Marchand de Biens : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00350

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Marchand de Biens : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00350
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80O

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 1ER FEVRIER 2024

N° RG 22/00350 – N° Portalis DBV3-V-B7G-U7P2

AFFAIRE :

[H] [T]

C/

[F] [Z] es qualité de mandataire liquidateur de la Société AGENCE DE LA MAIRIE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 19/01378

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean-Marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES

Me Hubert MARTIN DE FREMONT de

la SELAS SIMON ASSOCIES

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES,

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [H] [T]

né le 21 Mars 1965 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-Marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0274 –

APPELANT

****************

Maître [F] [Z] es qualité de mandataire liquidateur de la Société AGENCE DE LA MAIRIE

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411 –

substitué par Me Carine COOPER avocat au barreau de PARIS

Association CGEA IDF OUEST

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 –

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Décembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [H] [T] a conclu le 29 avril 2016 un contrat d’agent commercial, en qualité de travailleur indépendant, avec la société à responsabilité limitée Agence de la Mairie, ayant une activité de marchand de biens et de transactions immobilières, qui exploitait une agence immobilière.

Au dernier état des relations contractuelles, le taux de commissions sur les ventes immobilières négociées par M. [T] a été fixé à 95% et il était autorisé à passer, en son nom et à sa charge des contrats de publicité, en restant entièrement responsable à l’égard des fournisseurs.

La société Agence de la Mairie laissait à disposition de M. [T] ses moyens matériels pour le développement de son activité commerciale moyennant un forfait mensuel de 2.070 euros par mois.

Parallèlement, M. [T] a constitué la Société AM47, ayant une activité d’agence immobilière.

La société Agence de la Mairie a mis fin au contrat de M. [T] le 29 mars 2019 au motif qu’il aurait reçu des fonds des clients.

Le 29 octobre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société, convertie le 17 décembre suivant, en liquidation judiciaire et la société Alliance, prise en la personne de Me [Z], a été désignée en qualité de liquidateur.

M. [T] a saisi, le 31 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre, pour solliciter la requalification de son contrat d’agent commercial en contrat de travail salarié, et a réclamé, en dernier lieu, la fixation de sa créance de frais et d’honoraires sur les ventes conclues ou négociées avant la rupture, au passif de la liquidation de la société Agence de la Mairie. Il sollicitait aussi diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi s’est opposé le mandataire liquidateur.

Par jugement rendu le 12 janvier 2022, notifié le 17 janvier suivant, le conseil a statué comme suit :

Constate l’absence de lien de subordination et par là même l’inexistence d’un contrat de travail

Déboute M. [T] de l’ensemble de ses demandes relatives à la requalification contractuelle en contrat de travail et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Renvoie l’affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre s’agissant de la demande de remboursement de frais de publicité payés par le demandeur.

Déboute Me [Z], es [qualités de] mandataire liquidateur de la société Agence de la Mairie, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Laisse à la charge de chacune des parties les dépens engagés dans le cadre de la présente instance.

Le 4 février 2022, M. [T] a relevé appel par voie électronique de cette décision.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 25 juillet 2022, il demande à la cour de:

Le déclarer recevable et bien fondé en son appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre du 11 janvier 2022,

Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

Juger que les fonctions qu’il a exercées pour le compte de la société Agence de la Mairie ne rentrent pas dans les dispositions légales et réglementaires régissant les activités de négociateur immobilier indépendant – agent commercial.

Juger que de ce fait, ses fonctions sont celles de directeur d’agence salarié.

Juger l’existence d’un lien de subordination entre les parties

Requalifier son contrat d’agent commercial en contrat de travail salarié.

De ce fait, fixer sa créance dans la liquidation des biens de la société Agence de la Mairie aux sommes de :

– 1.728,29 euros au titre des frais de publicité qu’il a payés et qui n’ont pas été remboursés par la société Agence de la Mairie

– 21.094 euros pour les honoraires dus au titre des ventes qu’il a passées

– 46.436,00 euros pour les honoraires dus au titre des ventes qu’il a négociées avant son licenciement et qui ont été réalisées après son départ.

Fixer sa créance aux titres des indemnités légales et dommages et intérêts aux sommes de :

– 1.700 euros de dommages et intérêts au titre de l’indemnité due pour non-respect de la procédure de licenciement ;

– 15.300 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive

– 10.200 euros de dommages et intérêts au titre de l’indemnité de préavis

– 2.791 euros de dommages et intérêts de licenciement

– 8.441,30 euros de dommages et intérêts au titre de l’indemnité de congés payés

– 10.200 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé

Fixer l’indemnité prévue à l’article 700 du code de procédure civile due par la société Agence de la Mairie à la somme de 12.000 euros et condamner l’Unedic au paiement d’une indemnité de 12.000 euros au même titre.

Condamner la société Agence de la Mairie ainsi que l’Unedic aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 4 mai 2022, la société Alliance, prise en la personne de Me [Z], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Agence de la Mairie, demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’absence de lien de subordination et par là même l’inexistence d’un contrat de travail, renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce s’agissant de la demande de remboursement de frais de publicité et débouté M. [T] de l’ensemble de ses demandes relatives à la requalification en contrat de travail et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Me [Z] ès qualités de liquidateur de la société Agence de la Mairie de ses demandes notamment de la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et en conséquence :

Dire et juger prescrite la demande de requalification du contrat d’agent commercial en contrat de travail :

Se déclarer incompétente pour connaître des demandes de paiement de facture

Débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamner M. [T] au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de la présente instance ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les éventuels dépens d’exécution

A titre infiniment subsidiaire :

Réduire dans de plus justes proportions le quantum des indemnités et dommages et intérêts sollicités.

En tout état de cause :

Fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société.

Dire que les sommes fixées sont brutes.

Dire et juger que le jugement de liquidation judiciaire a définitivement arrêté le cours des intérêts en application des articles L.622-28 et suivants du code de commerce.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 10 juin 2022, l’AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de :

Juger que M. [T] ne démontre pas avoir eu la qualité de salarié de la société Agence de la Mairie,

En conséquence,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre,

Débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

En tout état de cause :

Mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure.

Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L.622-28 du code du commerce.

Juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l’AGS, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-6, L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-19 à 21 et L.3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.

A titre reconventionnel,

Condamner M. [T] à verser à l’Unedic, par délégation de l’AGS CGEA d’Ile-de-France Ouest la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [T] aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution forcée.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 22 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 19 décembre 2023.

MOTIFS

Sur la requalification de la relation de travail

Sur la recevabilité de l’action

Le mandataire judiciaire fait valoir la fin de non-recevoir tirée de la prescription sur le fondement de l’article L.1471-1 du code du travail dont le point de départ s’établit, selon lui, au début de l’exécution du contrat.

L’article L.1471-1 du code du travail énonce que « toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L.1132-1, L.1152-1 et L.1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code » etc.

Cependant, l’action par laquelle une partie demande de qualifier une convention en un contrat de travail revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil.

Par ailleurs, la qualification de la relation de travail dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l’activité, le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle la relation contractuelle, dont la qualification est contestée, a cessé.

La relation s’étant dénouée le 29 mars 2019, M. [T], qui a formé sa requête introductive d’instance le 31 mai 2019 n’était pas en retard.

La fin de non-recevoir doit être écartée et le jugement confirmé par substitution de motifs.

Sur le mérite de l’action

M. [T], qui relève avoir remplacé un employé permanent et précise avoir été pressenti pour racheter le fonds de commerce, expose avoir assuré toutes ses tâches, de négociation ou d’administration, sous la surveillance et les instructions du gérant de la société, quoiqu’il ait été inscrit au registre du commerce et des sociétés.

Il fait valoir que les conditions de l’article 4 de la loi du 2 janvier 1970 et de l’article 9 du décret du 20 juillet 1972 régissant la profession des négociateurs immobiliers n’étant pas réunies, puisque ses fonctions dépassaient la réception des mandats et le conduisaient à assurer la direction de l’agence, et lui-même étant dépourvu d’attestation d’emploi, le mandat confié était de ces deux causes, nul. Il en déduit n’avoir pu revêtir que la qualité de négociateur salarié, seule autre alternative posée par les textes.

Il plaide sinon sa subordination au gérant de la société.

Le mandataire judiciaire fait valoir l’immatriculation de M. [T] au registre du commerce et des sociétés depuis 1998 et qu’il gère sa propre agence. Il estime que la présomption posée par l’article L.8221-6 du code du travail n’est pas renversée faute de preuve suffisante, les éléments apportés par son contradicteur relevant, selon lui, de la nécessaire organisation de l’agence sans définir un lien de subordination. Il refuse la dichotomie posée par l’appelant, d’une qualité nécessairement alternative de salarié, faute de réunir les conditions de négociateur indépendant. Il plaide au contraire sa totale autonomie.

L’AGS qui relève des mêmes causes la même présomption, et s’associe aux explications du mandataire judiciaire, souligne que le lien de subordination, qui doit être caractérisé dans la mesure où la relation de travail salariée est une notion de fait résultant d’un faisceau d’indices, n’est pas établi par la convergence d’accords commerciaux et d’une présence dans les locaux dérivant, selon elle, de l’activité indépendante. Elle considère la démarche adverse comme une tentative de fraude à ses droits.

Cela étant, il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence, qui dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur, et non de la volonté exprimée par les parties ou de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention.

Le contrat de travail est caractérisé par une prestation, une rémunération et un lien de subordination.

L’article L.8221-6 du code du travail dit que « I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (‘) 

II. – L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. »

Il est constant que M. [T] était inscrit au registre du commerce et des sociétés au temps de la conclusion et de l’exécution du mandat.

Il s’ensuit comme l’ont justement relevé les premiers juges qu’il est présumé ne pas être salarié.

Sur la validité du mandat d’agent commercial ‘ négociateur immobilier

Le mandat conclu le 29 avril 2016, spécifiant en son article 2 intitulé « indépendance des parties » que l’agent exerce son activité à titre de profession indépendante et organise librement les modalités d’exécution de sa mission » la définit ainsi : « – prospecter afin d’obtenir la délivrance de mandats

de vente de biens immobiliers ; – recueillir l’ensemble des documents nécessaires à la vente ; – suivre les vendeurs et/ou acquéreurs jusqu’à la concrétisation de ventes ; – rechercher des candidats acquéreurs ; – assurer les visites des biens mis en vente ; – négocier avec les clients acquéreurs et/ou vendeurs ; préparer les dossiers ; – assister les clients vendeurs et/ou dans la finalisation de la transaction ».

L’article 4 de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, expose que « toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier justifie d’une compétence professionnelle, de sa qualité et de l’étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. (‘)

Les dispositions du chapitre IV du titre III du livre Ier du code de commerce sont applicables aux personnes visées au premier alinéa lorsqu’elles ne sont pas salariées. Ces personnes doivent contracter une assurance contre les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

Ces personnes ne peuvent pas :

1° Recevoir ou détenir, directement ou indirectement, des sommes d’argent, des biens, des effets ou des valeurs ou en disposer à l’occasion des activités mentionnées à l’article 1er de la présente loi ;

2° Donner des consultations juridiques ni rédiger des actes sous seing privé, à l’exception de mandats conclus au profit du titulaire de la carte professionnelle mentionnée à l’article 3 ;

3° Assurer la direction d’un établissement, d’une succursale, d’une agence ou d’un bureau.

Les personnes qui, à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, disposent de l’habilitation mentionnée au premier alinéa sont réputées justifier de la compétence professionnelle mentionnée au présent article. »

Le mandat ne dépassant pas les prérogatives d’un négociateur indépendant au regard de cette disposition, il ne saurait pas encourir la nullité alléguée, au reste non précisément poursuivie, étant observé que ses conditions d’exercice sont sans emport à cet égard.

L’habilitation visée par l’article 9 du décret du 20 juillet 1972 disant « toute personne physique habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier, justifie de la qualité et de l’étendue de ses pouvoirs par la production d’une attestation conforme à un modèle déterminé par arrêté du ministre chargé de l’économie. L’attestation est visée par le président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale ou de la chambre départementale d’Ile-de-France compétente en application du I de l’article 5, puis délivrée par le titulaire de la carte professionnelle », établie au vu du mandat confié par l’agent immobilier et qui y est postérieure, ne saurait régler ni ses rapports avec son mandant, ni les conditions de la validité du mandat.

En tout état de cause, la relation de travail salariée ne peut pas dériver de la méconnaissance de ces dispositions, en ce qu’elle n’est qu’une notion de fait et qu’elle ne dépend que des conditions concrètes d’exercice de l’activité litigieuse.

Le moyen étant inopérant, et au reste mal fondé, doit être rejeté.

Sur le lien de subordination

Le débat ne porte que sur le lien de subordination, et non sur l’activité et la rémunération qu’induisent au demeurant les actes conclus entre les parties dont la réalité n’est pas critiquée à cet égard.

Il est entendu qu’au travers du mandat, les parties occupaient les mêmes locaux et partageaient les moyens contre le versement, par M. [T], d’une redevance de 2.700 euros par mois.

La présence

M. [T] indique assurer l’ouverture et la fermeture de l’agence chaque jour ainsi qu’en attestent en des termes au reste identiques deux stagiaires durant 2 mois, M. [U], M. [W] et un 3ème  M. [Y], en d’autres termes aussi concis, sans justifier d’aucune instruction en ce sens.

Il se prévaut d’un planning lui attribuant des plages de présence fixes, mais n’en justifie pas par le seul agenda de février 2019 versé aux débats, sans en-tête ni signature comme l’a relevé le conseil de prud’hommes, dont l’auteur n’est, en tout état de cause, pas connu, et les circonstances de son établissement ignorées.

S’il fait valoir les instructions de son mandant pour obtenir le planning des présences, il n’en justifie le 29 décembre 2017 qu’en ces termes de la même conversation, dont le mandataire judiciaire critique inutilement l’émetteur dans l’instant où le même numéro de téléphone est reporté dans les correspondances de l’agence sous le nom du gérant « Qui est au bureau aujourd’hui ‘ y aura-t-il quelqu’un de façon certaine entre 10h et 12h ‘ » « pour faire dépose[r] une pièce » « mais vous me confirmez que ce sera ouvert à 11.10 ‘ [H], vous ne m’avez pas envoyé le planning des présence[s]. Cela m’aiderait’», qui suggérant une aide ponctuelle sont insuffisants à établir une contrainte de présence ou de gestion.

De même, les interrogations du mandant, une fois, pour récupérer les clés du garage à l’agence, que M. [T] dit avoir détenues seul, ne disent rien sur le pouvoir de direction du gérant, et ne témoignent que du partage des lieux et des moyens.

S’il est vrai que le mandant l’interroge le 24 janvier 2018 sur sa présence à une réunion de l’association des agents immobiliers et lui demande si « [P] » peut y aller, il n’exige pas pour autant qu’il s’y rende, et c’est M. [T] qui le lui propose.

Ces éléments ne permettent pas, comme le soutient le mandataire judiciaire, de constater qu’il aurait été assujetti à un horaire, dont le gérant aurait assuré le contrôle.

Les moyens

Certes l’intéressé, qui prétend signer les contrats de fourniture, établit avoir réceptionné des travaux de câblage de téléphonie et en 2016, la livraison de meubles meublants, sans pour autant qu’aucune directive ne soit démontrée, de quiconque. Ce moyen n’est pas opérant.

En revanche alors qu’il était candidat à l’acquisition du fonds de commerce début 2019, et avait créé sa propre société AM47 en décembre 2018, il ne saurait pas sérieusement se prévaloir des correspondances qui lui étaient adressées autour de l’agence de la mairie, sous son nom accolé à celui de sa nouvelle société, pour l’adhésion à un fichier professionnel, à une assurance professionnelle, à un réseau de télécommunications, ou pour l’établissement d’un bail commercial à l’adresse de l’agence.

S’il est vrai qu’il a participé au déménagement de l’agence à l’automne 2017 dans d’autres locaux, les SMS versés aux débats ne témoignent pas d’instructions du mandant mais d’une convergence d’informations pour son organisation (M. [T] : « pour le déménagement demain ou vendredi ‘ » le mandant « camion réservé vendredi matin à 8 h 30. Je serais au bureau vers 9 h 30 ») ou ses suites, dont témoigne la communication de M. [T] au gérant des coordonnées de l’entreprise de photocopieurs, et lui demandant « quand peut-on récupérer le matériel pour le peintre, il souhaite débuter demain » dans un contexte où, simple utilisateur, il devait nécessairement prendre l’avis du détenteur des lieux.

La circonstance qu’il ait été en copie d’une correspondance du gérant avec d’autres sur un dégât des eaux courant décembre 2017, ne dévoile aucun ordre ou instruction.

Ensuite, M. [T] établit avoir participé, de concert avec le gérant, à l’embauche de collaborateurs indépendants commissionnés, sous la forme de propositions, le gérant disant « je pense qu’il faut dans un premier temps que vous appeliez les 5 à 10 meilleurs (‘), je vous laisse gérer cette première partie. Les candidats retenus nous pouvons les voir en fin de semaine ou début de semaine prochaine. » « vous pouvez regarder si certains peuvent être appelés ». Aucune instruction nette n’en ressort.

Enfin, s’il a pu accepter d’être tuteur de jeunes personnes en formation scolaire, cela ne dit rien sur le lien de subordination, d’autant, comme l’a relevé à bon droit le conseil de prud’hommes, qu’un agent commercial peut s’entourer de ses propres collaborateurs.

Le mandat d’agent commercial étant au demeurant d’intérêt commun, le partage concerté des moyens dérive de sa nature propre et par ailleurs des stipulations ressortant de l’annexe I du contrat, prévoyant l’accès à l’agence, l’accueil téléphonique, l’impression de documents.

L’activité

M. [T] justifie par l’échange de SMS le 21 décembre 2017 avoir établi des factures et que le gérant le sollicita pour obtenir des numéros disponibles, mais sans qu’aucune instruction ne s’en déduise. Le 22 janvier 2019, cependant, le gérant lui demandait de préparer et de lui adresser la facture de M. [C], qui est un client auquel il accordait une remise.

S’il ressort du mail du gérant du 25 octobre 2017 que M. [T] avait procuration pour recevoir le courrier de l’agence (« vous devriez recevoir au moins 2 recommandés. Merci de ne pas les prendre on va essayer de gagner du temps »), et du SMS du 2 janvier 2018 qu’il le remerciait de lui avoir adressé le courrier (« [H], j’ai bien reçu le courrier. Merci »), aucune instruction n’en ressort clairement.

Si l’appelant indique avoir reçu en permanence des instructions du gérant pour l’exécution de son travail, cela ne ressort pas de leurs correspondances, ce dernier se bornant à lui demander le 23 décembre 2018 si une annonce de location est en ligne et à lui préciser le 28 janvier 2019 « pour info » que M. [C] sera à l’agence tel jour à telle heure, sans exiger, comme il le suggère, qu’il assure ce rendez-vous.

Si M. [T] prétend avoir tenu les fichiers clients, avoir géré les mandats de l’agence, assuré toutes les tâches en relation avec la clientèle et les fournisseurs, et géré seul l’administration de l’agence, il ne l’établit pas plus.

La présentation

Certes, M. [T] fait justement valoir qu’il était présenté sur le site de l’agence ainsi « sous la direction du gérant/propriétaire de l’Agence, vos conseillers ventes & locations et autres collaborateurs : [K] [X] et [H] [T] (‘) ». Cependant, cette incise, destinée aux tiers, ne saurait postuler la réalité du lien de subordination qui s’établit d’abord dans l’exercice concret de la relation.

Dès lors, il ne résulte pas suffisamment de l’ensemble de ces éléments la démonstration par l’appelant de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui aurait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, faute d’instructions en trois ans sauf une fois pour l’établissement d’une facture, et de contrôle de leur exécution, M. [T] ne rendant jamais compte de son activité. Dès lors, d’autant qu’il ne prétend pas ne s’être jamais acquitté des charges notamment fiscales propres à son activité indépendante ou n’avoir pas réglé le prix du mandat, il ne renverse pas la présomption de travail indépendant posé par l’article L.8221-6 du code du travail.

Le jugement sera confirmé pour avoir rejeté la demande de M. [T] de requalification de la relation d’agent commercial en contrat de travail et de ses prétentions subséquentes.

En revanche, il sera infirmé en ce qu’il a renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce, du moment que la juridiction prud’homale est seule compétente pour juger de l’existence de la relation de travail salarié et qu’aucune demande n’est par ailleurs formée, qui n’y serait pas liée.

Sur les frais de justice

Aucune raison ne préside à la réformation de la décision de 1ère instance sur les frais de justice.

Il n’y a lieu non plus de mettre hors de cause l’AGS pour le paiement des frais de justice, certes non couverts par sa garantie, dans la mesure où elle est régulièrement attraite en justice.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre s’agissant de la demande de remboursement de frais de publicité payés par le demandeur ;

L’infirme sur le surplus ;

Statuant sur le chef infirmé et y ajoutant ;

Dit n’y avoir lieu à se déclarer incompétent ;

Dit n’y avoir lieu à mettre hors de cause l’AGS pour le paiement des frais de justice ;

Condamne M. [H] [T] à payer à Me [Z], ès qualités de mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée Agence de la Mairie et à l’AGS CGEA IDF Ouest, chacun, 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [H] [T] aux entiers dépens, qui ne contiennent pas les frais d’exécution de la décision, régies par des textes ad hoc.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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