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30 mars 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
22/00244
N° RG 22/00244 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LGEF
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Alexandre SPINELLA
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 30 MARS 2023
Appel d’une décision (N° RG 2018J00140)
rendue par le Tribunal de Commerce de Vienne
en date du 18 novembre 2021
suivant déclaration d’appel du 12 janvier 2022
APPELANTE :
S.A.S.U. MINIMAX au capital de 600.000,00 €, inscrite au RCS de VIENNE sous le numéro 482 491 974, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Alexandre SPINELLA, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Jean Christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS, plaidant par Me Alexandre SPINELLA
INTIMÉE :
CREDIT MUTUEL FACTORING, Société anonyme au capital de 7.680.000,00 €, inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro 380 307 413, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice,
domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me NIEWIADUNSKY, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 janvier 2023, M. Lionel BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. La société Minimax est une entreprise qui exerce ses activités dans le domaine de la sécurité et la protection contre les incendies et réalise des prestations de conception, de commercialisation, de conseil, d’installation et d’ingénierie dans ce domaine. La société Anti-Flamme est une entreprise qui intervient dans le domaine de la sécurité incendie.
2. La société Minimax s’est vue confier en juin 2017 un marché de travaux portant sur un montant de 835.000 euros concernant le lot «sprinklers” relatif à la construction d’un entrepôt et de bâtiments de bureaux sur la commune de [Localité 5]. Dans le cadre de ce marché, la société Minimax a fait appel à la société Anti-Flamme en qualité de sous-traitant et un contrat a été conclu entre ces deux entreprises le 17 octobre 2017. Un nouveau contrat de sous-traitance a été conclu entre les parties le 7 février 2018 pour un montant global de 122.808 euros TTC.
3. Conformément aux dispositions du contrat de sous-traitance et après validation par la société Minimax de la demande d’avancement faite par la société Anti-Flamme, cette dernière a mobilisé auprès du Crédit Mutuel Factoring deux factures :
– N° FC 0049 d’un montant de 55.263,60 euros émise 15 mars 2018 à échéance du 15 mai 2018′;
– N° FC 0054 d’un montant de 42.982,80 euros émise le 20 avril 2018 à échéance du 20 juin 2018.
4. Bien que Ie directeur d’agence de la société Minimax ait confirmé auprès de la société Crédit Mutuel Factoring, par un mail en date du 23 mai 2018, que le règlement des 2 factures serait honoré aux échéances prévues, les factures n’ont pas été payées. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 juin 2018, la société Crédit Mutuel Factoring a mis en demeure la société Minimax de payer la somme de 98.246,40 euros au titre desdites factures. À réception de l’assignation signifiée le 10 août 2018 à la requête de la société Crédit Mutuel Factoring, la société Minimax lui a réglé la somme de 52.500,42 euros. Elle a assigné le 20 septembre 2018 la société Anti-Flamme devant le tribunal de commerce de Vienne, lequel a, par jugement définitif du 28 février 2019, prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société Anti-Flamme et l’a condamnée à payer à la société Minimax la somme de 53.884,46 euros à titre de dommages et intérêts, outre 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La société Anti-Flamme a ensuite été placée en liquidation judiciaire.
5. Par jugement du 18 novembre 2021, dans l’instance opposant la société Crédit Mutuel Factoring à la société Minimax, le tribunal de commerce de Vienne a’:
– condamné la société Minimax à payer à la société Crédit Mutuel Factoring la somme de 45.745,98 euros en principal, majorée des intérêts au taux conventionnel de 10 % annuel à compter du 7 juin 2018, date de la première mise en demeure et ce, jusqu’au complet paiement’;
– condamné la société Minimax à payer à la société Crédit Mutuel Factoring la somme de 80 euros au titre d’une indemnité forfaitaire de recouvrement’;
– ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil’;
– condamné la société Minimax à payer à la société Crédit Mutuel Factoring la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution’;
– condamné la société Minimax aux dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile.
6. La société Minimax a interjeté appel de cette décision le 12 janvier 2022, en toutes ses dispositions, reprises dans son acte d’appel. L’instruction de cette procédure a été clôturée le 5 janvier 2023.
Prétentions et moyens de la société Minimax’:
7. Selon ses conclusions remises le 2 janvier 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1347 et suivants du code civil’:
– de la recevoir en son présent appel et l’y déclarer bien fondée’;
– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris’;
– statuant à nouveau, de juger que la créance de la société Crédit Mutuel Factoring, subrogée dans les droits de la société Anti-Flamme, s’élève à la somme de 45.745,98 euros’;
– de juger que la créance de la concluante à l’encontre de la société Anti-Flamme s’élève quant à elle à la somme de 53.884,46 euros’;
– de juger que ces deux créances réciproques et connexes et qu’il y a lieu de les compenser’;
– en conséquence, de juger qu’à l’issue de cette compensation, la créance de l’intimée est nulle’;
– ainsi, de débouter la société Crédit Mutuel Factoring de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;
– de la condamner à payer à la concluante la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelante expose’:
8. – que si le premier contrat de sous-traitance a bien été exécuté par la société Anti-Flamme, le second contrat conclu le 6 février 2018 a été exécuté partiellement, expliquant la mobilisation des sommes de 55.263,60 euros le 19 mars 2018 (45’% du montant des travaux) et de 42.982,80 euros le 20 avril 2018 (35’%) au titre des créances par l’intimée; qu’ainsi, à partir du mois d’avril 2018, la société Anti-Flamme a abandonné le chantier’; qu’un constat d’abandon a été dressé le 15 mai 2018 par huissier de justice’; que cette société a fait l’objet de nombreuses mises en demeure de reprendre les travaux, jusqu’à ce que la concluante passe commande auprès d’une entreprise tierce afin de terminer le chantier, pour 41.300 euros HT’; que le 20 septembre 2018, la concluante a ainsi entamé une procédure contre la société Anti-Flamme, ce qui a donné lieu au jugement du tribunal de commerce de Vienne du 28 février 2019 prononçant la résiliation du contrat aux torts de la société Anti-Flamme et la condamnant à payer à la concluante la somme de 53.884,46 euros à titre de dommages et intérêts, outre 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’; que ce jugement est devenu définitif’; que sur assignation de la concluante, le tribunal de commerce de Créteil a ensuite ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l’encontre de la société Anti-Flamme; que la concluante a déclaré sa créance à titre chirographaire le 19 novembre 2019′;
9. – que concomitamment, un litige est apparu entre la concluante et l’intimée, anciennement CM CIC Factor, fondant sa demande en paiement sur deux factures pour un montant cumulé de 98.246,40 euros’; que le 3 juillet 2018, la concluante a adressé à l’intimée 52.500,42 euros’;
10. – que si la concluante ne conteste pas que l’intimée est subrogée dans les droits de la société Anti-Flamme, elle est cependant en droit d’opposer toutes les exceptions inhérentes à l’obligation transmise, et notamment la compensation entre dettes connexes, ce que le jugement déféré a rejeté’; qu’ainsi, les articles 1346-1 et 1346-5 du code civil disposent d’une part que “la subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur….” et d’autre part “….. Le débiteur peut opposer au créancier subrogé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes…..”; que les exceptions sont inhérentes à la créance cédée et sont opposables quand bien même elles se manifestent plus tard, car le factor a acquis la créance avec ses qualités et ses vices’;
11. – que la connexité suppose que les dettes en présence naissent d’un même rapport de droit, c’est-à-dire soit d’un même contrat, soit à tout le moins d’un ensemble contractuel unique’; qu’en l’espèce, la créance de la concluante et celle invoquée par l’intimée sont réciproques et connexes car procédant du même contrat ou, à tout le moins, du même ensemble contractuel, puisque la créance de la concluante résulte du préjudice subi en raison de l’abandon du chantier, ce qu’a reconnu le tribunal de commerce dans l’instance concernant la société Anti-Flamme, fixant la créance de la concluante à 53.884,46 euros’;
12. – que peu importe que la créance de concluante soit postérieure à la subrogation car elle est tout de même fondée à invoquer une compensation pour dettes connexes du fait de l’existence de créances réciproques’;
13. – qu’en conséquence, la créance de l’intimée subrogée dans les droits de la société Anti-Flamme s’élevant à la somme de 45.745,98 euros, alors que celle de la concluante s’éleve à la somme de 53.884,46 euros, la compensation annule la créance de l’intimée.
Prétentions et moyens de la société Crédit Mutuel Factoring’:
14. Selon ses conclusions remises le 1er décembre 2022, elle demande à la cour, au visa de l’article 1355 du code civil’:
– de débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;
– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions’;
– de condamner l’appelante à payer à la concluante la somme de 5.000 euros, outre tous dépens de première instance et d’appel, avec faculté de recouvrement au profit de maître Franck Grimaud, avocat.
L’intimée indique’:
15. – que la subrogation conventionnelle opère un transfert immédiat de la créance du patrimoine du subrogeant dans celui du subrogé, étant précisé que ce transfert est réalisé à la date de l’inscription au crédit du compte courant du subrogeant et acquiert, dès cet instant et par ce seul fait, date certaine et opposable à tous’;
16. – qu’il n’y a en effet aucun lien entre la « qualité » de la prestation fournie et la faculté pour une société commerciale de mobiliser ses créances auprès d’un établissement financier’; qu’en l’espèce, après avoir effectué ses prestations, la société Anti-Flamme a émis deux factures et les a transmises à la concluante afin de mobiliser auprès de cette dernière les créances correspondantes’; que la concluante a crédité le compte courant du cédant, et est ainsi devenue seule titulaire des créances’; que le consentement ou l’appréciation de l’appelante sur la qualité des prestations n’est pas nécessaire pour la réalisation de la subrogation et sa validité’;
17. – que si l’appelante invoque une créance de 53.844,46 euros au titre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Vienne le 28 février 2019, la concluante a sollicité la rétractation de ce jugement’; ainsi, que si l’appelante a invoqué devant cette juridiction le paiement de 55.263,60 euros et de 42.982,80 euros au titre de l’avancement des travaux, ces sommes n’ont en réalité pas été payées’; que c’est en raison de la réalisation effective des travaux par la société Anti-Flamme que les situations ont été régulièrement émises par elle’; que si le 23 mai 2018, l’appelante a indiqué à la concluante ne procéder à aucun règlement des factures de la société Anti-Flamme, sans être sûre de la validation des situations correspondantes, la concluante avait déjà acquis et payées les créances en mars 2018 par inscription au compte courant de la société Anti-Flamme’;
18. – que le 15 mars 2018, la société Anti-Flamme a ainsi émis une facture de 55.263,60 euros au titre d’un avancement de 45’% des travaux, validé par l’appelante, qui a apposé sur la facture la mention «’bon pour paiement’» avec sa signature’; que le 20 avril 2018, une demande en paiement de 42.982,80 euros a été formulée par la société Anti-Flamme, validée de même par l’appelante’; qu’ainsi, l’appelante ne peut contester que 80’% du marché ont été réalisés, sans contestation, et qu’elle s’est reconnue débitrice de 98.246,40 euros sur un marché global de 122.808 euros, le solde de 24.561,60 euros correspondant au 20’% restant à accomplir’;
19. – que si ultérieurement l’appelante a invoqué l’exception de compensation au titre de prétendues pénalités de retard appliquées par le maître d’ouvrage, et des surcoûts liés à la location de nacelles et à l’intervention d’un sous-traitant, l’appelante a cependant payé, après son assignation, 52.500,42 euros’; qu’elle ne justifie pas du montant de sa créance incidente, puisque dans son décompte, elle a évoqué un total de 66.165,37 euros’; qu’elle ne peut ainsi opposer compensation, en raison de l’incertitude concernant le montant de cette créance qui n’est pas liquide’;
20. – que le jugement ayant fixé la créance de l’appelante à l’encontre de la société Anti-Flamme n’est pas opposable à la concluante, qui n’y a pas été partie, étant ainsi dépourvu de l’autorité de la chose jugée à l’égard de la concluante par application de l’article 1355 du code civil’; que si suite à la tierce opposition effectuée par la concluante, le tribunal de commerce de Vienne, par jugement du 11 mars 2021, n’a pas fait droit à cette demande, il a cependant indiqué que la concluante est fondée à contester la créance incidente invoquée par l’appelante du fait de l’autorité relative de la chose jugée’;
21. – que l’appelante a, en outre, été de mauvaise foi en n’ayant pas appelé la concluante dans le procès l’opposant à la société Anti-Flamme alors qu’elle savait que la concluante avait été subrogée ; qu’elle ne peut ainsi pas plus se prévaloir de la décision rendue concernant la fixation de sa créance sur cette société’;
22. – que la concluante reste ainsi recevable à contester le caractère certain, liquide et exigible de la créance invoquée par l’appelante’; que la créance invoquée n’est pas connexe, puisque l’appelante n’a pas été partie au contrat d’affacturage, alors que cette créance résulte de coûts de location de matériel non prévu au contrat la liant avec la société Anti-Flamme et d’heures de suivi de travaux postérieurs à l’intervention de cette société ; qu’il n’existe pas ainsi d’ensemble contractuel unique’;
23. – que les conditions d’une compensation légale n’étaient pas réunies antérieurement à la subrogation, alors que l’article 1346-5 du code civil impose que les exceptions opposées au créancier subrogé soient nées avant que la subrogation soit devenue opposable, que l’article 1347-7 prévoit que la compensation ne nuit pas aux droits acquis par des tiers; que la subrogation conventionnelle opère un transfert immédiat de la créance dans le patrimoine du subrogé’;
24. – que l’appelante s’est expressément reconnue débitrice des sommes dues à la concluante et ne justifie nullement des surcoûts qu’elle invoque pour échapper à ses obligations, puisqu’elle a confirmé le 23 mai 2018 qu’elle allait procéder au règlement des factures en souffrance, avant de se rétracter une semaine plus tard, le 30 mai 2018, prétendant qu’elle était contrainte d’assumer des pénalités et des coûts supplémentaires, ce dont elle s’est abstenue de justifier’; qu’elle a cependant reconnu dans son courrier du 5 juin 2018 adressé à la société Anti-Flamme que 80’% du marché avait été exécuté, sans mentionner de pénalités;
25. – que si l’appelante affirme avoir dû recourir à la société SPK Service pour terminer le chantier, pour un coût de 41.300 euros, la réalisation de 80’% du marché indique que les travaux inachevés ne peuvent représenter que 24.561,60 euros, de sorte que l’appelante ne peut invoquer ce coût des travaux de reprise’;
26. – que si l’appelante invoque la location de nacelles, le contrat conclu avec la société Anti-Flamme a prévu que la fourniture du matériel de levage était à la charge du sous-traitant et non de l’appelante’; que c’était ainsi à la société SPK Service de prendre en charge ces frais’; que si elle invoque également des frais de suivi de travaux, on ne sait pas à quoi ils correspondent, alors que rien ne justifie 283 heures passées pour trouver un sous-traitant et achever le chantier.
*****
27. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION’:
28 Selon le jugement déféré, la société Minimax a validé la demande d’avancement faite par la société Anti-Flamme en date du 19 mars 2018 correspondant à 45 % de la réalisation des travaux pour un montant de 55.263,60 euros; le même jour, la société Minimax a apposé sa signature et son tampon commercial sur la facture FC 0049 sous la mention «bon pour paiement’» pour un montant TTC de 55.263,60 euros’; la société Minimax a validé la demande d’avancement faite par la société Anti-Flamme en date du 24 avril 2018 correspondant à 35 % de la réalisation des travaux pour un montant de 42.982,80 euros et il est par ailleurs précisé sur le document dans la rubrique «commentaires éventuels’» : «cumul 80 %”’; le même jour, la société Minimax a apposé sa signature et son tampon commercial sur la facture FC 0054 sous la mention «bon pour paiement’» pour un montant TTC de 42.982,80 euros’; monsieur [Y], directeur d’agence de la société Minimax, a adressé un mail à la société Crédit Mutuel Factoring en date du 23 mai 2018, pour lui confirmer qu’il avait débloqué «2 factures en cours concernant le chantier Caudalie à [Localité 5] et que les règlements seront effectués selon les échéances prévues : fin mai et fin juin.”; la société Minimax a réglé à la société Crédit Mutuel Factoring une somme de 50.500,42 euros le 22 août 2018.
29. Le tribunal en a retiré que sur la base de ces constats, la société Crédit Mutuel Factoring a été subrogée dans les droits des créances détenues par la société Anti-Flamme sur la société Minimax, et a considéré que la somme restant due par la société Minimax à la société Crédit Mutuel Factoring est de 45.745,98 euros.
30. Il a énoncé que si pour s’opposer au paiement de sa dette, la société Minimax prétend avoir une créance certaine, liquide et exigible sur la société Anti-Flamme du fait d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Vienne en date du 28 février 2019, qui selon elle, est opposable à la société Crédit Mutuel Factoring et qu’il convient par conséquent d’ordonner la compensation des sommes dues, cependant, sur l’opposabilité du jugement rendu le 28 février 2019, l’article 1355 du code civil dispose que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles en la même qualité’; que si le jugement du 28 février 2019 a condamné la société Anti-Flamme à payer une somme de 53.884,46 euros à titre de dommages et intérêts à la société Minimax, cependant la société Crédit Mutuel Factoring n’a pas été appelée en la cause, alors que la société Minimax savait pertinemment que cette dernière avait été subrogée dans les droits de créance détenue par la société Anti-Flamme sur elle-même; qu’ainsi, la société Crédit Mutuel Factoring n’était pas partie dans la procédure ayant abouti au jugement du 28 février 2019 ; qu’en conséquence, l’article 1355 du code civil ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce dans la mesure où les parties ne sont pas les mêmes; qu’une décision de justice ne peut pas créer de droit ou prononcer des condamnations au profit ou à l’encontre de personnes qui n’étaient pas parties à l’instance et qui n’ont pu faire valoir leurs moyens; que la créance de la société Minimax sur la société Anti-Flamme, est donc inopposable à la société Crédit Mutuel Factoring’; qu’il n’y a donc pas lieu de prononcer la compensation des sommes dues’; que la société Minimax doit payer à la société Crédit Mutuel Factoring la somme de 45.745,98 euros à titre principal.
31. La cour, à l’examen des pièces déposées par les parties, confirme que l’appelante a validé la facture FC 0049 de 55.263,60 euros TTC émise par la société Anti-flamme le 15 mars 2018, avec l’apposition du visa «’bon pour paiement’», suivi de son cachet et de la signature de son représentant. Elle a, de même validé la situation d’avancement des travaux. Cette facture a été transmise à l’intimée le 16 mars 2018, avec virement de son montant au compte de la société Anti-Flamme le même jour, et celle-ci a émis une quittance subrogative concomitamment. La cour constate qu’il en est de même concernant la facture n°FC 0054 du 20 avril 2018. En outre, par courriel du 23 mai 2018, le directeur d’agence de la société Minimax a indiqué que les deux factures sont «’débloquées’», et que les règlements seront effectués fin mai et fin juin. Par courrier du 5 juin 2018, la société Minimax a précisé à la société Anti-flammes que les travaux ont été réceptionnés pour 80’% du montant du marché. Il en résulte que lors de la subrogation de l’intimée dans les droits de la société Anti-Flamme, l’appelante avait validé les factures et s’était reconnue débitrice des sommes payées par le factor.
32. Aux termes de l’article 1346-5 du code civil, le débiteur peut invoquer la subrogation dès qu’il en a connaissance mais elle ne peut lui être opposée que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. La subrogation est opposable aux tiers dès le paiement. Le débiteur peut opposer au créancier subrogé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il peut également lui opposer les exceptions nées de ses rapports avec le subrogeant avant que la subrogation lui soit devenue opposable, telles que l’octroi d’un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes.
33. En la cause, l’intimée a été subrogée de plein droit les 16 mars et 23avril 2018, et elle est devenue ainsi titulaire des deux créances de la société Anti-Flamme. L’intimée a contacté la société Minimax le 16 mai 2018 afin de faire le point sur les factures cédées par la société Anti-Flamme. Or, suite à ce courriel, l’appelante n’a, dans sa réponse du 23 mai 2018 évoquée ci-dessus, opposé aucune exception née de ses rapports avec le subrogeant, alors qu’elle avait validé les factures litigieuses les 19 mars et 24 avril 2018, sans aucune restriction. Il en résulte que l’appelante a ainsi pris acte de la subrogation le 16 mai 2018, conformément à l’article 1346-5 précité, et qu’elle n’a alors émis aucune contestation concernant le bien fondé des créances détenues par l’intimée.
34. L’effet de la subrogation est de transmettre la créance au subrogé avec ses qualités et ses vices. La subrogation se produisant au moment du paiement, les exceptions que le débiteur (en l’espèce la société Minimax), prétend opposer au subrogé (en l’espèce la sociéte d’affacturage) doivent exister antérieurement au paiement dès lors qu’elles sont tirées de ses rapports avec le subrogeant (la société Anti-Flamme). Après le paiement subrogatoire, la créance est acquise au subrogé et les causes d’extinction ou de paralysie ne peuvent venir que des rapports entre le débiteur et lui.
35. Si les exceptions provenant des rapports entre le débiteur et le subrogeant ultérieurement à la subrogation sont inopposables au subrogé, cependant, en matière de dettes connexes entre le débiteur et le subrogeant, le débiteur peut opposer au subrogé une créance connexe dont il est titulaire contre le subrogeant, même si elle est apparue postérieurement à la subrogation, pourvu qu’il s’agisse d’une exception inhérente à la dette. Il en est ainsi de l’exception d’inexécution. Il en résulte que l’appelante est bien fondée à opposer au factor les problèmes affectant la bonne réalisation des prestations confiées à la société Anti-Flamme, prestations qui ont, pour partie, donné lieu à l’émission des factures litigieuses.
36. Concernant la preuve de ces problèmes, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Vienne le 28 février 2019 n’a concerné que la société Minimax et la société Anti-Flamme, cette dernière ne comparaissant pas. L’intimée n’a pas été appelée dans cette instance, bien qu’à la date de l’assignation délivrée par la société Minimax le 19 octobre 2018, celle-ci ait eu connaissance de la subrogation de l’intimée dans les droits de la société Anti-Flamme. Selon ce jugement, la société Anti-Flamme s’est, dans un premier temps, exécutée de manière correcte, de sorte qu’elle a pu émettre les factures litigieuses, correspondant à un avancement des travaux pour 45’% et 35’% du marché. Ce n’est qu’à compter de la fin de mois d’avril 2018 que la société Minimax a dû faire face à un abandon du chantier et qu’elle a ainsi dû faire intervenir un tiers, en l’espèce la société SPK Services.
37. L’action de la société Minimax n’a pas ainsi visé les deux factures en litige dans la présente instance, mais les conséquences de l’abandon ultérieur du chantier, et la condamnation de la société Anti-Flamme, pour 53.844,46 euros, à supporter le coût de son inexécution à titre de dommages et intérêts. Selon ce jugement, cette somme a concerné la commande effectuée auprès de la société SPK Services pour 41.300 euros, le coût de locations pour 11.218,37 euros et les heures de suivi des travaux pour 13.647 euros.
38. Les prestations ayant donné lieu aux factures en litige n’ont pas ainsi été remises en cause, expliquant le fait que l’appelante les ait validées quelques jours avant les paiements subrogatoires effectués par l’intimée au profit de la société Anti-Flamme. La société Minimax ne peut ainsi invoquer une exception d’inexécution s’opposant à l’action du subrogé pour les factures en litige, puisque les prestations donnant lieu à l’émission de ces factures ont bien été exécutées.
39. Elle est par contre bien recevable à opposer l’existence d’une dette connexe résultant de l’abandon du chantier, avec celles détenues initialement par la société Anti-Flamme, ayant donné lieu aux paiements subrogatoires. En l’espèce, les créances de la société Anti-Flamme et de la société Minimax sont nées du même rapport contractuel et sont ainsi connexes. Les sommes faisant l’objet des factures litigieuses sont certaines, liquides et exigibles, et il en est de même concernant la somme due par la société Anti-flamme au titre du jugement intervenu le 28 février 2019. En l’absence d’une subrogation de l’intimée dans les droits de la société Anti-Flamme suite à l’opération d’affacturage, la société Minimax aurait été fondée à opposer la
compensation des sommes dues au titre de ces factures, avec la somme mise
à la charge de la société Anti-Flamme par le tribunal au titre des travaux rendus nécessaires par l’abandon du chantier. Le compte aurait été effectué entre les parties.
40. Il a été cependant indiqué plus haut que le jugement du 28 février 2019 a été rendu en l’absence de l’intimée, bien que la société Minimax connaissait la subrogation du factor dans les droits de la société Anti-Flamme. Or, selon l’article 1355 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. Il en résulte que ce jugement, reconnaissant les droits de la société Minimax, n’a pas autorité de la chose jugée à l’égard de l’intimée, d’autant que sa tierce opposition a été rejetée. Il ne peut créer de droits au profit de l’appelante à son égard, ni créer d’obligations à l’encontre du factor. Intrinsèquement, ce jugement ne permet pas de constater, à l’égard de l’intimée, l’existence d’une dette connexe opposable par la société Minimax.
41. Il convient en conséquence de vérifier, par l’examen des autres pièces produites par les parties, si la société Anti-Flamme a manqué à ses obligations contractuelles en abandonnant le chantier, dont les conséquences de l’inexécution créent une créance connexe au profit de la société Minimax, compensable avec les créances ayant donné lieu à subrogation.
42. A ce titre, la cour constate que la société Minimax ne produit aucune pièce contractuelle concernant les travaux confiés à la société Anti-Flamme. Il est ainsi impossible de déterminer si ces travaux ont été réalisés ou non, et en cas d’abandon du chantier, ce qui est resté inexécuté. En outre, l’appelante ne produit aucune pièce concernant le recours à une entreprise tierce pour terminer le chantier sous-traité. Elle ne justifie pas ainsi d’une créance certaine à l’encontre de la société Anti-Flamme dans le cadre de la présente instance, opposable au factor.
43. Il en résulte que le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour. Succombant en son appel, la société Minimax sera condamnée à payer à l’intimée la somme complémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1355 et 1346-5 du code civil ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant’;
Condamne la société Minimax à payer à la société Crédit Mutuel Factoring la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne la société Minimax aux dépens, avec distraction au profit de maître Franck Grimaud, avocat’;
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente