Location de matériel : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00774

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Location de matériel : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00774
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18 janvier 2024
Cour d’appel de Pau
RG n°
22/00774

TP/SB

Numéro 24/168

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/01/2024

Dossier : N° RG 22/00774 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IEZV

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[M] [P]

C/

S.A.R.L. FOSELEV SUD OUEST

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 18 Janvier 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 11 Octobre 2023, devant :

Mme PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, Greffière.

Madame SORONDO, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame PACTEAU et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Mme PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [M] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.R.L. FOSELEV SUD OUEST, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Maître MARCHESSEAU LUCAS de la SELARL AVOCADOUR, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 16 FEVRIER 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : 19/00304

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [M] [P] a été embauché par la SARL Foselev Sud Ouest, à compter du 1er avril 2015, en qualité de coordonnateur de sites, agent de maîtrise, groupe 1 coefficient 150, selon contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transports.

Le 28 décembre 2018, M. [P] a été placé en arrêt maladie.

Le 4 février 2019, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 14 février 2019.

Par courrier du 19 février 2019, il a été licencié pour faute grave.

Le 12 novembre 2019, M. [P] a saisi la juridiction prud’homale au fond d’une contestation de ce licenciement.

Par jugement du 16 février 2022, le conseil de prud’hommes de Pau a’:

– Débouté M. [M] [P] à titre principal de sa demande de nullité du licenciement discriminatoire,

– A titre subsidiaire (sic), dit que la faute grave invoquée par la SARL Foselev à l’encontre de M. [M] [P] n’est pas justifiée par une cause réelle et sérieuse,

– Condamné la SARL Foselev à payer à M. [M] [P] les sommes suivantes’:

* 5866 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 586 € bruts au titre des congés payés sur préavis

* 7662 € net à titre d’indemnité de licenciement en vertu de l’article L1235-3 du code du travail

* 500 € à tire d’indemnité d’astreintes dont 50 € à titre de congés payés.

– Débouté pour le surplus M. [M] [P] ainsi que la SARL Foselev de sa demande reconventionnelle,

– Ordonné l’exécution provisoire de droit,

– Condamné la SARL Foselev à payer à M. [M] [P] la somme de 1250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la SARL Foselev aux entiers dépens.

Le 17 mars 2022, M. [M] [P] a interjeté appel partiel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 6 juillet 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [M] [P] demande à la cour de’:

– A titre principal, infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de nullité du licenciement discriminatoire lié à l’état de santé ;

– A titre subsidiaire, le Confirmer en ce qu’il a prononcé l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement mais l’infirmer sur les quantums ;

– Infirmer le jugement pour le surplus, sauf en ce qu’il alloue 1.250 € au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouter l’intimée de son appel incident, de toutes ses demandes, fins et conclusions.

I. Le licenciement

– Enjoindre à Foselev de communiquer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, le registre unique du personnel ;

> A titre principal, prononcer la nullité de plein droit du licenciement discriminatoire lié, directement ou indirectement, à l’état de santé, déguisé en licenciement pour faute grave, l’appelant présentant des éléments de fait laissant présumer l’existence d’une discrimination et l’intimée n’apportant pas la preuve, qui lui incombe, que le licenciement est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

– Prononcer, en conséquence, la réintégration de droit, sur le fondement de l’article L.1132-4 du code du travail et Condamner l’intimée à payer :

‘ L’indemnité d’éviction correspondant à la rémunération et accessoires de rémunération (congés payés, intéressement, etc..) depuis la date du licenciement jusqu’à la date de réintégration effective et ce, sans déduire les éventuels revenus de remplacement, soit 175.985 euros (35.197 x 5 ans) à laquelle il conviendrait d’ajouter les congés payés afférents de 17.598,50 euros, dans l’hypothèse où la réintégration serait effective à la date du 21 février 2024 (sommes à parfaire en fonction de la date de réintégration) ;

‘ 40.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral distinct du fait de la discrimination fondée sur l’état de santé sur le fondement de l’article L.1132-4 du code du travail ;

> A titre subsidiaire, prononcer l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la procédure n’ayant pas été initiée dans un délai restreint, et en l’absence de preuve de la faute grave, qui est contestée, les griefs allégués étant imprécis et fantaisistes et Condamner l’intimée à payer :

