Your cart is currently empty!
30 mars 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
21/02547
MM/ND
Numéro 23/1160
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRÊT DU 30/03/2023
Dossier : N° RG 21/02547 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H6G3
Nature affaire :
Demande en paiement relative à un autre contrat
Affaire :
S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE
C/
S.A.S. ADFG 40, S.E.L.A.R.L. EKIP
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 30 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 12 Janvier 2023, devant :
Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l’appel des causes,
Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE
immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le n° 428 268 023, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Vincent LIGNEY de la SELARL DUALE – LIGNEY – BOURDALLE, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Sébastien SEMOUN (cabinet LexCase), avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
S.A.S. ADFG 40
immatriculée au RCS de Dax sous le n° 827 599 499, dont le siège social est
[Adresse 2]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. EKIP’
en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société ADFG 40
immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 453 211 393, domiciliée
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentées par Me Bertrand DEFOS DU RAU de la SELARL LANDAVOCATS, avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision
en date du 06 JUILLET 2021
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX
EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE :
La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE exploite notamment sous l’enseigne VIVAL un réseau de surfaces de vente de proximité, principalement de produits alimentaires.
La société ADFG 40 exploite quant à elle un fonds de commerce de distribution alimentaire situé au [Adresse 2] à [Localité 5].
Le 23 mars 2017, un contrat d’approvisionnement avec mise à disposition de l’enseigne VIVAL a été signé entre les parties pour une durée initiale de cinq ans devant arriver à terme le 22 mars 2022 inclus.
Dans ce cadre, la somme de 15.533,00 € H.T a été versée à la société ADFG 40 par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, à titre de budget d’enseigne, comme prévu à l’annexe 8 du contrat d’approvisionnement aux termes duquel la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE participe aux frais de mise au concept extérieur du fonds en octroyant un budget d’enseigne à la société ADFG 40, qui ne peut l’utiliser que dans ce but.
Le même jour, un avenant au contrat d’approvisionnement portant sur un dépôt de garantie d’un montant de 15.000 €, devant être progressivement constitué par un versement initial de 3.000 € puis de 60 mensualités de 200 €, a également été signé.
La société ADFG 40 a également régularisé à la même date, avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, un contrat de location de matériel informatique et d’encaissement.
Par courrier recommandé du 15 mars 2018, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a mis en demeure la société ADFG 40 de lui régler un encours de factures impayées arrêté à la somme de 17272,49 euros TTC, au 15 mars 2018.
Une rencontre a eu lieu dans la locaux de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE le 25 juin 2018, afin d’envisager les solutions à mettre en oeuvre pour régler les sommes dues.
Le lendemain de cette entrevue, la société ADFG 40 a adressé à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE un plan d’action établi par son comptable proposant notamment :
‘ l’imputation du dépôt de garantie de 6000,00 euros sur la dette
‘ déduction de la dette des prochaines mensualités de 200,00 euros de constitution du dépôt de garantie,
‘ transmission à la société ADFG 40 des données chiffrées des statistiques des magasins VIVAL de la région afin de lui permettre de se positionner en termes de marge et de rentabilité,
‘ accorder à la société ADFG 40 un délai de 3 mois au terme duquel une nouvelle situation comptable serait établie pour valider la progression du chiffre d’affaires.
La société ADFG 40 s’engageait à développer son chiffre d’affaires par l’ouverture d’un point relais et le développement de la vente en vrac, à agir sur ses taux de marge et à réviser à la baisse certains frais (changement du contrat de location de caisse notamment et diminution du salaire du président ramené à 500,00 euros).
Elle proposait de prélever une mensualité supplémentaire de 100 euros par mois pour réduire sa dette, mensualité qui serait révisée après le résultat de la situation comptable établie le 31 août 2018.
Elle évoquait le maintien de la majoration non contractuelle de 30 % destinée à servir d’avance sur les paiements des factures d’achats (avance de trésorerie)…
Par courrier du 13 juillet 2018, la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a refusé d’affecter le dépôt de garantie au remboursement de la dette et a demandé à la société ADFG 40 d’envisager un remboursement mensuel de 700,00 euros, acceptant de lui accorder un délai supplémentaire de 3 mois, sous réserve d’obtenir une nouvelle situation comptable à cette échéance.
La société ADFG 40 ayant fait part à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de sa volonté de résilier le contrat de « location de matériel de caisse, TPE et maintenances, à l’exception de la tablette », par un courrier du 29 mars 2018, le contrat de location de matériel informatique et d’encaissement a pris fin le 30 juin 2018, et le matériel a été restitué le 31 juillet 2018 à l’exception de la tablette.
Par courrier du 11 septembre 2018, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a réclamé l’analyse comptable des résultats d’exploitation de la société ADFG 40, faisant le constat que la dette n’avait pas diminué au cours du trimestre écoulé.
Le 14 décembre 2018, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a adressé une nouvelle mise en demeure à la société ADFG 40 d’avoir à lui régler le solde débiteur de la situation d’ encours arrêtée à la date du 11 décembre 2018.
Le 30 janvier 2018, la société ADFG 40 renouvelait sa proposition d’affecter le dépôt de garantie s’élevant à 7470,31 euros au remboursement de la dette, ce qui aurait pour effet de ramener le solde débiteur de son encours à 9442,89 euros.
Par courrier du 28 mars 2019, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a notifié à la société ADFG 40 la résiliation du contrat d’approvisionnement avec location d’enseigne VIVAL, aux torts exclusifs de la société ADFG 40, la cessation immédiate de toute livraison de marchandises, lui enjoignant d’avoir à lui régler la somme de 29052,76 euros, dont 17869,00 euros correspondant à l’encours de factures impayées au 28 mars 2019 et 11183,76 euros correspondant au remboursement du prorata du budget d’enseigne dû en cas de rupture anticipée du contrat.
Aucun paiement des sommes dues n’étant intervenu, par acte du 12 août 2019, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a fait assigner la société ADFG 40 devant le président du tribunal de commerce de Dax, statuant en référé, aux fins de la faire condamner à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 21.263,89 €.
Au cours de cette procédure, et par un jugement du Tribunal de commerce de Dax en date du 16 octobre 2019, la société ADFG 40 a été placée en redressement judiciaire.
La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE s’est désistée de l’instance en référé, désistement dont le caractère parfait a été constaté par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dax du 10 décembre 2019.
La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a déclaré sa créance par courrier recommandé au mandataire judiciaire en date du 21 novembre 2019, à hauteur des sommes suivantes :
‘ 10.080,13 € TTC au titre des marchandises et prestations de services impayées livrées antérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, outre les intérêts au taux contractuel à compter de |’exigibilité des factures impayées et jusqu’au 16 octobre 2019 jour de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
‘ 11.183,76 € ‘I’I’C au titre du budget d’enseigne, en raison de la résiliation du contrat d’approvisionnement liant la société ADFG 40 et la société CASINO RESTAURATION (article 4, Annexe B du contrat d’approvisionnement VIVAL),
soit au total la somme de 21.263,89 € TTC à titre chirographaire.
Par courrier recommandé en date du 4 février 2020, Maître [D] [Y] ès qualité de mandataire Judiciaire de la société ADFG 40, a informé la société DISTRBIBUTION CASINO FRANCE du rejet total de sa créance, aux motifs que la rupture du contrat d’approvisionnement et les difficultés financières de la société ADFG 40 seraient dûs aux « actes non contractuels [de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE] et au refus d’une solution viable pour ADFG 40 ».
Le dirigeant de la société ADFG 40 reprochant notamment à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE,
‘ D’avoir imposé à la société ADFG 40 un stock de démarrage plus important que prévu ;
‘ De ne pas lui avoir permis d’atteindre une marge supérieure à 30% comme cela lui aurait été promis par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ;
‘ De lui avoir facturé des « rolls et iso » ( conteneurs et chariots de transport de la marchandise commandée) ;
‘ Et de ne pas l’avoir autorisée à utiliser la caution disponible pour diminuer l’encours de la société ADFG 40.
La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE s’est opposée aux arguments avancés pour contester sa créance et a maintenu dans leur intégralité les termes de sa déclaration de créance.
L’affaire a été portée devant le Juge-commissaire à la procédure de redressement judiciaire de la société ADFG 40.
Par ordonnance en date du 18 novembre 2020, celui-ci a :
‘ considéré que la créance déclarée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE faisait l’objet de contestations sérieuses par la société ADFG 40.
‘ invité la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à saisir au fond le Tribunal de commerce de Dax, afin qu’il se prononce sur les contestations soulevées par la société ADFG 40 et son mandataire judiciaire pour s’opposer à l’inscription au passif de la créance déclarée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.
‘ sursis à statuer dans l’attente de la saisine de la juridiction du fond, et renvoyé l’affaire à une prochaine audience prévue le 18 mars 2021.
‘ passé les dépens en frais privilégiés de procédure de redressement judiciaire.
Par acte du 14 décembre 2020, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a assigné la société ADFG 40 au fond devant le Tribunal de commerce de Dax, aux fins de :
Constater que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE
‘ apporte tous les éléments justificatifs nécessaires à prouver sa créance de 10080,13 euros TTC au titre des factures de marchandises et prestations impayées ;
‘ est fondée à réclamer le remboursement prorata temporis du budget d’enseigne versé au titre du contrat d’approvisionnement avec mise à disposition d’enseigne VIVAL du 23 mars 2017 pour un montant de 11 183,76 euros TTC ;
Constater que la société ADFG 40 n’apporte aucune preuve suffisante des contestations qu’elle a émises dans le cadre du contentieux pendant devant le juge commissaire près le tribunal de commerce de céans ;
Par conséquent :
Débouter la société ADFG 40 de l’ensemble de ses contestations ;
Ordonner l’admission au passif de la société ADFG 40 de la créance de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE pour la somme de 21263, 89 euros à titre chirographaire ;
Rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions formulées à titre reconventionnel par la société ADFG 40 ;
Condamner la société ADFG 40 au paiement à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE d’une somme de 5000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuer ce que de droit sur les dépens.
Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce de Dax a :
‘ débouté la société DISTRIBUTION CASINO France de l’ensemble de ses demandes, au motif que cette dernière aurait eu « un comportement fautif envers la société ADFG 40 qui a dû subir les surfacturations, les taux de marge diminués, le refus d’utiliser la caution constituée pour le paiement des factures en retard et l’application d’un coefficient de majoration de 30% des commandes ».
Le Tribunal de commerce de Dax a par ailleurs condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à verser à la société ADFG 40 la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 2000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration en date du 29 juillet 2021, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a relevé appel du jugement.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022 , l’affaire étant fixée au 12 janvier 2023.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions notifiées le 1er février 2022 par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE qui demande de :
Constater que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE apporte tous les éléments justificatifs nécessaires à prouver sa créance de 10080,13 euros TTC au titre des factures de marchandises et prestations impayées ;
Constater que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE est fondée à réclamer le remboursement prorata temporis du budget d’enseigne versé au titre du contrat d’approvisionnement avec mise à disposition d’enseigne VIVAL du 23 mars 2017 pour un montant de 11 183,76 euros TTC ;
Constater que la société ADFG 40 n’apporte aucune preuve suffisante des contestations qu’elle a émises dans le cadre du contentieux pendant devant le juge- commissaire près le tribunal de commerce de Dax ;
Par conséquent :
Réformer le jugement du tribunal de commerce de Dax en date du 6 juillet 2021 en ce qu’il a débouté la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
Réformer le jugement du tribunal de commerce de Dax en date du 6 juillet 2021 en ce qu’il a condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à verser à la société ADFG 40 la somme de 5000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
Ordonner l’admission au passif de la société ADFG 40 de la créance de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE pour la somme de 21263, 89 euros à titre chirographaire ;
Condamner la société ADFG 40 au paiement à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE d’une somme de 8000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuer ce que de droit sur les dépens.
*
Vu les conclusions notifiées le 7 janvier 2022 par la société ADFG 40 et la SELARL EKIP’ en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société ADFG 40 qui demandent de :
Débouter la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement d’une indemnité de 3000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.
MOTIVATION :
La société ADFG 40 soutient au visa des articles 1231 et suivants du code civil que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a engagé sa responsabilité civile en utilisant des pratiques fautives qui ont placé la société ADFG 40 en difficulté et lui ont occasionné un préjudice certain qui a été justement retenu et réparé par l’allocation de dommages et intérêts.
La société ADFG 40 et son mandataire judiciaire reprochent en effet à la société appelante d’avoir :
‘ imposé des facturations non prévues au contrat,
‘ annoncé un taux de marge nettement supérieur au taux de marge constaté,
‘ surfacturé de 30 % les prix d’achat précipitant les difficultés financières de la société ADFG 40
‘ refusé d’utiliser la caution pour réduire l’encours de la dette,
se rendant ainsi responsable des difficultés financières de la société ADFG 40.
La société ADFG 40 indique qu’elle a dénoncé à plusieurs reprises cette situation, en dernier lieu dans son courrier du 7 avril 2019 en réponse à la notification de la résiliation de son contrat.
La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE conteste l’analyse du tribunal et fait valoir en premier lieu qu’elle dispose d’une créance certaine liquide et exigible.
Elle indique que conformément à ses obligations contractuelles elle a procédé à plusieurs livraisons de marchandises commandées par la société ADFG 40 qui ont systématiquement fait l’objet d’une facturation qui n’a donné lieu à aucune contestation de la part de la société intimée. Elle réfute les fautes qui lui sont imputées par la partie adverse telles que le tribunal les a retenues. Elle ajoute que le caractère certain liquide et exigible de la créance de restitution du budget d’enseigne, prorata temporis, n’est pas mieux contesté, cette restitution résultant d’une clause du contrat passé entre les parties, en cas de rupture anticipée.
Sur la créance de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE :
Sur ce, il ressort de la situation d’encours au 14 Novembre 2019 produite par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE que la créance déclarée par la société appelante se compose de l’encours des factures demeurées impayées, respectivement depuis le 31 août et le 20 septembre 2017, et de factures ultérieures correspondant à des approvisionnements, à la facturation d’agios et de frais d’impayés, à la location du terminal « tablette », et aux cotisations d’enseigne.
La cour peut vérifier que les montants portés sur le décompte récapitulatif correspondent aux factures qui sont versées aux débats et dont le montant n’est pas précisément contesté, chiffres à l’appui, par les parties intimées.
S’y ajoute la reprise prorata temporis du budget d’enseigne dont la société appelante avait fait l’avance à la signature du contrat. La somme de 11 183,76 euros TTC réclamée à ce titre a été calculée selon l’article 4 de l’annexe 8 du contrat d’approvisionnement, prévoyant le remboursement de 60 % du budget d’enseigne pour le cas où la rupture du contrat interviendrait « avant l’expiration de la troisième année d’entrée en vigueur du contrat d’approvisionnement ».
En l’absence de contestation argumentée de la part des parties intimées, quant au quantum de la créance déclarée, la cour retient que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE dispose à l’encontre de la société ADFG 40 d’une créance qui doit être arrêtée à la somme de 21 263, 89 euros, la société appelante étant renvoyée devant le juge-commissaire à la procédure de redressement judiciaire de la société débitrice, seul compétent pour prononcer la décision d’admission.
Sur la responsabilité de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et la demande indemnitaire de la société ADFG 40 et de la SELARL EKIP’ agissant ès qualités :
Les intimées font valoir que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a engagé sa responsabilité contractuelle envers la société débitrice par ses pratiques fautives qui ont placé la société ADFG 40 en difficulté, lui occasionnant un préjudice certain justement réparé par l’allocation de dommages et intérêts.
Le grief relatif au fait que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aurait imposé à la société ADFG 40 un stock de démarrage trop important, évoqué dans le courrier du mandataire judiciaire, du 4 février 2020, n’a pas été repris devant le tribunal et n’est pas soutenu à hauteur d’appel. Il n’y a pas lieu en conséquence de l’examiner.
‘ Sur la facturation de sommes non prévues au contrat :
la société ADFG 40 fait valoir que les chariots de livraison ou « roll » étaient facturés alors qu’aucune disposition contractuelle ne le prévoyait et que si des avoirs étaient ensuite déduits, ils intervenaient systématiquement bien après la facturation et le prélèvement correspondant, ce qui permettait à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de se constituer de la trésorerie.
La société appelante soutient qu’il n’existe aucune preuve de cette facturation.
Toutefois, il ressort des factures versées aux débats par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE qu’elle a bien facturé des emballages, dont des « rolls » et conteneurs ISO, le 31 juillet 2017 , pour une somme de 1751,19 euros payable à échéance du 31 août 2017, ces emballages étant afférents à des livraisons des 25 et 27 juillet 2017. Dans le même temps, elle a émis une facture d’avoir d’un montant de 4061,51 euros, le 10 août 2017, à échéance du 31 août 2017, pour des emballages afférents à des livraisons postérieures des 1er, 3 et 9 août 2017.
Cependant, si le principe de cette facturation, qui s’apparente à une consigne, ne ressort pas des conditions particulières du contrat et de son annexe 5, la démonstration d’une avance de trésorerie imposée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à la société ADFG 40 n’est pas faite, ces deux sommes se compensant à une même date d’échéance et la facture d’avoir étant supérieure à celle des emballages facturés.
La preuve n’est pas non plus rapportée d’une facturation supplémentaire de 18 euros, en cas de chariot de livraison insuffisamment garni, afin de pousser le co contractant à commander plus, pour compléter un chariot.
Ce grief n’est ainsi pas caractérisé.
‘ Sur la promesse d’un taux de marge non atteint :
La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, contrairement à ce que soutient la société ADFG 40 et à ce qu’a retenu le tribunal, conteste avoir garanti un taux de marge.
Le tribunal a retenu que selon l’examen d’un mail du 7 novembre 2016, envoyé par le responsable du développement « proximité » de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au président de la SAS ADFG 40, le taux de marge moyen par rayon était très clairement indiqué, soit 37,81 % pour l’épicerie, 35,05 % pour la crèmerie, 41,26 % pour les fruits et légumes etc. Le tribunal a retenu que ces éléments ont forcément servi de base aux prévisionnels financiers de la société ADFG 40 qui n’avait aucune raison de remettre en cause les taux de marge fournis par DISTRIBUTION CASINO FRANCE.
Le tribunal ajoute que par mail du 12 octobre 2017, le président de la société ADFG 40 a communiqué les informations comptables après 5 mois d’activité faisant ressortir un taux de marge moyen de 16,97 % au lieu du taux de 34 % .
Le premier juge a ainsi considéré que la société débitrice avait été trompée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.
Cependant, les taux de marge annoncés avant la signature du contrat d’approvisionnement étaient des taux moyens par catégorie de produits, sans engagement pris par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE quant au taux de marge nette global réalisé par la société ADFG 40.
D’ailleurs, il ressort des tableaux de « ventes et marges par famille » produits par les parties intimées en pièces 7 à 15 que le taux de marge nette calculé sur l’ensemble des marchandises achetées a évolué de 29,18 % en mars 2017 à 31,16% en décembre 2017, avec un pic à 33,22 % en octobre 2017, proche du taux de marge « tous rayons » de 33,94 % annoncé, le taux moyen sur le cumul de l’année 2017 étant de 29,05 %.
La société ADFG 40 ne démontre pas à cet égard un décalage entre les taux de marge indicatifs qui lui ont été communiqués avant la signature du contrat et la marge moyenne réalisée sur chaque catégorie de produits (fruits et légumes, crèmerie, fromage, viande, boissons, droguerie etc.), au regard des prix de vente conseillés communiqués par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.
La société ADFG 40 ne saurait dans ces conditions prétendre avoir été trompée par son fournisseur.
‘ Sur le refus d’imputation de la caution sur le solde débiteur de l’encours détaillant :
Suivant en cela l’argumentation développée par la société ADFG 40 et son mandataire judiciaire, le tribunal a retenu qu’en refusant d’utiliser la caution (le dépôt de garantie) pour le paiement des factures impayées, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE était consciente des difficultés qu’elle occasionnait à son détaillant. Il a ainsi jugé que ce refus était constitutif d’une faute ayant entraîné les difficultés de trésorerie de la société ADFG 40.
La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE réfute toute faute de sa part dans le refus d’imputer le dépôt de garantie sur l’encours de la dette, en rappelant les dispositions de l’avenant au contrat d’approvisionnement signé le 23 mars 2017.
Selon l’article 1er de cet avenant, « le détaillant affecte en garantie (de) l’ensemble des sommes qui pourront être dues par ce dernier au fournisseur dans le cadre de l’exécution du contrat d’approvisionnement et de ses annexes qui en font partie intégrante, et notamment :
– au titre des redevances mises à la charge du détaillant conformément aux dispositions du contrat d’approvisionnement,
– au titre des factures de marchandises échues ,
la somme de QUINZE MILLE EUROS ( 15 000,00 euros).
La sûreté sera constituée avec dépossession au bénéfice du fournisseur de la manière suivante :
– un versement initial de 3000,00 euros
– puis par 60 mensualités de 200 euros par prélèvement.
Le premier versement interviendra dans les huit jours de la conclusion de l’avenant [‘]
Le fournisseur aura le droit de prélever sur ledit dépôt, pendant la durée du contrat et sans formalité, le montant des marchandises et redevances échu et non réglé ainsi que toute autre somme exigible à un titre quelconque , auquel cas le détaillant sera tenu de compléter à première demande le dépôt de garantie pour le maintenir toujours égal à la somme stipulée ci-dessus.
Conformément aux dispositions de l’article 2341 alinéa 2 du code civil, les parties conviennent que le fournisseur n’est pas tenu de conserver la somme gagée séparée des choses de même nature, il en acquiert la propriété, au fur et à mesure des versements, à charge de restituer la même somme dans les conditions visées à l’article 3 du présent avenant.
La somme de QUINZE MILLE EUROS (15000,00 euros) ci-avant définie produira intérêts au fur et à mesure de sa constitution au taux du livret A de la Caisse d’ Épargne, capitalisés chaque année.
Le montant des intérêts produits augmentera l’assiette de la garantie accordée dans le cadre du présent avenant. »
Selon les articles 2 et 5 de l’avenant, cette garantie est constituée pour toute la durée du contrat d’approvisionnement, sauf possibilité pour le détaillant de substituer au gage ainsi constitué une garantie bancaire d’un montant au moins équivalent.
Selon les articles 3 et 4 de l’avenant, au terme du contrat, le fournisseur remettra au constituant les sommes versées majorées des intérêts stipulés à l’article 1. Toutefois, à défaut de règlement des créances échues dues par le détaillant dans le cadre de l’exécution du contrat d’approvisionnement et de ses annexes, et après mise en demeure demeurée infructueuse dans un délai de huit jours, les parties conviennent que le fournisseur deviendra définitivement propriétaire de la somme gagée à hauteur de la créance échue conformément aux dispositions de l’article 2348 du Code civil, la garantie étant affectée, en premier, au paiement des intérêts de la dette.
Il ressort de ces dispositions que le dépôt de garantie pouvait être affecté au paiement de la dette par le fournisseur, à charge pour le détaillant de compléter ou reconstituer le dépôt de garantie à première demande de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.
Dès lors, à défaut d’établir l’existence d’un abus de droit, il ne peut être raisonnablement soutenu que la société appelante a commis une faute ayant entraîné les difficultés de trésorerie de la société ADFG 40, au demeurant préexistantes, en refusant d’imputer le dépôt de garantie sur les factures impayées en cours d’exécution du contrat d’approvisionnement, alors que cette possibilité relevait de sa seule décision et que, si tel avait été le cas, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE était en droit d’exiger la reconstitution du dépôt de garantie prévu au contrat, sans délai.
‘ Sur la surfacturation de 30 % du prix d’achat hors taxe des marchandises :
La société ADFG 40 fait valoir qu’à la suite de ses difficultés de trésorerie, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE n’a pas hésité à la sanctionner en appliquant un coefficient de 1,3 sur les prix d’achat HT, soit une majoration de 30%, précipitant ainsi ses difficultés financières.
Elle en veut pour preuve les échanges de mails intervenus entre son président et la directrice commerciale « VIP Tarbes », Madame [W].
Au sujet de cette majoration, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE réplique que la société ADFG 40 était parfaitement au fait de l’application d’un tel coefficient, destiné à réduire son encours au fur et à mesure, un tel coefficient étant justifié par le nombre et l’importance des impayés de cette dernière.
Elle ajoute que face à ces défauts de paiement, elle a été contrainte d’appliquer une procédure de paiement préalable à toute livraison. L’application sur la facture totale d’un coefficient de 1,3 avait selon elle vocation à régler certains impayés déjà existants, par exemple au titre de la location du matériel informatique et d’encaissement, de la cotisation d’enseigne, des agios ‘
Toutefois, comme l’a retenu exactement le tribunal, constitue un abus de pouvoir exercé par le fournisseur sur le détaillant le fait d’appliquer de manière unilatérale un coefficient de majoration de 30 % sur le prix de toute commande, au motif que des factures demeureraient impayées, et ce en dehors de toute disposition contractuelle.
Il convient d’ajouter que si dans sa proposition d’action du 26 juin 2018, le président de la SASU ADFG 40 avait envisagé le maintien de cette majoration non contractuelle, à titre d’avance sur le paiement des factures d’achat, c’était notamment en contrepartie de la proposition d’imputer, sur la dette, le dépôt de garantie déjà constitué et les prochaines mensualités de 200 euros.
Or, cette demande a été refusée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, de sorte qu’on ne peut considérer que cette majoration a fait l’objet d’une négociation loyale et d’un accord de la part du détaillant, qui au contraire s’est vu imposer cette mesure de nature à obérer un peu plus sa trésorerie.
La cour constate également que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne justifie nullement de la façon dont cette majoration a été affectée, soit au paiement de la dette, soit au règlement de commandes et redevances futures.
Ce comportement fautif du fournisseur justifie à lui seul de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de la somme de 5000,00 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice résultant de difficultés de trésorerie induites par ces prélèvements infondés.
Sur les demandes annexes :
Au regard de l’issue du litige, chacune des parties qu succombe partiellement, conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.
Compte tenu des circonstances de la cause et de la position respective des parties l’équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu’il a condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à la société ADFG 40 une somme de 5000,00 euros à titre de dommages et intérêts,
L’infirme pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Juge que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE détient sur la société ADFG 40 une créance incontestable d’un montant de 21 263,89 euros,
Renvoie la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE devant le juge-commissaire à la procédure de redressement judiciaire de la société ADFG 40 , seul compétent pour prononcer l’admission de sa créance,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière La Présidente