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15 novembre 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/04955
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/04955 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NEOY
Société LOCARHONE
C/
[L]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes de LYON CEDEX
du 10 Septembre 2020
RG : 19/00805
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2023
APPELANTE :
Société LOCARHONE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me David BRIVOIS de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de DAX
INTIMÉ :
[S] [L]
né le 25 Mars 1968 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Pierre PALIX, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Septembre 2023
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Catherine MAILHES, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée déterminée, [S] [L] (le salarié) a été embauché par la société LocaRhône (la société) pour la période du 18 novembre 1993 au 17 juin 1994, en qualité de mécanicien niveau III, échelon 1, coefficient 215, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 18 juin 1994, en qualité de préparateur de mécanicien, niveau III, échelon 1, coefficient 215.
En dernier lieu, il occupait les fonctions d’Animateur d’agence, coefficient B41, niveau V depuis le 1er décembre 2004.
Par lettre remise en main propre en date du 26 septembre 2017, le salarié a été convoqué par son employeur à un entretien préalable à sanction disciplinaire, fixé le 29 septembre 2017 et à la suite duquel il s’est vu notifier un avertissement par lettre en date du 10 octobre 2017.
Par courrier remis en main propre contre décharge le 30 octobre 2017, le salarié s’est vu notifier sa mise à pied à titre conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé le 7 novembre 2017.
Par courrier recommandé en date du 21 novembre 2017, le salarié a été licencié pour faute grave en ces termes :
« Le 20 juillet 2017, nous vous avons adressé un courrier recommandé avec accusé de réception, dans lequel nous vous faisions part d’un mécontentement important de notre société à votre égard, en vous demandant de modifier votre comportement et de prendre conscience de l’impérieuse nécessité de respecter et de faire appliquer nos procédures et ce, immédiatement.
Ce courrier faisait suite à un entretien en date du 6 juillet en nos bureaux de [Localité 6].
Le caractère solennel de cet entretien, le déplacement que vous avez effectué, et ce courrier, nous avaient laissé penser que nous pouvions espérer une réaction de votre part. Il n’en n’a rien été.
Votre responsable local vous a convoqué à un entretien le 29 septembre 2017 en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire.
Cela a donné lieu à une sanction qui portait sur des faits précis.
Depuis le 17/08/2017, Monsieur [F] vous demande des rapports journaliers d’activité.
Par courriel du 13 octobre 2017, nous vous avons fait sommation de remettre quotidiennement votre compte rendu d’activité à Monsieur [F] du fait que vos résultats n’étaient pas bons.
Vous n’avez eu aucune réaction et vous refusez de remettre vos rapports.
Nous sommes donc contraints de constater que vous êtes en état d’insubordination vis-à-vis de la société.
Il n’est pas envisageable que vous continuiez à vouloir travailler pour notre société, sans rendre de comptes.
Si encore vos résultats étaient corrects, nous pourrions penser que vous préférez consacrer votre temps à du démarchage commercial, plutôt qu’à établir des rapports. Mais vos résultats sont mauvais, nous vous avons dit, nous vous avons demandé de réagir et de nous permettre de mieux analyser votre activité réelle en nous faisant ces comptes rendus d’activité.
Nous ne pouvons pas envisager de consentir un salarié qui, d’une part ne rend pas compte, d’autre part n’a pas de résultats probants.
Nous vous avons fait la demande, vous savez que les courriers que nous avons adressés ces derniers mois démontrent un fort mécontentement de la société à votre égard, nous ne pouvons que considérer que votre refus de justifier de votre activité est lié à un état d’esprit d’insubordination à notre égard.
Cet état d’esprit a des conséquences négatives dont l’exemple peut être trouvé dans le dossier AREA.
Le 3 octobre 2017, ce client avec lequel notre société travaille régulièrement, a demandé un devis pour une location de matériel.
Ce devis devait être établi pour le 12 octobre 2017 au plus tard.
Le 16 octobre 2017, nous avons été relancés car nous n’y avons pas répondu.
Des lors que nous aurions eu accès à vos comptes rendus d’activité, cela nous aurait permis une meilleure réactivité.