‘ 5.866 € d’indemnité compensatrice de préavis (deux mois de salaire) outre 586,6 € au titre des congés payés afférents ;

‘ 35.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en écartant la barème MACRON, sur le fondement de l’article 30 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Cour de cassation n’ayant pas statué, dans son arrêt du 11 mai 2022, sur la comptabilité du barème avec ledit article;

‘ 40.000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice moral distinct du fait de la discrimination fondée sur l’état de santé sur le fondement de l’article L.1132-4 du code du travail ;

II. Rappel de salaire et durée du travail

– Enjoindre à Foselev de communiquer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, les documents intitulés « ordre de mission » sur la période du 1 avril 2015 au 27 décembre 2018, afin de parfaire la demande relative aux heures supplémentaires et se réserver la faculté de liquider l’astreinte ;

– Condamner Foselev Sud-Ouest à payer :

‘ 37.132,8 € de rappel d’astreintes outre 3.713,2 euros de congés payés afférents sur le fondement des principes constitutionnels du droit au repos et à la santé et de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’union européenne ;

‘ 55.000 € de rappel d’heures supplémentaires, outre 5.500 € de congés payés afférents, sur le fondement des articles 31 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne et L 3.171-2 à L 3.271-4 du code du travail (sommes à parfaire lorsque l’intimée communiquera les ordres de mission sur la période du 1 avril 2015 au 27 décembre 2018);

‘ 22.500 € de repos compensateurs outre 2.250 € de congés afférents sur le fondement de l’article d’ordre public L.3121-30 du code du travail (sommes à parfaire lorsque l’employeur aura communiqué les ordres de mission) ;

‘ 17.598 € d’indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé sur le fondement des articles L. 8223-1 du code du travail et 31 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’union européenne ;

‘ 35.000 € de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale absolue hebdomadaire de 48 heures de travail et des durées minimales de repos sur le fondement du principe constitutionnel du droit au repos et à la santé et des articles L 3121-20 du code du travail, 6b) de la directive numéro 2003/88 et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ;

‘ 15.000 € de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale journalière de 10 heures de travail sur le fondement du principe constitutionnel du droit au repos et à la santé et des articles L 3121-18 du code du travail et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

‘ 3.500 € au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du Conseil de

prud’hommes et faire application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts.

– Condamner l’intimée aux entiers dépens.

Dans ses conclusions responsives et récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 7 août 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Foselev Sud Ouest, formant appel incident, demande à la cour de’:

– Confirmer le jugement du 16 février 2022 en toutes ses dispositions, SAUF EN CE qu’il a jugé le licenciement pour faute grave de M. [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Foselev Sud Ouest aux sommes de :

* 5866 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 586 € au titre des congés payés sur préavis

* 7662 € à titre d’indemnité de licenciement en vertu de l’article L1235-3 du code du travail (en réalité des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse)

* 500 € à tire d’indemnité d’astreintes dont 50 € à titre de congés payés.

– Réformer le jugement sur ces points.

– Juger que le licenciement pour faute grave de M. [P] était justifié.

– Juger que M. [P] ne démontre pas avoir réalisé des astreintes.

– Débouter M. [P] de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions.

– Le Condamner à la somme de 3500 € au titre de l’article 700 du CPC.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Sur les astreintes

[M] [P] demande le paiement des heures d’astreinte qu’il soutient avoir assumées depuis le mois de juillet 2018 en étant titulaire de la ligne téléphonique à joindre, pour toute demande urgente, en dehors des horaires de bureau.

La société Foselev Sud-Ouest lui objecte le fait qu’il n’avait aucune obligation de disponibilité à l’égard de l’entreprise et qu’il ne peut donc prétendre être d’astreinte, précisant qu’il ne devait être joint qu’en dehors des heures d’ouverture de l’entreprise, qu’il était loisible à M. [P] d’éteindre son téléphone et que, si celui-ci ne répondait pas, l’appelant était dirigé vers un deuxième numéro puis un troisième.

Selon l’article L.3121-9 du code du travail, une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

En l’espèce, le contrat de travail de M. [P] ne prévoyait pas d’astreintes et aucun document ne lui a été remis à ce sujet au cours de la relation de travail.

