Your cart is currently empty!
13 décembre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/01771
13/12/2023
ARRÊT N° 677/2023
N° RG 22/01771 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OYYS
OS/MB
Décision déférée du 15 Février 2022 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ALBI – 21/00594
Mme MARCOU
E.A.R.L. DE [Adresse 5]
C/
[K] [U]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
E.A.R.L. DE [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandre DELORD, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMÉ
Monsieur [K] [U]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Pascaline LESCOURET, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant O. STIENNE et E. VET Conseillers, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
FAITS
Le 8 juin 2019, M. [K] [U] a acheté à l’EARL de [Adresse 5] pour les besoins de son activité un tracteur de marque Lamborghini immatriculé [Immatriculation 3],mis en circulation le 21 octobre 1994, équipé d’une fourche, au prix de 13 700€.
M. [U], qui a dû procéder au cours du mois de juin à diverses dépenses (divers changements de filtres, vidanges), a dénoncé les dysfonctionnements du tracteur le 23 juillet 2019 en sollicitant l’indemnisation de ses préjudices.
Une expertise amiable a été organisée au mois d’Août 2019 à la demande de M. [U] mais aucun accord n’a pu être trouvé.
PROCEDURE
Par acte d’huissier du 6 mai 2020, M. [U] a fait assigner l’Earl de [Adresse 5] en référé devant le tribunal judiciaire de Carcassonne aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 4 juin 2020, il a été fait droit à sa demande.
L’expert a déposé son rapport le 7 Août 2020.
*
Par acte d’huissier du 1er avril 2021, M. [U] a fait assigner l’Earl de [Adresse 5] devant le tribunal judiciaire d’Albi aux fins d’obtenir, sur le fondement de la garantie des vices cachés, la résolution de la vente et l’indemnisation de ses préjudices.
Par jugement contradictoire en date du 15 février 2022, le tribunal a :
– rejetant toutes conclusions contraires,
– prononcé la résolution de la vente intervenue le 8 juin 2019 entre l’Earl de [Adresse 5] et M. [K] [U] du tracteur de marque Lamborghini, immatriculé [Immatriculation 3], mis en circulation le 21 octobre 1994, avec fourche Mailleux MX 120,
– condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 13700 € (treize mille sept cents euros) en restitution du prix de vente, avec intérêt au taux légal à compter du 1er avril 2021,
– dit que M. [K] [U] devra tenir le tracteur à la disposition de l’EARL de [Adresse 5], afin que cette dernière le récupère à ses frais, en l’état où il se trouve,
– condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 9769,13 euros (neuf mille sept cent soixante-neuf euros treize centimes) à titre de dommages-intérêts,
– débouté M. [K] [U] du surplus de ses demandes en dommages-intérêts,
– condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 2500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, avec autorisation pour Me Baget de recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu de provision suffisante,
– condamné l’Earl de [Adresse 5] aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,
– rappelé que le présent jugement bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
Par déclaration du 6 mai 2022, l’Earl de [Adresse 5] a formé appel du jugement en ce qu’il a :
-prononcé la résolution de la vente intervenue le 8 juin 2019 entre l’Earl de [Adresse 5] et M. [K] [U] du tracteur de marque Lamborghini, immatriculé [Immatriculation 3], mis en circulation le 21 octobre 1994, avec fourche Mailleux MX 120,
– condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 13 700 € (treize mille sept cents euros) en restitution du prix de vente, avec intérêt au taux légal à compter du 1er avril 2021,
– dit que M. [K] [U] devra tenir le tracteur à la disposition de l’Earl de [Adresse 5], afin que cette dernière le récupère à ses frais, en l’état où il se trouve,
– condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 9769,13 euros (neuf mille sept cent soixante-neuf euros treize centimes) à titre de dommages-intérêts,
– condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, avec autorisation pour Me Baget de recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu de provision suffisante,
– condamné l’Earl de [Adresse 5] aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
L’Earl de [Adresse 5], dans ses dernières écritures en date du 31 mars 2023, demande à la cour au visa des articles 1641 à 1646 du code civil, de’:
– infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
* prononcé la résolution de la vente intervenue le 8 juin 2019 entre l’Earl de [Adresse 5] et M. [K] [U] du tracteur de marque Lamborghini, immatriculé [Immatriculation 3], mis en circulation le 21 octobre 1994, avec fourche Mailleux MX 120 ;
* condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 13700 euros (treize mille sept cents euros) en restitution du prix de vente, avec intérêt au taux légal à compter du 1er avril 2021
* dit que M. [K] [U] devra tenir le tracteur à la disposition de l’EARL de [Adresse 5] afin que cette dernière le récupère à ses frais, en l’état où il se trouve ;
* condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 9769,13 euros (neuf mille sept cent soixante-neuf euros treize centimes) à titre de dommages et intérêts ;
* condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, avec autorisation pour Me Baget de recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu de provision suffisante ;
* condamné l’Earl de [Adresse 5] aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
statuant à nouveau :
à titre principal,
– débouter M. [U] de sa demande de restitution du prix d’achat du véhicule,
– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires dirigées contre l’Earl de [Adresse 5], à savoir les frais de réparation du tracteur Lamborghini, les frais afférents au tracteur Massey Fergusson et son équipement, les frais bancaires, les frais d’expertise amiable, les frais de location de matériel et d’intervention d’un prestataire, le préjudice moral et les frais d’assurance,
à titre subsidiaire,
– condamner M. [U] à restituer à l’Earl de [Adresse 5] le tracteur Lamborghini modèle 135 DT, immatriculé [Immatriculation 3], avec fourche Mailleux MX 120, dans l’état dans lequel celui-ci se trouvait au moment de la vente de juin 2019 et non pas dans l’état dans lequel il se trouve au moment de la restitution,
– débouter M. [U] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires dirigées contre l’Earl de [Adresse 5], à savoir les frais de réparation du tracteur Lamborghini, les frais afférents au tracteur Massey Fergusson et son équipement, les frais bancaires, les frais d’expertise amiable, les frais de location de matériel et d’intervention d’un prestataire, le préjudice moral et les frais d’assurance,
en tout état de cause,
– dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en cause d’appel,
– dire que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.
*
M. [U], dans ses dernières écritures en date du 28 avril 2023 demande à la cour au visa des articles 1641 et suivants du code civil, 695 à 700 du code de procédure civile et du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, de’:
– débouter l’Earl de [Adresse 5] de l’ensemble ses demandes,
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Albi du 15 février 2022 en ce qu’il a :
* prononcé la résolution de la vente intervenue le 08 juin 2019,
* condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [U] :
-13 700,00 € en restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2021,
-2 215,85 € de frais d’intervention de la CIAM
-1 129,60 € de frais bancaires
– 5 623,68 € de frais de location de matériel
* dit que le tracteur devait être tenu à disposition de l’Earl de [Adresse 5] afin d’être récupéré dans l’état où il se trouvait,
* condamné l’Earl de [Adresse 5] aux entiers dépens de l’instance incluant les frais d’expertise judiciaire et à régler 2 500 euros à M. [U] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] de ses autres demandes en dommages et intérêts et en ce qu’il a limité la réparation du préjudice moral,
– en conséquence, condamner l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [U] :
* 778,65 € au titre des frais de réparation du tracteur vendu (changement des filtres à gazole et à huile moteur, des vidanges, des joints et des filtres à air)
* 5 593,30 € en réparation du préjudice financier subi pour les réparations nécessaires à l’utilisation du tracteur Lamborghini donné et à défaut, 5 313,64 € pour la perte de chance évaluée à 95% d’avoir à payer lesdites réparations sur le tracteur vendu avait fonctionné correctement,
* 2 000,00 € en réparation du préjudice moral.
– par ailleurs, ajoutant au jugement, condamner l’Earlde [Adresse 5] à payer à M. [U] :
* 272,90 € au titre des frais d’assurance du tracteur Lamborghini du 24 septembre 2020 au 31 décembre 2022.
* 1 347,23 € au titre des honoraires payés à l’huissier en exécution du jugement de première instance, que ce soit à titre de préjudice financier complémentaire ou sur la base des articles 695 à 700 du code de procédure civile.
en tout état de cause,
– condamner l’EARL de [Adresse 5] aux entiers dépens d’appel et à payer à M. [U] la somme de 2000 € sur la base de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais de défense en appel.
*
L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2023.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées
MOTIFS
Sur la garantie des vices cachés
L’Earl de [Adresse 5] sollicite l’infirmation de la décision entreprise.
Elle fait valoir essentiellement que l’expert n’a pu déterminer si le vice était présent ou même en germe au jour de la vente ; la survenance d’une panne de moteur après quelques heures d’utilisation ne peut en soi caractériser l’antériorité du vice à la vente, le jeu du vilebrequin ayant pu apparaitre soudainement.
M. [U] sollicite la confirmation du jugement.
Il fait valoir essentiellement que :
– la venderesse s’en était remise à justice sur l’action rédhibitoire,
– les allégations devant la cour de l’appelante sont contredites par l’expert,
-l’expert a relevé un phénomène de jeu important dû à un état d’usure très avancé du moteur, symptôme très inhabituel, impossible à déceler lors d’un examen normal du tracteur ; ce désordre existait au moment de la vente et seul un professionnel était en mesure de le constater.
*
En vertu des articles 1641 et suivants du code civil, le vendeur doit garantir l’acheteur des vices cachés au moment de la vente, inhérents à la chose vendue et la rendant impropre à sa destination.
Le vice de la chose s’identifie à toute défectuosité qui empêche la chose de rendre pleinement les services que l’on en attend. Il réside dans le mauvais état ou le mauvais fonctionnement de la chose, l’impossibilité de s’en servir dans des conditions satisfaisantes, les conséquences nuisibles produites à l’occasion d’une utilisation normale. Il faut que la qualité faisant défaut soit une des principales que l’on reconnaît à la chose.
Il ressort du rapport d’expertise judiciaire déposé le 7 Août 2020 que la cause de la panne de moteur du tracteur réside dans le frottement du volant moteur sur le capteur de positionnement du vilebrequin.Ce frottement est rendu possible par un mouvement non contrôlé du vilebrequin en phase de fonctionnement. Le phénomène de jeu important est dû à un état d’usure trés avancé du moteur.Il en empêche le fonctionnement.
L’expert précise que ce symptôme est très inhabituel, impossible à déceler lors d’un examen normal du tracteur.
Le coût de la remise en état est évalué à 7 121,67 € .
Il est incontestable qu’au vu du rapport d’expertise, le tracteur était atteint d’un vice caché antérieur à la vente le rendant impropre à sa destination en ce que le moteur ne pouvait fonctionner normalement que durant quelques heures et l’expert ayant relevé, sans être contredit par des pièces utiles,que ce dysfonctionnement était tout à fait inhabituel.Or, ce dysfonctionnement est survenu immédiatement après la vente, dès la première utilisation en champ.
En conséquence, il doit être retenu que le véhicule était au moment de la vente atteint d’un vice caché important puisqu’affectant le moteur, diminuant l’usage normal qui était attendu et le rendant impropre à sa destination.
L’Earl de [Adresse 5] doit en conséquence la garantie des vices cachés à M.[U].
Sur les conséquences de l’action rédhibitoire
L’Earl de [Adresse 5] sollicite l’infirmation de la décision entreprise en ce qu’elle :
-a dit que M. [U] devait tenir le tracteur à la disposition de la venderesse afin qu’elle le récupère à ses frais en l’état où il se trouve,
-l’a condamnée à payer la somme de 9 769,13 € à titre de dommages et intérêts.
Elle demande la restitution du véhicule dans l’état où il se trouvait au moment de la vente et s’oppose à toutes les demandes en dommages et intérêts.
Elle soutient essentiellement que :
-la preuve de sa connaissance du vice n’est pas rapportée,
-le tracteur a été vendu en juin 2019 uniquement en raison de la cessation d’activité de M. [I] [T] [Y], gérant de l’Earl de [Adresse 5] en 2018, astreint à s’occuper de son frère autiste et de ses parents en fin de vie,
-le tracteur n’était plus utilisé depuis de nombreux mois,
-l’expert a précisé qu’il ne pouvait en aucun cas affirmer quel était l’état des connaissances de M. [Y] lors de la vente,
-après trois réunions d’expertise, sur plusieurs mois, il n’a jamais pu être constaté en présence des parties les pannes ”moteur’,
-elle utilisait pour les travaux importants son tracteur Same, engin plus puissant ; elle verse au débat des attestations établissant que le tracteur vendu était utilisé comme simple valet de ferme,
-elle ne doit être tenue à aucune somme au titre de dommages et intérêts et l’acheteur sera également débouté de son appel incident,
-en tout état de cause, le vendeur n’a pas à assumer les frais d’entretien courant à hauteur de 778,65 €,
-il ne peut être fait droit à la demande portant sur les réparations relatives au tracteur Massey Fergusson (donné )à hauteur de 5 593,30 € alors que l’acquéreur obtient la restitution du prix versé pour le tracteur Lamborghini,
-il n’est justifié d’aucun élément quant à l’existence même du préjudice moral,
-M. [U] a fait le choix d’exposer des frais d’expertise amiable.
M. [U] sollicite la confirmation du jugement, excepté en ce qu’il a rejeté ses demandes de condamnation du vendeur à lui payer :
-778,65 € au titre des frais de réparation du tracteur vendu (changement des filtres à gazole et à huile moteur, des vidanges, des joints et des filtres à air),
– 5 593,30 € en réparation du préjudice financier subi pour les réparations nécessaires à l’utilisation du tracteur Lamborghini donné et à défaut, 5313,64€ pour la perte de chance évaluée à 95% d’avoir à payer lesdites réparations sur le tracteur vendu avait fonctionné correctement,
– 2 000,00 € en réparation du préjudice moral.
Il soutient essentiellement que :
-le tracteur est tombé en panne dès la 1ère utilisation en champ; il n’a supporté que le transport mais aucun travail de force,
-la venderesse lui a certifié que le tracteur avait été entretenu alors que le filtre était d’origine soit de l’année 1994 ;elle ne verse aucune facture,
-elle savait pertinemment que le tracteur était inutilisable et l’a remisé depuis au moins deux ans,
-l’annonce de la vente dans le Bon Coin mentionnait ‘tracteur en très bon état ‘
-les attestations sont de pure complaisance,
-la mauvaise foi de l’Earl de [Adresse 5] est démontrée et toujours d’actualité; elle a vendu le tracteur sans informer le vendeur et les futurs acquéreurs des déboires de M.[U] et de l’expertise judicaire,
-il sera fait droit aux travaux de réparation réalisés entre le 14 et 26 juin à hauteur de 778,65 €, en vain ; si le tracteur avait été dans l’état annoncé, ces frais n’auraient jamais dû être engagés ;c’est la venderesse qui lui avait conseillé lorsqu’il l’a informée du dysfonctionnement du tracteur dès la 1ère utilisation,
-M. [U] ne pourra jamais récupérer les frais de remise en état de 5593,30€ d’un vieux tracteur, ces réparations ayant été rendues nécessaires au vu de la panne,
-son préjudice moral a été insuffisamment indemnisé,étant relevé qu’il venait de s’installer et ce dans un contexte familial douloureux
-enfin, il dû régler les frais d’assurance du tracteur pour l’année 2020, les années 2021 et 2022 ainsi que les frais d’huissier au titre de l’article A 444-32 du code de commerce à hauteur de 1347,23 € et ce en raison de l’inexécution spontanée du jugement ; subsidiairement, ce dernier chef de préjudice est sollicité dans le cadre de l’article 700 du code de procédure civile.
*
En vertu des dispositions de l’article 1644 du code civil, il convient de faire droit à la demande de l’acheteur en résolution de vente et restitution du prix de vente à charge pour lui de rendre le véhicule .
Etant précisé que le prix de vente n’est plus contesté devant la cour, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a :
-prononcé la résolution de la vente intervenue le 8 juin 2019 entre l’Earl de [Adresse 5] et M. [K] [U] du tracteur de marque Lamborghini, immatriculé [Immatriculation 3], mis en circulation le 21 octobre 1994, avec fourche Mailleux MX 120,
– condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 13 700 € (treize mille sept cents euros) en restitution du prix de vente, avec intérêt au taux légal à compter du 1er avril 2021.
Eu égard à la cause de la panne, soit un vice caché du tracteur, le jugement doit également être confirmé en ce qu’il a dit que M. [U] doit tenir le tracteur à la disposition de l’Earl de [Adresse 5], celle -ci devant le récupérer à ses frais dans l’état où il se trouve.
Il est observé que l’appelant ne développe aucun moyen au soutien de sa demande de restitution du véhicule ; ce dernier atteint d’un vice caché ne peut qu’être restitué dans l’état où il se trouve, en l’absence de démonstration d’un quelconque dommage imputable à l’acheteur.
Au terme de l’article 1646 du code civil , si le vendeur ignorait les vices de la chose, il n’est tenu, outre la restitution du prix, qu’à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente.
En vertu des dispositions de l’article 1645 du même code,si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu outre la restitution du prix qu’il en a reçu,de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.
Il appartient à l’acquéreur de rapporter la preuve de la connaissance du vice.
L’expert, après avoir relevé le caractère anormal du vice compte tenu du nombre d’heures relevé au compteur (soit 7 357 h en début d’expertise) indique qu’il ne peut affirmer quelles étaient les connaissances du vendeur sur l’état de son tracteur lors de la vente.
S’il peut être admis que la venderesse ne connaissait pas l’origine exacte du vice affectant son tracteur, elle ne peut, comme l’a retenu le premier juge, sérieusement soutenir qu’elle ignorait les dysfonctionnements de celui-ci alors que le moteur ne peut fonctionner lorsqu’il effectue des travaux en champ, fût-ce pour des travaux de valet de ferme impliquant une utilisation régulière du dit moteur.
Il est d’ailleurs observé qu’elle n’a jamais informé l’acquéreur avant la vente qu’elle avait utilisé le tracteur seulement pour de menus travaux, ce qui représente une restriction d’usage du bien vendu.
En outre, l’immobilisation du tracteur lors de la mise à la retraite en novembre 2018 du co-gérant de l’Earl De [Adresse 5] n’est pas à l’origine de l’usure avancée et anormale du moteur.
En conséquence, M. [U] démontre la connaissance du vice par la venderesse affectant le tracteur lors de la vente.
L’Earl De [Adresse 5] doit en conséquence indemniser M. [U] des préjudices suivants :
* 2 215,85 € au titre des frais de recherche de la panne et de réparation par la CIAM au vu de la facture acquittée par carte bancaire et chèque du 5 octobre 2019,
* 5 623,68 € pour les frais de location de matériel et de prestations rendus nécessaires en raison de l’indisponibilité du tracteur objet du litige,
* 1000 € au vu du préjudice moral subi par M. [U] pour les tracas et pertes de temps subis par les pannes réitérées du tracteur,les démarches à effectuer et ce alors que M. [U] venait de s’installer en qualité d’agriculteur.
S’agissant des autres chefs de dommages sollicités à hauteur de :
* 778,65 € au titre des changements de filtres à gazole, à air et à huile moteur,vidange : ce chef de demande a été rejeté à juste titre par le premier juge au vu de la nature de ces dépenses qui doivent être considérées comme des frais d’entretien normaux réalisés entre le 14 et 26 juin 2019 avant la première dénonciation des pannes au vendeur.
* 1129,60 € au titre des frais bancaires afférents au prêt contracté pour l’acquisition du tracteur :ces frais ne sont pas imputables à l’existence d’un vice mais à l’existence d’un prêt et ne peuvent donc incomber au vendeur ;ce chef de demande sera rejeté.
* 5 593,30 € au titre des frais engagés sur un tracteur Massey Fergusson qui a été donné à M. [U] : ils ne peuvent être supportés par l’Earl De [Adresse 5] dans la mesure où l’expert a constaté que M. [U] peut largement récupérer cette dépense en vendant ce tracteur, s’il le souhaite. Aucun préjudice ne serait ce qu’au titre d’une perte de chance évaluée à 95% d’avoir à payer les dites réparations, ne peut être retenu dès lors qu’il est propriétaire de ce bien ; enfin, les deux estimations sommaires en date des 11 juillet et 2 septembre 2022 de ce tracteur produites au débat (à hauteur respectivement de 6500 HT et 5400 € TTC) ne permettent pas de démontrer de manière probante un préjudice résultant des dépenses effectuées sur ce dernier ; ce chef de demande doit être rejeté comme justement apprécié par le premier juge.
Au total, l’Earl De [Adresse 5] doit verser à M. [U] la somme de 8 839,53€
à titre de dommages et intérêts. La décision déférée sera infirmée en ce qu’elle a alloué la somme de 9 769,13 € à ce titre.
Quant à la demande formée devant la cour pour les frais d’assurance réglés à hauteur de 272,90 € (du 24 septembre 2020 au 31 décembre 2020 et les années 2021 et 2022) afférents au tracteur vendu, ils ne peuvent incomber au vendeur dès lors qu’ils ont été réglés par M. [U] en vertu d’une obligation légale en sa qualité de détenteur du bien ; ce chef de demande sera rejeté.
Sur les frais d’exécution forcée, dépens et demandes au titre de l’article 700 du code de procédure
S’agissant des frais d’exécution forcée retenus à la charge du créancier à hauteur de 1 347,23 € en vertu des dispositions de l’article A 444-32 du code de commerce et de l’article R 444-5 du même code par le commissaire de justice ayant procédé au recouvrement des sommes dues, il convient de faire droit à la demande de M. [U] à titre de dommages et intérêts à hauteur de 1210,50 €, au vu des sommes légèrement inférieures octroyées par la présente décision.
Eu égard au sort donné au litige faisant droit à l’action en garantie des vices cachés, l’Earl De [Adresse 5] doit supporter les dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande d’allouer à M.[U] la somme de 2500 € au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance, la décision déférée étant confirmée en ce sens, y ajoutant une somme de 2000 € au titre de ces frais d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement du Tribunal judiciaire d’Albi du 15 février 2022, hormis en ce qu’il a condamné l’Earl de [Adresse 5] à payer à M. [K] [U] la somme de 9 769,13 € à titre de dommages et intérêts.
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :
Condamne l’Earl de [Adresse 5] à verser à M. [K] [U] la somme de
8 839,53 € à titre de dommages et intérêts.
Déboute M. [U] de sa demande formée au titre des frais d’assurance.
Condamne l’Earl de [Adresse 5] à payer à M.[K] [U] la somme de 1210,50 € au titre du préjudice résultant des frais d’exécution forcée.
Condamne l’Earl de [Adresse 5] à payer à M.[K] [U] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel.
Condamne l’Earl de [Adresse 5] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER