Manquement au devoir de conseil et d’information

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Manquement au devoir de conseil et d’information
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Manquement au devoir de conseil et d’information

Sur le devoir de conseil et d’information de l’assureur

La société AB Transport soutient que l’assureur Allianz et son agent général ont manqué à leur devoir de conseil et d’information à son égard, ce qui lui a causé un préjudice. Elle estime que si elle avait été correctement informée, elle aurait inclus son véhicule dans sa flotte couverte par son assurance responsabilité civile professionnelle.

Allianz et l’UFA soutiennent que c’est au transporteur de déclarer l’ensemble des véhicules de sa flotte de transport de marchandises. Ils estiment que l’assureur ne pouvait pas savoir à quel usage était affecté le véhicule litigieux.

Sur le devoir de conseil et d’information de l’assureur

L’assurance responsabilité professionnelle garantit les prestataires de services contre les conséquences pécuniaires de leurs responsabilités. Elle ne garantit que les conséquences dommageables de l’exercice de la profession déclarée à l’exclusion de celles qui découlent d’une fonction secondaire ou accessoire.

Les exclusions communes à toutes les assurances doivent avoir un caractère formel et limité. Les obligations d’information et de conseil imposées aux professionnels par les tribunaux sont des obligations de moyens.

Sur l’inexécution d’une obligation de faire

En cas de manquement au devoir d’information et de conseil, la sanction consiste en l’allocation de dommages-intérêts. La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue. L’assuré peut agir en responsabilité contre l’agent général et l’assureur.

La société AB Transport a conclu un contrat d’assurance RCP du Transport Terrestre qui ne couvrait pas le véhicule impliqué dans l’accident. Aucun manquement à son devoir de conseil et d’information ne peut être reproché à l’assureur et son intermédiaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société AB Transport est condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel. Elle est également condamnée aux dépens de première instance. Une somme de 2500 euros est accordée en faveur des intimées au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°23

SP

R.G : N° RG 22/00167 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVBY

S.A.R.L. AB TRANSPORT

C/

S.A.R.L. ALLIANZ

S.A.S. UFA

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2023

Chambre commerciale

Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 12 NOVEMBRE 2021 suivant déclaration d’appel en date du 16 FEVRIER 2022 RG n° 2020J00146

APPELANTE :

S.A.R.L. AB TRANSPORT

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Christel VIDELO CLERC, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉES :

S.A.R.L. ALLIANZ

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.S. UFA

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 21/11/2022

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Mai 2023 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 12 juillet 2023 prorogé par avis au 06 septembre 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 06 Septembre 2023.

* * *

LA COUR

Par acte du 7 décembre 2015, la SARL AB Transport a souscrit par l’intermédiaire de la SAS Union Financière des Assurances (l’UFA), agent général Allianz auprès de la Compagnie d’Assurances Allianz IARD (Allianz), une police d’assurance numéro CA190424 dite “Responsabilité Civile des Professionnels du Transport Terrestre” pour la période du 1er décembre 2017 au 1er décembre 2018, reconduite tacitement depuis lors. Le capital assuré visait quatre camions : un véhicule VOLVO [Immatriculation 4], un véhicule MERCEDES [Immatriculation 10], un véhicule DAF [Immatriculation 9] et un véhicule CITROEN [Immatriculation 11].

Le 15 juin 2017, la société AB Transport a acquis un nouveau camion de marque MERCEDES immatriculé [Immatriculation 12], pour lequel la société AB Transport a souscrit un assurance dite « Allianz route ».

Le 7 juillet 2018, la SARL AB Transport a déclaré un sinistre auprès de la compagnie d’assurances via l’intermédiaire de l’UFA, s’agissant d’un portique de lavage transporté par ses soins sur le camion MERCEDES [Immatriculation 12]. Un rapport d’expertise a fixé le montant des dommages intérêts à la somme de 44.131,60 euros.

Par mail du 28 mars 2019, Allianz a informé la société AB Transport de son absence de garantie, au motif que 1e véhicule précité ne faisait pas partie des véhicules assurés à la date de l’accident.

Par acte d’huissier en date du 20 juillet 2020, la société AB Transport a fait assigner Allianz et l’UFA devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion.

