Location de matériel : décision du 21 décembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05042

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Location de matériel : décision du 21 décembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05042
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21 décembre 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/05042

N° RG 20/05042 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NEUW

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 13 mars 2020

RG : 2018j391

[H]

C/

S.A.S. LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 21 Décembre 2023

APPELANTE :

Mme [D], [U], [I] [H]

née le 26 Novembre 1984 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/011381 du 10/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

Représentée par Me Céline SAMUEL de la SELAS SAMUEL AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

S.A.S. LOCAM au capital de 11 520 000 €, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié es qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 04 Mai 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Octobre 2023

Date de mise à disposition : 21 Décembre 2023

Audience présidée par Viviane LE GALL, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 11 juillet 2017, Mme [D] [H], exploitant son activité sous l’enseigne « Miss Lalou », a conclu avec la SAS LOCAM – Location Automobiles Matériels (Locam) un contrat de location portant sur du matériel vidéo fourni par la société GPS, moyennant le règlement de 60 loyers mensuels de 210 euros TTC. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé le 13 juillet 2017.

Par courrier recommandé délivré le 19 décembre 2017, la société Locam a mis en demeure Mme [H] de régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l’exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.

Cette mise en demeure étant demeurée sans effet, par acte du 8 février 2018, la société Locam a assigné Mme [H] devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne afin d’obtenir le paiement de la somme principale de 14.393,28 euros.

                                                                      

Par jugement contradictoire du 13 mars 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

– dit que les conditions prévues aux dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation ne sont en l’espèce pas réunies,

– dit que les dispositions consuméristes afférentes à l’obligation d’informations précontractuelles et au droit de rétractation ne sont donc pas applicables,

– débouté Mme [H] de sa demande de nullité fondée sur lesdites dispositions consuméristes,

– débouté Mme [H] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de location pour erreur sur les qualités substantielles de la prestation,

– constaté que l’indemnité de résiliation constitue une clause pénale susceptible de réduire au même titre que la clause pénale de 10% stricto sensu,

– débouté Mme [H] de sa demande de réduction de la clause pénale,

– condamné Mme [H] à verser à la société Locam la somme de 14.393,28 euros, y incluse ses clauses pénales, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017,

– autorisé Mme [H] à reporter le paiement de sa dette d’un an à compter de la signification du présent jugement, puis, passé ce délai, à se libérer de sa dette par le versement de 11 mensualités successives de 100 euros chacune suivies d’une douzième mensualité égale au solde restant dû,

– dit qu’en cas de non-paiement d’une échéance, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible,

– condamné Mme [H] à payer la somme de 250 euros à la société Locam au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens sont à la charge de Mme [H],

– rejeté la demande d’exécution provisoire du jugement,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Mme [H] a interjeté appel par acte du 22 septembre 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 12 février 2021 fondées sur les articles L. 221-17 (ancien) et L. 221-5 et suivants du code de la consommation et les articles 1130 et suivants et 1343-5 et suivants du code civil, Mme [H] demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

dit que les conditions prévues aux dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation ne sont en l’espèce pas réunies,

dit que les dispositions consuméristes afférentes à l’obligation d’informations précontractuelles et au droit de rétractation ne sont donc pas applicables,

l’a débouté de sa demande de nullité fondée sur lesdites dispositions consuméristes,

l’a débouté de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de location pour erreur sur les qualités substantielles de la prestation,

l’a débouté de sa demande de réduction de la clause pénale,

l’a condamné à verser à la société Locam la somme de 14.393,28 euros, y incluse ses clauses pénales, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017,

l’a autorisé à reporter le paiement de sa dette d’un an à compter de la signification du présent jugement, puis, passé ce délai, à se libérer de sa dette par le versement de 11 mensualités successives de 100 euros chacune suivies d’une douzième mensualité égale au solde restant dû,

dit qu’en cas de non-paiement d’une échéance, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible,

l’a débouté du surplus de ses demandes (à savoir : ordonner la restitution à la société Locam des matériels visés au contrat dans le mois suivant le jugement à intervenir, ordonner le remboursement de la somme de 432 euros correspondant aux deux loyers réglés à la société Locam)

l’a condamné à payer la somme de 250 euros à la société Locam au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens sont à sa charge,

statuant à nouveau,

à titre principal

– annuler le contrat de location la liant à la société Locam,

– ordonner la restitution à la société Locam des matériels visés au contrat dans le mois suivant le jugement à intervenir,

– ordonner le remboursement à son égard de la somme de 432 euros correspondant aux deux loyers réglés à la société Locam,

– condamner la société Locam à payer à son conseil, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’article 37 de loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

à titre subsidiaire,

– juger que les demandes de la société Locam au titre de la clause pénale sont manifestement excessives et doivent être minorées,

– l’autoriser à se libérer de sa dette par le versement de 23 mensualités successives de 100 euros chacune suivies d’une douzième mensualité égale au solde restant dû,

– juger que les paiements s’imputeront en priorité sur le principal de la dette,

– juger que l’équité impose de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 1er février 2021 fondées sur les articles 1103 et suivants, 1231-2 et 1128 et suivants du code civil et l’article L. 221-2 4° du code de la consommation, la société Locam demande à la cour de :

– dire non fondé l’appel de Mme [H],

– la débouter de toutes ses demandes,

– confirmer le jugement entrepris,

– condamner Mme [H] à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner en tous les dépens d’instance et d’appel.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2021, les débats étant fixés au 25 octobre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du contrat de location en application des dispositions du code de la consommation

Mme [H] fait valoir que :

– les articles L. 221-5, L. 221-3 et L. 221-8 du code de la consommation lui sont applicables en ce qu’elle remplit les conditions de l’article L. 221-3 de ce code : le contrat a été conclu hors établissement, elle travaille seule depuis son domicile, sous le statut d’auto-entrepreneur, et la location de matériel informatique n’entre pas dans le champ de son activité principale de vente de vêtements ;

– le contrat devait donc contenir les informations pré-contractuelles obligatoires et notamment les conditions de rétractation ainsi que le formulaire de rétractation, ce qui n’est pas le cas ; la sanction est donc la nullité du contrat avec restitution des loyers versés ;

– le contrat de location financière n’est pas un service financier et peut être soumis au code de la consommation.

La société Locam fait valoir que le contrat de location financière est exclu du champ d’application du code de la consommation en ce qu’il s’agit d’une opération connexe aux opérations de banque ; le crédit-bail est une opération de crédit qui participe des opérations de banque, comme cela résulte des dispositions du code monétaire et financier mais aussi de la directive européenne du 25 octobre 2011.

Sur ce,

Comme l’a exactement jugé le tribunal, par des motifs que la cour adopte, le contrat de location conclu avec la société Locam constitue un simple contrat de louage relevant des articles 1709 et suivants du code civil et ne constitue aucunement une opération de banque ou de crédit entrant dans la définition du ‘service financier’. Ce moyen de la société Locam a donc été justement écarté par le tribunal.

Selon l’article L. 221-3 du code de la consommation, ‘Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.’

En l’espèce, les mentions du contrat font apparaître que celui-ci a été signé sur le lieu d’exercice professionnel de Mme [H] et non dans un établissement de la société GPS ou de la société Locam, de sorte qu’il a bien été conclu hors établissement. De plus, Mme [H] justifie, par la production de son extrait Kbis et des relevés Urssaf, qu’elle exerce une activité de commerce de détail d’habillement et accessoires, en qualité d’auto-entrepreneuse. Il en résulte que l’objet des contrats n’entre pas dans le champ de son activité principale et qu’elle remplit également la dernière conditions prévue au texte susvisé. En conséquence, ces dispositions du code de la consommation lui sont applicables.

L’article L. 221-5, I, 7°, du même code, applicable au professionnel pour un contrat conclu hors établissement conformément à l’article L. 221-8, prévoit que, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, de contenu numérique ou de services numériques, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, diverses informations parmi lesquelles, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation.

En l’espèce, il résulte de l’examen du contrat que celui-ci ne comporte pas de formulaire de rétractation, ni aucune information relative à la possibilité d’exercer le droit de rétractation. Or, le contrat porte sur la fourniture de matériel vidéo, de sorte que le droit de rétractation existe.

Il convient donc de prononcer la nullité du contrat de location et, ainsi, de réformer le jugement en toutes ses dispositions.

L’annulation ayant pour effet de replacer les parties dans l’état antérieur à l’acte annulé, la société Locam sera condamnée à restituer à Mme [H] les deux loyers versées par celle-ci, soit la somme de 432 euros sollicitée. La restitution du matériel sera également ordonnée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Locam succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. En application des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle, elle sera également condamnée à payer à Me Céline Samuel, avocat de Mme [H], la somme de 1.200 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de location conclu par Mme [H] avec la société Location Automobiles Matérielsle 11 juillet 2017 ;

Condamne la société Location Automobiles Matériels à payer à Mme [H] la somme de 432,00 euros (quatre-cent trente-deux euros) en restitution des loyers versés ;

Ordonne la restitution à la société Location Automobiles Matériels du matériel visé au contrat ;

Condamne la société Location Automobiles Matériels aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne la société Location Automobiles Matériels à payer à Me Céline Samuel, avocat de Mme [H], la somme de 1.200 euros en application des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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