Location de matériel : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03949

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Location de matériel : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03949
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8 février 2024
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/03949

N° RG 20/03949 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NB7J

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE CEDEX 1 du 05 juin 2020

RG : 2018j00412

S.A.S. BEL’SHOES

C/

[F]

S.A.S. LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 08 Février 2024

APPELANTE :

S.A.S. BEL’SHOES au capital de 8.000 €, immatriculée au RCS de Versailles sous le numéro 812 834 547, représentée par sa présidente, domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et par Me Xavier CAZOTTES, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Me [E] [F] es qualité de liquidateur judicaire de la société CG SOLUTIONS INFORMATIQUES

[Adresse 1]

[Localité 5]

non représenté,

S.A.S. LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS, au capital de 11 520 000 €, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous Ie numéro B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 09 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Décembre 2023

Date de mise à disposition : 08 Février 2024

Audience présidée par Viviane LE GALL, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 21 juillet 2016, la SAS Bel’Shoes a conclu un contrat de location avec la SAS Location Automobiles Matériels (Locam) portant sur un affichage dynamique commandé à la SARL CG Solutions Informatiques, moyennant le règlement de 48 loyers mensuels de 390 euros HT (468 euros TTC) s’échelonnant jusqu’au 20 août 2020. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé le 23 août 2016.

Par courrier recommandé du 22 mars 2017, la société Bel’Shoes a indiqué à la société Locam qu’il convenait de considérer le contrat la liant à la société CG Solutions Informatiques comme résolu aux torts de cette dernière et le contrat de location conclu entre elles comme caduc. Elle explique que la société CG Solutions Informatiques s’était engagée à lui verser une redevance en contrepartie de la diffusion de huit spots publicitaires sur l’écran installé mais que seuls trois versements ont été effectués et qu’aucune solution n’a été trouvée.

Par courrier recommandé adressé le 9 août 2017, la société Locam a mis en demeure la société Bel’Shoes de régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l’exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.

Par acte du 13 février 2018, la société Locam a assigné la société Bel’Shoes devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne afin d’obtenir la somme principale de 21.106,80 euros et la restitution du matériel sous atreinte.

Par acte du 23 mai 2018, la société Bel’Shoes a appelé dans la cause la société CG Solutions Informatiques. L’affaire a été jointe à la précédente par jugement du 8 juin 2016. Par jugement du 13 septembre 2018, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a prononcé la liquidation judiciaire de la société CG Solutions Informatiques et a désigné Me [F] en qualité de liquidateur judiciaire. Par acte du 21 novembre 2018, la société Bel’Shoes a appelé dans la cause Me [F], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CG Solutions Informatiques. L’affaire a été jointe à la précédente par jugement du 1er février 2019.

Par jugement réputé contradictoire du 5 juin 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

– dit que les conditions prévues aux dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation ne sont en l’espèce pas réunies,

– dit que les dispositions consuméristes afférentes à l’obligation d’informations précontractuelles et au droit de rétractation ne sont donc pas applicables,

– débouté la société Bel’Shoes de sa demande tendant à voir prononcer la nullité des contrats signés le 21 juillet 2016,

– constaté l’interdépendance et l’indivisibilité des contrats liant d’une part la société Bel’Shoes et la société CG Solutions Informatiques et d’autre part la société Bel’Shoes et la société Locam,

– débouté la société Bel’Shoes de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation du contrat de fourniture la liant à la société CG Solutions Informatiques,

– débouté la société Bel’Shoes de sa demande tendant à voir prononcer la caducité du contrat de location,

– débouté la société CG Solutions Informatiques de sa demande d’inscription du montant de l’indemnité de résiliation au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société CG Solutions Informatiques,

– condamné la société Bel’Shoes à verser à la société Locam la somme de 21.106,80 euros, correspondant aux 41 échéances à échoir, ainsi qu’à la clause pénale de 10 %, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 août 2017,

– ordonné la restitution par la société Bel’Shoes à la société Locam du matériel objet du contrat,

– rejeté la demande d’astreinte,

– condamné la société Bel’Shoes à payer la somme de 250 euros à la société Locam au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens sont à la charge de la société Bel’Shoes,

– rejeté la demande d’exécution provisoire du jugement,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Bel’Shoes a interjeté appel par acte du 23 juillet 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 23 avril 2021 et signifiées à Me [F], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CG Solutions Informatiques, le 5 mai 2021, fondées sur les articles L. 221-1, L. 221-3, L. 221-18, L. 221-9, L. 221-5, et L. 242-1 du code de la consommation et les articles 1134 et 1184 du code civil, la société Bel’Shoes demande à la cour de :

– la juger recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions,

à titre principal,

– juger qu’elle démontre remplir l’ensemble des conditions pour bénéficier des dispositions des articles L.221-1 et suivants du code de la consommation,

– réformer le jugement en ce qu’il a dit qu’elle ne démontrait pas que le nombre de salariés employés était inférieur à 5 au moment de la conclusion du contrat,

– juger que les deux contrats du 21 juillet 2016 ne comportent aucune mention d’un quelconque droit de rétractation à son bénéfice ni de formulaire de rétractation,

– prononcer la nullité du contrat qu’elle a conclu avec la société CG Solutions Informatiques le 21 juillet 2016 et la nullité du contrat qu’elle a conclu avec la société Locam le 21 juillet 2016 par application des articles L. 221-1, L. 221-3, L. 221-18, L. 221-9, L. 221-5, et L. 242-1 du code de la consommation,

– condamner la société Locam à lui restituer la somme de 1.417,21 euros,

à titre subsidiaire,

– juger que les contrats du 21 juillet 2016 sont des contrats interdépendants,

– prononcer la résiliation du contrat du 21 juillet 2016 au 18 novembre 2016 date à laquelle la société CG Solutions Informatiques a cessé toute exécution,

– juger que cette résiliation entraîne par voie de conséquence la caducité du contrat de location financière conclu le 21 juillet 2016 avec la société Locam,

– prononcer la caducité du contrat de location financière conclu le 21 juillet 2016 avec la société Locam,

– condamner la société Locam à lui restituer la somme de 1.417,21 euros,

en tout état de cause,

– débouter la société Locam de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son égard,

– condamner la société Locam au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, de première instance et d’appel, avec droit de recouvrement.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 janvier 2021 fondées sur les articles 1134 et suivants, 1149, 1165 et 1184 anciens du code civil, l’article L. 121-16-1 4° devenu L. 221-2 4° du code de la consommation et l’article L. 641-11-1 I du code de commerce, la société Locam demande à la cour de :

– dire non fondé l’appel de la société Bel’Shoes,

– la débouter de toutes ses demandes,

– confirmer le jugement entrepris,

– condamner la société Bel’Shoes à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner en tous les dépens d’instance et d’appel.

Me [F], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CG Solutions Informatiques, à qui la déclaration d’appel a été signifiée par acte du 10 septembre 2020 remis à l’étude d’huissier, n’a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 février 2023, les débats étant fixés au 6 décembre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité des contrats en application du code de la consommation

La société Bel’Shoes fait valoir que :

– les articles L. 221-1 à L. 221-9 du code de la consommation relatifs aux contrats conclus hors établissement lui sont applicables en ce que les contrats ont été conclus dans sa boutique, pour un objet qui n’entre pas dans son champ d’activité, et alors qu’elle n’employait qu’un seul salarié ; le contrat de location ne porte pas sur un service financier et n’est donc pas exclu du champ d’application des dispositions du code du commerce ;

– l’absence de mention du droit de rétractation et l’absence du formulaire dans les deux contrats sont sanctionnées par la nullité de ceux-ci.

La société Locam réplique que :

– elle a une activité connexe à des activités de banque et le contrat de location est exclu du champ d’application du code de la consommation au titre des contrats portant sur les services financiers ;

– les engagements particuliers de la société CGSI, fournisseur, à l’égard du locataire ne lui sont pas opposables, de sorte que leur non-respect est sans effet ; la créance de redevances publicitaires dont se prévaut la société Bel’Shoes ne peut donner lieu qu’à déclaration de créance et non à la résolution unilatérale du contrat ; la caducité du contrat de location n’est donc pas encourue.

Sur ce,

Selon l’article L. 221-2, 4°, du code de la consommation, sont exclus du champ d’application du présent chapitre les contrats portant sur les services financiers.

C’est par de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a écarté le moyen de la société Locam tiré de l’exclusion des services financiers du champ d’application des dispositions du code de la consommation invoquées par la société Bel’Shoes.

Y ajoutant, il convient d’observer que, si le code de la consommation n’apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois, à l’article 2, 12), qu’il faut entendre par «service financier», tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.

Or, aux termes du contrat de location en cause, la société Locam acquiert le bien auprès du fournisseur et se trouve donc en être propriétaire ; à l’issue du contrat, le locataire dispose pour seule option de restituer le bien au bailleur ou de renouveler la location, étant observé qu’il est prévu une tacite reconduction pour une nouvelle durée de deux ans. Aucune option ne lui permet d’acquérir le bien ou de s’en voir transférer la propriété à l’issue du contrat.

Il en résulte que le contrat de location ne constitue aucunement une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation, mais une simple location de matériel.

Le fait que l’article L. 311-2, 6°, du code monétaire et financier permette à des établissements de crédit d’effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, ne signifie pas pour autant que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ne s’appliquent pas lorsqu’un tel contrat est conclu dans ces conditions.

En effet, l’article L. 311-2 se borne à définir, de façon exhaustive, les ‘opérations connexes’ que les établissements de crédit sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire. Il ne s’en déduit pas que l’établissement de crédit peut s’affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s’appliquer au titre du code de la consommation.

De même, les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage bancaire ou financier ne permettent pas de soustraire le contrat de location aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l’article L. 341-2, 7°, du code monétaire et financier exclut expressément des règles du démarchage bancaire et financier, les contrats de financement de location aux personnes physiques ou morales.

Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement peuvent donc être invoquées par la société Bel’Shoes à ce titre.

L’article L. 221-3 dispose que ‘les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq’.

En l’espèce, la société Bel’Shoes a souscrit les contrats litigieux à [Localité 6], lieu de situation de ses locaux, alors que ceux de la société CG Solutions informatiques se trouvent à [Localité 7] et ceux de la société Locam à [Localité 3]. Les contrats ont donc été conclus hors établissement des professionnels cocontractants.

L’objet du contrat conclu avec la société CG Solutions informatique consiste en la fourniture d’un affichage dynamique, constitué d’un support de diffusion, d’un terminal de gestion de la diffusion, et d’un spot. L’objet du contrat conclu avec la société Locam est la location de ce matériel. Or, selon l’extrait Kbis de la société Bel’Shoes, celle-ci exploite un commerce de détail de chaussures, habillement, accessoires. Il en résulte que la location d’un panneau d’affichage dynamique n’entre pas dans le champ de son activité principale.

S’agissant de la dernière condition de l’article L. 221-3 précité, la société Bel’Shoes produit une attestation de son comptable aux termes de laquelle elle n’a employé qu’un seul salarié au cours de l’année 2016, étant rappelé que les contrats litigieux ont été signés le 21 juillet 2016. Cette attestation est confirmée par le détail de déclaration Urssaf pour cette année-là, ainsi que par l’état récapitulatif DADS-U et le registre du personnel de cette année.

Cette condition d’emploi de cinq salariés ou moins est donc également remplie. Il en résulte que les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-8 et suivants du code de la consommation s’appliquent. Or, aux termes de ces dispositions, l’absence des informations relatives au droit de rétractation, ainsi que du formulaire, entraînent la nullité du contrat. En l’espèce, il est établi que les contrats litigieux ne comportent pas d’information relative au droit de rétractation ni de formulaire à cette fin, de sorte qu’il convient d’en prononcer la nullité, toutes les parties à ces contrats étant dans la cause.

La nullité emporte obligation pour les parties de procéder aux restitutions réciproques, de sorte qu’il convient d’accueillir la demande de la société Bel’Shoes tendant à la condamnation de la société Locam à lui restituer les sommes versées, soit la somme de 1.417,21 euros comme justifié par ses relevés bancaires. La société Bel’Shoes justifie avoir tenté de restituer l’appareil d’affichage à la société Locam et que son envoi lui a été retourné avec la mention refusé.

En conséquence, il résulte de l’ensemble de ces éléments que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Locam succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, la demande de la société Locam formée à ce titre sera rejetée et celle-ci sera condamnée à payer à la société Bel’Shoes la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de fourniture et du contrat de location conclu le 21 juillet 2016 par la société Bel’Shoes avec la société CG Solutions Informatiques et avec la société LOCAM – Location Automobiles Matériels ;

Condamne la société LOCAM – Location Automobiles Matériels à payer à la société Bel’Shoes la somme de mille-quatre-cent dix-sept euros et vingt-et-un centimes (1.417,21 euros) en restitution des sommes versées ;

Rejette l’ensemble des demandes de la société LOCAM – Location Automobiles Matériels ;

Condamne la société LOCAM – Location Automobiles Matériels aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne société LOCAM – Location Automobiles Matériels à payer à la société Bel’Shoes la somme de mille cinq cents euros (1.500 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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