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22 février 2024
Cour d’appel de Dijon
RG n°
23/00164
SOCIETE DENTAL PARTNER CORP LTD
C/
L’ASSOCIATION PROXIDENTAIRE
SELARL MP ASSOCIES
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 22 FEVRIER 2024
N° RG 23/00164 – N° Portalis DBVF-V-B7H-GDXD
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 06 janvier 2023,
rendue par le tribunal judiciaire de Dijon – RG : 22/2593
APPELANTE :
SOCIETE DENTAL PARTNER CORP LTD, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié de droit au siège :
[Adresse 8]
[Localité 7] – EMIRATS ARABES UNIS
représentée par Me Oumar BAH, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 11
INTIMÉES :
L’ASSOCIATION PROXIDENTAIRE, représentée par la SELARL MJ & ASSOCIES, pris en la personne de Me [X] [V], ès qualité de Mandataire ad’hoc de l’Association PROXIDENTAIRE
[Adresse 4]
[Localité 3]
non représentée
SELARL MP ASSOCIES, prise en la personne de Maître [P] [R], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l’Association PROXIDENTAIRE, dont le siège social est situé :
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Patrice CANNET, membre de la SARL CANNET – MIGNOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 81
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 octobre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l’audience par l’un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
MINISTÈRE PUBLIC : l’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Philippe Chassaigne, avocat général.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 21 Décembre 2023 pour être prorogée au 18 Janvier 2024, 01 Février 2024, 15 Février 2024 puis au 22 Février 2024,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L’association Proxidentaire, dont le président est M. [H] [F], est une association déclarée dont le siège social est fixé [Adresse 1].
Par jugement du 11 mars 2022, le tribunal judiciaire de Dijon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de l’association, et désigné la SELARL MP Associés, représentée par Maître [P] [R], en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 13 mai 2022, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de l’association. La SELARL MP Associés, représentée par Maître [P] [R], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du 17 mai 2022, la SELARL MJ et Associés, prise en la personne de Maître [X] [V], a été désignée mandataire ad hoc aux lieu et place du dirigeant M. [F].
Par ordonnance du 13 juillet 2022, le juge commissaire a autorisé la vente aux enchères du mobilier détenu par l’association Proxidentaire sur les deux sites de [Localité 6] et [Localité 5].
Par exploit d’huissier du 10 juin 2022, la société Dental Partner Corp Ltd a signifié l’inventaire de matériels en leasing, avec demande en revendication, à l’administrateur judiciaire et au liquidateur judiciaire de l’association Proxidentaire aux fins de les informer qu’elle était propriétaire d’une partie du mobilier et du matériel médical.
Faute d’acquiescement de la part du liquidateur judiciaire et par requête du 21 juillet 2022, réceptionnée le 25 juillet 2022 par le juge commissaire, la société Dental Partner Corp Ltd a revendiqué une liste de meubles et matériels de dentisterie confiés à l’association Proxidentaire.
Par ordonnance du 26 octobre 2022, le juge commissaire a rejeté la demande en revendication présentée par la société Dental Partner Corp Ltd, aux motifs que la société revendiquante ne démontrait pas la propriété des biens visés, ni la détention par le débiteur de l’intégralité desdits biens, étant précisé que certains biens étaient devenus des immeubles par destination, tandis que d’autres n’étaient pas répertoriés par le commissaire-priseur, les éléments figurant au dossier pénal dont la communication avait été ordonnée laissant enfin à penser que l’existence juridique de la requérante était douteuse et qu’elle entretenait des liens suspects avec l’association.
La société Dental Partner Corp Ltd a formé un recours contre l’ordonnance rendue.
Par jugement du 6 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Dijon a :
– confirmé l’ordonnance du juge commissaire du 26 octobre 2022,
Y ajoutant,
– condamné la société Dental Partner Corp Ltd à verser à Maître [V] ès qualités de mandataire ad hoc de l’association Proxidentaire la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande de la société Dental Partner Corp Ltd du même chef,
– condamné la société Dental Partner Corp Ltd aux dépens de l’instance.
La société Dental Partner Corp Ltd a relevé appel de cette décision le 6 février 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 juillet 2023, l’appelante demande à la cour, au visa de l’article L 624-16 du code de commerce ainsi que des articles 528, 525 et 544 du code civil, de :
– la juger recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dijon le 6 janvier 2023 en ce qu’il :
confirme l’ordonnance du juge-commissaire du 26 octobre 2022,
la condamne à verser à Maître [V] ès qualités de mandataire ad hoc de l’association Proxidentaire la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
rejette sa propre demande du même chef,
la condamne aux dépens de l’instance,
L’y recevant,
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– débouter la SELARL MP Associés de l’intégralité de ses demandes,
– constater son droit de propriété sur les biens qu’elle revendique,
– acter qu’elle n’a jamais cessé d’être propriétaire des biens qu’elle revendique,
En conséquence,
– ordonner la restitution des biens qu’elle revendique,
– condamner la SELARL MJ & Associés et la SELARL MP Associés au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
En ses écritures notifiées le 30 mai 2023, la SELARL MP Associés, prise en la personne de Maître [P] [R], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l’association Proxidentaire, demande à la cour, au visa des articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce, des articles R. 624-12 à R. 624-15 et R. 641-31 du même code, de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dijon en date du 6 janvier 2023 (RG N°22/02593) dans toutes ses dispositions,
Par conséquent,
– débouter la société Dental Partner Corp Ltd de l’intégralité de ses demandes,
– débouter la société Dental Partner Corp Ltd de sa demande de revendication,
En tout état de cause,
– condamner la société Dental Partner Corp Ltd à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Dental Partner Corp Ltd aux entiers dépens d’appel.
Le ministère public a notifié le 6 juillet 2023 un avis favorable à la confirmation du jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 6 janvier 2023.
La SELARL MJ & Associés, prise en la personne de Maître [X] [V], en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Proxidentaire, n’a pas constitué avocat.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 19 septembre 2023.
MOTIFS
Selon l’article L. 624-9 du code de commerce, la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure.
L’article L. 624-16 du même code précise que peuvent être revendiqués, à condition qu’ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur ou ceux transférés dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l’usage ou la jouissance en qualité de constituant. Peuvent également être revendiqués, s’ils se retrouvent en nature au moment de l’ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l’être dans un écrit régissant un ensemble d’opérations commerciales convenues entre les parties. La revendication en nature peut s’exercer dans les mêmes conditions sur les biens mobiliers incorporés dans un autre bien lorsque la séparation de ces biens peut être effectuée sans qu’ils en subissent un dommage. La revendication en nature peut également s’exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute personne les détenant pour son compte.
En application de l’article L.641-14-1 du code de commerce, le liquidateur, avec l’accord de l’administrateur, s’il en a été désigné, peut acquiescer à la demande en revendication ou en restitution d’un bien mentionné aux articles L. 624-9 et suivants. A défaut d’accord entre eux ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue au vu des observations du demandeur, du débiteur, du liquidateur et, le cas échéant, de l’administrateur.
Aux termes de l’article R. 624-13, la demande en revendication d’un bien est adressée dans le délai prévu à l’article L. 624-9 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’administrateur s’il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur, avec copie au mandataire judiciaire. A défaut d’acquiescement dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans un délai d’un mois à compter de l’expiration du délai de réponse. La demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution.
Enfin, l’article R. 641-31 du code de commerce propre à la liquidation judiciaire dispose que les articles R. 624-13 à R. 624-15 sont applicables à la procédure de liquidation judiciaire, sous réserve que la demande formée sur le fondement des articles L. 624-9, L. 624-10, L. 624-18 ou L. 624-19 soit adressée au liquidateur, et que le demandeur en adresse une copie à l’administrateur judiciaire, s’il en a été désigné.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la société Dental Partner Corp Ltd a bien formulé sa demande en revendication dans le délai légal de trois mois.
Sa requête porte sur les biens suivants :
– 1 radio panoramique VATECH 3D + PC + écran
– 2 scanners 3D intra oral avec 2 PC
– 7 fauteuils dentaires unités dentaires de marque Simple
– 6 compresseurs
– 4 capteurs radio RVG
– 1 lot divers d’instruments dentistes
– 3 chariots métalliques
– 1 radio panoramique Cranex Soredex avec PC et écran
– 4 fauteuils dentaires unités dentaires de marque Simple et accessoires
– 1système de surveillance (caméras)
– 2 TV polaroid 55 pouces
– 1 scanner 3D avec PC
– 5 PC de bureau avec écran, clavier et souris
– 2 imprimantes HP
– 5 stations météos
– 13 panneaux de verre avec cadre alu (120 x 258 cm)
– 5 portes en verre (93 x 204 cm)
– 4 meubles d’accueil
– 6 casiers vestiaires en métal rouge
– 2 autoclaves de 23 L
– 1 bac à ultra son
– 4 meubles ordi avec 4 vasques
– 4 meubles à 6 tiroirs avec porte
– 4 meubles hauts avec double porte vitrée
– 1 ensemble de meubles (salle de stérilisation)
– 14 chaises
– 4 verres en forme de vague (noir, cyan, bleu, jaune)
– 2 tables de réunion
– 2 réfrigérateurs
– 2 rideaux métalliques
– 1 système de climatisation (13 bouches)
– 2 placards de rangement
– 1 porte plombée de salle de stérilisation
– 7 miroirs
– 2 enseignes ‘centre dentaire’
– 1 lot divers d’instruments dentistes
– 3 chariots métalliques.
Pour confirmer l’ordonnance du juge-commissaire rejetant la requête de la société Dental Partner Corp Ltd, le tribunal judiciaire de Dijon a notamment considéré que les contrats de mise à disposition transmis par cette dernière ne permettaient pas d’établir son droit de propriété sur les biens revendiqués.
L’appelante conteste cette appréciation, en faisant valoir qu’en dépit de certaines carences formelles pouvant affecter l’élément matériel servant de support contractuel, telles que le défaut de mention de l’identité des personnes physiques représentant les sociétés contractantes, le créancier peut rendre son droit de propriété vraisemblable au moyen de procédés plus ou moins imparfaits et que rien ne lui interdit d’invoquer des indices et présomptions pour emporter l’adhésion de la cour sur son droit de propriété sur les biens dont il revendique la restitution.
Elle souligne en l’espèce avoir signifié le 10 juin 2022 l’inventaire de matériels en leasing, avec demande en revendication, à l’administrateur et au liquidateur judiciaire de l’association Proxidentaire, et précise que cette dernière, suivant courriel du 24 novembre 2021, avait confirmé à l’administrateur judiciaire que le matériel revendiqué était bien sa propriété.
Elle énumère les numéros de série des biens qu’elle revendique, et fait valoir que, alors que l’inventaire du commissaire-priseur ne comporte aucune précision sur ce point, la cour devra tirer toutes conséquences de droit de l’absence de communication par l’intimée des numéros de série des biens présents dans les locaux de l’association Proxidentaire au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective.
Elle ajoute que la SELARL MP Associés conteste son droit de propriété sans pour autant établir que les biens litigieux seraient la propriété de l’association Proxidentaire ou de tout autre créancier.
Il convient de rappeler qu’il appartient à celui qui entend faire déclarer son droit de propriété opposable à la procédure collective du détenteur précaire afin d’obtenir la restitution de son bien, de justifier du droit de propriété qu’il invoque.
Or en l’espèce, la SELARL MP Associés verse aux débats deux contrats de ‘mise à disposition du matériel en location’, datés des 14 mai 2020 et 22 mars 2021, entre la société Dental Partner Corp Ltd, domiciliée à [Localité 7], et l’association Proxidentaire, qui avaient été produits par l’appelante pour justifier de sa propriété devant le juge-commissaire.
Le tribunal judiciaire de Dijon a toutefois relevé dans son jugement du 6 janvier 2023 que la société Dental Partner Corp Ltd s’était prévalue devant lui de contrats de location de matériel dentaire conclus exactement aux mêmes dates mais entre la SUARL Doctonarial, dont le siège social est à La Marsa en Tunisie, et l’association, avant que ces divers actifs ne soient cédés le 5 avril 2021 à la société Dental Partner Corp Ltd (pièces non produites devant la cour).
Dans les deux cas, aucune indication ne permettait d’identifier les personnes physiques représentant les sociétés contractantes, ce qui a été souligné tant par le tribunal qu’avant lui par le juge-commissaire, lequel a rappelé le contexte de l’existence d’une enquête pénale dirigée contre la société Proxidentaire, ayant mis en évidence des liens suspects entre celle-ci et la société Dental Partner.
En tout état de cause, la contradiction manifeste entre les justificatifs contractuels versés aux débats par l’appelante aux divers stades de sa procédure de revendication, sans aucune explication de sa part, créée un doute sérieux sur l’authenticité et à tout le moins sur le caractère probant des pièces produites, et partant, sur la réalité de la propriété qu’elle revendique.
Dans ces conditions, et alors que, comme le souligne l’intimée, la société Dental Partner Corp Ltd ne fournit par ailleurs aucun devis ni facture d’acquisition du matériel mis à disposition de l’association Proxidentaire, pas plus qu’une liste des immobilisations permettant d’individualiser le matériel litigieux, il convient de considérer que l’appelante échoue à rapporter la preuve de sa propriété sur les biens revendiqués.
Le jugement du 6 janvier 2023 sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
La société Dental Partner Corp Ltd, partie succombante, sera en outre condamnée en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile aux dépens de la procédure d’appel.
Elle sera par ailleurs tenue de verser à la SELARL MP Associés, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l’association Proxidentaire, une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 6 janvier 2023 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Dental Partner Corp Ltd aux dépens de son appel,
Condamne la société Dental Partner Corp Ltd à payer à la SELARL MP Associés, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l’association Proxidentaire, une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le Greffier, Le Président,