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5 septembre 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
21/03534
N° RG 21/03534
N° Portalis DBVX – V – B7F – NSQD
Décision du Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond du 31 mars 2021
Pôle 2
RG : 1119004757
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 05 Septembre 2023
APPELANT :
M. [L] [X]
né le 04 Août 1946 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représenté par la SCP BERTIN & PETITJEAN-DOMEC ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 53
INTIMEES :
S.A.S. LOCAM
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 766
SA GROUPE EUROPEEN D’APPLICATION TELEMEDICALES, GEAT
[Adresse 3]
[Localité 8]
Maître [J] [Y], mandataire judiciaire de la SA GROUPE EUROPEEN D’APPLICATION TELEMEDICALES
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentés par Maître Aurélie SAUVAYRE, avocat au barreau de LYON, toque : 1952, avocat postulant
ayant pour avocat plaidant Maître Véronique WEISBERG, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
PARTIE INTERVENANTE :
SELARL FHB prise de Maître [W] [V] en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SA GROUPE EUROPEEN D’APPLICATION TELEMEDICALES
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Maître Aurélie SAUVAYRE, avocat au barreau de LYON, toque : 1952, avocat postulant
ayant pour avocat plaidant Maître Véronique WEISBERG, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 19 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Février 2023
Date de mise à disposition : 16 mai 2023 prorogée au 5 septembre 2023, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Audience présidée par Stéphanie LEMOINE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Olivier GOURSAUD, président
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 29 mai 2015, la société Locam a donné à bail un électrocardiogramme à M. [X], médecin généraliste, moyennant le paiement de 60 loyers mensuels de 119 € TTC.
Parallèlement, M. [X] a souscrit auprès de la société Geat, un abonnement de 60 mois pour la télétransmission et la lecture à distance d’électrocardiogrammes.
Prétendant ne pas avoir été informé de la durée de 60 mois du contrat souscrit, M. [X] a, par lettre recommandée du 27 février 2017, demandé à la société Locam d’envisager une solution amiable pour limiter la durée du contrat.
Par exploits d’huissier de justice des 16 et 18 octobre 2019, M. [X] a fait assigner les sociétés Locam et Geat ainsi que Maîtres [Y] et [V], respectivement en leurs qualités d’administrateur et mandataire judiciaire de la société Geat, en nullité des contrats.
Par jugement du 31 mars 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a :
– prononcé la nullité du contrat d’abonnement gratuit au centre de lecteur d’électrocardiogramme souscrit le 20 mai 2015 par M. [X] auprès de la société Geat comme ayant une cause illicite,
– rejeté la demande de M. [X] tendant à déclarer indivisibles les contrats qu’il a souscrits, d’une part auprès de la société Locam pour la location d’un électrocardiogramme, et d’autre part, après de la société Geat pour l’abonnement gratuit au centre de lecteur d’électrocardiogramme,
-en conséquence, rejeté la demande de M. [X] en nullité du contrat de location souscrit auprès de la société Locam et rejeté sa demande subséquente en restitution des loyers acquittés,
– condamné M. [X] à payer à la société Locam la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [X] à payer à la société Geat la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toutes les autres et plus amples demandes des parties,
– condamné M. [X] aux dépens.
Par déclaration du 4 mai 2021, M. [X] a interjeté appel.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 30 mars 2022, M. [X] demande à la cour de :
confirmant le jugement entrepris,
– prononcer la nullité du contrat d’abonnement d’interprétation d’électrocardiogrammes qu’il a souscrit le 20 mai 2015 auprès de la société Geat comme ayant une cause illicite,
réformant le jugement entrepris,
– dire indivisibles, les contrats qu’il a souscrits avec la société Locam pour la location d’un électrocardiographe et la société Geat pour l’interprétation des électrocardiogrammes,
– dire nul le contrat de location qu’il a conclu avec la société Locam pour la location d’un électrocardiographe, subséquemment de la nullité du contrat d’interprétation d’électrocardiogrammes,
en tout état de cause,
– dire nuls les contrats qu’il a conclu avec la société Geat et la société Locam pour dol et à défaut, erreur sur le prix, provoqué par le mandataire commun des deux sociétés,
– dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance au profit de la société Locam et de la société Geat,
subséquemment,
– condamner la société Locam à lui rembourser la somme de 7 140 € au titre des loyers payés,
– rejeter les demandes de Maître [Y] en qualité de liquidateur de la société Geat, à les supposer maintenues et valablement formées,
– condamner solidairement Maître [V] en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Geat et la société Locam à lui payer chacun la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’il a exposés en première instance et en appel,
– condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 30 novembre 2022, la société Locam demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 31 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon, pris en ses chefs de dispositifs attaqués,
– débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes, prétentions et fins,
y ajoutant,
– condamner M. [X] à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le même aux entiers dépens de l’instance.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 31 mars 2022, la société Geat, Maître [Y], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Geat et la société FHB prise en la personne de Maître [V], ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Geat, demandent à la cour de :
– débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes formulées à son encontre,
– confirmer le jugement du 31 mars 2021 pris en ses chefs de dispositifs attaqués,
– condamner M. [X] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la nullité des contrats
M. [X] soutient que le contrat d’abonnement qu’il a conclu avec la société GEAT est nul et subséquemment que le contrat de location avec la société Locam est également nul. Il allègue:
– que le contrat d’interprétation a une cause illicite en raison du fait que les lecteurs du centre ne sont pas autorisés à exercer la médecine, le PDG de la société Geat ayant été condamné par le tribunal correctionnel de Nanterre du chef d’exercice illégal de la médecine,
– que les contrats de location financière et d’interprétation sont interdépendants, puisqu’ils s’inscrivent dans la même opération,
– que dès lors que les contrats sont indissociables, le contrat de location financière doit, par voie de conséquence, être déclaré nul,
– que la société Geat ne peut prétendre que le médecin demeure indépendant et est en capacité de lire un électrocardiogramme à l’aide d’un logiciel dès lors que M. [X] a eu recours aux services de la société Geat parce qu’il se considérait comme inexpérimenté pour lire les résultats d’un ECG et qu’il n’a jamais commandé le logiciel permettant une aide à l’interprétation des ECG,
La société Locam fait valoir :
– que le paiement de 60 mensualités de 119 € TTC stipulé au contrat de location ne comprend que le loyer convenu pour l’électrocardiogramme et en aucun cas l’abonnement pour l’interprétation des ECG,
– que les médecins généralistes reçoivent une formation, pendant leurs études de médecine, pour lire un électrocardiogramme, l’interprétation des ECG par la société Geat n’ayant vocation qu’à aider le médecin à établir un diagnostic,
– que M. [X] n’apporte aucun élément de preuve de nature à remettre en cause la compétence professionnelle des médecins du centre de lecture pour lire et interpréter les électrocardiogrammes,
– que M. [X] ne rapporte pas la preuve de ce que le montant du loyer inclurait le coût de l’abonnement, lequel a été offert par la société Geat dans le cadre des négociations,
– que les contrats de location financière et d’interprétation sont deux contrats distincts,
– que la conclusion d’un contrat d’interprétation est une simple option pouvant être souscrite afin de conforter le médecin dans les analyses qu’il fait d’un électrocardiogramme, de sorte que le matériel est parfaitement utilisable sans avoir recours à ce service de lecture,
– qu’il s’agit de deux contrats indépendants dès lors que le contrat de location financière peut exister sans le contrat d’abonnement,
– que la nullité du contrat d’abonnement est sans incidence sur la validité du contrat de location financière.
La société Geat fait valoir :
– que M. [X] ne rapporte pas la preuve de ce que l’abonnement souscrit n’était pas gratuit et que le loyer afférent à la location comprenait nécessairement une part servant à rémunérer le compte-rendu des ECG télétransmis,
– que l’abonnement au centre de lecture a été offert à M. [X] lors de la souscription du contrat,
– que le médecin peut procéder lui-même à l’interprétation des ECG,
– qu’il n’est pas prouvé que les lecteurs du centre ne sont pas autorisés à exercer la médecine,
– que la transmission pour lecture des ECG a pour vocation d’aider le médecin à établir un diagnostic de sorte que l’appareil conserve son intérêt même si la lecture des ECG par le centre est impossible,
– qu’en tout état de cause, le médecin doit lire lui-même l’électrocardiogramme dans la mesure où il est le professionnel qui a examiné et interrogé le patient dont il connaît les antécédents,
– que la société Geat n’a jamais été condamnée pour exercice illégal de la médecine,
– que le fait que certains médecins du centre aient des diplômes étrangers et ne soient pas inscrits au conseil de l’ordre ne remet pas en cause leurs compétences, d’autant plus qu’ils n’effectuent aucun acte de médecine,
– que l’abonnement au centre de lecture est une option qui n’a aucun lien avec le contrat de location du matériel,
– que le contrat d’abonnement au centre de lecture est établi sur un autre instrumentum que le contrat de location du matériel,
– que M. [X] avait la possibilité d’interpréter lui-même les ECG sans faire appel au centre lecture,
– que M. [X] ne rapporte pas la preuve du lien entre le contrat de location de matériel et l’abonnement au centre de lecture.
Réponse de la cour
Il résulte de l’article 1108 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu’ un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat.
En l’espèce, suivant deux contrats des 20 et 29 mai 2015 conclus entre la société GEAT et M. [X], ne portant que la signature de ce dernier, celui-ci a, respectivement, souscrit un abonnement de 60 mois au centre de lecture d’électrocardiogrammes et commandé un appareil électro cardiogramme « cardio contact heartview », financé par la société Locam, moyennant le paiement de 60 loyers mensuels de 119 euros TTC.
Par ailleurs, suivant une lettre du 1er juin 2015, la société Geat écrivait à M. [X]:
« Vous trouverez ci-joint le double de votre contrat de location. Durant cette période, vous bénéficiez de l’accès au centre de lecture d’ECG, auprès de notre partenaire GEAT, en connexions illimitées. Nous vous rappelons que le centre de lecture d’ECG est ouvert et disponible 24h/24 7J/7. (…) Nous vous confirmons, d’une part, que la maintenance et la garantie du matériel seront assurées par nos services pendant cette période et sont comprises dans la mensualité. D’autre part, nous ne manquerons pas de vous proposer de bénéficier des évolutions technologiques de votre appareil. (…) »
Il résulte:
– des termes de la lettre précitée,
– de la notice d’utilisation de l’appareil HeartView concerné que son objet est de permettre l’enregistrement, la transmission et le compte-rendu de lecture avec le tracé de l’ECG le seul intérêt de la solution est de permettre à des médecins n’ayant pas la compétence requise pour interpréter un électrocardiogramme de faire procéder à cette interprétation à distance par des spécialistes au moyen de la transmission de l’enregistrement par voie de ligne téléphonique,
– de la circonstance que M. [X] a été démarché à son cabinet par un mandataire commun à la société GEAT et à la société Locam,
que la location du matériel était liée à l’adhésion aux services de lecture fournis par la société GEAT.
Ainsi, l’abonnement au service de lecture des électrocardiogrammes et le contrat de crédit-bail, qui sont concomitants ou successifs et s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants.
Or, il est établi par la production d’un compte-rendu de lecture d’un électrocardiogramme transmis à la société GEAT par M. [X] et une lettre du conseil de l’ordre des médecins, que M. [P] [Z], qui est la personne ayant rédigé le rapport, n’est pas inscrit à l’ordre des médecins, alors même que cette formalité est obligatoire pour exercer la médecine en France.
D’ailleurs, la société GEAT, qui soutient que cette personne dispose des diplômes nécessaires pour exercer la médecine, se borne à l’affirmer, sans produire aucune preuve pour corroborer ses allégations.
Enfin, la société GEAT reconnaît dans ses écritures que le centre de lecture des ECG procédait à leur interprétation (souligné en gras p.7 et 8), ce qui consiste, contrairement à ce qu’elle soutient, en un acte médical participant au diagnostic du médecin généraliste demandeur, qui doit donc être pratiqué par un médecin, même si cette interprétation est réalisée sous le contrôle du médecin qui procède à l’ECG, qui est le seul à avoir examiné le patient.
En conséquence de l’ensemble de ces éléments, et à défaut pour la société GEAT d’établir que l’interprétation des ECG qui lui sont transmis est réalisée par des médecins, il convient, par confirmation du jugement, de prononcer la nullité du contrat d’abonnement au service de lecture des électrocardiogrammes, lequel a une cause illicite.
Or, il résulte des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, que l’anéantissement d’un contrat de fourniture ou de prestation de service entraîne la caducité du contrat de financement interdépendant.
Dès lors, la demande d’annulation subséquente du contrat de location financière formée par M. [X], qui s’analyse, selon la terminologie exacte, en une demande de caducité doit également être prononcée. Le jugement est donc infirmé de ce chef.
De même, il est fait droit à la demande de remboursement de la somme de 7 140 euros formée par M. [X] au titre des loyers qu’il allègue avoir payé à la société Locam, en l’absence de toute contestation de cette dernière de ce chef.
2. Sur les autres demandes
Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’indemnité de procédure.
La cour estime que l’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [X] et condamne la société Locam et Me [V], ès qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société GEAT, à lui payer chacune la somme de 2.000 euros à ce titre.
Les dépens de première instance et d’appel sont in solidum à la charge de l’assureur.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il prononce la nullité du contrat d’abonnement au centre de lecture d’électrocardiogramme souscrit le 20 mai 2015 par M. [X] auprès de la société GEAT,
statuant de nouveau et y ajoutant,
Prononce la caducité du contrat de location souscrit le 29 mai 2015 par M. [X] auprès de la société Locam,
Condamne la société Locam à payer à M. [X], la somme de 7 140 euros, au titre des loyers;
Condamne Me [V], ès qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société GEAT à payer à M. [X], la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Locam à payer à M. [X], la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne in solidum Me [V], ès qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société GEAT et la société Locam aux dépens de première instance et d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT