Location de matériel : décision du 14 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/04055

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Location de matériel : décision du 14 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/04055
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14 septembre 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/04055

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 14/09/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/04055 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TYFR

Jugement n° 21/87 rendu le 22 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Douai

APPELANTE

SCI Les Bleuets prise en la personne de son gérant, M. [I] [Z]

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Yamina Sadek, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉES

SASU VK Automobile, poursuites et diligences de son président, M. [P] [S] domicilié ès qualités audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Vincent Domnesque, avocat au barreau de Lille constitué aux lieu et place de Me Robert Lepoutre, avcoat au barreau de Lille

SAS Acta Immobilier agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me David Lacroix, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l’audience publique du 11 mai 2023, après rapport oral de l’affaire par Clotilde Vanhove, conseiller.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 avril 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er février 2018, la SCI Les Bleuets, représentée par la société Acta immobilier, a donné à bail commercial à la société VK Automobile des locaux situés [Adresse 1] pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer annuel de 6 000 euros et des charges annuelles de 150 euros TTC.

Se plaignant d’une absence d’installation de compteur d’eau et d’un accès intermittent à l’eau courante, la société VK Automobile a, par acte d’huissier des 13 et 8 février 2019, fait assigner la SCI Les Bleuets et la société Acta immobilier devant le tribunal de grande instance de Douai afin, notamment, d’obtenir l’annulation du bail, la restitution des loyers réglés et l’indemnisation de son préjudice moral.

Par jugement contradictoire du 22 avril 2021, le tribunal judiciaire de Douai a :

débouté la société VK Automobile de sa demande d’annulation du contrat de bail commercial,

prononcé la résolution judiciaire du contrat de bail commercial,

condamné la SCI Les Bleuets à payer à la société VK Automobile la somme de 6 000 euros au titre de la restitution des loyers et du dépôt de garantie,

condamné la SCI Les Bleuets à payer à la société VK Automobile la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral,

débouté la société VK Automobile de ses autres demandes d’indemnisation,

débouté la société VK Automobile de sa demande tendant au remboursement par la société Acta immobilier de la somme de 1 080 euros,

débouté la société VK Automobile de sa demande relative aux frais de constat d’huissier,

débouté la SCI Les Bleuets de sa demande tendant au paiement des arriérés de loyers,

débouté la SCI Les Bleuets de sa demande de garantie formée contre la société Acta immobilier,

condamné la SCI Les Bleuets aux dépens,

condamné la SCI Les Bleuets à payer à la société VK Automobile la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté la société Acta immobilier de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 21 juillet 2021, la SCI Les Bleuets a interjeté appel du jugement sollicitant sa réformation en ce qu’il a prononcé la résolution judiciaire du bail, l’a condamnée à payer la somme de 6 000 euros au titre de la restitution des loyers et du dépôt de garantie, l’a condamnée au titre du préjudice moral de la société VK Automobile, l’a déboutée de sa demande en paiement des arriérés de loyers et de sa demande de garantie à l’encontre de la société Acta immobilier et l’a condamnée aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 8 juin 2022, la SCI Les Bleuets demande à la cour de :

infirmer le jugement dans les termes de sa déclaration d’appel ainsi qu’en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

à titre principal, débouter la société VK Automobile et la société Acta immobilier de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,

à titre subsidiaire, condamner la société Acta immobilier à la relever et garantir indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

en tout état de cause et à titre reconventionnel :

condamner la société VK Automobile à lui payer la somme de 3 720 euros au titre des arriérés de loyers dus à la date du 13 juin 2019, somme à parfaire,

condamner la société VK Automobile à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la SCI Les Bleuets aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel,

confirmer le jugement pour le surplus.

Elle fait valoir, sur la résolution du contrat, que :

pour pouvoir prononcer la résolution du contrat, plusieurs conditions doivent être réunies : l’inexécution du contrat doit être imputable au débiteur, elle doit être suffisamment grave et justifier, à elle seule, la résolution du contrat,

or, en l’espèce, aucune inexécution ne peut lui être imputée, d’autant que les dispositions de l’article 1719 du code civil ne sont pas d’ordre public et les parties peuvent donc y déroger, ce qui est le cas en l’espèce, l’application combinée des stipulations du bail démontrant que le preneur n’était tenu d’effectuer que les grosses réparations de l’article 606 du code civil et que tous les autres travaux étaient à la charge exclusive du preneur, y compris ceux qui sont nécessaires à l’exercice de son activité,

le raccordement à l’eau et la pose d’un nouveau compteur ne relevaient nullement de l’obligation de délivrance du bailleur, puisque la société VK Automobile a contractuellement accepté de prendre en charge ces travaux, cette société a en outre la qualité de professionnelle et a contracté en totale connaissance de cause,

il existait un compteur individuel au jour de la prise des locaux par la société VK Automobile, de sorte qu’elle bénéficiait bien d’une alimentation en eau dès l’origine, puisqu’elle ne s’est plainte d’une coupure d’eau qu’au bout de deux mois,

nonobstant toute obligation, elle a accepté, avec la société Acta immobilier, d’effectuer toutes les diligences nécessaires pour satisfaire la société VK Automobile et elles ont tout mis en ‘uvre pour faire procéder à l’installation d’un nouveau compteur d’eau, ceci n’est cependant pas de nature à faire peser sur elles une obligation dont la prétendue non-exécution ou mauvaise exécution serait de nature à justifier une résolution du contrat,

si un retard lié à l’installation du nouveau compteur devait être caractérisé, il n’est pas de son fait mais de celui de la société Veolia, de sorte qu’aucune faute ne peut lui être reprochée,

en proie à des difficultés économiques, la société VK Automobile tente de lui en imputer la responsabilité en établissant un lien de causalité entre ses difficultés et le prétendu retard lié au raccordement à l’eau, par pur opportunisme.

Sur la demande devenue subsidiaire de nullité du bail, elle soutient que :

le premier juge a valablement retenu que les causes d’annulation du contrat sont limitativement énumérées,

la nullité sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation et il n’est démontré l’existence d’aucun vice ni d’une anomalie entachant le contrat, ni que l’installation d’un compteur d’eau était une condition essentielle et déterminante de la conclusion du bail,

le nouveau moyen juridique qu’invoque désormais la SCI Les Bleuets, qui vise l’article 1133 du code civil intervient en fin de procédure pour les besoins de la cause et tenter de légitimer ses prétentions.

Sur les autres demandes de la SCI Les Bleuets, elle souligne que :

elle ne verse aucun élément de nature à justifier des frais dont elle sollicite paiement,

il n’existe aucun motif légitime justifiant sa condamnation au remboursement des loyers et du dépôt de garantie et aucun préjudice moral de la SCI Les Bleuets n’est caractérisé.

Subsidiairement, sur la responsabilité de la société Acta immobilier, elle expose que :

celle-ci est intervenue en qualité de mandataire et le mandataire est responsable personnellement envers les tiers des délits et quasi-délits qu’il peut commettre,

si une faute était caractérisée, elle ne pourrait qu’être imputée au mandataire qui était l’unique interlocuteur de la société VK Automobile et a diligenté les travaux,

la société Acta immobilier, en intervenant, a accepté d’assumer toutes les conséquences liées à cette intervention.

Enfin, en l’absence de faute de sa part, elle s’estime bien fondée à solliciter reconventionnellement le paiement des arriérés de loyers.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 18 janvier 2022, la société VK Automobile demande à la cour de :

sur l’appel principal, confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résolution du bail, condamné la SCI Les Bleuets à lui restituer les sommes correspondant aux loyers versés et au dépôt de garantie, condamné la SCI Les Bleuets à réparer son préjudice moral, débouté la SCI Les Bleuets de sa demande tendant au paiement des arriérés de loyers, l’a condamnée aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté la société Acta immobilier de sa demande fondée sur ce même article,

sur l’appel incident, infirmer le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau :

condamner la SCI Les Bleuets au paiement d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

condamner la SCI Les Bleuets au paiement de la somme de 27 953,56 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

condamner la société Acta immobilier à procéder au remboursement des frais qu’elle a perçus lors de l’établissement du bail, soit 1 080 euros,

condamner la SCI Les Bleuets au paiement des frais de constat d’huissier,

à titre subsidiaire, à défaut de résolution, prononcer la nullité du bail,

en tout état de cause,

condamner les sociétés succombantes au paiement des intérêts des sommes dues au taux légal,

débouter la SCI Les Bleuets et la société Acta immobilier de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

condamner la SCI Les Bleuets aux frais et dépens,

la condamner au paiement d’une indemnité de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

l’obligation de délivrance d’un bien conforme à sa destination contractuelle est inhérente au contrat de bail et présente un caractère d’ordre public auquel il ne peut être dérogé, et il appartient au bailleur de prouver qu’il a mis à la disposition du locataire un immeuble conforme à la chose louée telle qu’elle a été définie au bail ainsi que les accessoires indispensables à son utilisation normale,

la destination contractuelle prévoit en l’espèce le nettoyage de véhicules, la possibilité pour le locataire de pouvoir bénéficier d’une alimentation en eau courante fait donc partie des obligations essentielles du bailleur,

dès la conclusion du bail, le local n’était pas alimenté en eau, le local ne disposant pas d’un raccordement en eau autonome ni d’un compteur permettant au preneur de se voir facturer sa consommation, or ce n’est que sept mois plus tard qu’une demande d’installation du compteur et de branchement d’eau a été enregistrée, sans explication du bailleur sur sa carence pendant ce délai, ce manquement étant d’autant plus grave qu’il savait pertinemment qu’entre la demande d’installation et l’installation effective du compteur, plusieurs mois s’écouleraient, mettant ainsi en péril son activité,

la société Acta immobilier ne peut contester l’absence d’alimentation en eau du local alors qu’elle le reconnaissait dès son courrier du 22 février 2018,

si elle a pu, tant bien que mal, exercer partiellement son activité, c’est par la seule source d’alimentation en eau à laquelle elle pouvait accéder, constituée par un tuyau relié au fonds voisin, avec les aléas que cela comporte en termes d’approvisionnement et de débit,

si elle a conclu un contrat de sous-traitance en mai 2018, ce n’est pas la preuve de ce qu’elle bénéficiait d’une alimentation en eau, mais la preuve de ce qu’elle croyait légitimement que le bailleur et son mandataire respecteraient leurs engagements de raccorder le local et faire poser à bref délai un compteur, ce contrat a été logiquement rompu quelques semaines plus tard en raison des difficultés d’alimentation en eau,

elle est fondée à obtenir restitution de l’ensemble des sommes qu’elle a versées ainsi que le remboursement des débours effectués au titre du bail,

subsidiairement, la nullité du contrat doit être prononcée, l’alimentation en eau courante d’un local commercial destiné notamment au nettoyage de la carrosserie d’automobiles étant nécessairement une qualité essentielle de la prestation attendue par le preneur, et il est incontestable qu’elle ne se serait pas engagée si elle avait su qu’elle serait dans l’impossibilité d’avoir un accès normal à l’eau courante dans un bref délai,

au titre de son préjudice moral, elle a subi des inquiétudes, la dépréciation de son image auprès de sa clientèle mais également de ses partenaires,

elle a également subi un préjudice matériel constitué par les dépenses qu’elle a réalisées pour les besoins de son entreprise, dont l’activité a été totalement compromise par les manquements de la SCI Les Bleuets, ainsi qu’un préjudice économique puisqu’elle a fait l’objet d’une saisie-attribution de la société de financement Locam pour défaut de paiement des loyers pour la location de matériel.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, la société Acta immobilier demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu’aucune condamnation n’a été prononcée à son encontre,

débouter la société VK Automobile de ses demandes dirigées à son encontre et la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

débouter la SCI Les Bleuets de ses demandes dirigées à son encontre,

condamner la société VK Automobile aux dépens.

Elle soutient que :

le bail prévoyait que les frais afférents à son établissement et ses suites seraient à la charge du preneur, dès lors, quand bien même la cour confirmerait le jugement ayant prononcé la résolution du bail, il a bien été rédigé et soumis à la signature des parties, de telle sorte qu’elle a accompli sa mission et doit être rémunérée,

le constat d’huissier dressé à l’entrée dans les lieux démontre que le local disposait d’un compteur, la société VK Automobile a pu bénéficier d’une alimentation en eau et exploiter le local, il n’y a donc pas de vice du consentement,

ce que la société VK Automobile présente comme une inexécution du contrat n’est pas suffisamment grave pour justifier sa résolution,

à tout le moins dans un premier temps, les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, de telle sorte qu’il ne peut y avoir résolution du contrat, mais tout au plus résiliation judiciaire, qui ne pourrait prendre effet qu’à compter de la décision à intervenir,

rien dans le bail ne prévoit d’obligation du bailleur de poser un nouveau compteur d’eau et cela ne peut donc pas rentrer dans l’obligation de délivrance du bailleur,

s’agissant de la demande de garantie présentée par la SCI Les Bleuets, ce n’est que si la cour considérait qu’il y a un engagement du bailleur de faire poser un compteur d’eau que le retard mis dans l’installation du compteur justifierait la résolution du contrat et que pourrait être examinée cette demande en garantie ; néanmoins, si elle est intervenue pour faire hâter les opérations d’installation du compteur, elle ne l’a fait que comme mandataire de la SCI Les Bleuets mais n’était pas tenue contractuellement de le faire ; si la SCI Les Bleuets considérait qu’elle n’était pas assez efficace et rapide, il lui appartenait d’y suppléer ; ce qui lui est reproché n’est pas en lien de causalité avec la demande d’annulation et de résolution formée par la société VK Automobile,

la société VK Automobile doit en tout état de cause être déboutée de toute demande autre qu’un remboursement des loyers et du dépôt de garantie, ayant exploité en contrepartie son fonds de commerce et ne produisant aucune élément comptable de nature à démontrer la réalité de cette exploitation et si elle lui a été préjudiciable et les matériels resteront sa propriété.

MOTIVATION

Sur la demande de nullité du bail

Aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L’article 1131 précise que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

Il résulte des articles 1132 et 1133 que l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie.

En l’espèce, compte tenu de la destination des lieux contractuellement prévue, qui comprenait la réalisation de prestations de nettoyage des véhicules, l’alimentation du local en eau courante du local constituait incontestablement une qualité essentielle du local loué recherchée par le locataire, qui est entrée dans le champ contractuel. Le bail prévoit d’ailleurs que le preneur acquittera directement toutes dépenses personnelles d’abonnements, de consommations, ce qui démontre également le caractère essentiel du raccordement au réseau d’eau.

Or, la société VK Automobile démontre que, bien que l’état des lieux d’entrée ait effectué un relevé sur un compteur d’eau affichant 110 m3, le constat d’huissier qu’elle a fait réaliser le 27 décembre 2018 démontre que ce compteur affichait un relevé de 128 m3 à cette date, soit une consommation incompatible avec l’usage fait de l’eau courante dans le cadre de l’activité de nettoyage de véhicules, alors que dans le même temps, le voisin recevait une facture importante pour sa consommation d’eau. En outre, par courrier du 3 novembre 2018, M. et Mme [H], voisins du garage, adressaient un courrier dans lequel ils indiquaient « suite à un appel à Veolia eau, le compteur d’eau étant à mon nom, je suis dans mon droit de couper le compter à compter du 01/05/2018 vu que les factures c’est nous qui les payons. A compter de cette date, le garage n’a plus d’eau ».

Il est ainsi établi par la société VK Automobile que le raccordement en eau du garage qui existait n’était pas un raccordement individuel mais un raccordement à l’alimentation en eau du fonds voisin, nécessairement aléatoire de ce fait et générant un mécontentement légitime du voisin, qui l’a finalement coupé.

Cette absence de raccordement en eau autonome et dans des conditions satisfaisantes est confirmé par les éléments suivants :

le courrier de la société Acta immobilier daté du 22 février 2018 adressé à la société VK Automobile qui fait état d’une franchise de loyer d’un mois compte tenu du fait qu’entre le 1er et le 15 février 2018 le locataire n’a pu jouir de l’alimentation en eau et indique qu’il va être procédé à la pose d’un compteur d’eau,

le courriel du 15 février 2019 adressé par la société Acta immobilier à la société Veolia qui sollicite une intervention rapide et indique que le « locataire actuel n’a toujours pas d’accès en eau »,

l’établissement par la société Veolia d’un devis portant sur un « branchement d’eau potable », démontrant ainsi que ce branchement n’existait pas antérieurement.

Il résulte de ces éléments que la société VK Automobile démontre l’existence d’une erreur portant sur une qualité essentielle du local loué, qui est excusable compte tenu de la présence d’un compteur d’eau sur place qu’elle a pu légitimement estimer en fonctionnement lors de la conclusion du bail, et cette erreur a vicié son consentement et est une cause de nullité du bail.

Le jugement sera ainsi réformé en ce qu’il a prononcé la résolution judiciaire du bail et en ce qu’il a débouté la société VK Automobile de sa demande d’annulation du contrat et la nullité du bail sera prononcée.

Sur les restitutions

a) Sur les demandes de restitutions formées à l’encontre de la SCI Les Bleuets

Aux termes de l’article 1178 alinéa 3 du code civil, le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

L’article 1352 prévoit que la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

L’article 1352-5 ajoute que pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution.

Si la société VK Automobile est fondée à solliciter la restitution des loyers, elle doit néanmoins à la SCI Les Bleuets une indemnité d’occupation qui représente la contrepartie de la jouissance des lieux, ne pouvant restituer cette jouissance en nature.

La cour estime que l’indemnité d’occupation, bien que non expressément sollicitée par la SCI Les Bleuets, doit être évaluée à la somme mensuelle de 300 euros (compte tenu du fait que l’alimentation en eau du local était dans un premier temps aléatoire puis totalement absente) pendant toute la durée d’occupation du local, soit en tout état de cause de février 2018 à juin 2019, le décompte du bailleur s’arrêtant à cette date, soit un montant total de 5 100 euros.

La société VK Automobile sollicite la restitution des loyers versés pour l’année 2018. Le loyer était contractuellement fixé à la somme de 500 euros par mois et une franchise de loyer était prévue en février 2018. En conséquence la société VK Automobile ne peut prétendre qu’à la restitution de la somme de 5 000 euros (500 euros x 10 mois). Cette somme se compensant avec l’indemnité d’occupation due à la SCI Les Bleuets au titre des restitutions en conséquence du prononcé de la nullité du bail, la société VK Automobile sera déboutée de sa demande de restitution des loyers versés pour l’année 2018 et le jugement réformé en ce qu’il lui a accordé la somme de 6 000 euros au titre de cette restitution et de celle du dépôt de garantie.

La restitution du dépôt de garantie sera en revanche ordonnée, la SCI Les Bleuets devant être condamnée à payer à la société VK Automobile la somme de 1 000 euros de ce chef, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 13 février 2009.

Les demandes formées par la société VK Automobile concernant l’assurance du garage, les travaux d’agencement et les frais d’installation d’une enseigne, qu’elle qualifie de préjudice matériel, constituent en réalité des demandes de restitution, en ce qu’elles concernent des dépenses nécessaires à la conservation de la chose ou en ayant augmenté la valeur.

Cependant, il sera relevé que les fais d’assurance ne sont aucunement justifiés par la société VK Automobile, de sorte qu’aucune restitution à ce titre ne peut intervenir, et que les travaux d’agencement et les frais d’installation d’une enseigne ne peuvent être réclamés par le preneur, demandeur au prononcé de la nullité du contrat, sans justifier que ces dépenses ont été utiles au bailleur, ce qui n’est pas démontré en l’espèce. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté la société VK Automobile de ses demandes à ce titre.

b) Sur les demandes de restitution formées à l’encontre de la société Acta immobilier

La société VK Automobile ne peut solliciter de restitution de la part de la société Acta immobilier, les restitutions n’intervenant qu’entre les parties au contrat. Si la responsabilité de l’intermédiaire intervenu dans la conclusion du contrat peut être recherchée, c’est à la condition que soit démontrée une faute de sa part, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, aucune faute n’étant établie de la part de la société Acta immobilier dans le fait que l’immeuble loué n’était pas raccordé individuellement au réseau d’eau.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société VK Automobile de sa demande de restitution formée à l’encontre de la société Acta immobilier.

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la société VK Automobile

Aux termes de l’article 1178 alinéa 4 du code civil, indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra-contractuelle.

La nullité, malgré les restitutions qui s’ensuivent, peut en effet laisser subsister un préjudice au détriment de celui qui l’a demandée. Il doit cependant être justifié d’un préjudice non couvert par l’annulation et les restitutions et d’une faute du cocontractant.

La société VK Automobile sollicite la réparation de son préjudice moral à hauteur de 5 000 euros comprenant son préjudice d’image, la réparation de son préjudice matériel à hauteur de 7 927 euros (1 548 euros de location d’un appareil de décalaminage de véhicule, 1 229 euros de matériel de bureau et 1 650 euros de frais de comptabilité) et la réparation de son préjudice économique pour un montant de 16 682,56 euros en raison de la saisie attribution dont elle a fait l’objet par la société Locam pour défaut de paiement des loyers pour la location d’une station de décalaminage.

Cependant, si la société VK Automobile a démontré l’existence d’une erreur sur les qualités essentielles du local objet du bail ayant entraîné le prononcé de la nullité du contrat, la seule existence de cette erreur ne démontre pas qu’une faute a été commise par la SCI Les Bleuets lors de la conclusion du bail, aucun dol de sa part n’étant démontré ni même soutenu.

En conséquence, en l’absence de caractérisation d’une faute du bailleur au sens de l’article 1240 du code civil, la société VK Automobile sera déboutée de ses demandes de dommages et intérêts et le jugement sera réformé en ce qu’il lui a octroyé la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur l’action en responsabilité exercée par la SCI Les Bleuets à l’encontre de la société Acta immobilier

La SCI Les Bleuets ne démontre aucune faute commise par la société Acta immobilier dans le cadre du mandat de gérance locative conclu entre elles et le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de garantie à son égard.

Sur la demande en paiement de l’arriéré de loyers formée par la SCI Les Bleuets

Dès lors que le bail est annulé, le jugement ne pourra qu’être confirmé en ce qu’il a débouté la SCI Les Bleuets de sa demande de condamnation de la société VK Automobile au paiement de l’arriéré de loyers.

Sur les prétentions annexes

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

La société VK Automobile ne formule aucun moyen au soutien de sa demande de réformation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande relative aux frais de constat d’huissier. En conséquence, le jugement, qui a retenu que ces frais ont été indemnisés dans le cadre de la somme allouée au titre des frais irrépétibles, sera confirmé de ce chef.

La SCI Les Bleuets, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel. Il n’y a pas lieu en équité de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement en ce qu’il a débouté la société VK Automobile de sa demande d’annulation du bail, a prononcé la résolution judiciaire du bail, a condamné la SCI Les Bleuets à payer à la société VK Automobile la somme de 6 000 euros au titre de la restitution des loyers et du dépôt de garantie, a condamné la SCI Les Bleuets à payer à la société VK Automobile la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant,

Déboute la société VK Automobile de sa demande de prononcé de la résolution judiciaire du bail ;

Prononce la nullité du contrat de bail conclu le 1er février 2018 entre la société VK Automobile et la SCI Les Bleuets et portant sur les locaux situés [Adresse 1] ;

Déboute la société VK Automobile de sa demande de restitution des loyers ;

Condamne la SCI Les Bleuets à restituer à la société VK Automobile la somme de 1 000 euros correspondant au dépôt de garantie versé, avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

Déboute la société VK Automobile de sa demande d’indemnisation de son préjudice moral ;

Condamne la SCI Les Bleuets aux dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 


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