Dans ces dernières écritures, la société AB transport a demandé au tribunal, à titre principal, de condamner Allianz à la garantir pour un montant de 44.131,50 euros, et, à titre subsidiaire, de condamner solidairement Allianz et l’UFA à lui verser la somme de 44.1321,50 euros en réparation de son préjudice matériel, en raison de leur manquement à leur obligation de conseil et d’information.

Allianz et l’UFA ont conclu au débouté des prétentions de la société AB Transport

C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 12 novembre 2021 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a statué en ces termes :

DEBOUTE la SARL AB TRANSPORT de sa demande tendant à condamner la SA ALLIANZ IARD à garantir au titre du contrat d’assurance “Responsabilité Civile des Professionnels du Transport Terrestre” souscrit le 7 décembre 2015 son assuré, la SARL AB TRANSPORT pour le sinistre du 4 juillet 2018 occasionné lors du transport de marchandises par son véhicule de marque MERCEDES modèle PLATEAU, Type ” > 3TS” immatricule [Immatriculation 12], pour un montant de 44.131,60 euros ;

DEBOUTE la SARL AB TRANSPORT de sa demande tendant à dire que la COMPAGNIE D’ASSURANCES ALLIANZ IARD, la société UNION FINANCIERE DES ASSURANCES ont manqué à leur obligation de conseil d’information ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL AB TRANSPORT aux dépens dont frais de greffe taxes et liquidés à la somme de 81,07 € TTC.

Par déclaration au greffe en date du 16 février 2022, la société AB Transport a interjeté appel de cette décision.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2022 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience rapporteur du 3 mai 2023.

* * *

Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 10 mai 2022, la société AB Transport demande à la cour, au visa des articles L112-2 et suivants du code des assurances et 1240 du code civil, de :

-Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société AB Transport de sa demande tendant à dire qu’Allianz et l’UFA ont manqué à leur devoir de conseil, à les voir condamner au versement de la somme de 44.131,60 euros à titre de réparation de son préjudice matériel, et, les voir condamner aux dépens et à des frais irrépétibles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Et jugeant à nouveau,

-Dire qu’ Allianz et l’UFA ont manqué de manière équivalente à leurs obligations de conseil et d’information l’encontre de la société AB Transport ;

-Dire que les manquements d’Allianz et l’UFA ont causé un préjudice matériel à la société AB Transport d’un montant de 44.131,60 euros ;

-Condamner solidairement Allianz et l’UFA à verser à la société AB Transport la somme de 44.131,60 euros en réparation de son préjudice matériel ;

-Débouter Allianz et la société UFA de l’ensemble de leurs demandes ;

-Condamner solidairement Allianz et l’UFA aux entiers dépens ;

-Condamner solidairement Allianz et l’UFA à verser à la société AB Transport la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Dans leurs uniques conclusions transmises par voie électronique le 4 août 2022, Allianz et l’UFA demandent à la cour de :

-Voir dire et juger que dans le cadre d’une assurance dite « de flotte », l’obligation faite à l’assuré de déclarer au fur et à mesure les mouvements intervenants dans le parc de véhicules et le capital assuré s’entend par véhicule porteur listé dans le tableau et doit s’analyser comme une condition de la garantie et non une exclusion de garantie dans la mesure où cette clause donne la dimension précise et exacte du contrat d’assurance ;

-Voir dire et juger que le véhicule MERCEDES immatriculé DS 459 BM n’était pas assuré dans la flotte de transport, faute de la moindre déclaration par l’assuré (ce qui a un impact sur la prime) ;

-Voir dire et juger que l’on ne peut transformer une violation d’une obligation contractuelle de l’assuré au titre d’une clause précise en violation d’un devoir de conseil de l’assureur, ni retourner l’obligation contractuelle de l’assuré à son profit au titre d’une violation du devoir de conseil de l’assureur ;

-Voir dire et juger que la motivation des juges de première instance qui précise que : « le caractère suffisamment précis et circonstancié d’une telle clause est suffisamment explicite pour exclure tout devoir de conseil de l’assureur en la matière » apparaît conforme à l’exigence du devoir de conseil ;

-Voir dire et juger que c’était à l’assuré d’être prévoyant à ce titre et de déclarer l’ensemble des véhicules de sa flotte de transport de marchandises et non à l’assureur d’attirer son attention quels que soient les autres contrats d’assurance de route de l’assuré ;

-Voir dire et juger qu’au surplus, la société appelante n’est pas un consommateur ignorant mais un professionnel et qu’elle ne justifie pas d’une violation du devoir de conseil de l’assurance face à une clause type habituelle dans un contrat dit « de flotte » ;

-Voir en conséquence rejeter l’ensemble des demandes car le véhicule non déclaré n’était pas assuré dans la flotte ;

-Voir condamner la société AB TRANSPORT à verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

* * *

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

A titre liminaire

D’une part, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentées au soutien de ces prétentions.

D’autre part, la disposition suivante n’est pas discutée en cause d’appel par les intéressés en ce que le tribunal a débouté la SARL AB Transport de sa demande tendant à condamner la SA ALLIANZ IARD à garantir au titre du contrat d’assurance “Responsabilité Civile des Professionnels du Transport Terrestre” souscrit le 7 décembre 2015 son assuré, la SARL AB TRANSPORT pour le sinistre du 4 juillet 2018 occasionné lors du transport de marchandises par son véhicule de marque MERCEDES modèle PLATEAU, Type ” > 3TS” immatricule [Immatriculation 12], pour un montant de 44.131,60 euros.

Sur le devoir de conseil et d’information de l’assureur

La société AB Transport soutient en substance que, tant Allianz que l’UFA, agent général Allianz, ont manqué à leur devoir de conseil et d’information à son égard, ce qui lui a causé un préjudice, étant tenue à titre personnel à la réparation du préjudice subi par sa cliente, lequel s’élève à 44.131,60 euros (somme réclamée par l’assureur de sa cliente), en lien direct avec les fautes commises par Allianz et son agent général : il est certain que correctement informée, elle aurait fait le nécessaire pour que son véhicule DS 459 BM soit inclus dans la flotte couverte par son assurance responsabilité civile professionnelle (RCP).

Elle fait valoir que si elle est un professionnel dans le domaine du transport, elle ne l’est pas en matière d’assurance.

Elle considère que lors de la souscription de l’assurance véhicule, Allianz et son agent général étaient tenus de l’alerter sur le fait que cette assurance n’était que partiellement adaptée à ses besoins car ne couvrant pas les dommages causés aux marchandises transportées et qu’ils devaient lui recommander d’inclure ce véhicule et de préciser la valeur maximale des marchandises transportées dans sa flotte couverte par son assurance RCP. Elle précise qu’elle était convaincue que ledit véhicule était couvert par son assureur vu que depuis 2015, il s’en était toujours chargé. Elle ajoute qu’usuellement, les contrats d’assurance dits de flotte incluent à la fois l’assurance de l’ensemble des véhicules de l’assuré et la RCP pour éviter des doublons d’assurances et/ou des oublis de garanties, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, l’assureur ayant scindé l’assurance RCP et l’assurance des véhicules, scission de nature à créer des confusions pour l’assuré.

Allianz et l’UFA font valoir pour l’essentiel que la demande en responsabilité au titre du contrat d’assurance n’est pas justifiée : c’est au transporteur de déclarer l’ensemble des véhicules de sa flotte de transport de marchandises, le transporteur devant déclarer à son assureur, de façon précise, la liste des véhicules assurés en transport afin que le risque soit parfaitement connu et qualifié. Ils soutiennent qu’en matière d’assurance de flotte de véhicule, le besoin du professionnel est défini par la déclaration de l’assuré et estiment que le fait qu’il existe dans le contrat d’assurances des conditions précises que le souscripteur doit respecter après avoir reconnu avoir pleinement lu son contrat ne peut pas être source de responsabilité. Ils ajoutent que l’assureur ne pouvait pas savoir à quel usage était affecté en réalité le véhicule litigieux : véhicule d’entretien, de société ou encore de service.

Sur ce,

D’une part,

L’assurance responsabilité professionnelle est celle qui garantit les prestataires de services contre les conséquences pécuniaires de leurs responsabilités, aussi bien contractuelle que délictuelle. 

Elle ne garantit que les seules conséquences dommageables de l’exercice de la profession déclarée à l’exclusion de celles qui découlent d’une fonction secondaire ou accessoire. La délimitation du risque professionnel résulte surtout des conditions particulières de chaque police qui mentionnent la profession garantie et précisent les exclusions de risque. Elle garantit également la responsabilité que l’assuré peut encourir du fait de ses préposés par application de l’article L121-2 du code des assurances, quelles que soient la nature et la gravité des fautes des personnes dont il répond, mais le fait du préposé n’est couvert que dans la mesure où l’activité professionnelle de l’assuré est elle-même garantie.

Les exclusions communes à toutes les assurances sont :

-dommages causés aux membres de l’entourage de l’assuré

-dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré

-dommages résultant d’opération interdites par les textes légaux ou réglementaires

-les engagements particuliers dans la mesure où ils excèdent ceux auxquels l’assuré est tenu en vertu des textes légaux sur la responsabilité

-le non-versement ou la non-restitution des fonds reçus, sauf s’ils résultent d’un vol commis par les préposés ou collaborateurs au cours ou à l’occasion de leurs fonctions, qui relève de la garantie financière

-les amendes et pénalités infligées à titre personnel à l’assuré, sauf si le client est frappé d’amendes ou de pénalités du fait de l’erreur ou de la faute commise par le prestataires de service

-les dommages résultant d’un accident qui renvoi vers l’assurance responsabilité civile exploitation (sauf police multirisques qui comporte à la fois la RCP et la RCE)

Les exclusions doivent avoir un caractère formel et limité conformément aux dispositions de l’article L113-1 du code des assurances subordonne la validité de l’exclusion à son caractère formel et limité. Ainsi, la clause d’exclusions de garantie doit être clairement exprimée, ne doit pas  prêter à interprétation, ne pas vider la garantie de sa substance.

Sont garantis :

-les dommages corporels

-les dommages matériels (destruction de choses ou de substances, ou atteinte physique causée aux animaux)

-les dommages immatériels : définis comme « tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d’un droit, de l’interruption d’un service rendu par une personne ou par un bien meuble ou immeuble, ou de la perte d’un bénéfice et qui entraîne directement la survenance de dommages corporels ou matériels et constitue l’objet même de la garantie dans les professions juridiques, financières et comptables ; les dommages « non consécutifs » dits « immatériels purs » peuvent être garantis.

Enfin, en vertu de l’article L124-1 du code des assurances, l’assureur n’est tenu que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l’assuré par le tiers lésé. L’assuré doit aviser l’assureur dès qu’il a eu connaissance et au plus tard dans les 5 jours de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l’assurance. Le point de départ du délai est la connaissance du sinistre par l’assuré, c’est à dire à la fois de l’événement et des conséquences éventuellement dommageables de nature à entraîner la garantie de l’assureur (article L113-2 du code des assurances).

D’autre part,

Indépendamment des obligations d’information imposées par la loi ou les textes réglementaires à l’assureur, la jurisprudence met à sa charge une obligation générale d’information et de conseil à l’égard de son cocontractant.

L’agent général est également débiteur d’une obligation d’information et de conseil vis-à-vis du preneur d’assurance.

C’est d’abord le preneur d’assurance qui doit renseigner loyalement l’assureur (ou son intermédiaire) pour que ce dernier se fasse une exacte opinion du risque et soit susceptible de l’assurer correctement.

S’agissant du proposant d’assurance, il ne lui suffit pas d’informer, c’est-à-dire de porter à la connaissance de son client ses droits et obligations compte tenu des garanties dont il veut bénéficier ou dont il bénéficie, il lui faut également mettre en garde le client, attirer son attention, l’écouter, comprendre ses besoins et ses désirs, « examiner l’ensemble des données de droit ou de fait particulières à sa situation », lui expliquer ce qu’il est à même de proposer en réponse, l’éclairer et le conseiller dans ses choix.

Il n’est pas tenu d’expliquer spontanément à l’assuré le sens des clauses de la police, dans la mesure où elles sont claires à la simple lecture. Si l’assuré ne demande pas de renseignements, l’agent n’est pas tenu d’attirer son attention sur des clauses claires, telles qu’une franchise, une exclusion de risque, ou l’application de la règle proportionnelle au cas de sous- assurance.

Le manquement au devoir d’information et de conseil de l’assuré doit être apprécié « compte tenu des connaissances propres de l’assuré ».

Sauf cas particuliers, les obligations d’information et de conseil qui sont imposées aux professionnels par les tribunaux sont des obligations de moyens. Dans ce cas, la responsabilité pour manquement au devoir d’information et de conseil n’est pas présumée : elle ne peut être engagée qu’en prouvant la faute de celui qui a manqué à son devoir.

Cependant, la Cour de cassation a instauré un principe général applicable à tous les professionnels tenus d’une « obligation particulière d’information et de conseil », en se fondant sur l’article 1353, alinéa 2, du Code civil selon lequel « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » : la preuve de l’exécution de l’obligation d’information et de conseil est à la charge du débiteur de cette obligation. « Bien que cette obligation soit une obligation de moyens, c’est à celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information de rapporter la preuve de l’exécution de son obligation » .

Le débiteur peut prouver l’exécution de son obligation par tous moyens et notamment par présomptions.

C’est donc à l’assureur, à ses intermédiaires ou au souscripteur d’une assurance groupe de prouver qu’ils ont bien exécuté leur obligation et n’ont pas commis de faute. Cependant, s’agissant du devoir de conseil, il ne suffit pas à l’assuré d’invoquer le manquement de l’assureur à son devoir de conseil, il lui « incombe de caractériser la teneur et l’utilité du conseil dont il avait été privé ». Une fois le défaut d’information établi, ainsi que l’existence du préjudice, encore faut-il qu’il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

S’agissant de l’inexécution d’une obligation de faire, la sanction de la violation du devoir d’information et de conseil en matière d’assurance consiste normalement en l’allocation de dommages-intérêts.

Le préjudice résultant de ce manquement s’analyse en la perte d’une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l’emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé ».

La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Cependant, lorsqu’il est certain que correctement informé ou conseillé, l’assuré aurait souscrit différemment, il ne s’agit plus alors de perte de chance mais bien d’un préjudice plein et entier.

L’assuré a la possibilité d’agir en responsabilité à la fois :

-contre l’agent général qui a manqué à son devoir de conseil : ce dernier reste responsable de ses fautes délictuelles en vertu de l’article 1382 du code civil (nouvelle version peut-être ‘ 1240), même s’il a agi dans le cadre de ses fonctions. L’agent n’est pas dans la situation du préposé qui, lorsqu’il agit dans le cadre de sa mission, bénéficie d’une immunité civile ;

-contre l’assureur qui est civilement responsable de son agent, sauf si ce dernier a outrepassé les limites de sa mission.

En l’espèce, le 7 décembre 2015, la société AB Transport a conclu auprès de l’UFA, agent général Allianz, intermédiaire, un contrat d’assurance « Responsabilité Civile des Professionnels du Transport Terrestre » (contrat n° CA000000190424), avec effet au 1er décembre 2015, pour une durée d’un an, avec tacite reconduction, moyennant une cotisation annuelle de 1.330,06 euros TTC ,pour l’activité de transporteur public de marchandises, ayant pour objet de garantir le transport des armature métalliques et béton prêt à l’emploi.

Les conditions d’assurance figurant dans les conditions particulières (DP) sont les suivantes :

« -Responsabilité Civile Contractuelle pour l’activité de voiturier, : accidents, incendie, événements naturels, vol consécutif, vol avec violence caractérisée en dehors des périodes de stationnement, vol suite à malaise du chauffeur,

La présente garantie est accordée dans la limite du plein par véhicule porteur sans excéder les limites de responsabilité des contrats tpe LOTI.

Franchises :

Accident, Incendie, événements naturels, vol consécutif, vol à main armée ou avec violence caractérisée en dehors des périodes de stationnement et vol suite à malaise : Néant

En cas de vol :

(…) »

S’agissant des « VEHICULES TRANSPORTEUR / CAPITAL ASSURE », paragraphe figurant dans les CP, il est précisé :

« Au 01/12/2015 vous déclarez que votre parc est composé des véhicules suivants :

Vous vous engagez à déclarer au fur et à mesure les mouvements intervenant sur votre parc.

Le capital assuré ci-après s’entend par véhicule porteur et concerne la garantie RC contractuelle de l’article 4 des DG. », il s’agit des camions VOLVO [Immatriculation 4], MERCEDES [Immatriculation 10], DAF [Immatriculation 8] et CITROEN [Immatriculation 11], équipés d’un coupe circuit et fermés à clé et équipés d’un antivol bloquant la direction installé d’origine.

« La garantie est conditionnée aux déclarations ci-dessus En cas d’inexactitude, aucune indemnité ne sera due par l’assureur. »

Ledit document est signé des parties et précise que le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire des Dispositions Générales « Allianz Assurfret « référencé COM 05484. »

Les Dispositions Générales (DG) précisent, notamment, l’objet du contrat (article 2) et ce qui n’est pas garanti (chapitre 2 ; articles 11 et 12).

Sont ainsi garantis les conséquences pécuniaires de la responsabilité contractuelle que peut encourir l’assuré à l’occasion des transports terrestres de marchandises ou objets qui lui sont confiés dans le cadre de ses activités désignées aux DP.

La société AB Transport verse aux débats, outre les DP et les DG de l’assurance RCP du « Transport Terrestre », notamment :

-les DP du contrat « Allianz Route » conclu le 29 septembre 2019 auprès de l’UFA concernant le véhicule MERCEDES immatriculé DS 459 BM concernant les garanties : responsabilité civile, défense de vos intérêts suite à accident, bris de glace, incendie ‘ forces de la nature, vol, catastrophes naturelles, garantie du conducteur à concurrence de 250.000 euros, moyennant une cotisation annuelle de 909,92 euros TTC ;

-les DG du contrat Allianz Route aux termes desquelles sont garantis :

.les dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés à autrui par un accident, un incendie ou une explosion dans lequel est impliqué le véhicule assuré, ses accessoires, aménagements et équipements les objets et substances qu’il transporte, même en cas de chute, les matières qu’il projettent ou dépose sur la route dans les limites du contrat

.les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l’assuré dans certains cas (assistance bénévole, conduite à l’insu par un enfant mineur, prêt du véhicule assuré, défaut d’assurance du véhicule emprunté, responsabilité civile des sociétés de location avec option d’achat ou de location longue durée)

.les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutif, causés aux tiers par les véhicules assurés lorsqu’ils sont utilisés en tant qu’outil et que ces dommages sont dus exclusivement aux équipements utilitaires de l’engin en cours de travail sans implication de sa fonction de déplacement.

Le 7 juillet 2018, la SARL AB Transport a déclaré un sinistre auprès de la compagnie d’assurances via l’intermédiaire de l’UFA, s’agissant d’un portique de lavage transporté par ses soins sur le camion MERCEDES [Immatriculation 12] : le portique installé sur le camion (appartenant à l’entreprise SERID) n’est pas passé sous un pont et a été endommagé ainsi que son empiétement (ensemble faussé et tordu, portique non réparable). Un rapport d’expertise a fixé le montant des dommages intérêts dus à l’entreprise SERID à la somme de 44.131,60 euros.

Par mail du 28 mars 2019, Allianz a informé la société AB Transport de son absence de garantie, au motif que le véhicule précité ne faisait pas partie des véhicules assurés à la date de l’accident.

La cour relève que :

-la société AB Transport est un professionnel du transport ;

-la garantie sollicitée par la société AB Transport relève de son contrat d’assurance RCP du Transport Terrestre sur lequel ne figure pas le camion MERCEDES [Immatriculation 12] ;

-le contrat d’assurance automobile Allianz Route versé aux débats par la société AB transport concernant le camion MERCEDES [Immatriculation 12] est une assurance obligatoire qui couvre les dommages (matériels, immatériels et corporel) que le conducteur peut causer avec son véhicule aux autres personnes ainsi qu’à leur véhicule ou à tout autre bien. elle ne couvre pas les dommages corporels ou matériels causé au conducteur lui-même ou à ses proches.

Les DP du contrat d’assurance RCP de Transport Terrestre sont parfaitement claires : elles listent les véhicules déclarés par l’assuré, précisent que la garantie est conditionnée aux déclarations de l’assuré, lequel s’engage à déclarer au fur et à mesure les mouvements intervenant dans son parc automobile.

En outre, en tant que professionnel du transport terrestre de marchandises, la société AB Transport ne peut ignorer la différence entre une assurance de RCP et une assurance automobile obligatoire dont l’objet est très différent.

Dans ces conditions, aucun manquement à son devoir de conseil et d’information ne peut être reproché à l’assureur et son intermédiaire.

Il résulte de ce qui précède que par une juste appréciation des faits de la cause et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont débouté la société AB Transport de ses demandes.

Le jugement sera par conséquent confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société AB Transport succombant, il convient de :

-la condamner aux dépens d’appel ;

-la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel ;

-confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance ;

-confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutées de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.

L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des intimées, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 2500 euros pour la procédure d’appel et de confirmer le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 novembre 2021 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion ;

Y ajoutant

CONDAMNE la SARL AB Transport à payer à la SAS Union Financière des Assurances et la Compagnie d’Assurances Allianz IARD la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens d’appel ;

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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