Location de matériel : décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/04184

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Location de matériel : décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/04184
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19 décembre 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
23/04184

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°570

N° RG 23/04184 – N° Portalis DBVL-V-B7H-T5YB

S.A.S. KUEHNE+NAGEL PARTS

C/

Société NETWORK EQUIPMENT RENTAL LIMITED

S.A.R.L. NETWORK EQUIPMENT RENTAL FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me VERRANDO

Me TATTEVIN

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de VANNES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIERS :

Madame Isabelle OMNES, lors des débats, et Madame Frédérique HABARE, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 26 Octobre 2023

devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Décembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. KUEHNE+NAGEL PARTS

immatriculée au RCS de Meaux sous le N° 429 116 577 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Julie BIJAYE substituant Me Cyril CHABERT de la SELARL SELARL CYRIL CHABERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Société NETWORK EQUIPMENT RENTAL LIMITED

Société de droit étranger immatriculée au RCS de DUBLIN sous le n° 464736 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Christophe TATTEVIN de la SCP TATTEVIN-DERVEAUX, Postulant, avocat au barreau de VANNES

Représentée par Me Rachel CLÉMENT substituant Me Cédric SEGUIN de la SELAS SELAS CS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. NETWORK EQUIPMENT RENTAL FRANCE

inscrite au RCS de VANNES sous le N° 788 532 323 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3],

[Localité 1]

Représentée par Me Christophe TATTEVIN de la SCP TATTEVIN-DERVEAUX, Postulant, avocat au barreau de VANNES

Représentée par Me Rachel CLÉMENT substituant Me Cédric SEGUIN de la SELAS SELAS CS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Un contrat de location de matériel de rangements a été conclu le 10 septembre 2012 entre la société de droit irlandais NETWORK EQUIPMENT RENTAL LIMITED, 93Upper Georges Street, Sun Loaghaire, C0 Dublin, Ireland (bailleur), et la Société KUEHNE +NAGEL PARTS, [Adresse 2], [Localité 5] (preneur) aux termes duquel il était mentionné, en francais, que cette location était prévue pour 36 mois et qu’ensuite la Société KUEHNE + NAGEL PARTS avait le choix soit de restituer le matériel soit de le racheter.

A l’expiration du délai de 36 mois, la Société KUEHNE +NAGEL PARTS n’a pas restitué le matériel ni levé l’option d’achat ; la location s’est poursuivie aux conditions contractuelles et la locataire a continué de régler les factures jusqu’au 9 octobre 2020.

Société KUEHNE+NAGEL PARTS considère qu’en ayant réglé sous forme de loyers une somme de l04.883,00 euros correspondant à plus de trois fois la valeur d’achat du matériel fixée à 38.219,00 euros, elle est devenue propriétaire de celui-ci et a payé indûment la somme de 66.664,00 euros.

Elle a assigné par actes des 04 mars et 05 mars 2021devant le tribunal de commerce de Vannes la société NETWORK EQUIPMENT RENTAL LIMITED ainsi que la société NETWORK EQUIPMENT RENTAL FRANCE aux fins de voir constater son acquisition du matériel loué, de voir prononcer la compensation entre ses versements et le prix d’achat contractuel, et de voir condamner in solidum les deux défenderesses à lui payer la somme de 66.664 euros.

Les sociétés NETWORK ont soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Vannes au bénéfice du tribunal de commerce de Paris en vertu d’une clause d’attribution de compétence figurant dans le contrat de location.

Par jugement du 23 juin 2023, le tribunal de commerce de Vannes a :

– déclaré recevable l’exception d’incompétence soulevée par les sociétés NETWORK,

– accueilli l’exception,

– s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

– renvoyé les parties à se pourvoir devant le tribunal de commerce de Paris,

– dit qu’en l’état il est prématuré de statuer sur les demandes de frais irrépétibles,

– condamné la société KUEHNE+NAGEL PARTS aux dépens,

– ordonné la transmission du dossier au tribunal de commerce de Paris.

