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23 janvier 2024
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
21/01460
MR/SL
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 23 Janvier 2024
N° RG 21/01460 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GYBA
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d’ANNECY en date du 16 Juin 2021
Appelante
SARL GDP VENDOME, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SARL JUDIXA, avocats plaidants au barreau d’ANNECY
Intimées
S.A.R.L. HCE, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SARL BALLALOUD & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau d’ANNECY
S.A.R.L. L’AMANDIER DU LAC, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats au barreau de CHAMBERY
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Date de l’ordonnance de clôture : 02 Octobre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 31 octobre 2023
Date de mise à disposition : 23 janvier 2024
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
– Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire,
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Faits et procédure
Par acte en date du 21 décembre 2018, la société GDP Vendôme (Sarl) a acheté à la société HCE (Sarl) ses 200 parts sociales dans la société l’Amandier du Lac (Sarl) constituant l’intégralité du capital social moyennant le prix d’1 euro symbolique et ayant pour principal et unique actif un fonds de commerce de bar restaurant sis [Adresse 2]).
Soutenant que l’exploitation des locaux était impossible, par acte d’huissier du 2 décembre 2019 la société GDP Vendôme a assigné la société HCE devant le tribunal de commerce d’Annecy, notamment aux fins de faire juger que la société HCE a manqué à son obligation de délivrance et la faire supporter le coût des travaux de mise en conformité des locaux et la destruction des locaux construits sans permis de construire.
Par jugement du 16 juin 2021, le tribunal de commerce d’Annecy, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :
– Débouté la société GDP Vendôme, de l’ensemble de ses demandes, les considérant comme mal fondées ;
– Condamné reconventionnellement la société GDP Vendôme à payer à la société HCE la somme de 154 844 euros au titre du compte courant d’associé de la société HCE ;
– Condamné reconventionnellement la société GDP Vendôme à payer à la société HCE la somme de 3 584,67 euros au titre du contrat de location Grenke ;
– Condamné la société GDP Vendôme, à payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société GDP Vendôme, aux entiers dépens.
Au visa principalement des motifs suivants :
La cession est intervenue sans garantie d’actif et de passif ;
Les caractéristiques du fonds de commerce à l’actif sont distinctes de l’obligation de délivrance liée à la cession des parts sociales ;
La société HCE a rempli son devoir d’information.
Par déclaration au greffe du 9 juillet 2021, la société GDP Vendôme a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 11 octobre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société GDP Vendôme et la société l’Amandier du lac (intimée appelante incidente) sollicitent l’infirmation de la décision et demandent à la cour de:
A titre principal,
– Juger que la société HCE a manqué à son obligation de délivrance à l’égard de la société GDP Vendôme ;
En conséquence,
– Condamner la société HCE à supporter le coût des travaux de mise en conformité des locaux avec le règlement de sécurité et d’accessibilité et la destruction des locaux construits sans permis de construire ;
– Condamner la société HCE au remboursement des loyers versés par la société l’Amandier du lac depuis la cession des titres à la société GDP Vendôme et jusqu’à ce que le fonds de commerce soit rendu exploitable ;
A titre subsidiaire,
– Juger que la société GDP Vendôme a commis une erreur sur une qualité essentielle des titres de la société HCE ;
– Prononcer la nullité de la cession des titres de la société HCE intervenue le 21 décembre 2018 et tous ses effets ;
– Juger que les parties doivent être remis dans l’état antérieur à la cession et par conséquent condamner la société HCE à restituer à la société HCE son compte courant d’associé soit la somme de 602 350 euros ;
En toute hypothèses,
– Condamner la société HCE à payer aux société GDP Vendôme et l’Amandier du Lac la somme de 2 000 euros chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, la société GDP Vendôme et la société l’Amandier du lac font valoir notamment que :
Les locaux n’ont pas été mis en conformité avec les règles de sécurité et d’urbanisme avant l’acte de cession et une partie a été construite sans permis de construire ;
En vertu de l’article 1611 du code civil, la société GDP Vendôme est fondée à réclamer le paiement de dommages et intérêts consécutifs au défaut de délivrance ;
La société GDP Vendôme a commis une erreur sur une qualité essentielle du bien cédé, le fonds de commerce de restaurant étant indisponible du fait de la non-conformité des locaux.
Par dernières écritures en date du 30 décembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société HCE sollicite de la cour de :
– Débouter la société GDP Vendôme de l’ensemble de ses demandes ;
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société GDP Vendôme et la société l’Amandier du lac de leurs demandes en mise en conformité des locaux et en remboursement des loyers versés ;
– Débouter la société GDP Vendôme de sa demande en nullité de la cession des titres de la société HCE intervenue le 21 décembre 2018 et en restitution de son compte courant ;
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société GDP Vendôme à verser à la société HCE :
– La somme de 154 844 euros au titre du compte courant d’associés,
– La somme de 3 584,67 euros au titre du contrat de location Grenke,
– La somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
– Condamner la société GDP Vendôme à verser à la société HCE, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– Condamner la même aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société HCE fait valoir notamment que :
Ce n’est pas un fonds de commerce qui a été cédé mais des parts sociales ;
Les caractéristiques des actifs sont distinctes de l’obligation de délivrance ;
Le fonds était exploité lors de l’acquisition et la société GDP Vendôme ne démontre pas qu’elle est empêchée dans l’exploitation du fonds de commerce ;
L’erreur qu’aurait commise la société GDP Vendôme porte en réalité sur la valeur des titres de la société l’Amandier du lac, or, l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité.
Une ordonnance en date du 2 octobre 2023 a clôturé l’instruction de la procédure. L’affaire a été plaidée à l’audience du 31 octobre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
MOTIFS ET DECISION
I- Sur le manquement à l’obligation de délivrance du cédant
L’article 1610 du code civil dispose ‘Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur’, l’article 1607 prévoit en outre ‘la tradition des droits incorporels se fait, ou par la remise des titres, ou par l’usage que l’acquéreur fait du consentement du vendeur.’
Par acte sous seing privé du 21 décembre 2018, la société HCE a vendu à la société GDP Vendôme l’intégralité des 200 parts sociales de la société l’Amandier du lac, propriétaire du fonds de commerce correspondant à un bar-restaurant exploité sur les [Adresse 4].
Le défaut de délivrance serait lié à l’impossibilité d’exploiter le fonds de commerce, qui constitue le seul actif de la société l’Amandier du lac, selon la société GDP Vendôme. Il résulte à ce sujet de l’acte de cession précité, en son article 1.4 garanties données sur les actifs sociaux que ‘le cédant déclare (…) que la visite de la sous-commission départementale spécialisée pour la sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur, sous l’égide de la commission consultative départementale de la sécurité et de l’accessibilité, a été effectuée le 22 avril 2016 et qu’il en résulte le procès-verbal n°105/2016 en date du 27 avril 2016 (annexe n°15).’ En outre, les extraits des comptes de résultat versés aux débats démontrent que la société l’Amandier du lac a exploité son fonds de commerce pendant les exercices 2017 et 2018 et jusqu’au 31 décembre 2018, date de la cession des parts de la société exploitante.
A l’appui de sa prétention à voir reconnaître un manquement à l’obligation de délivrance, la société GDP Vendôme verse aux débats :
– un courrier de M. [M], géomètre-expert, du 19 mars 2019, qui écrit ‘après analyse de l’ensemble de ces documents, des constructions existantes réalisées ne sont pas conformes à la déclaration préalable DP n°07429909X0003 déposée le 26 janvier 2009 (véranda, terrasse en bois, bar extérieur…) N’apparaissant pas sur cette dernière. Ces constructions ont été identifiées sur l’ensemble de nos plans par une couleur violette.’,
– un rapport de diagnostic sécurité incendie/accessibilité de la société BTP Consultants, du 23 octobre 2019 qui énonce ‘notre intervention ne fait pas suite à une mise en demeure. L’exploitant actuel a souhaité notre intervention pour établir un état des lieux règlementaire sur l’établissement acquis’, et qui mentionne 37 dispositions non satisfaisantes, dont 17 sont considérées comme présentant un ‘risque imminent’.
Les éléments considérés comme construits sans autorisation sont, selon le plan du géomètre : une annexe de la cuisine, une partie de la véranda 1 et ce qui semble être un cabanon attenant aux vérandas 1 et 2. La cuisine, l’entrée, les toilettes et la salle de restaurant principale, non plus que la véranda 2 ne sont construites sans autorisation. La date de construction de ces parties semble être 2009 (déclaration de travaux déposée), et est en tout état de cause antérieure au renouvellement du bail commercial du 25 mars 2013 par la société Villa Lange et les consorts [Y], qui en sont propriétaires, de sorte que la société GDP Vendôme ne peut exciper du risque de résiliation du bail sur ce fondement pour retenir que l’obligation de délivrance n’aurait pas été respectée, non plus que la nécessité de réaliser des travaux ne permet de retenir un manquement à l’obligation de délivrance. En effet, la société HCE a justifié, ce qui n’est pas contesté, de l’agrément de la sous-commission départementale spécialisée pour la sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les ERP par procès-verbal n°105/2016 en date du 27 avril 2016, et la réalisation de quelques travaux, parfois de peu d’ampleur (fixation des interrupteurs, réfection des garde-corps de la terrasse, ou enlèvement du stockage sur la zone cuve enterrée), ne sont pas de nature à justifier d’un manquement à l’obligation de délivrance qui portait sur les parts sociales de la société l’Amandier du lac, et non sur le fonds de commerce.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de résolution du contrat de cession au motif que l’obligation de délivrance n’aurait pas été respectée.
II- Sur la nullité pour erreur du cessionnaire
L’article 1135 alinéa premier du code civil dispose ‘l’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement.’
Il est en l’espèce certain que les parts sociales de la société l’Amandier du lac, dont l’objet social était ‘l’exploitation, la gestion de tous établissements de restauration, bars, brasserie, salons de thé, dégustation de glaces, vente d’épicerie fine et toutes activités accessoires de vente sur place ou à emporter, vente ambulante’, et plus particulièrement du fonds de commerce de restauration-bar sis [Adresse 2], constituaient des éléments déterminants du consentement de la société GDP Vendôme dans l’acquisition des parts sociales litigieuses.
Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, la société l’Amandier du lac a exploité son fonds de commerce pendant les exercices 2017 et 2018, soit avant la cession de ses parts sociales et leur reprise par la société GDP Vendôme, et rien dans le dossier ne démontre qu’elle ait été dans l’incapacité d’exploiter par la suite, dans la mesure où aucune mise en demeure des autorités administratives n’est versée aux débats, et que des avis diffusés sur le site tripadvisor démontrent que des clients ont pu s’y restaurer courant 2021 et émettre des avis favorables.
La société GDP Vendôme défaillant dans l’administration de la preuve de son erreur sera déboutée de sa demande de prononcé de la nullité du contrat de cession.
III- Sur les demandes de la société HCE
A – Sur le remboursement du compte courant d’associé
L’article 5 du contrat de cession stipulait que le compte courant de la société HCE inscrit dans les comptes de la société l’Amandier d’un montant de 757 194 euros serait remboursé au cédant :
– à hauteur de 602 350 euros par virement sur le compte CARPA le 31 décembre 2018 au plus tard,
– le solde, dans les 10 jours suivant l’accord définitif des parties sur le bilan définitif au 31 décembre 2018, qui devait être établi au plus tard le 31 mars 2019 et pouvait être discuté pendant une période de 45 jours.
Il n’est pas contesté que le délai de paiement du solde du compte courant est expiré, que les parties n’ont pas saisi un expert d’un éventuel désaccord sur le projet de bilan et compte de résultat, de sorte que la société GDP Vendôme doit exécuter son obligation de rembouser le solde du compte courant de la société HCE.
Le jugement de première instance sera également confirmé sur ce point.
B – Sur la demande de remboursement de sommes versées à titre de caution
L’article 7 du contrat de cession prévoyait que ‘le cessionnaire s’engage à se substituer à l’ensemble des engagements de caution et garantie que la société HCE et/ou M. [T] [B] a consenti à la société l’Amandier. La mainlevée devra être apportée au plus tard le 18 janvier 2019. A défaut le cédant pourra solliciter la levée des cautions sous astreinte.’
C’est à l’issue d’une analyse exhaustive, pertinente et exempte d’insuffisance que les premiers juges ont retenu que la société GDP Vendôme, qui ne s’était pas substituée aux engagements de caution pris par la société HCE devait rembourser la somme de 3 584,67 euros payée à titre de caution d’un contrat de location de matériel (caisse) non honoré par la société l’Amandier du lac.
IV- Sur les demandes accessoires
Le jugement de première instance étant confirmé en toutes ses dispositions, la société GDP Vendôme et la société l’Amandier du lac supporteront les dépens de l’instance d’appel, ainsi qu’une indemnité procédurale au bénéfice de l’intimée d’un montant de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société GDP Vendôme aux dépens de l’instance d’appel,
Condamne la société GDP Vendôme à payer à la société HCE la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 23 janvier 2024
à
la SELARL BOLLONJEON
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
Copie exécutoire délivrée le 23 janvier 2024
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY