’atteinte à l’image de la société [D] immobilier,
– Dire et juger que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de l’assignation avec capitalisation par année entière en application de l’article 1343-2 du code civil,
– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’elle a dit et jugé que les notes d’honoraires présentées par les ayants droits de Mme [T] seraient parfaitement justifiées,
– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société [D] immobilier à régler à MM. [G], la somme de 11 600 euros TTC au titre des factures n°88, n°89 et n°90, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure datée du 4 Juin 2019,
– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société [D] immobilier à régler à MM. [G], la somme de 2 000 euros au titre des dommages et intérêts pour prétendue résistance abusive dans le règlement des factures n°88, n°89 et n°90.
– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné une seconde fois (!) la société [D] immobilier à régler à MM. [G], la somme de 11 600 euros TTC pour les mêmes factures n°88, n°89 et n°90.
– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société [D] immobilier à régler à MM. [G], la somme de 25 000 euros TTC au titre des factures n°91, n°92, n°93 et n°94.
– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société [D] immobilier à régler MM. [G] la somme de 45 263, 86 euros au titre de l’indemnité de cessation du contrat d’agent commercial immobilier, alors que cette indemnité de cessation, dont le montant est erroné, ne saurait être en tous les cas être due en cas de faute grave de l’agent,
– Infirmer la décision en ce qu’elle a jugé que les dommages et intérêts réclamés pour résistance abusive sur les factures n°88, n°89, et n°90 seraient justifiés,
En conséquence :
– Constater que le montant des commissions pouvant être dues sur la base des éléments justificatifs fournis par la société [D] immobilier comme ne pouvant être supérieur à la somme de 10 500 euros TTC sous condition de remise des factures conformes manquantes pour les ventes [S]/[L] et [C]/[B],
– Ordonner la compensation de toute sommes allouées aux intimés au titre des commissions, avec les sommes allouées à la société [D] immobilier en raison de la déloyauté de l’agent,
– Rejeter l’appel incident de MM. [G] comme injuste et mal fondé,
En conséquence :
– Débouter MM. [G] de l’intégralité de leurs demandes en principal intérêts et frais, dont l’indemnité de cessation du contrat d’agent commercial de Mme [T],
– Confirmer le Jugement en ce qu’il a débouté MM. [G] de leur demande de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat d’agent de Mme [T], demande à laquelle ils renoncent en cause d’appel.
– Condamner in solidum MM. [G] à payer à la société [D] immobilier la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Vu l’article 696 du Code de procédure civile,
– Condamner MM. [G] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l’essentiel que :
– En application de son contrat d’agent commercial, Mme [T] était tenue à des obligations de confidentialité, de loyauté et de devoirs réciproques d’information, et de non-concurrence’qu’elle n’a pas respectées’;
– Ainsi, elle a fait réaliser une vente (en décembre 2016) pour le compte d’anciens et fidèles clients de la société [D] immobilier (les époux [Y]), sans l’intermédiaire de cette dernière, en leur présentant directement un acquéreur (lui-même client de la société), qui était un ami de son fils’;
– Elle s’est également désintéressée des suites d’une vente immobilière réalisée par la société [D] immobilier pour le compte des époux [Y],’ce qui a conduit à la location du bien (au cours de la période de compromis) par l’ancienne agence gestionnaire à un locataire qui a engagé un procès contre elle ;
– Ces faits sont constitutifs de fautes graves justifiant ses demandes indemnitaires et le rejet de toutes les demandes de MM. [G] qui ont pourtant été acceptées par les juges de première instance.
Dans leurs dernières conclusions déposées via le RPVA le 27 février 2023, MM. [G] demandent à la cour de’:
Vu les articles L. 134-4 et L.134-12 du Code de commerce,
Vu la jurisprudence et vu les pièces versées aux débats,
– Confirmer le jugement du 1er septembre 2021 en ce qu’il a :
– Sur les demandes de la société [D] immobilier,
– Débouté la société [D] immobilier de toutes ses demandes au titre de la prétendue faute imaginaire de Mme [T] et de toutes ses autres demandes ;
– Sur les demandes reconventionnelles de Mme [T] et de ses ayants-droit,
– Condamné la société [D] immobilier à payer aux ayants-droit de Mme [T], Messieurs [G], les sommes de:
‘ 11 600 euros TTC au titre des factures n°88, 89 et 90 émises par Mme [T] avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 juin 2019 ;
‘ 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive en raison du non-paiement des factures susvisées et pour préjudices financiers et moraux de non-paiement ;
‘ 25 000 euros TTC au titre des commissions restantes sur droit de suite dues à Mme [T] au titre des factures n°91, 92, 93 et 94 ;
‘ 45 263,86 euros au titre de l’indemnité de cessation du contrat d’agent commercial immobilier ;
‘ 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance ;
Y ajoutant :
– Condamner la société [D] immobilier à payer aux ayants-droits de Mme [T], Messieurs [G], les sommes de :
‘ Intérêts légaux à compter du jugement du 1er septembre 2021 sur les sommes de 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive en raison du non-paiement des factures susvisées, de 25 000 euros TTC au titre des commissions restantes sur droit de suite dues à Mme [T] au titre des factures n°91, 92, 93 et 94, 45 263,86 euros au titre de l’indemnité de cessation du contrat d’agent commercial immobilier et 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre les entiers dépens d’appel.
Ils font valoir pour l’essentiel que :
– Pour tenter de justifier du fondement de la rupture contractuelle du contrat d’agent commercial de Mme [T] pour faute grave en mai 2019, la société [D] immobilier évoque des faits qui seraient survenus trois ans plus tôt, en mai 2016′;
– Le reproche tenant au fait d’avoir laissé un locataire signer un contrat de bail d’habitation dans un bien que venaient d’acquérir les époux [Y] n’a aucun fondement, dans la mesure où Mme [T] n’avait aucun moyen de l’empêcher, le contrat de location ayant été signé par l’ancien propriétaire et son gestionnaire au cours de la période du compromis’;
– S’agissant de la vente immobilière réalisée sans passer par la société [D] immobilier, d’un bien immobilier appartenant aux époux [Y], ce sont ces derniers qui souhaitaient éviter de payer les frais d’intermédiaire et ne souhaitaient pas passer par une agence, et ils connaissaient déjà leur futur acquéreur que Mme [T] ne leur a nullement présenté ;
– Ce sont donc les époux [Y] qui ont décidé seuls, sans l’intervention de Mme [T], de vendre leur bien immobilier sans passer par la société [D] immobilier, et elle ne peut nullement en être tenue pour responsable;
– Les sommes réclamées au titre des commissions dues durant le temps du contrat, puis après la rupture de celui-ci et au titre de l’indemnité de rupture, sont en conséquence parfaitement dues en l’absence de toute faute.
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 16 mars 2023.
MOTIFS de la DÉCISION
Sur les manquements allégués de Mme [T] à ses obligations professionnelles
Selon les dispositions de l’article L. 134-4 du code de commerce, les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir d’information’; en outre, l’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel et le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son’mandat.
Le contrat de mandat d’agent commercial du 3 juin 2013 liant les parties précise également que de façon générale l’agent commercial s’interdit pendant la durée du présent mandat tout acte de concurrence.
Par ailleurs, les dispositions des articles L. 134-11 et L. 134-12 du même code précisent qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi (…). Cependant la réparation n’est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial.
Il résulte en outre de ces textes que la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et qui rend impossible le maintien du lien contractuel, excluant le bénéfice d’une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d’agence commerciale.
Sur la vente d’un bien appartenant à une S.C.I. dénommée Immobilière du vieux Guilhem
Il est produit aux débats une attestation notariée concernant la vente, le 21 décembre 2016, d’un bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 1] par une S.C.I. dénommée Immobilière du vieux Guilhem appartenant aux époux [Y] à une S.A.R.L. JBMB.
Il n’est pas contesté que les époux [Y] étaient clients à cette période de la société [D] immobilier.
La société [D] immobilier reproche à Mme [T] d’avoir, au cours d’un dîner privé, orienté les époux [Y] vers le futur acquéreur de leur bien immobilier sans permettre la vente par l’entremise de la société.
Or, la cour constate au préalable que si la société [D] immobilier avait réalisé plusieurs ventes immobilières pour le compte des époux [Y], ceux-ci n’avaient nullement donné mandat à l’agence pour ce bien situé rue Saint-Guilhem.
Dans sa première attestation du 2 mai 2019, M. [F] [Y] indique qu’il a évoqué spontanément à Mme [T] au cours de ce dîner un bien immobilier qu’un marchand de biens souhaitait lui acheter depuis plusieurs années, et que cette dernière lui a alors parlé d’un ami de son fils (M. [U]), qui pouvait être intéressé par ce bien’; lequel ami l’achètera effectivement par l’intermédiaire de la S.A.R.L. JBMB.
Dès lors, quand bien même les époux [Y] avaient effectivement vendu divers biens par l’intermédiaire de la société [D] immobilier, et que M. [U] pouvait apparaître dans les fichiers de la société [D] immobilier comme un simple prospect, l’entremise informelle de Mme [T] dans la vente future ne saurait être regardée comme un manquement de la part de cette dernière à ses obligations professionnelles, et à qui il ne peut être reproché au regard des circonstances ci-dessus évoquées d’avoir utilisé le fichier de clients de la société [D] immobilier comme cette dernière le prétend.
En outre, il n’est nullement démontré par la société [D] immobilier sur la foi de la seule attestation de M. [Y] que Mme [T] aurait perçu une rémunération de 10’000 euros du fait de son entremise, caractérisant ainsi un manquement à son obligation de non-concurrence ; étant par ailleurs constaté que M. [Y], par son reproche initial envers Mme [T] pour avoir donné à bail à un locataire non choisi par lui un bien qu’il venait d’acquérir à [Localité 6] comme il sera vu ci-après, est à l’origine de la procédure diligentée par la société [D] immobilier.
Le jugement sera dès lors confirmé sur ce point.
Sur la location d’un bien immobilier appartenant aux époux [Y]
En se fondant également sur l’attestation de M. [Y], la société [D] immobilier reproche à Mme [T] d’avoir laissé conclure un bail d’habitation sans son accord pour un bien immobilier que venait d’acquérir les époux [Y] à [Localité 6] par l’intermédiaire de la société.
Or, il convient de constater comme l’ont fait les premiers juges, que la société [D] immobilier ne justifie nullement d’une faute commise par Mme [T] à ce titre, alors qu’il résulte des pièces produites aux débats que le contrat de bail a été signé le 1er février 2016 entre le preneur et une société IGS qui assurait la gestion locative de l’immeuble depuis plusieurs années, pendant la période de compromis, en dehors de tout lien contractuel avec Mme [T] et/ ou la société [D] immobilier.
En outre, la société [D] immobilier est défaillante à rapporter la preuve qu’il entrait dans son mandat donné par les époux [Y] pour l’acquisition du bien immobilier en question des instructions relatives à la gestion locative dudit bien au cours de la période intermédiaire que Mme [T] n’aurait pas respectées.
Le jugement sera également confirmé.
Sur les demandes reconventionnelles des héritiers de Mme [T]
Sur les factures dues à Mme [T] pour un montant de 11’600 euros
MM. [G] sollicitent le paiement de trois factures (n° 88, 89 et 90) établies par Mme [T] les 29 avril, 21 et 24 mai 2019 pour un montant total de 11’600 euros.
La cour constate que la société [D] immobilier ne conteste pas le bien-fondé de ses demandes, tout en sollicitant sans en justifier la réduction de 50 % de ce montant, de sorte que le jugement ne peut être que confirmé.
Des intérêts au taux légal sur cette somme seront dus à compter du 4 juin 2019, date de la mise en demeure, conformément aux dispositions de l’article 1231 du code civil.
Sur les factures réclamées au titre du droit de suite
L’article 10 du contrat du 3 juin 2013 conclu entre Mme [T] et la société [D] immobilier prévoit qu’en cas de cessation du mandat et quelle qu’en soit la cause, l’agent commercial aura droit aux commissions (‘) sur toutes les affaires qui seront définitivement conclues dans le délai raisonnable de six mois suivant la date de la cessation définitive qui seront la suite du travail de prospection effectué par lui pendant l’exécution de son mandat.
L’avenant du 30 novembre 2014 précise que les commissions sont de 25 % lorsqu’une affaire a été rentrée par un collaborateur de l’agence et vendue par Mme [T] ou lorsque l’affaire a été rentrée par Mme [T] et vendue par un collaborateur de l’agence.
MM. [G] sollicitent le paiement de quatre factures (n° 91 à 94) émises les 26 juillet, 27 août, 16 septembre et 1er octobre 2019, pour un montant total de 25’000 euros TTC.
S’agissant de la facture n° 93 pour un montant de 12’500 euros, correspondant à une vente signée le 28 août 2019, les intimés produisent aux débats l’attestation de M. [M] [K], le vendeur, qui décrit l’implication décisive selon lui de Mme [T] dans la vente, et qui indique également que la vente a été réalisée par Mme [D] car Mme [T] était en soins.
De son côté, la société appelante produit notamment aux débats une attestation de M. [X] [R], l’acheteur, qui indique ne pas connaître Mme [T] et n’avoir pas eu affaire à elle dans l’acquisition de son bien.
Il en résulte que Mme [T] a bien participé à la vente en faisant rentrer le bien auprès de la société [D] immobilier, quand bien même Mme [D] est également intervenue à ce titre ainsi qu’il en est justifié, de sorte qu’elle a droit à 25 % de la commission par application de l’avenant du 30 novembre 2014, soit la somme de 6 250 euros. Le jugement sera réformé de ce chef.
S’agissant de la facture n° 94 pour un montant de 4 000 euros, il convient de constater qu’elle correspond à une vente réalisée le 10 février 2020, soit au-delà du délai de six mois du droit de suite (quand bien même la note d’honoraires est en date du 7 septembre 2019), de sorte que MM. [G] seront déboutés de leur demande formée de ce chef.
S’agissant des factures n° 91 et 92, il convient de constater que la société [D] immobilier ne conteste pas l’implication de Mme [T] dans la vente des biens immobiliers en question, de sorte qu’elles seront dues en intégralité, étant constaté que la société appelante ne justifie pas des motifs d’une réduction des commissions à hauteur de 25 % comme elle le sollicite.
En conséquence, la société [D] immobilier sera condamnée à payer aux héritiers de Mme [T] la somme de 14’750 euros (6 250 + 3 500 + 5’000), assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2021, date de la décision de première instance.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur l’indemnité compensatrice de rupture
Selon les dispositions de l’article L. 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Selon l’attestation de l’expert-comptable de Mme [T] en date du 25 octobre 2019, cette dernière a réalisé les chiffres d’affaires suivants’:
– 2017 : 47’250,02 euros
– 2018 : 13’978,66 euros
– Jusqu’au 31 août 2019 : 9 374,99 euros (outre 11’600 euros de factures non encore réglées par la société [D] immobilier et qui étaient dues).
Or, comme soutenu à bon droit par la société [D] immobilier, le calcul de l’indemnité compensatrice de rupture doit s’effectuer sur la base de commissions annuelles HT.
Dès lors, il convient de retenir la somme de 65’762,94 euros HT au titre des trois dernières années d’exécution du mandat de Mme [T] (82’203,67 – 20% = 65’762,94 euros), et de fixer le montant de l’indemnité compensatrice à la somme de 43’841,96 euros correspondant à deux années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d’exécution du mandat.
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2021.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les autres demandes
La décision sera confirmée en ce qu’elle a alloué à MM. [G] des dommages et intérêts au titre de la résistance abusive de la société [D] immobilier dans le paiement des factures qui étaient dues pour un montant de 11’600 euros, mais sera réformée sur le montant de ces dommages et intérêts qui sera fixé à la somme de 1 000 euros.
Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
La société [D] immobilier qui succombe pour l’essentiel dans ses demandes en cause d’appel sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à MM. [G] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme partiellement le jugement entrepris mais statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension de l’arrêt,
Déboute la société [D] immobilier de sa demande de résiliation du contrat d’agent commercial de Mme [A] [T] pour faute grave et de ses demandes indemnitaires subséquentes,
Condamne la société [D] immobilier à payer à MM. [W] et [N] [G] la somme de 11’600 euros au titre des factures n° 88, 89 et 90,
Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2019,
Condamne la société [D] immobilier à payer à MM. [W] et [N] [G] la somme de 14’750 euros au titre des factures dues en application du droit de suite de Mme [T],
Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2021,
Condamne la société [D] immobilier à payer à MM. [W] et [N] [G] la somme de 43’841,96 euros au titre de l’indemnité compensatrice de fin de contrat,
Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2021,
Condamne la société [D] immobilier à payer à MM. [W] et [N] [G] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts,
Condamne la société [D] immobilier aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à MM. [G] la somme de 3’500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
le greffier la conseillère faisant fonction de président,