Pourtant, le message téléphonique entendu lors d’un appel à l’entreprise en dehors des heures de bureau était le suivant’:

«’ Bonjour, nos bureaux sont ouverts du lundi au vendredi de 8h à 12h et de 14h à 18h. Pour toute demande urgente en dehors de nos horaires d’ouverture, vous pouvez contacter M. [M] [P] au [XXXXXXXX01]. Merci’».

Il importe de relever qu’il s’agissait du téléphone personnel de M. [P] qui percevait, chaque mois, depuis septembre 2018, une indemnité de 20 euros pour l’usage de son appareil à des fins professionnelles.

M. [P] a été engagé en qualité de coordonnateur sites à compter du 1er avril 2015.

L’organigramme le présente, à la date du 18 juillet 2018 comme responsable parc matériel et exploitation grue.

Son supérieur hiérarchique à l’époque, M. [I] [T], témoigne de ces nouvelles fonctions à la suite du départ du titulaire en juillet 2018.

Concernant le renvoi sur le numéro de téléphone de M. [P], M. [T] précise que c’était lié à la fonction de M. [P]. Il indiquait que lorsque ce numéro ne répondait pas, un message indiquait un deuxième numéro à appeler, puis un troisième, le sien.

Pourtant, aucun élément ne démontre ces renvois successifs sur les téléphones d’autres personnes. De plus, l’huissier qui a fait le constat relatif au message du répondeur de la société Fosedev, à la date du 29 mars 2019, soit alors que ce dernier était licencié depuis plus d’un mois, relève bien que, après lecture de ce message, la communication était immédiatement coupée.

Dès lors, il appert de considérer qu’il était entendu pour les personnes joignant l’entreprise que, en cas d’urgence, elles devaient contacter M. [P] qui, s’il pouvait en dehors des heures d’ouverture de l’entreprise, vaquer par principe à ses occupations, n’en était pas moins tenu de répondre aux appels reçus et de réagir en fonction des demandes alors présentées.

Il était donc d’astreinte téléphonique pour les personnes souhaitant joindre la société Fosedev pour une urgence en dehors des horaires d’ouverture de l’entreprise.

Ce temps d’astreinte doit donc être, en contrepartie, rémunéré.

En l’absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles quant à la rémunération de ces heures d’astreintes, il appartient à la cour d’apprécier souverainement le montant de la rémunération revenant au salarié.

Compte tenu des amplitudes des heures d’ouverture de l’entreprise, du versement d’une indemnité pour le téléphone de M. [P] à compter de septembre 2018 qui permet de fixer à ce moment-là le début du renvoi des appelants sur son appareil en cas d’urgence, de la date de son départ en arrêt maladie, de la nature de l’activité de l’entreprise, à savoir la location de matériel de construction et de l’absence de tout élément permettant de quantifier la charge de cette astreinte en terme de nombre d’appels reçus à ce titre de sorte, il sera retenu que cette astreinte doit être rémunérée à hauteur de 500 euros par mois. Il doit donc être accordé à M. [P] la somme de 2000 euros à titre de rappel de salaire pour les astreintes effectuées outre 200 euros pour les congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera infirmé sur le quantum.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

S’appliquent les dispositions des articles :

– L3171-2 al 1 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

– L.3171-3 du code du travail : L’employeur tient à la disposition de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

– L.3171-4 du code du travail : En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [P] demande le paiement d’heures supplémentaires à hauteur de 55 000 euros, outre 5500 euros pour les congés payés y afférents, sommes à parfaire, faisant valoir qu’il a cumulé deux postes à la suite de la démission de son collègue en juillet 2018.

Son supérieur hiérarchique, entendu par l’agent assermenté de la caisse primaire d’assurance maladie, le confirme.

Au soutien de sa demande qu’il n’a pas détaillée, il produit le témoignage écrit de ce dernier, M. [T], ainsi que l’attestation d’un ancien collègue, M. [Z], qui déclare que, «’chez Foselev, la charge de travail était souvent très importante, la pause de midi n’était pas forcément respectée, le quota d’heures supplémentaires souvent dépassé et l’amplitude des 11 heures entre deux postes n’était pas une préoccupation [des] responsables’».

Il verse également l’attestation de M. [R], également ancien collègue, qui confirme le «’manque flagrant de personnel’».

Si ces éléments confirment l’existence d’heures supplémentaires, l’examen des bulletins de paie de M. [P] montre que chaque mois, de telles heures lui étaient payées, conformément aux ordres de mission ainsi qu’en atteste la comparaison des pièces produites concernant l’année 2018. Par exemple pour le mois de septembre 2018, les ordres de mission produits totalisent 174 heures de travail et le bulletin de paie concerne la rémunération d’un total de 183 heures. En octobre 2018, M. [P] a été payé de 185,2 heures de travail pour les 178 heures déclarées dans les ordres de mission.

Mais surtout, [M] [P] ne verse aucun élément suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies permettant à la société Foselev d’y répondre.

Il se retranche derrière le fait que celle-ci refuse de lui communiquer les ordres de mission des années antérieures à 2018, les documents relatifs à cette dernière année étant produits.

Or, il réclame le paiement d’heures supplémentaires à partir du moment où il a remplacé son collègue au poste de responsable parc matériel et exploitation grue en juillet 2018, de sorte que sa demande de production des ordres de mission pour les années antérieures n’est pas étayée.

En conséquence de tous ces éléments, il convient de rejeter la demande d’heures supplémentaires formulée, de même que la demande de communication des ordres de mission depuis le 1er avril 2015.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les repos compensateurs

En l’absence d’heures supplémentaires non payées, M. [P] est mal fondé dans sa demande de contrepartie en repos obligatoire.

Il convient d’ailleurs de préciser que le tableau produit par la société Foselev en pièce 7 montre également que M. [P] a bénéficié de jours de récupération au cours de la relation de travail.

La demande à ce titre sera donc rejetée.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Selon les dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L.8223-1 du code du travail dispose pour sa part qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d’emploi salarié prévu par l’article L8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie, un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Il appartient au salarié de démontrer que l’employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail du salarié en ne lui payant pas ses heures supplémentaires. Cette intention ne peut pas se déduire de la seule absence de preuve, par l’employeur, des horaires effectués par son salarié.

Or, en l’espèce, M. [P] est défaillant dans l’administration de la preuve de la matérialité d’heures supplémentaires accomplies et non rémunérées.

Il doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires pour violation des durées maximales hebdomadaires et quotidiennes de travail ainsi que de la durée minimale de repos

En vertu respectivement des articles L.3121-18, L.3121-20, L.3131-1 et L.3132-2 du code du travail, la durée de travail effectif quotidienne ne peut excéder 10 heures, la durée maximale hebdomadaire absolue de travail est de 48 heures, les salariés bénéficient d’une durée minimale de repos de 11 heures consécutives et d’un repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien.

Il est constant que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation pour le salarié.

Par analogie, le seul constat que le repos minimal n’a pas été respecté ouvre droit à réparation pour le salarié.

En l’espèce, les ordres de mission versés aux débats par la société Foselev démontrent que M. [P] a parfois travaillé plus de 10 heures en une journée et plus de 48 heures par semaine.

De même, au cours de la semaine du 19 au 23 mars 2018, les durées minimales de repos entre deux journées de travail n’ont pas été respectées.

Il sollicite la somme de 35 000 euros pour violation de la durée maximale absolue hebdomadaire de 48 heures de travail et des durées minimales de repos et 15.000 € de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale journalière de 10 heures de travail.

Les manquements ponctuels relevés, à défaut d’autres éléments de preuve et notamment de pièces relatives à d’éventuelles interventions durant les périodes d’astreinte, ouvrent droit, pour M. [P] à réparation.

La somme totale de 1000 euros lui sera allouée à ce titre pour violation de la durée maximale absolue hebdomadaire de 48 heures de travail, de la durée maximale journalière de 10 heures de travail et des durées minimales de repos.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement

En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité et d’exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.

Aux termes de l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l’article R.1232-13 du même code, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

Suivant l’article L.1232-5 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Lorsque plusieurs causes sont envisagées par les parties, au gré de leurs argumentations contradictoires, le juge doit rechercher la «’véritable cause’» du licenciement. En effet, l’exigence d’une cause exacte signifie que le juge ne doit pas seulement vérifier que les faits allégués par l’employeur comme cause de licenciement existent’; il doit également rechercher si d’autres faits évoqués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement .

En l’espèce, M. [P] a été licencié pour faute grave, licenciement qu’il estime discriminatoire en raison de son état de santé, tandis que la société Foselev demande à la cour de le juger fondé.

Il convient donc d’analyser le fondement invoqué par l’employeur dans la lettre de licenciement puis, si celui-ci se révèle sans cause réelle et sérieuse, de rechercher si la véritable cause de la rupture du contrat de travail réside ou non dans l’état de santé du salarié ainsi qu’il le prétend.

La lettre de licenciement dont les termes fixent le litige est rédigée comme suit’:

«’Monsieur,

Vous avez été convoqué à un entretien préalable fixé au jeudi 14 février 2019 en nos bureaux de [Localité 7], afin de vous exposer les motifs qui nous ont amenés à envisager votre licenciement.

Ces motifs sont les suivants’:

Vous êtes en arrêt de travail pour maladie depuis le 8 janvier 2018.

Or votre absence a mis en exergue de graves manquements dans la réalisation de vos missions quotidiennes’: le 10 janvier 2019, alors que le responsable de parc de notre agence d'[Localité 8] était en déplacement sur votre agence pour une action de formation, il a découvert par hasard que vos dossiers de suivi du matériel n’étaient pas à jour’:

-les contrôles périodiques du matériel étaient périmés, notamment sur 4 fourgons de manutention et 1 grue’;

-le téléchargement des données des cartes de conducteurs de 3 chauffeurs n’était pas à jour,

-le transfert des données des chronotachygraphes de 3 camions n’était pas à jour.

Un tel retard sur une grande partie des matériels dont vous avez la responsabilité est totalement inadmissible. Vous n’êtes pas sans savoir l’importance cruciale que revêt la bonne tenue de ce type de dossier, et la nécessité de rester toujours dans le strict respect de la réglementation en la matière’: en cas d’accident avec un de ces matériels non conformes, la responsabilité de l’entreprise aurait été directement engagée, avec des conséquences financières importantes, et une image de notre travail désastreuse.

De plus, il est ressorti de ce constat que vos dossiers n’étaient globalement pas à jour, ni même correctement rangés, tant et si bien qu’il a fallu de nombreuses heures à vos collègues pour remettre de l’ordre dans vos affaires pour pouvoir prendre les actions rapides qui s’imposaient.

Par ailleurs, la société vous avait mis à disposition un véhicule de société pour la réalisation de vos trajets professionnels. Comme tous nos véhicules, il s’agissait d’un véhicule de service, dont l’utilisation à des fins personnelles est strictement interdite, et que les salariés doivent laisser à l’agence le week-end, pendant les congés ou durant tout type d’absence.

Or, vous êtes parti en arrêt maladie avec ce véhicule, et l’avez conservé chez vous, malgré nos relances. Il a finalement fallu envoyer un collaborateur le chercher à votre domicile plus d’un mois après le début de votre absence. Une telle attitude est intolérable et en totale infraction avec les règles de l’entreprise.

Si vous ajoutez à cela les difficultés relationnelles que vous entretenez avec vos homologues d’autres agences, et le désaccord permanent que vous opposez aux décisions d’entreprise, il est devenu évident que vous maintenir au sein des équipes est devenu impossible.

Nous tenons notamment à vous rappeler que le 7 janvier dernier, vous avez annoncé oralement votre démission à votre responsable d’agence et vous lui avez indiqué que pour ne pas effectuer votre préavis «’vous alliez vous mettre en maladie’». Le lendemain, à défaut d’un courrier de démission, nous avons reçu l’arrêt maladie annoncé, ce qui jette un doute certain, vous le comprendrez, sur votre loyauté vis-à-vis de l’entreprise.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien au sein de la société est définitivement impossible, et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité de rupture (…)’».

Les seules pièces versées par l’employeur au sujet des faits visés dans cette lettre sont les suivants’:

un avis d’arrêt de travail du 28 décembre 2018 au 31 janvier 2019, soit nettement postérieure à la date du 8 janvier 2018 visée au tout début du courrier de licenciement et sans rapport avec une prétendue annonce orale de M. [P], le 7 janvier 2019, concernant une démission’;

un mail de [D] [G], responsable d’exploitation de l’agence de [Localité 4] [Localité 8] en date du 13 février 2019, adressé notamment à M. [Y] et précisant’:

«’suivant votre demande sur le suivi du matériel à [Localité 5] j’ai constaté les choses suivantes en date du 10 janvier 2019′:

* retard sur les contrôles périodiques du matériel 4 fourgons de manutention

* retard sur les contrôles périodiques 1 grue

* retard sur le téléchargement des données des cartes conducteurs de 3 chauffeurs

* retard sur le transfert des données des chronotachygraphes de 3 camions’».

Ce courriel, émanant d’un collègue de M. [P], est postérieur à l’engagement de la procédure de licenciement par l’envoi de la convocation à l’entretien préalable le 4 février 2019 et n’est étayé d’aucun élément objectif concernant les retards dénoncés, leur matérialité tenant aux délais constatés et la proportion des matériels concernés par rapport au nombre total de matériels dont M. [P] avait la charge.

Un mail de [L] [W], dont la qualité n’est pas précisée, en date du 13 février 2019 et destiné également à M. [Y]. Elle écrit’:

«’ nous avons travaillé avec [M] [P] en étroite collaboration à la gestion des plannings au départ de [S] [J] il y a 6 mois.

Cette collaboration n’a pas été facile car nous n’avions pas la même appréciation tant sur la gestion des plannings que sur les méthodes de travail.

Nos avis souvent divergents ont créé des différends récurrents.

Je sollicite une grande discrétion sur l’existence de ce mémo afin de pérenniser mes relations au sein des agences de [Localité 6] et de [Localité 7]’».

Ce courriel est également postérieur à l’engagement de la procédure de licenciement et est surtout insuffisant pour démontrer le grief relatif aux difficultés relationnelles reprochées à M. [P] ainsi que le désaccord permanent qu’il opposerait aux décisions d’entreprise.

Concernant la conservation du véhicule de service pendant l’arrêt maladie de M. [P], la société Foselev ne verse aucune pièce et fait uniquement référence au courrier de son ancien salarié en date du 2 octobre 2019 qui précise’: «’étant en arrêt maladie, mon contrat de travail était suspendu. Vous deviez donc faire le nécessaire pour récupérer le véhicule pendant mon arrêt maladie, ce qui fut finalement fait’».

Force est donc de constater que le reproche énoncé dans la lettre de licenciement à ce sujet n’est pas caractérisé.

Au regard de tout ces éléments, il doit être considéré que la société Foselev ne justifie pas des griefs qu’elle a invoqués pour motiver le licenciement pour faute grave de M. [P] qui se retrouve donc privé de cause réelle et sérieuse.

Il convient donc de rechercher si la discrimination dont se prévaut M. [P] est constituée et ainsi si la véritable cause du licenciement réside dans le fait qu’il se trouvait en arrêt maladie.

L’article L.1132-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison de son état de santé.

Suivant l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations’:

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable ;

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

2° Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2.

Selon l’article L.1132-4 du code du travail, est nul tout acte ou disposition pris à l’égard d’un salarié contraire au principe de non discrimination ci-dessus.

En application de l’article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L.1132-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Au soutien de sa demande de nullité de son licenciement pour cause de discrimination liée à son état de santé, M. [P] produit les pièces suivantes’:

les fiches d’aptitude médicale du 17 mai 2016, 28 novembre 2016, 21 mars 2017 et 26 mars 2018 qui le déclarent apte avec des restrictions sur le port de charge, la posture dos penché et l’exposition prolongée à la conduite des engins de chantier’;

un certificat médical du Dr [F], médecin généraliste, en date du 28 décembre 2018 qui relève que M. [P] présente un état dépressif d’origine professionnelle avec troubles du comportement et insomnie qui signent un burn out, sans antécédent. Il présente en outre une décompensation d’une spondylarthrite ankylosante (SPA) avec une hospitalisation prévue en janvier 2019′;

un certificat médical du Dr [V], médecin généraliste, en date du 20 août 2019, qui certifie que M. [P] présente depuis le 28 décembre 2018 un burn out avec troubles du sommeil, anxiété, irritabilité et instabilité, associé à une SPA. Il est précisé qu’il bénéficie d’un suivi par un psychiatre qui lui a prescrit un antidépresseur, un anxiolytique et un thymorégulateur, ainsi qu’un suivi par un rhumatologue’;

deux certificats médicaux du Dr [A], psychiatre, des 09 et 24 avril 2019, qui attestent d’un suivi régulier de M. [P] depuis le 20 février 2019 pour un état anxio-dépressif avec tension interne majeure et troubles du sommeil importants, difficultés psychologiques que le patient met en lien avec le travail’;

le compte-rendu de la consultation spécialisée «’souffrance et travail’» de M. [P] avec Madame [U], psychologue du travail, le 14 mai 2019. Il y est relevé que «’l’analyse du discours fait apparaître un épuisement physique et psychique provoqué par une longue période de surcharge de travail puisque [M. [P]] occupe deux postes depuis juillet 2018 en tant que coordinateur de site et responsable d’exploitation dans une entreprise de levage manutention’».

Il y est fait référence à un entretien de M. [P] avec sa hiérarchie le 27 décembre 2018 au sujet du statut de cadre corrélatif au poste de responsable d’exploitation et à la prime de fin d’année qu’il n’aurait pas eu en totalité.

Mme [U] conclut que, «’M. [P] aime son métier et l’investissement qu’on lui demande a de graves conséquences sur sa santé (perte de poids importante, insomnies, angoisse, décompensation de spondylarthrite). L’état de santé actuel de M. [P] contre indique définitivement sa reprise de travail dans l’entreprise dans laquelle il est salarié’».

un certificat de prolongation d’arrêt de travail du 8 novembre 2019 au 10 janvier 2020 pour burn out et décompensation de SPA’;

le procès-verbal d’audition de [I] [T], responsable d’agence de la société Foselev et supérieur hiérarchique de M. [P], entendu le 16 janvier 2020 par un agent assermenté de la caisse primaire d’assurance maladie, qui indique avoir «’demandé à M. [P] d’être responsable parc et matériel à Foselev suite au départ du titulaire en juillet 2018. M. [P] est un salarié qui est très professionnel. M. [P] avait accepté d’un commun accord’; il savait que cela allait lui demander des efforts, l’ampleur de la tâche n’a sans doute pas été mesurée à sa juste valeur. En effet, il a été exposé à une charge de travail et il n’avait pas encore reçu les formations nécessaires prévues. Comme il n’avait pas les bases, il a dû compenser par des heures supplémentaires’».

Il fait également référence à un «’timing professionnel intense’»., ainsi qu’à des «’difficultés avec M. [Y]’».

Il relève qu’il avait «’senti que M. [P] était un petit peu atteint par des difficultés psychologiques au travail, mais [il lui demandait] d’être patient, d’attendre [son] retour de congés début 2019’». Il ajoute’: «’je pense qu’il n’a pas su prendre assez de recul. Je n’ai pas perçu chez lui de fragilité psychologique. Je pense qu’il aurait pu arriver au final à tenir ce poste, il lui a manqué du temps et une certaine sérénité’».

un échange de sms avec M. [T] le 8 février 2017 où M. [P] lui écrit’: «’je suis au bord de l’explosion, j’ai fortement envie de demander à M. [Y] ce qu’est le problème me concernant. En ta présence bien sûr. Je constate un peu trop de remarques désagréables et de bassesses. Qu’en penses-tu” Je pense qu’il faudrait mieux désamorcer avant qu’il ne soit trop tard… s’il te plaît’!!!’»

[I] [T] ne fait que répondre’: «’bassesse de la part de qui”’»

l’attestation de [N] [R] qui a travaillé avec M. [P] durant plusieurs années au sein de la société Foselev et y relate les difficultés liées au manque de personnel’;

le courrier qu’il a écrit le 13 février 2020 contenant ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire relative à son dossier de maladie professionnelle auquel est joint un tableau qu’il a intitulé «’état effectif et turn over ‘ personnel Foselev’».

La lecture de ces pièces, pour la plupart postérieures au licenciement de M. [P], révèle les problèmes de santé physiques et psychiques qui l’ont atteint.

Pour autant, elles sont insuffisantes pour laisser supposer que la véritable cause du licenciement de M. [P], initié un mois après le début de son arrêt maladie, réside dans son état de santé et la suspension de son contrat de travail pour cause de maladie. Elles étaient en effet majoritairement inconnues de l’employeur au moment où la procédure de licenciement a été engagée.

En conséquence, M. [P] doit être débouté de sa demande de nullité de son licenciement pour cause de discrimination liée à son état de santé ainsi que des demandes de réintégration et indemnitaires subséquentes.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes de M. [P] et a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

Aux termes du dispositif de ses écritures, M. [P] demande, en conséquence de la reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement, les sommes suivantes’:

5.866 € d’indemnité compensatrice de préavis (deux mois de salaire) outre 586,6 € au titre des congés payés afférents ;

35.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en écartant la barème MACRON, sur le fondement de l’article 30 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Cour de cassation n’ayant pas statué, dans son arrêt du 11 mai 2022, sur la comptabilité du barème avec ledit article.

Il n’apporte aucune précision à ce sujet dans ses écritures.

Pour autant, en application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, M. [P], dont le licenciement était infondé, a vocation à percevoir une indemnité compensatrice pour le préavis de deux mois dont il a été privé.

En effet, selon l’article L. 1234-5 du code du travail, le salarié qui n’exécute pas le préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité compensatrice, laquelle n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait exécuté son travail jusqu’au terme du préavis, indemnité de congé payé incluse.

Il est dès lors constant que l’indemnité due au salarié est égale au salaire brut, assujetti au paiement par l’employeur des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s’il avait travaillé pendant la durée du délai-congé.

En application de ces textes et au regard du montant du salaire qu’aurait perçu M. [P] s’il avait exécuté son préavis, il lui sera accordé la somme réclamée de 5866 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 586,60 euros pour les congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Par ailleurs, selon l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Pour un salarié ayant 3 années complètes d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés, cette indemnité est comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 4 mois de salaire brut.

Les dispositions ci-dessus sont compatibles avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et elles ne peuvent faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct (Cour de cassation chambre plénière 11 mai 2022 21-14490 et 21-15247).

Le salaire de référence à prendre en considération est, en application de l’article R.1234-2 du code du travail, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le salaire moyen perçu au cours des douze ou des trois derniers mois précédant le licenciement.

Compte tenu de la rémunération mensuelle brute perçue par M. [P], de son ancienneté au sein de l’entreprise, de son âge ainsi que de sa situation personnelle et sociale justifiée au dossier, il y a lieu de lui allouer la somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Les sommes allouées porteront intérêts au taux légal comme suit’:

-pour les créances de nature salariale’: à compter du 18 novembre 2019, date de réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation à laquelle était jointe la requête du salarié, valant mise en demeure au sens de l’article 1231-6 du code civil,

-pour les créances de nature indemnitaire’: à compter de la décision en fixant le quantum conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil.

Par ailleurs, il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année, dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil.

Suivant l’article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En application de ces dispositions, il convient d’ajouter à la décision déférée et d’ordonner le remboursement par la société Foselev Sud Ouest des indemnités de chômage versées à M. [P], dans la limite de six mois d’indemnités.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Il est, de plus, justifié de condamner la société Foselev aux entiers dépens en cause d’appel.

Par ailleurs, elle sera condamnée à payer à M. [P] une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Pau en date du 16 février 2022 sauf en ce qui concerne le rappel de salaire pour astreintes et les congés payés y afférents, les demandes indemnitaires pour violation des durées maximales hebdomadaires et quotidiennes de travail de la durée minimale de repos ainsi que le quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant’:

REJETTE la demande de communication sous astreinte de documents intitulés « ordre de mission » sur la période du 1 avril 2015 au 27 décembre 2018′;

CONDAMNE la société Foselev Sud Ouest à payer à M. [M] [P] les sommes de’:

-2000 euros à titre de rappel de salaire pour les astreintes effectuées outre 200 euros pour les congés payés y afférents’;

-1000 euros au total à titre de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale absolue hebdomadaire de 48 heures de travail, de la durée maximale journalière de 10 heures de travail et des durées minimales de repos’;

-9000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

DIT que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal comme suit’:

pour les créances de nature salariale, à compter du 18 novembre 2019′;

pour les créances de nature indemnitaire, à compter de la décision en fixant le quantum’;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil’;

CONDAMNE la société Foselev Sud Ouest à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [M] [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités’;

CONDAMNE la société Foselev Sud Ouest aux dépens d’appel’;

CONDAMNE la société Foselev Sud Ouest à payer à M. [M] [P] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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