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21 décembre 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
23/01595
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 21 DECEMBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/01595 – N° Portalis DBVK-V-B7H-PYOM
(jonction avec l’affaire RG n° 23/2131)
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 16 MARS 2023
PRESIDENT DU TJ DE MONTPELLIER
N° RG 22/31132
(jonction avec le n° RG 23/2131)
APPELANTE :
Association Languedocienne de Sensibilisation au Risque Incendie (ALSRI), Association loi 1901, ayant son siège sis [Adresse 2], représentée par son Président Monsieur [K] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Michel GOURON, avocat au barreau de MONTPELLIER
(appelante dans le RG n° 23/02131)
INTIMEE :
AESIO SANTE MEDITERRANEE, Union mutualiste régie par le Livre III du Code de la mutualité, immatriculée au répertoire SIRENE sous le numéro 444 270 326, ayant son siège sis [Adresse 1]), prise en la personne de son Président, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me DE VERDELHAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
(intimée dans le RG n° 23/02131)
Ordonnance de clôture du 19 Octobre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 NOVEMBRE 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre et Madame Nelly CARLIER, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseillère
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
L’union Mutualiste AESIO Santé Méditerranée est un organisme en charge de la gestion de divers établissements de santé, notamment de la clinique [5] à [Localité 3]. Elle a conclu le 22 avril 2011 un contrat de location de matériel auprès de l’Association Languedocienne de Sensibilisation au Risque Incendie ayant pour objet 27 structures modulaires, dont cette dernière est propriétaire, permettant à cette clinique de poursuivre les consultations externes et l’extension de ses urgences.
À la suite de la volonté de la clinique fin avril 2021 de rompre cette convention, l’ALSRI a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Montpellier aux fins de voir condamner AESIO à lui payer des provisions au titre des loyers des mois de mai et juin 2021 et ordonné une mesure d’expertise judiciaire.
Par décision du 22 juillet 2021, le président du tribunal de commerce de Montpellier s’est déclaré incompétent au profit du président du tribunal judiciaire de Montpellier compte tenu de la qualité de chacune des parties.
Par décision du 14 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier a constaté le désistement de l’ALSRI de son instance à l’encontre d’AESIO.
Parallèlement, le 7 juillet 2021, AESIO a fait assigner l’ALSRI devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier, lequel par ordonnance du 2 septembre 2021 a :
‘ ordonné à l’ALSRI de communiquer sous astreinte à AESIO dans un délai de 72 heures un lieu de livraison de l’ensemble des modulaires, ledit lieu devant être situé dans un périmètre de 35 kilomètres autour du site de la clinique,
‘ de communiquer sous astreinte à AESIO dans un délai de 72 heures un lieu de livraison de l’ensemble des modulaires, ledit lieu devant être situé dans le même périmètre que précédemment,
‘ autorisé la clinique à engager les formalités administratives nécessaires à l’évacuation et à procéder à cette évacuation des structures,
‘ condamné l’ALSRI à verser à AESIO une provision de 20’000 € en remboursement de la provision pour frais d’enlèvement,
‘ condamné l’ALSRI à verser à AESIO la somme de 1800 € par mois à titre de provision pour l’occupation des lieux à compter du 1er juin 2021 jusqu’à complète évacuation des structures modulaires,
‘ rejeté toutes autres demandes, étant précisé que l’ALSRI avait sollicité reconventionnellement au cours de cette instance, la désignation d’un expert au visa de l’article 145 du code de procédure civile aux fins notamment d’examiner les 27 structures modulaires, de relever les dégradations et les équipements manquants sur les matériels, d’évaluer les travaux de remise en état ainsi que les techniques de retrait des structures modulaires, d’en estimer le coût et de chiffrer la valeur des structures si la remise en état ou le retrait s’avérait l’un ou l’autre impossible.
Le 3 août 2022 l’ALSRI a fait assigner à AESIO devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de voir au visa de l’article 835 du code de procédure civile condamner la société AESIO à lui restituer sous astreinte les 27 structures modulaires litigieuses, l’ALSRI ayant également présenté oralement une demande de désignation d’un expert judiciaire.
Selon une ordonnance rendue contradictoirement en date du 16 mars 2003, le juge des référés a :
‘ rejeté l’exception de litispendance soulevée par la société AESIO au profit du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Montpellier,
‘ déclaré irrecevable la demande de l’ALSRI comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance rendue le 2 septembre 2021,
‘ débouté AESIO de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
‘ condamné l’ALSRI à payer à la société AESIO une somme de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le 23 mars 2003 et le 20 avril 2023, l’Association Languedocienne de Sensibilisation au Risque Incendie a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle a déclaré sa demande irrecevable comme se heurtant l’autorité de la chose jugée et en ce qu’elle l’a condamnée au paiement de la somme de 1500 € titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par ordonnance rendue en date du 30 mars 2023, le président de la 2ème chambre civile a fixé l’affaire à l’audience du 26 octobre 2023 en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue en date du 26 avril 2023, le président de la 2ème chambre civile a fixé l’affaire à l’audience du 13 novembre 2023 en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
Les affaires ont été plaidées à l’audience du 13 novembre 2023.
Vu les conclusions notifiées le 21 avril 2023 et 25 avril 2023 par la partie appelante ;
Vu les conclusions notifiées 17 octobre 2023 et 25 octobre 2023 par la partie intimée ;
Vu les ordonnances de clôture rendues les 19 octobre 2023 et 6 novembre 2023 ;
PRETENTIONS DES PARTIES
L’Association Languedocienne de Sensibilisation au Risque Incendie conclut à l’infirmation de l’ordonnance et demande à la Cour statuant à nouveau de :
– nommer tel expert qu’il plaira à la cour d’appel statuant en formation des référés avec pour mission de :
Examiner les 27 structures modulaires louées de marque PORTAKABIN sises à la clinique [5] au [Adresse 1],
Relever les dégradations des équipements manquants sur les matériels et les aménagements à restituer,
Chiffrer la valeur de 27 structures modulaires équivalentes, si la mise en état et/ou leur retrait s’avéraient l’un ou l’autre impossibles,
– condamner AESIO à payer un montant de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de et aux entiers dépens.
Elle fait valoir qu’en application de l’article 488 du code de procédure civile, l’ordonnance de référé qui n’a pas au principal l’autorité de la chose jugée, peut être modifiée ou rapportée en référé en cas de circonstances nouvelles, que le premier juge a commis une erreur d’appréciation en considérant que le défaut d’exécution de l’ordonnance de référé serait la circonstance nouvelle invoquée par l’appelant, que c’était la saisie en ses propres mains par l’AESIO qui était et demeure être la circonstance nouvelle qu’elle invoque.
Elle expose en effet qu’après avoir exigé en justice en urgence le déplacement des 27 bungalows loués, AESIO ne veut plus les restituer à la suite d’une saisie entre ses propres mains du 19 août 2022 constituant ainsi une circonstance nouvelle puisqu’en mettant elle-même un obstacle au déplacement des structures modulaires, c’est AESIO qui est à l’origine de l’obligation d’expertiser les modules sur le site de la clinique. Elle soutient que ces structures initialement louées en parfait état sont dans un état très dégradé de l’aveu même de la clinique, laquelle voudrait procéder à la vente forcée en l’état de ces matériels, ce qui causerait un préjudice à l’association et constituerait une atteinte à son droit de propriété contraire aux exigences des articles 544 et 545 du Code civil, le matériel devant être préalablement expertisé pour être remis en état avant toute vente forcée.
AESIO SANTÉ MÉDITERRANÉE conclut d’abord à la jonction des deux instances.
Elle conclut ensuite à la confirmation partielle de l’ordonnance appelée, en sollicitant la rectification d’erreur matérielle, soulignant que le premier juge l’a dénommée ‘la société AESIO’ dans son dispositif.
AESIO SANTÉ MÉDITERRANÉE forme un appel incident et demande à la cour de condamner l’ALSRI au paiement de la somme de 10’000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive.
À titre subsidiaire, elle conclut à l’irrecevabilité de la demande d’expertise, et à titre très subsidiaire au mal fondé de cette demande.
En tout état de cause elle sollicite la condamnation de l’appelante à lui payer la somme de 5000 € au titre de dommages-intérêts pour appel abusif et de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle conclut à l’instar du premier juge à l’irrecevabilité de la demande d’expertise tenant à l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance de référé du 2 septembre 2021 ayant opposé les mêmes parties et l’identité de cause étant manifeste au regard la mission identique sollicitée.
Elle soutient que la saisie qu’elle a pratiquée entre ses mains ne constitue pas une circonstance nouvelle mais est la conséquence de la propre inexécution par l’ALSRI de l’ordonnance de référé, puisque cette dernière ne lui a pas versé la provision allouée de 20’000 €, l’ayant donc contrainte à faire délivrer un commandement de payer aux fins de saisie vente le 1er août 2022 puis à la saisie entre ses propres mains des 25 structures modulaires le 19 août 2022, de sorte qu’elle ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude. Elle expose au surplus que l’existence de la saisie ne change rien à la motivation de la demande d’expertise qui a pour objet d’évaluer l’état des modulaires.
Subsidiairement, elle fait valoir que le premier juge, pour rejeter l’exception de litispendance, a considéré que l’instance devant le juge de l’exécution était une action de fond, que dès lors la demande aux fins d’expertise est irrecevable, l’absence de saisine préalable des juges du fond étant une condition de recevabilité de cette demande sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
À titre infiniment subsidiaire, elle conclut au caractère mal fondé de cette demande d’expertise, qui ne sera d’aucune utilité probatoire, un comparatif entre l’état de livraison et l’état actuel des modulaires étant impossible.
Par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu’elles ont développés.
DISCUSSION
Sur la jonction :
S’agissant de deux appels d’une même ordonnance, et dans le but d’une bonne administration de la justice, il convient de prononcer la jonction des deux instances numéros RG 23/1595 et 23/2131 sous le premier numéro.
Sur la recevabilité de la demande d’expertise :
En application de dispositions de l’article 488 du code de procédure civile, l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. Elle n’est revêtue que d’une autorité provisoire et peut être modifiée ou rapportée en référé en cas de circonstances nouvelles.
Peut constituer une circonstance nouvelle tout fait qui ne s’était pas produit, et dont ni le juge ni la partie qui s’en prévaut n’avaient connaissance lors de la première décision, et qui constitue un élément d’appréciation ayant une incidence sur’la décision prise.
Lors de l’instance ayant donné lieu à l’ordonnance de référé du 2 septembre 2021, l’Association Languedocienne de Sensibilisation au Risque Incendie avait sollicité qu’une expertise soit ordonnée ‘afin notamment que les dégradations et équipements manquants soient constatés, évaluer le coût des travaux de mise en état ainsi que les techniques de l’entrée des structures vendues nécessaires par la construction d’un parking et en estimer le coût et enfin chiffrer la valeur des 27 structures si la remise en état avéré impossible’.
Le juge avait rejeté cette demande au visa de l’article 145 du code de procédure civile en relevant :
‘ qu’aucun état des lieux n’a été effectué et que la convention de location ne renseigne en rien sur l’état des modulaires, se contentant de préciser qu’ils devaient être rendus « en l’état», une caution de garantie ayant même été expressément exclue par les parties,
‘ que chaque partie a fait établir un constat d’huissier permettant de connaître l’état des biens avant enlèvement relevant de nombreux manquements et dégradations qui ne sont pas contestés,
‘ que l’utilité d’une telle mesure compte tenu des circonstances n’est pas démontrée et que le motif ne paraît pas légitime.
La circonstance nouvelle invoquée par l’appelante consiste dans le fait que c’est l’AESIO qui est à l’origine de l’obligation d’expertiser les modules sur le site de la clinique, car les structures modulaires sont saisies entre ses propres mains. Elle soutient que son intérêt tient à ce que, avant toute restitution ou vente forcée, le matériel doit être expertisé pour être remis en état afin que son propriétaire ne subisse pas de préjudice.
Il convient cependant de considérer que la saisie des structures modulaires est la conséquence de l’inexécution par l’ALSRI de l’ordonnance précitée, qui l’a condamnée à payer une provision de 20.000 € représentant le remboursement de la provision pour frais d’enlèvement, et une indemnité d’occupation de 1.800 € par mois.
Ainsi les structures ne peuvent être déplacées par aucune des parties. Ce fait ne saurait constituer une circonstance nouvelle en ce qu’il est imputable à la partie qui s’en prévaut.
Il résulte des documents produits par l’AESIO, notamment la procédure pénale engagée à l’encontre des créateurs de l’association et le jugement de condamnation rendu par le tribunal correctionnel de Montpellier le 25 octobre 2022 que les structures modulaires ont été cédées à titre gratuit à l’ALSRI par la société SANOFI en 2014.
L’impossibilité de comparer l’état des modules au moment de leur livraison et à ce jour demeure, aucun élément nouveau de nature à mettre en lumière les dégradations et leurs causes n’étant avancé.
Dès lors, faute de circonstance nouvelle, l’ordonnance de référé du 2 septembre 2021 qui s’est fondée sur l’absence de démonstration de l’utilité de la mesure d’instruction, et donc sur le défaut de motif légitime au sens de l’article 145 du Code de procédure civile, ne peut être rapportée.
En conséquence, la demande d’expertise qui s’analyse en une demande de rapport de l’ordonnance du 2 septembre 2021, est recevable mais doit être rejetée. L’ordonnance sera réformée de ce chef en ce sens.
Sur les dommages et intérêts :
La condamnation d’une partie à verser des dommages-intérêts pour procédure abusive est soumise à la caractérisation par le juge de circonstances particulières de nature à faire dégénérer en faute le droit du demandeur d’ester en justice.
Il convient de confirmer la décision en ce qu’elle a débouté la défenderesse de sa demande de dommages et intérêts pour les motifs qu’il a énoncés.
Tenant la réformation partielle de la décision, la demande de dommages et intérêts à hauteur d’appel ne sera pas davantage accueillie.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Rectifiant une erreur commise par le premier juge, il convient d’infirmer la décision qui a condamné l’ALSRI à payer à la société AESIO une somme de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et dire que les sommes sont dues à l’union mutualiste AESIO SANTE MEDITERRANEE.
L’Association Languedocienne de Sensibilisation au Risque Incendie qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à AESIO SANTE MEDITERRANEE une somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Ordonne la jonction des deux instances numéros RG 23/1595 et 23/2131 qui porteront désormais le numéro RG 23/1595,
Réformant, s’agissant de l’erreur matérielle,
Condamne l’Association Languedocienne de Sensibilisation au Risque Incendie à payer à AESIO SANTE MEDITERRANEE une somme de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Réformant,
Reçoit la demande d’expertise de l’Association Languedocienne de Sensibilisation au Risque Incendie,
La rejette,
Confirme la décision pour le surplus de ses dispositions soumises à la Cour,
Y ajoutant,
Déboute AESIO SANTE MEDITERRANEE de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne l’Association Languedocienne de Sensibilisation au Risque Incendie aux entiers dépens d’appel et à payer à AESIO SANTE MEDITERRANEE la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le greffier La présidente