La société KUEHNE+NAGEL PARTS a fait appel de ce jugement, et autorisée par une ordonnance du 30 août 2023, a assigné à jour fixe les sociétés NETWORK pour demander que la Cour :

– déclare son appel recevable,

– infirme le jugement déféré,

– constate l’inopposabilité des conditions générales de location de la société NETWORK EQUIPMENT RENTAL Ltd à la société KUEHNE,

– déclare le tribunal de commerce de Vannes compétent pour connaître du litige,

– renvoie les parties à conclure sur le fond,

– condamne les sociétés NETWORK EQUIPMENT RENTAL FRANCE et NETWORK EQUIPMENT RENTAL LIMITED au versement de 4.000 Euros au titre de l’article 700 du CPC.,

– les condamne aux dépens avec droit de distraction pour ceux dont il a été fait l’avance.

Elle a renouvelé ces demandes dans des conclusions du 19 octobre 2023.

Par conclusions du 24 octobre 2023, les sociétés NETWORK EQUIPMENT RENTAL FRANCE et NETWORK EQUIPMENT RENTAL Ltd ont demandé que la Cour :

– confirme le jugement déféré,

– déboute la société KUEHNE de ses demandes,

– la condamne au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Durant son délibéré, la Cour a demandé aux intimées de lui adresser leur pièce numéro 7, celle figurant à leur dossier ne correspondant pas à l’intitulé du bordereau de communication de pièce.

Les sociétés NETWORK ont adressé en réponse, le 31 octobre 2023, un certain nombre de documents.

Le même jour, l’appelante a écrit que ces documents ne lui avaient pas été communiqués et a demandé que cette nouvelle pièce numéro 7 soit écartée des débats.

Les sociétés NETWORK ont répliqué que ces pièces avaient été communiquées en première instance et étaient en accès libre sur internet, s’agissant de documents publics concernant le groupe de sociétés KUEHNE+NAGEL.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Contrairement à ce qui apparaissait à première lecture du dossier, l’erreur relevée par la Cour quant au contenu de la pièce numéro 7 des sociétés NETWORK ne constituait pas une simple erreur matérielle.

A en effet été versée aux débats suite à la demande de la Cour, une documentation non communiquée au préalable dans la procédure d’appel.

Par conséquent, ces pièces sont déclarées irrecevables.

A l’examen de la convention versée aux débats, le contrat de location

a été signé entre la société KUEHNE+NAGEL PARTS et la société de droit irlandais NETWORK EQUIPMENT RENTAL Ltd.

Il est daté du 10 septembre 2012 et comprend deux pages, l’une en français, l’autre en anglais.

La page en français comprend la nature des équipements loués, leur nombre, la durée de la location, le prix de la location, les conditions de sortie de la location, le délai de livraison, les pénalités en cas de sortie anticipée de la location, et est signée pour le compte de la société KUEHNE par une personne indiquant être ‘directeur du site’ et dont le nom est peu lisible.

La page en anglais porte le paraphe de cette personne.

Elle reprend certaines des conditions particulières, soit les quantités, prix et durée de la location mentionnées sur la page en français.

Elle fait référence à de très nombreuses reprises aux conditions générales de la société NETWORK EQUIPMENT RENTAL (Terms of Hire), qui y sont définies en introduction puis citées à sept reprises comme régissant différents aspects du contrat de location: conditions de paiement, conditions d’utilisation du matériel loué, conditions de résiliation anticipée, limitations de responsabilité contractuelle, pertes de l’équipement loué.

Il est expressément précisé qu’une copie des conditions générales est annexée au contrat.

Il est dès lors constant que la société KUEHNE+NAGEL PARTS a admis avoir eu connaissance de ces conditions générales.

Pour autant, les conditions générales versées aux débats ne peuvent être celles qui ont été portées à la connaissance de la société KUEHNE+NAGEL PARTS le 10 septembre 2012 dans la mesure où elles font expressément référence à l’indemnité forfaitaire de 40 euros prévue par les dispositions de l’article D 441-5 du code de commerce, laquelle a été introduite par un décret du 02 octobre 2012, postérieur donc à la signature du contrat.

S’il est exact que la page en anglais paraphée par le directeur de site de la société KUEHNE+NAGEL PARTS indique que la société NETWORK EQUIPMENT RENTAL Ltd peut rédiger de nouvelles conditions générales qui se substitueront à celles annexées au contrat, cette pratique ne peut pour autant justifier l’application d’une clause de prorogation de compétence dont il ne serait pas justifié qu’elle ait été acceptée au moment de la conclusion du contrat.

En effet, s’agissant d’un litige de nature contractuelle, contenant un élément d’extranéité dans la mesure où les deux parties ont chacune leur domicile dans deux états européens distincts, s’appliquent les dispositions du règlement CE 1215/21012 qui exigent dans l’article 25 que la clause de prorogation de compétence figure dans un écrit, ou soit rédigée ‘sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles’.

En l’espèce, il vient d’être dit que la Cour ignore le contenu des conditions générales acceptées le 10 septembre 2012.

Ces conditions ne sont pas rappelées sur les factures de loyer.

Ensuite, l’existence d’un courant d’affaires ne paraît pas établie.

Le 02 octobre 2015, la société KUEHNE+NAGEL, agence de Criqueboeuf sur Seine a signé un bon de commande d’objets à louer, en déclarant accepter les conditions générales de location dans leur totalité.

Ce bon de livraison mentionne une société KUEHNE+NAGEL dont l’adresse diffère de celle de la société KUEHNE+NAGEL PARTS.

La société KUEHNE+NAGEL PARTS prétend que le locataire n’est pas elle-même mais une société KUEHNE+NAGEL SAS.

La société NETWORK EQUIPMENT RENTAL soutient que la société KUEHNE+NAGEL a agi pour le compte de la société KUEHNE+NAGEL PARTS car elle en est la représentante légale et l’associée unique.

Elle conclut aussi que le bon de commande du 02 octobre 2015 s’inscrit dans l’exécution du contrat cadre du 10 septembre 2012.

Le contrat du 10 septembre 2012 n’a pas les caractéristiques d’un contrat cadre dans la mesure où, au contraire d’un contrat cadre, il détermine très précisément quels biens seront loués, à quel prix et pour combien de temps, sans jamais indiquer que les conditions qui y figurent seront reproductibles pour toute autre location.

Le bon de commande de 2015 mentionne l’adresse du siège social de la société KUEHNE+NAGEL, distinct de celui de la société KUEHNE+NAGEL PARTS et un lieu de livraison distinct de celui figurant en 2012 sur le contrat signé par la société KUEHNE+NAGEL PARTS.

Il n’est pas possible d’établir, à leur examen, un lien entre les deux contrats.

Enfin, si les sociétés NETWORK EQUIPMENT RENTAL Ltd et NETWORK EQUIPMENT RENTAL FRANCE font valoir que l’assignation de la seconde est incompréhensible (puisqu’elle n’est pas partie au contrat) sauf à rechercher la compétence du tribunal de commerce de Vannes, elles n’en demandent pas pour autant l’application du règlement européen 1215/2012 qui aurait permis de déclarer compétente la juridiction du lieu d’exécution de la prestation de services soit le tribunal de commerce de Versailles (compétent pour Trappes).

En conséquence des motifs qui précèdent, il doit être constaté que la société NETWORK EQUIPMENT RENTAL Ltd ne démontre pas que la société KUEHNE+NAGEL PARTS ait accepté des conditions générales prévoyant une prorogation de compétence au bénéfice du tribunal de commerce de Paris.

Le jugement déféré est dès lors infirmé, le tribunal de commerce de Vannes, dans le ressort duquel est situé le siège social de l’une des deux sociétés défenderesses, étant compétent pour en connaître.

Les sociétés intimées supporteront la charge des dépens d’appel.

Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Déclare irrecevables les pièces adressées à la Cour par les intimées durant le cours du délibéré.

Infirme le jugement déféré.

Statuant à nouveau :

Dit le tribunal de commerce de Vannes compétent pour connaître du litige.

Condamne les sociétés NETWORK EQUIPMENT RENTAL Ltd et NETWORK EQUIPMENT RENTAL FRANCE aux dépens d’appel.

Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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