Vous ne pouvez pas, d’une part refuser de vous plier à des obligations mises à votre charge afin de tenter d’améliorer votre performance qui n’est pas bonne, et d’autre part continuer à mener une vie professionnelle en dehors de tout contrôle, alors que vos résultats ne sont pas bons.
Cet acte d’insubordination nous conduit à vous licencier pour faute grave, car nous ne voyons pas comment nous pourrions envisager de conserver en notre sein, un salarié, même pendant la durée d’un préavis, alors que ce salarié refuse de se soumettre à des obligations élémentaires.
Cela s’ajoute au fait que nous avons à votre encontre, un passif disciplinaire qui nous a conduits à vous adresser le 10 octobre 2017, un avertissement.
Que nous avions également été contraints de vous convoquer le 6/07/2017 au siège administratif de la société à [Localité 6], pour vous notifier notre mécontentement.
Manifestement, vous ne tenez compte de rien, et ne mettez en ‘uvre aucune des préconisations qui vous sont faites. »
Par requête en date du 2 mai 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de lui demander de dire dépourvu de cause réelle et sérieuse son licenciement et de condamner la société à lui verser diverses sommes à titre de salaire pendant la mise à pied, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 10 septembre 2020, le conseil de prud’hommes a :
– dit et jugé que le licenciement de M. [L] ne repose pas sur une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse,
Par conséquent,
– a condamné la SAS LocarRhone à payer à M. [L] les sommes suivantes :
*37 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*2 073,58 euros à titre de salaire pendant la période de mise à pied,
*207,35 euros à titre de congés payés sur mise à pied,
*9 183,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 918,35 euros à titre de congés payés sur préavis,
*10 230,94 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* 1 700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– fixé à 3 061,18 euros par mois, la moyenne des trois derniers mois de salaire servant à l’application de l’article R.1454-28 du Code du travail,
– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu d’étendre l’exécution provisoire au-delà de celle de droit,
– débouté la société LocaRhone de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné la société LocaRhone aux entiers dépens de l’instance y compris les éventuels frais d’exécution,
– débouté M. [L] de ses demandes plus amples ou contraires.
La société a interjeté appel de ce jugement, le 17 septembre 2020. L’appel tend à la réformation ou à l’annulation du jugement sur tous ses chefs, lesquels ont été expressément mentionnés dans la déclaration d’appel.
Par ses dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2020, la société LocaRhone demande à la cour de:
– la dire bien fondée dans son appel et recevable en ses demandes,
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 10 septembre 2020,
A titre principal :
– constater l’absence de contestation des courriers et sanction adressés au salarié en amont de son licenciement,
– juger en conséquence qu’il existait un contexte disciplinaire préexistant,
– constater l’existence d’un grave manquement professionnel et, par suite, l’existence d’une faute grave du salarié,
– inviter M. [F] à s’expliquer à la barre de ses affirmations contradictoires,
– constater que la situation justifie que la mesure soit assortie d’une mise à pied conservatoire,
– rejeter, par suite, l’ensemble des demandes du salarié au titre d’une absence de cause réelle et sérieuse, de même qu’au titre de la remise en cause de la mise à pied conservatoire,
– rejeter l’ensemble des demandes du salarié, article 700 du Code de procédure civile, dépens et frais d’exécution y compris,
A titre subsidiaire, et à supposer que la Cour estime qu’il n’existait pas de faute grave :
– constater l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement,
– accorder alors au salarié, un rappel au titre de la période de mise à pied conservatoire (comprenant les congés payés y afférents), un rappel d’indemnité de licenciement ainsi qu’un rappel au titre du préavis (comprenant les congés payés y afférents), tels que valorisés par le salarié dans ses écritures,
A titre infiniment subsidiaire, et à supposer que la Cour estime qu’il n’existait pas de cause réelle et sérieuse de licenciement :
– limiter les condamnations pour absence de cause réelle et sérieuse au strict préjudice démontré par le salarié et, faute de démonstration véritable, sans dépasser le minimum fixé à l’article L.1235-3 du Code du travail, c’est-à-dire 3 mois de salaire (9 183,54 euros),
En tout état de cause,
– rejeter toute demande tendant au bénéfice d’intérêts dont le point de départ serait fixé à la date de saisine du conseil de prud’hommes pour des sommes n’ayant pas le caractère de salaire,
A titre reconventionnel,
– condamner le salarié au paiement d’une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de Me Laffly, Lexavoué Lyon, sur son affirmation de droit.
Par ses dernières conclusions notifiées le 8 mars 2021, M.[L] demande à la cour de:
– confirmer le jugement entreprise à l’exception du montant des dommages et intérêts,
– dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société à lui verser les sommes de :
*salaire pendant la mise à pied : 2 073,58 euros,
*congés payés sur mise à pied : 207,35 euros,
*indemnité de licenciement : 10 230,94 euros,
*indemnité compensatrice de préavis : 9 183,35 euros,
*congés payés sur préavis : 918,35 euros,
*dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 53 570, 65 euros
* article 700 du code de procédure civile : 2 000,00 euros.
– dire et juger que les condamnations à intervenir porteront intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– condamner la société aux entiers dépens en ce compris les dépens de première instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2023.
SUR CE :
– Sur le licenciement :
La société fait valoir que :
– le licenciement du salarié s’inscrit dans un contexte précis de résultats insatisfaisants, de prospection commerciale insuffisante et mal ciblée, de refus pendant plusieurs semaines/mois de fournir ses comptes rendus d’activité et l’impossibilité de pallier à ses insuffisances de suivi en raison du manque d’information du travail réalisé par celui-ci ;
– le salarié n’ayant pas contesté le recadrage et la sanction qui lui avaient été notifiés, il était acquis qu’il avait déjà commis des manquements au cours de l’année qui a précédé son licenciement et elle était donc légitime à les prendre en compte dans l’appréciation du comportement du salarié pour le prononcé de son licenciement pour faute grave ;
– l’éloignement géographique avec le siège administratif nécessitait forcément des rapports écrits et la Direction l’avait demandé explicitement dans le cadre de son pouvoir de direction ;
– le salarié soutient qu’il rapportait régulièrement son activité à M. [F], ce qui est faux, ce dernier ayant informé sa Direction générale qu’il n’obtenait pas les rapports exigés ;
– l’affirmation selon laquelle M. [F] aurait été engagé pour licencier le salarié est mensongère ;
– dans une affaire distincte et relative au licenciement de M.[F], le conseil de prud’hommes de Lyon n’a pas retenu les affirmations de ce dernier selon lesquelles il aurait été embauché pour « faire le ménage » dans les effectifs ;
– il est également faux d’affirmer que M. [H] a été forcé d’attester à l’encontre du salarié sur des problèmes de comportement et de consommation d’alcool, man’uvre au demeurant inutile s’agissant de faits prescrits ;
– le salarié a minimisé le retard pris dans le dossier AREA ;
– à titre subsidiaire, les manquements du salarié justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le salarié objecte que :
– la société ne formule aucune critique sur la motivation du jugement du conseil de prud’hommes sur le fond, qui indique que le fait de ne pas rendre des rapports d’activité quotidiens et les autres faits reprochés ne constituent pas une insubordination constitutive d’une faute grave et que la preuve de la faute grave repose sur elle ;
– la société n’a pas déposé plainte contre M. [F] pour faux témoignage ;
– il ressort de l’attestation de [F] que ce dernier a été embauché en juin 2017 pour le licencier, qu’il avait convoqué plusieurs anciens intérimaires afin qu’ils rédigent des attestations affirmant qu’il était alcoolique et concluait des locations « au black » et qu’il était méprisé et régulièrement insulté par sa Direction ;
– cette attestation est corroborée par d’autres éléments et par l’attestation de M. [H] qui atteste avoir été convoqué pour témoigner contre lui ;
– les motifs allégués dans sa lettre de licenciement et qualifiés artificiellement de faute grave sont un prétexte pour le licencier du fait de son ancienneté,
– s’il est exact que la non-rédaction de rapport peut constituer une faute pour un commercial ou un VRP, cela n’est pas le cas pour un animateur d’agence ;
– il n’avait donc aucune obligation de rédiger des rapports et encore moins quotidiens, cette obligation ne figurant ni dans ses contrats de travail ni dans l’annexe classification et métiers de la convention collective applicable ;
– il rapportait régulièrement son activité à M. [F], au terme de chaque journée de travail, mais l’écrit n’a jamais été exigé avant que ce prétexte ne soit érigé en faute grave ;
– il n’a jamais eu de mauvais résultats commerciaux et aucun chiffre n’est cité à l’appui de cette affirmation ;
– en outre, l’insuffisance de résultat ne peut constituer une faute grave en l’absence d’un comportement volontaire et enfin, cette affirmation est contredite par le versement régulier des primes sur performance qui figurent sur tous ses bulletins de paie ;
– l’avertissement préalable auquel il est fait référence par son employeur était totalement fallacieux et il l’a contesté avant même qu’il lui soit notifié ;
– le traitement du dossier AREA n’était pas urgent dans la mesure où le client louait chaque année le même matériel pour la saison de déneigement et il lui était demandé la rédaction d’un devis en octobre pour une saison de déneigement commençant en décembre ;
– il justifie d’un préjudice puisqu’il s’est retrouvé sans emploi, puis a retrouvé un emploi de moindre responsabilité et rémunération alors qu’il était âgé et proche de la retraite.
****
Il résulte des dispositions de l’article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié; aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.
En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que le salarié a été licencié pour faute grave, la société invoquant une insubordination résultant du refus obstiné du salarié de remettre des rapports écrits journaliers sur son activité, dans un contexte d’une insuffisance de résultats justifiant la volonté de l’employeur de bénéficier de plus de visibilité sur l’activité de son animateur d’agence.
Il est constant que l’incompétence ou l’insuffisance professionnelle ne sont fautives que dans la mesure où elles résultent d’un agissement volontaire du salarié.
Ainsi, une insuffisance de résultats ne peut donner lieu à un licenciement disciplinaire que si l’employeur fait la démonstration de la volonté du salarié de ne pas appliquer ses directives, voire de lui nuire.
En l’espèce, l’employeur a fait le choix d’un licenciement disciplinaire au motif d’une insubordination de son salarié.
L’employeur fait grief au salarié de ne pas avoir modifié son comportement à la suite de la lettre de rappel à l’ordre du 20 juillet 2017 aux termes de laquelle, il lui était reproché :
– le non-respect délibéré des procédures de l’entreprise
– une attitude, « tout au long de ces mois principalement, mais également au cours des dernières années, n’ayant de cesse de contrecarrer les orientations de l’entreprise »
– des propos humiliants tenus envers Mme [X]
– sa décision unilatérale de modifier les horaires d’ouverture de l’entreprise et ce sur les agences de [Localité 7] et [Localité 3],
– ses imprégnations alcooliques
– la légèreté avec laquelle il stationnait le véhicule de l’entreprise devant son domicile, avec la caisse à l’intérieur
– ses relations avec différents fournisseurs et leurs chauffeurs.
La lettre de licenciement retient plus particulièrement le refus de remise de rapports journaliers d’activité, conformément à la demande de M. [F] du 17 août 2017 et à la sommation de ce dernier, faite par courriel du 13 octobre 2017.
Si l’employeur invoque la nécessité d’un suivi journalier en raison des mauvais résultats de son salarié, force est de constater d’une part que cette demande est nouvelle dans la relation contractuelle. En effet, il résulte d’un courriel de [P] [F] du 6 juin 2018 qu’il a exprimé une demande de rapport journalier au salarié pour la première fois le 17 juillet 2017, soit après 23 années de relation contractuelle. Et aucun autre fait d’insubordination n’est invoqué, avant cette demande de rapports journaliers.
La cour observe d’autre part que les mauvais résultats supposés du salarié ne sont illustrés par aucune pièce ; qu’ils ne sont donc pas établis par la société, alors même que le salarié se prévaut du fait qu’il a régulièrement perçu des primes de performance, ainsi qu’en attestent ses bulletins de salaires. Ce fait n’est au demeurant pas contesté par l’employeur qui expose que le versement de primes de performance prend en compte un critère collectif, soit le chiffre d’affaires de l’agence. Or, cette précision est indifférente dès lors qu’elle n’induit en aucun cas, que le salarié n’aurait aucun mérite dans l’attribution de ses primes de performance.
La lettre de licenciement évoque par ailleurs le passif disciplinaire du salarié en se référant à l’avertissement du 10 octobre 2017 lequel porte sur des faits du 12 septembre 2017 (déplacement pour un dépannage indû), du 29 août 2017 (propos injurieux à l’égard de l’employeur rapportés par un client), du 1er/09/2017 (mise en location d’une nacelle endommagée) et du 15 septembre 2017 (refus de se déplacer au cours de la nuit alors que l’alarme anti-intrusion a sonné huit fois).
Là encore, la cour observe que les mauvais comportements du salarié ne sont pas établis par des éléments objectifs, et le seul fait que le salarié n’aurait pas formellement contesté cet avertissement, ne dispense nullement l’employeur de démontrer le bien-fondé de cette sanction, par des éléments objectifs et vérifiables.
Enfin, la société invoque une insatisfaction et des problèmes de comportement récurrents sans justifier de la moindre évaluation de son salarié à un quelconque moment de la relation de travail, ce qui n’est pas conforme à une exécution loyale du contrat de travail.
Il en résulte que la société ne démontre ni la réalité des griefs retenus à l’appui du licenciement, ni que ces griefs auraient rendu impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Dans ces conditions, le débat sur la question de savoir si M. [F] a ou non été investi d’une mission consistant à « faire le ménage dans les effectifs » et la demande subséquente de la société, d’inviter M. [F] à la barre pour s’expliquer sur ses affirmations contradictoires, sont sans objet.
Il en résulte que la société n’établit pas les faits qu’elle impute au salarié ; ils ne sauraient dès lors caractériser la faute grave justifiant le licenciement qui se trouve donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.
– Sur les indemnités de rupture :
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu’à une indemnité conventionnelle légale de licenciement. La société conclut qu’elle n’a pas d’observation particulière sur la valorisation des montants sollicités par le salarié, de sorte que le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la société à payer au salarié les sommes suivantes :
*9183,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 918,35 euros à titre de congés payés sur préavis,
*10 230,94 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– Sur les dommages- intérêts :
En application de l’articles L.1235-3 du code du travail, le salarié ayant eu une ancienneté de 24 années complètes dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l’absence de réintégration dans l’entreprise, à une indemnité comprise entre trois mois et dix-sept mois et demi de salaire brut.
Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, dont il n’est pas contesté qu’il est habituellement de plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié âgé de 49 ans lors de la rupture, de son ancienneté, des difficultés pour un salarié de plus de cinquante ans à retrouver un emploi équivalent, et de l’absence d’éléments sur l’évolution de la situation du salarié depuis son licenciement, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture a été justement apprécié par le conseil de prud’hommes.
En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 37 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement, sur la base du salaire moyen de trois derniers mois soit 3 061, 18 euros, doit être confirmé et le salarié est débouté de sa demande pour le surplus.
– Sur le rappel de salaires :
En l’absence de licenciement pour faute grave, la société est redevable des salaires dont elle a privé le salarié durant la période de mise à pied conservatoire du 30 octobre 2017 au 21 novembre 2017, date de réception de la lettre de licenciement pour la somme de 2 073, 58 euros, outre les congés payés afférents; le jugement déféré est confirmé.
– Sur le remboursement des indemnités de chômage :
En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnisation.
– Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué au salarié une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société succombant en ses demandes, sera condamnée aux dépens d’appel.
L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
Dans la limite de la dévolution,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
ORDONNE d’office à la société LocaRhone le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [L] [S] dans la limite de trois mois d’indemnisation,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance confirmé,
CONDAMNE la société LocaRhone à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE la société LocaRhone aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE