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29 février 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/04247
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 29 FÉVRIER 2024
N° 2024/058
Rôle N° RG 19/04247
N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6JP
Société LEZAMA DEMOLICIONES
C/
SAS MOREAU LEVAGE MANUTENTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Isabelle FICI
Me Patrick CAGNOL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de SALON DE PROVENCE en date du 07 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2017 00379.
APPELANTE
Société LEZAMA DEMOLICIONES
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis, [Adresse 2] ESPAGNE
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Vladimir ROSTAN D’ANCEZUNE de la SELEURL SELARL VLADIMIR ROSTAN D’ANCEZUNE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SAS MOREAU LEVAGE MANUTENTION,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
représentée et plaidant par Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Richard DAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Richard DAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 novembre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Président
Madame Béatrice MARS, Conseiller
Madame Florence TANGUY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024.
Le délibéré a été prorogé au 15 Février 2024, puis au 29 Février 2024
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 29 Février 2024,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Dans le cadre de travaux de démolition d’une chaudière sur son site de [Localité 1] en Gironde, la société Smurfit Kappa a fait appel à la société Lezama Demoliciones, située en Espagne, laquelle devait déposer deux poutres de 13 tonnes.
Suivant un devis n° JA 1/03.11.15 du 3 novembre 2015, accepté le 4 novembre 2015, la société Moreau Levage Manutention a mis à la disposition de la société Lezama Demoliciones une grue de marque Liebherr de 35 tonnes avec chauffeur.
Le 9 novembre 2015 vers 15 heures, lors de la mise en place de la grue, la plaque de répartition en béton située sous le patin arrière droit s’est enfoncée dans le sol sur environ 70 centimètres et a provoqué le basculement de l’engin.
La SAS Moreau Levage Manutention a déclaré le sinistre auprès de son assureur, la société Albingia.
Le 7 décembre 2015, la grue a été enlevée du chantier.
Selon courrier en date du 11 avril 2016, la société Lezama a réclamé à la société Moreau le paiement d’une somme de 163 194, 59 euros en réparation du préjudice subi à la suite du retard pris dans l’exécution du chantier.
Les sociétés ont missionné, chacune, un cabinet d’expertise.
La SAS Moreau Levage Manutention a reçu le 16 septembre 2016 la somme de 280 850,85 euros de la part de son assureur.
Selon acte de transmission en date du 24 mai 2017, la société SAS Moreau Levage Manutention a fait assigner la société Lezama en paiement de la somme de 110 573,43 euros correspondant au montant non indemnisé par sa compagnie d’assurance.
*
Vu le jugement en date du 7 février 2019 par lequel le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a :
– dit que les pièces n° 1 et 2 produites par la société Lezama Demoliciones sont recevables,
– condamné la société Lezama Demoliciones à payer à la société Moreau Levage Manutention (SAS) la somme de 42.163, 43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2017,
– débouté la société Lezama Demoliciones de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamné la société Lezama Demoliciones à payer à la société Moreau Levage Manutention (SAS) la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– condamné la société Lezama Demoliciones en tous les dépens en ce compris les frais de greffe;
Vu l’appel relevé le 13 mars 2019 par la société Lezama Demoliciones ;
Vu l’avis de passage de chambre en date du 23 janvier 2023 ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 25 octobre 2023, par lesquelles la société Lezama Demoliciones demande à la cour de :
Vu les articles 1108, 1134, 1147, 1384 du code civil dans leur rédaction applicable à l’époque,
Vu l’article 1353 du code civil,
Vu l’article 2254 du code civil,
Vu les articles 122 et 123 du code de procédure civile,
Vu les conditions générales de location de l’Union française du Levage,
A titre principal,
– juger prescrite l’action en responsabilité contractuelle engagée par la société Moreau Levage contre la société Lezama Demoliciones le 24 mai 2017 ;
– juger que la société a agi sans aucune intention dilatoire, ni mauvaise foi en soulevant la prescription pour la première fois en cause d’appel ;
Subsidiairement,
– juger que la société Moreau Levage Manutention était gardienne de la grue lorsque le sinistre est survenu le 9 novembre 2015 ;
– juger que la société Moreau Levage Manutention a commis une faute lors de la mise en position de la grue ;
– juger la société Moreau Levage Manutention entièrement responsable de l’accident survenu le 9 novembre 2015 ;
Encore plus subsidiairement,
– juger que la société Moreau Levage Manutention n’apporte la preuve d’aucun préjudice indemnisable ;
Infiniment plus subsidiairement,
– juger que la société Moreau Levage Manutention a commis une faute lors de la mise en position de la grue justifiant un partage de responsabilité ;
– juger la société Moreau Levage Manutention responsable à hauteur de 80 % du sinistre ;
– débouter la société Moreau Levage Manutention de l’ensemble de ses demandes ;
– réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 février 2019 par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence ;
En tout état de cause
– condamner la société Moreau Levage Manutention à lui régler la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Moreau Levage Manutention aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 25 octobre 2023, par lesquelles la société Moreau Levage Manutention, SAS demande à la cour de :
Vu les anciens articles 1147 et 1149 du code civil
Vu les conditions générales de location de l’UFL (version antérieure à 2016)
Vu les conditions générales de location de la société Moreau Levage
Vu l’article 123 du code de procédure civile
– juger mal fondé l’appel interjeté par la société Lezama Demoliciones ;
– confirmer le jugement en date du 7 février 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a chiffré le préjudice indemnisable à hauteur de 42.163,43 euros ;
– réformer le jugement en date du 7 février 2019 en ce qu’il a chiffré le préjudice indemnisable à hauteur de 42.163,43 euros ;
– juger que l’action introduite par la société Moreau Levage Manutention n’est pas prescrite ;
– juger que les conditions générales de location de la Société Moreau Levage Manutention sont opposables à la société Lezama Demoliciones ;
– juger que la société Moreau Levage Manutention n’avait pas la qualité de gardienne de la grue lorsque le sinistre est survenu le 9 novembre 2015 ;
– juger que la société Moreau Levage Manutention n’a commis aucune faute ;
– juger que la société Lezama Demoliciones est seule responsable du choix de
l’emplacement de la grue ;
– juger que la société Lezama est responsable de l’état du sol ;
– juger que la société Lezama est responsable du défaut de signalisation d’une canalisation auprès de la société Moreau Levage Mantutention ;
– juger que la société Lezama Demoliciones était gardienne de la grue dès son entrée sur le chantier et avant même son montage ;
– débouter la société Lezama Demoliciones de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la société Lezama Demoliciones à lui régler la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour man’uvre dilatoire ;
– condamner la société Lezama Demoliciones à lui payer la somme de 110 573, 43 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 1 er Août 2016 ;
A titre subsidiaire,
– condamner la société Lezama Demoliciones à lui payer la somme de 42.163,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2017 ;
– condamner la société Lezama Demoliciones à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Lezama Demoliciones aux entiers dépens, de première instance et d’appel, distraits ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 27 octobre 2023 ;
SUR CE, LA COUR
L’appelante invoque la prescription de l’action en application des conditions générales de location de l’Union Française de Levage (UFL).
L’intimée conteste la prescription de l’action. Elle soutient que la version des conditions générales de location de l’UFL antérieure à 2016 est applicable et critique la pièce adverse n° 13. Elle fait valoir que le dommage est survenu le 16 septembre 2016 et est constitué par l’absence d’indemnisation totale versée par son assureur. Elle rappelle que l’action a été engagée le 24 mai 2017.
En vertu de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Et de l’article 123 du même code, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Ainsi, la prescription peut être proposée pour la première fois devant la cour d’appel.
L”article 2254 du code civil dispose que la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans.
La société Lezama Demoliciones verse aux débats des conditions générales qui énoncent que les actions en responsabilité contractuelle du LOCATAIRE à l’encontre du LOUEUR et réciproquement, exception faite des actions en recouvrement de créances, se prescrivent dans le délai d’une année à compter du jour auquel s’est produit l’évènement faisant l’objet d’une telle action et soutient qu’il s’agit de la version 2008 des conditions générales transmises par l’UFL comme le démontrent ses pièces 16 et 17. En effet, elle justifie de l’envoi par courriel en date du 3 avril 2019 des conditions générales et par courriel en date du 1er août 2019 de l’UFL que la version des conditions générales de 2016 a remplacé la version de 2008.
Le préambule de ces conditions générales de location précisent notamment que 1. les conditions générales s’appliquent à tout contrat de location de matériel de levage avec ou sans opérateur conclu entre le loueur et le locataire lequel le reconnaît en avoir pris connaissance et les accepte, sans aucune réserve ; 2. les parties conviennent que tout autre document émanant du locataire, notamment ses conditions générales d’achat, ne sont jamais opposables au loueur ; 3. le loueur se réserve la possibilité de compléter les présentes conditions générales de location par des conditions particulières qui prévaudront en cas de conflit.
Ce document, qui ne être qualifié de faux, n’est pas dénué de force probante.
De son côté, l’intimée cite l’article 7 des conditions générales de l’Union Française de Levage de 2007 et 2011, selon lesquelles les actions en responsabilité contractuelles du loueur à l’encontre du locataire et réciproquement se prescrivent dans le délai d’une année à compter de la date de survenance du dommage.
Il s’ensuit que dans tous les cas le délai de prescription est d’un an.
En revanche, n’est pas pertinent le document intitulé Union française du levage du montage, de la manutention et de l’élévation des personnes ‘conditions générale de location révision’ émanant de Médiaco.
En l’espèce, il est constant que la société Lezama Demoliciones a loué la grue mobile à la SAS Moreau Levage Manutention, selon devis en date du 3 novembre 2015, accepté le 4 novembre 2015, qui vise les conditions générales de location de l’UFL.
L’événement à l’origine de l’action est le basculement de la grue le 9 novembre 2015, date du fait dommageable, à la suite de l’enfoncement de la plaque de répartition du patin arrière droit dans le sol sur environ 70 cm.
Le dommage est donc survenu le 9 novembre 2015.
La SAS Moreau Levage Manutention fonde son action sur la responsabilité contractuelle de la société Lezama Demoliciones en tant que locataire et soutient que le matériel a été gravement endommagé. Elle estime que l’appelante est seule responsable de l’accident survenu le 9 novembre 2015. Les sommes dont elle réclame réparation (dommages matériels, frais de déblais et retirement, frais financiers) sont directement liés à l’événement que constitue le sinistre. Le point de départ de la prescription d’un an se situe à cette date, et non au moment de l’absence de versement total de l’indemnité par l’assureur.
L’assignation du 24’mai 2017 est postérieure à l’acquisition de la prescription.
Aucun élément ne permet de retenir que la société Lezama Demoliciones ne pouvait ignorer l’existence d’une fin de non-recevoir qu’elle s’est abstenue volontairement d’invoquer dans un but dilatoire. L’appelante est une société de droit espagnol, située à Trapagan en Espagne, et il n’y a pas lieu de remettre en cause ses difficultés à obtenir les conditions générales de location de l’UFL dans leur version applicable au litige. La SAS Moreau Levage Manutention sera déboutée, par suite, de sa demande de dommages-intérêts.
En conséquence, l’action est irrecevable pour cause de prescription.
L’équité justifie d’allouer à la société Lezama Demoliciones une indemnité au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme le jugement en date du 7 février 2019 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare l’action de la SAS Moreau Levage Manutention à l’encontre de la société Lezama Demoliciones prescrite ;
Déboute la SAS Moreau Levage Manutention de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne la SAS Moreau Levage Manutention à verser à la société Lezama Demoliciones la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SAS Moreau Levage Manutention aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE