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9 mai 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
22/01301
COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 22/01301 – N° Portalis DBVP-V-B7G-FBCY
Jugement du 28 Juin 2022
Président du TC d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 2022001716
ARRET DU 09 MAI 2023
APPELANTE :
S.N.C. INEO RESEAUX EST prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Guillaume CLOUZARD de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 2205131, et Me Gwendal RIVALAN substitué par Me Chloé PONNAVOY, avocat plaidant au barreau de NANTES
INTIMEE :
S.A.S. GROUPE MARAIS prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Anne sophie FINOCCHIARO de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier ANG01372
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 06 Mars 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 09 mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Le groupe Marais a pour activité la location de trancheuses avec chauffeurs pour la pose de réseaux.
La société Ineo réseaux Est est spécialisée dans le secteur de la construction de réseaux électriques et de télécommunications.
Suivant acte sous seing privé du le 27 novembre 2020, le groupe Marais a conclu avec la société Ineo réseaux Est un contrat de location n° MDOU 797, pour un chantier dénommé «Parc eolien Vannier-La Rochelle» à [Localité 3], portant sur la mise à disposition par le groupe Marais d’un porte-touret à chenilles (capacité 2 tourets) avec chauffeur.
Les travaux étaient répartis en quatre tranches.
Le prix de la location était fixé à 82.445,00 euros HT, soit 98.934,00 euros TTC, avec la précision que « la valeur du montant ci-dessus est mentionnée à titre indicatif, elle peut évoluer en fonctions des valeurs quantifiées ou non quantifiées dans les lignes du contrat (transfert, surprofondeurs, ect’). Les variantes ne sont pas prises en compte.»
Surtout, ce prix était fixé, pour les deux dernières tranches, sur la base d’un avancement prévisionnel déterminé en mètres linéaires par jour de 500 ml/jour pour la troisième tranche et de 800ml/jour pour la quatrième, et il était prévu un forfait régie journée à 3 500 euros HT par jour en cas de cadence inférieure.
Les travaux, qui ont fait l’objet d’établissement de bons d’attachements, se sont étalés sur la période de novembre 2020 à mars 2021.
La première tranche de travaux a été effectuée du 25 novembre 2020 au 15 décembre 2020. Elle correspond aux bons d’attachements n°47333 ‘ 47715 ‘ 47335 ‘ 45717 ‘ 47336 du 25.11.2020 au 07.12.2020 et du 09.12.2020 au 15.12.2020.
La deuxième tranche de travaux a été réalisée du 5 janvier 2021 au 29 janvier 2021.
S’y rapportent les bons d’attachements n°46575 ‘ 46576 du 05.01.2021 au 14.01.2021 et les bons d’attachements n°46577 ‘ 43556 du 15.01.2021 au 29.01.2021.
La troisième tranche de travaux a été réalisée du 1er février 2021 au 26 février 2021. Bons d’attachements n°46578 ‘ 46579 ‘ 47342 ‘ 47343 du 01.02.2021 au 26.02.2021.
La quatrième et dernière tranche de travaux a été effectuée les semaines du 1er mars 2021 au 11 mars 2021 au regard des bons d’attachements 47344 ‘ 47345 du 01.03.2021 au 11.03.2021.
A l’issue de cette période de travaux, une dernière facture a été émise par la société Groupe Marais.
Le montant total des facturations de la société groupe Marais s’est élevé, en définitive, à un montant de 159 410,04 euros correspond à quatre factures établies pour chacune des tranches, soit :
– facture n° FC17874 du 20.01.21 d’un montant de 40.086,00 € HT soit 48.103,20 € TTC.
– facture n° FC17988 du 12.02.21 d’un montant de 29.750,00 € HT soit 35.700,00 € TTC.
– facture n° FC18116 du 11.03.21 d’un montant de 35.286,00 € HT soit 42.343,20 € TTC.
– facture n°FC18156 du 22 mars 2021 d’un montant de 27.720,00 € HT soit 33.264,00 € TTC.
La société Ineo réseaux Est a réglé les sommes suivantes :
– le 19 mars 2021………………. 31.270,50 € TTC
– le 26 mai 2021………………… 27.561,00 € TTC
– le 29 mars 2022………………. 19.544,00 € TTC
– le 6 avril 2022…………………. 35.444,20 € TTC
Plusieurs relances étant demeurées infructueuses, le Groupe Marais a assigné la société Ineo réseaux Est en référé devant le président du tribunal de commerce d’Angers, le 1er avril 2022, en paiement d’une provision à valoir sur le solde des factures, après l’avoir mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mars 2022.
La société Ineo réseaux Est s’est opposée à la demande et a formé une demande reconventionnelle.
Par ordonnance de référé du 28 juin 2022, le président a :
– condamné la société Ineo réseaux Est à payer au groupe Marais la somme restant due de 65 127,70 euros TTC outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 mars 2022 ;
– débouté la société Ineo réseaux est de sa demande reconventionnelle ;
– condamné la société Ineo réseaux est aux dépens et à payer la somme de 2 000 euros au groupe Marais au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 21 juillet 2022, la SNC Ineo réseaux Est a interjeté appel de l’ordonnance.
Les parties ont conclu.
Une ordonnance du 27 février 2023 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions remises le 20 février 2023, la société Ineo réseaux Est demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance rendue le 28 juin 2022 par le président du tribunal de commerce d’Angers et statuant à nouveau :
à titre principal :
– débouter la société groupe Marais de l’ensemble de ses demandes ;
à titre reconventionnel :
– condamner la société groupe Marais au paiement provisionnel de la somme de la somme de 34 000 euros en réparation de son préjudice financier ;
à titre subsidiaire :
– dire et juger que les sommes réclamées par celle-ci ont vocation à se compenser avec les sommes dues à la société Ineo réseaux est par voie judiciaire ; et en conséquence ordonner la compensation ;
en tout état de cause :
– condamner la société groupe Marais à payer à la société Ineo réseaux est la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions du 13 décembre 2022, la société groupe Marais prie la cour de :
– débouter la société Ineo réseaux est de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer l’ordonnance entreprise ;
y ajoutant :
– condamner la société Ineo réseaux est à payer à la société groupe Marais la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Ineo réseaux est en tous les dépens d’appel.
Pour l’exposé des moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions déposés au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande principale en paiement d’une provision à valoir sur le solde des factures
Le solde restant dû sur les factures dont le paiement est réclamé s’élève à la somme de 65 127,70 euros TTC.
La société Ineo réseaux Est, partant de la constatation selon laquelle la facture finale est supérieure de plus de 60 % par rapport à l’offre de contrat de location signée par les parties en novembre 2020 et de ce qu’elle a déjà payé la somme de 94 282,70 euros TTC, invoque l’existence d’une contestation sérieuse tirée d’un différend entre les parties sur le mode de facturation qu’elle estime lui être imposé par son cocontractant sans justification.
Elle fait observer que les quatre factures établies par la société Groupe Marais font apparaître l’application systématique d’une «régie journée» alors que le contrat prévoit un prix au mètre linéaire sur la base de cadences prévisionnelles, la régie journalière n’étant que subsidiaire, applicable en cas de cadence inférieure à ce qui a été prévu par la société Groupe Marais.
Ainsi, pour s’opposer à la demande de provision, la société Ineo réseaux Est élève plusieurs contestations qu’elle estime ne pas être dans les pouvoirs du juge des référés de trancher.
En premier lieu, considérant que la clause du contrat prévoyant un forfait journalier doit s’analyser comme un mode de facturation subsidiaire, dans l’hypothèse où les cadences prévisionnelles ne seraient pas atteintes, elle estime que la modification du mode de facturation qui en a résulté du fait de son application systématique, sans qu’elle en ait été préalablement alertée, ne saurait lui être opposée.
Elle soutient que dès lors qu’il y a contestation du mode de facturation, et donc des clauses du contrat liant les parties, l’examen du litige excède les pouvoirs du juge des référés, d’autant plus que dans le cas présent, il y aurait lieu, selon elle, de rechercher l’intention des parties en faisant valoir qu’elle n’a jamais eu celle d’accepter une facturation journalière, mais bien un forfait linéaire, qui à défaut de s’appliquer pouvait conduire à une facturation journalière. Elle ajoute que dans le cadre de l’exécution de son contrat de bonne foi, la société Groupe Marais devait respecter les cadences qu’elle a indiquées à son contrat et a minima en justifier.
La société Groupe Marais expose que le contrat prévoit une facturation alternative selon que les cadences prévisionnelles sont ou non atteintes, ce qui est, d’ailleurs, conforme à l’article 2 des conditions générales qui stipule que les matériels sont loués au mètre linéaire ou à la journée, de sorte que la facturation en régie journée n’est pas subsidiaire mais alternative. Elle précise que le forfait journalier est destiné à compenser un éventuel manque à gagner du fait d’un allongement de la durée du chantier dans le cas où les cadences ne sont pas respectées.
Elle oppose à juste titre la force obligatoire du contrat valablement consenti, rappelée à l’article 1103 du code civil. En effet, le contrat signé entre les parties fait clairement apparaître le mode de fixation du prix des prestations selon un forfait journalier dans le cas où les cadences seraient inférieures à celles qui étaient retenues pour le chiffrage du prix au mètre linéaire. Il n’appelle aucune interprétation sur ce point et ne conduit pas à devoir rechercher l’intention des parties qui est clairement exprimée sur ce point.
Il s’ensuit que l’application du forfait «régie journée» en cas de non atteinte des cadences prévisionnelles définies au contrat n’aboutit pas une modification du prix fixé au contrat.
Par ailleurs, le fait que le mode alternatif de facturation ne figurait pas dans une première proposition, devenue caduque, ou qu’il ait pu déjà être prévu lors d’un précédent contrat est sans incidence sur le litige relatif à la fixation du prix par le contrat que les parties ont signé.
La société Ineo réseaux Est ne peut donc être suivie lorsqu’elle affirme que sa contestation du mode de facturation tenant à ce que son intention n’a jamais été d’accepter une facturation journalière, doit conduire à considérer que l’examen du litige excède les pouvoirs du juge des référés alors que l’obligation invoquée par la société Groupe Marais repose sur le prix fixé contractuellement entre les parties.
La société Ineo réseaux Est fait valoir, en deuxième lieu, que de nombreux incidents mentionnés sur les bons d’attachement ne lui sont pas imputables, telles que les conditions météorologiques (brouillard) ou la casse/panne de machine ; que la société Groupe Marais et ses chauffeurs salariés sont les seuls responsables des cadences. Elle fait grief à la société Groupe Marais de ne pas avoir maîtrisé la cadence des opérations, qu’elle avait pourtant elle-même déterminée dans sa proposition commerciale, après un passage sur site.
La société Groupe Marais répond que sa cliente, en qualité de professionnel des travaux publics, n’est pas sans ignorer les aléas techniques et météorologiques, susceptibles d’intervenir sur un chantier. Elle ajoute qu’elle est, pour sa part, uniquement un loueur de matériel qui met à la disposition de sa cliente un porte touret avec chauffeur et qu’elle n’est pas un sous-traitant, de sorte que c’est la société Ineo réseaux Est qui est seule responsable des cadences imposées à son chantier. Elle souligne, d’ailleurs, qu’il est prévu à l’article 3-10 des conditions générales du contrat que «si les cadences de travail figurant aux conditions particulières du présent contrat n’étaient pas respectées, le locataire s’interdit de nous réclamer une quelconque indemnité pour ce motif».
Le contrat stipule que le chauffeur et la machine de la société demeurent tout au long de l’exécution du chantier sous la responsabilité et les ordres du chef de chantier de la société cliente.
En prévoyant un prix fixé forfaitement par journée dans le cas où les cadences sur la base desquelles un prix au mètre linéaire était fixé n’étaient pas atteintes, la société Groupe Marais ne s’est pas engagée au respect de ces cadences.
Le moyen selon lequel la société Groupe Marais n’aurait pas exécuté le contrat de bonne foi, à défaut d’avoir respecter les cadences qu’elle a indiquées au contrat ne peut donc être retenu.
Si la société Ineo réseaux Est s’interroge sur la capacité de tenir des cadences de 500 et 800 ml/jour sur la base desquelles la société Groupe Marais a établi le chiffrage du coût de ses prestations en relevant qu’elles étaient largement supérieures à celles prévues pour un autre chantier, qu’elle émet la supposition que la société Groupe Marais savait que cette surestimation la conduirait à facturer selon le forfait journalier ou s’interroge sur les compétences de chiffrage de la société Groupe Marais et qu’elle lui reproche d’avoir établi une proposition de prix basée sur des cadences prévisionnelles qui n’ont pas été tenues, elle n’en tire aucun moyen juridique autre que l’exécution du contrat de mauvaise foi.
En troisième lieu, la société Ineo réseaux Est fait valoir que si la société Groupe Marais n’était pas certaine de sa proposition financière, et notamment des cadences prévisionnelles annoncées, elle se devait de le lui faire savoir. Ainsi, elle lui reproche de ne pas l’avoir tenu informée des difficultés rencontrées sur le chantier justifiant l’augmentation de la facturation finale.
Elle indique qu’à défaut d’information contraire, elle ne pouvait que légitimement s’attendre au respect des cadences prévisionnelles annoncées dans l’ultime chiffrage réalisé par la société Groupe Marais. Elle ne pouvait imaginer qu’en réalité le mode subsidiaire de facturation serait le seul et unique mode appliqué aux factures définitives. Elle relève le décalage temporel entre l’établissement des factures et l’issue de chaque phase de travaux, les factures n’étant établies qu’en cours d’achèvement de la tranche suivante, pour en conclure qu’elle ne pouvait avoir de visibilité sur l’application systématique d’un forfait journalier. S’agissant des bons d’attachement qui lui étaient remis, elle fait valoir qu’elle ne pouvait à ce stade émettre une quelconque critique des éléments factuels, les pannes, casses et préparations diverses de machine étant bien réelles.
La société Groupe Marais fait observer que le responsable de la société Ineo réseaux Est, en signant les bons d’attachement, atteste avoir pris connaissance des observations qui s’y trouvaient en ce qui concerne les divers événements susceptibles de ralentir les cadences et ne pouvait de fait ignorer que ces différents incidents auraient nécessairement des conséquences sur la facturation liée à l’application d’un forfait régie en cas de cadence inférieure.
La Cour constate que les bons d’attachement, établis chaque semaine, signés par une personne désignée comme le ‘responsable’ de l’entreprise Ineo réseaux Est, mentionnent l’avancement journalier des travaux avec la quantité de mètres linéaires réalisés ainsi que les causes des temps d’inactivité. La société Ineo réseaux Est était donc en mesure de savoir quand le forfait jour allait s’appliquer.
Surtout, le moyen invoqué n’est pas de nature à remettre en cause le principe et le montant de la créance réclamée. En effet, c’est à juste titre que la société Groupe Marais rappelle que si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties.
En quatrième lieu, la société Ineo réseaux Est invoque les dispositions de l’article 1170 du code civil selon lesquelles toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. Elle soutient qu’en application de ce principe, la clause prévoyant qu’en cas de non-respect des cadences la société société Ineo réseaux Est ne pourra voir sa responsabilité engagée est nulle. Elle ajoute que l’appréciation de la nullité de cette clause excède les pouvoirs du juge des référés.
Mais la clause aux termes de laquelle si les cadences de travail figurant aux conditions particulières du contrat n’étaient pas respectées, le locataire s’interdit de réclamer une quelconque indemnité pour ce motif, n’affecte pas l’obligation essentielle à la charge de la société Groupe Marais, qui consiste en la location de matériel avec chauffeur, sans engagement de sa part d’atteindre les cadences prévisionnelles, et ne revient pas à retirer toute substance au contrat.
En cinquième lieu, la société Ineo réseaux Est soutient que de par la nature de clause pénale que revêtirait la clause prévoyant la régie journée insérée au contrat, le juge des référés ne pourrait se prononcer sur le litige.
Selon elle, la clause tarifaire ne saurait trouver à s’appliquer dans la mesure où elle n’est pas responsable de l’inexécution des obligations incombant en réalité à la société Groupe Marais (absence de respect des cadences du fait des pannes, casses et/ou mauvaises conditions météorologiques). Elle expose que si elle conteste être la seule responsable du respect des cadences, il n’en demeure pas moins que le résultat final pour elle est le même, à savoir l’application d’un forfait journalier sans possibilité aucune de le contester. Elle estime que cette facturation s’apparente donc à une pénalité à sa charge exclusive, pénalité dont l’appréciation du montant définitif excède le pourvoir du Juge des référés.
La société Groupe Marais répond que ce forfait régie journée est établi dans les cas où les travaux sur les chantiers seraient immobilisés en raison d’intempéries, de pannes ou de casses retardant les cadences de la machine. Il a pour objectif de pallier les pertes nées de l’inactivité sur le chantier et compenser le manque à gagner qu’elle a de ne pas pouvoir s’engager sur de nouveaux chantiers et conclure de nouveaux contrats. Elle en déduit que la clause tarifaire sur le forfait régie journée en cas de cadence inférieure à 500 ou 800 Ml/jour ne peut s’apparenter à une clause pénale.
L’article 1231-5 du code civil, alinéa 1er, dispose que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
En l’espèce, le forfait régie journée ne sanctionne pas l’inexécution des obligations de la société cliente. Il s’agit du prix dont les modalités de fixation dépendent de l’avancement des travaux selon un seuil déterminé au contrat. Il en résulte que le forfait régie journée n’a pas la nature d’une clause pénale.
Enfin, la société Ineo réseaux Est élève des contestations sur la facturation en elle-même, en invoquant l’absence de justification des conditions d’application du forfait journalier et donc des cadences en exposant que le pointage effectué des différents bons d’attachements ne permet pas de justifier des journées facturées et même parfois, dans certains cas, permet d’établir une sur-facturation.
La société Groupe Marais affirme avoir, au contraire, parfois même sous facturé en réduisant le nombre de jours pouvant être facturé, ce dont ne devrait pas se plaindre la société appelante.
La société Ineo réseaux Est y voit là l’aveu par la partie adverse du caractère hasardeux de sa méthode de facturation.
Mais le rapprochement entre les bons d’attachement et les factures montre que le nombre de forfait régie journée comptabilisé pour cadence inférieure est justifié voire minoré, et sans qu’il y ait de double facturation.
Si les bons d’attachement n° 45717 et n° 47 335 se rapportent à la même semaine, ils portent sur des prestations différentes. Il ne s’agit donc pas d’une même prestation doublement facturée.
Et si les avancements linéaires ne sont pas comptabilisés c’est parce que les cadences prévues n’ont pas été atteintes sauf le mardi 16 février 2021 où 900 m/l ont été réalisés (bon d’attachement n° 47342). Il apparaît que la facture du 11 mars 2021 qui comptabilise 10 forfaits ‘régie journée’ y inclut le jour du 16 février. Néanmoins, il convient de constater que sur la base de 4,5 euros le mètre linéaire, qui correspond au prix le plus bas prévu au contrat, la prestation exécutée était d’un prix supérieur au forfait de 3 500 euros.
Il en résulte que les distorsions éventuelles entre les données figurant sur les bons d’attachement et la facturation sont toutes en faveur de la société Ineo réseaux Est.
S’agissant de la somme de 3 000 euros comptabilisée sur la facture du 22 mars 2021 au titre de l’immobilisation de la trancheuse le 9 mars 2021, elle est justifiée par le bon d’attachement n° 47345, signée du ‘responsable’ de la société Ineo réseaux Est, mentionnant ‘mardi : attente client’ et faisant apparaître l’absence d’avancement des travaux ce jour-là.
L’ordonnance entreprise est confirmée en ce qu’elle a retenu que l’obligation de la société Ineo réseaux Est de payer la somme de 65 127,70 euros TTC outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 mars 2022, n’est pas sérieusement contestable.
Sur la demande reconventionnelle
La société Ineo réseaux Est réclame à titre reconventionnel la condamnation de la société Groupe Marais au paiement provisionnel de la somme de 34 000 euros en réparation d’un prétendu préjudice financier en faisant valoir qu’elle aurait été contrainte d’assumer financièrement le coût de mobilisation de ses équipes et de l’immobilisation de ses propres véhicules sur une durée complémentaire de dix-sept jours.
Elle expose qu’il ressort de la facturation définitive qu’un total de trente-six jours lui a été facturé alors que selon le devis établi, si les cadences annoncées avaient été respectées, c’est uniquement dix-neuf jours (18,84 arrondis) qui auraient dû être facturés. Elle en conclut qu’elle s’est vue contrainte d’assumer la charge du chantier sur une durée complémentaire de dix-sept jours.
La société Groupe Marais est bien fondée à opposer à la partie adverse l’existence d’une contestation sérieuse tenant à la clause prévue à l’article 3-10 des conditions générales du contrat aux termes duquel si les cadences de travail figurant aux conditions particulières n’étaient pas respectées, le locataire s’interdit de lui réclamer une quelconque indemnité pour ce motif.
L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle déboute la société Ineo réseaux Est de sa demande reconventionnelle.
Sur les demandes annexes
L’ordonnance entreprise est confirmée en toutes ses dispositions.
La société Ineo réseaux Est, qui succombe, est condamnée aux dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme l’ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Ineo réseaux Est aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL