Location de matériel : 29 mars 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 18/00683

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Location de matériel : 29 mars 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 18/00683
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29 mars 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
18/00683

ARRÊT N°23/

SP

R.G : N° RG 18/00683 – N° Portalis DBWB-V-B7C-FAJD

S.A. ACCESS SCAFF

C/

[R]

S.A.R.L. STMC

S.A. PRUDENCE CREOLE

S.N.C. TOUCAN LOC 20

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 29 MARS 2023

Chambre commerciale

Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT DENIS en date du 19 MARS 2018 suivant déclaration d’appel en date du 03 MAI 2018 RG n° 2017005320

APPELANTE :

S.A. ACCESS SCAFF

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

Monsieur [M] [F] [R]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.R.L. STMC

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A. PRUDENCE CREOLE

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.N.C. TOUCAN LOC 20

[Adresse 1]

[Localité 7]

DATE DE CLÔTURE : 15/11/2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 novembre 2022 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 22 février 2023 prorogé par avis au 29 mars 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 29 mars 2023.

* * *

LA COUR

Pour les besoins de son activité et dans le cadre des opérations de défiscalisation outre-mer, la SARL STMC représentée par son gérant, M. [M] [F] [R], a pris à bail auprès de la SNC Toucan Loc 20 une nacelle télescopique acquise auprès de la SAS Access Scaff, exerçant sous le nom commercial « Anzamberger » moyennant un loyer mensuel de 863,13 euros HT.

Le matériel a été livré le 13 décembre 2012 et, dès le début de l’année 2013, a présenté des dysfonctionnements qui l’ont amenée à le retourner auprès du fournisseur.

Après réparations, un incident s’est produit sur un chantier, le bras de la nacelle étant venu heurter le toit de l’usine, alors qu’un technicien s’y trouvait. Celui-ci a pu sauter de la nacelle avant l’impact mais le matériel n’a plus été utilisé.

L’assureur de la société STMC, la SA Prudence Créole (l’assureur), a missionné un expert qui a conclu à un défaut de fabrication.

Par ordonnance de référé en date du 9 septembre 2015, un expert a été désigné à la demande de la société STMC. Celui-ci a conclu à une faute professionnelle de la société Access Scaff.

Par actes d’huissier en date du 3 mai 2017, la société STMC et M. [R] ont fait assigner la SAS Access Scaff, la SA Prudence Créole et la SCN Toucan Loc 20 devant le tribunal mixte de commerce de [Localité 10] aux fins de condamnation :

-de la société Access Scaff à lui payer les sommes de 89.425,87 euros au titre des dommages matériels, 46.141,45 euros au titre des frais de location, 25.465,32 euros au titre du préjudice financier, 8.170,05 euros au titre de la perte de chiffre d’affaires, et ce, avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation, ainsi que la somme de 30.000 euros au titre du préjudice moral de M. [R]

-de l’assureur de la société Access Scaff à lui payer la somme de 169.202,69 euros ainsi que les intérêts moratoires sur la base de l’indemnité d’assurance due à compter du 18 mars 2015

-à lui verser une indemnité de procédure de 7.000 euros.

La société Access Scaff a conclu au débouté des prétentions de la société STMC et son gérant et sollicité une indemnité de procédure de 7.000 euros, outre l’exécution provisoire de la décision.

La société Prudence Créole a soulevé l’irrecevabilité de la demande du locataire, le propriétaire de la nacelle étant la société Toucan Loc 20 jusqu’à la levée de l’option. Au fond, elle a conclu au débouté des prétentions formées à son encontre, à défaut, l’application de la franchise contractuelle de 4.835 euros. Subsidiairement, elle a sollicité une expertise complémentaire pour évaluer la valeur de sauvetage. En tout état de cause, elle a demandé l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.500 euros.

La SNC Toucan Loc 20 n’a pas comparu et ne s’est pas faite représentée.

C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 19 mars 2018, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a :

-déclaré la SARL STMC recevable en sa demande

-condamné la SA Access Scaff à lui payer les sommes suivantes :

.135.567,32 euros au titre des dommages matériels et des frais de location

.3.319,69 euros au titre des honoraires de l’expert judiciaire

.5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

-débouté la SARL STMC du surplus de sa demande formulée à l’encontre de la SA Access Scaff

-débouté M. [R] de sa demande formulée à l’encontre de la SA Access Scaff

-dit que la garantie du contrat d’assurance Bris de machines souscrit auprès de la compagnie Prudence Créole est acquise

Avant dire droit sur son montant

-invité la compagnie d’assurance Prudence Créole à produire le rapport d’expertise établi par le cabinet Polyexpert

-renvoyé la cause et les débats à l’audience du l2 mai 2018 à 9 heures

-réservé les dépens.

Par déclaration au greffe en date du 3 mai 2018, la société Access Scaff a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt avant dire droit du 7 avril 2021, la cour a ordonné la révocation de l’ordonnance.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mai 2021, la société Access Scaff demande à la cour de :

-recevoir en son appel partiel la société Access Scaff

-infirmer le jugement entrepris en ses seules dispositions ayant, d’une part, jugé que la société Access Scaff serait responsable des désordres constatés sur la nacelle litigieuse et, d’autre part, l’ayant condamnée à payer à la société STMC au titre des conséquences dommageables les sommes de 135.567,32 euros au titre des dommages matériels et des frais de location, 3.319,69 euros au titre des honoraires de l’expert judiciaire et celle de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau

-débouter la société STMC de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre la société Access Scaff

-confirmer le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions

-condamner la société STMC au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 juin 2021, la société STMC et M. [R] demandent à la cour, au visa des articles 1147, 1153, 1315 du code civil et L121-1 et suivants du code des assurances, de :

-confirmer le jugement entrepris

En conséquence

-juger que la que la société Access Scaff est responsable des dommages survenus sur la nacelle appartenant à la société STMC

-juger que la compagnie Prudence Créole a garanti les dommages subis sur la nacelle au titre de la garantie « bris de machine »

-juger qu’un protocole d’accord est intervenu entre la société Prudence Créole et la société STMC

En conséquence

-juger que la demande indemnitaire formée par la société STMC à l’encontre de la société Prudence Créole n’a plus d’objet

-juger que la société Access Scaff devra être condamnée à payer à la société STMC le montant résiduel qui restera à sa charge compte tenu des sommes qui ont réglées par la compagnie Prudence Créole à savoir la somme de 82.795,14 euros au titre du préjudice matériel subi et des frais de location

Et en tout état de cause

-débouter la société Access Scaff de toutes ses demandes à l’encontre de la concluante

-condamner la société Access Scaff à payer à la société STMC et à M. [R] la somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire et ceux de première instance.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 mars 2021, la société Prudence Créole demande à la cour, au visa du protocole signé entre les sociétés Prudence Créole et STMC, de :

-donner acte à la compagnie Prudence Créole de l’accord intervenu et de l’indemnisation accepté par la société STMC sur le préjudice qu’elle revendiquait

-voir déclarer en conséquence sans objet les demandes et par voie de conséquence de l’appel de la société Access Scaff

-voir mettre hors de cause la Cie d’assurance Prudence Créole

Très subsidiairement

-voir infirmer la décision frappée d’appel en toutes ses dispositions

-voir dire et juger que la demande de la société STMC tendant à obtenir une indemnité correspondant au remplacement à neuf d’une machine dont elle est la locataire est irrecevable eu égard au contenu contrat de location et au contrat d’assurances prévoyant que l’indemnité revient au propriétaire avec délégation au profit du prêteur

-voir en tout état de cause rejeter toute demande vis-a-vis de la Prudence Créole

-subsidiairement, voir limiter le montant contractuellement due vis-à-vis de la Cie d’assurances la Prudence Créole à la somme de 13.118,17 euros

-voir condamner les autres parties appelants et intimés à verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Toucan Loc 20, à laquelle la déclaration d’appel et les conclusions d’appelante ont été signifiées suivant acte en date du 27 août 2018 (remise à la personne morale) n’a pas constitué avocat.

Par arrêt avant dire droit en date du 21 septembre 2022, la cour a ordonné la réouverture des débats afin d’inviter la SA Prudence Créole à déposer les pièces manquantes ou incomplètes figurant au bordereau des pièces communiquées annexé à ses dernières conclusions, à savoir les pièces numérotées 1, 2 et 6 et renvoyé l’affaire à l’audience rapporteur du 2 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2021. Le prononcé de l’arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 22 février 2023 prorogé au 29 mars 2023.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire

D’une part, il y a lieu de préciser qu’il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l’obligation dans la mesure où les contrats liant les parties ont été conclus avant l’entrée en vigueur de la réforme.

D’autre part, le jugement déféré doit être d’ores et déjà confirmé en ce qu’il a débouté la société STMC et M. [R] de leur demandes en paiement au titre du préjudice financier et de la perte de chiffre d’affaires subis par la société STMC et au titre du préjudice moral subi par M. [R], ces dispositions n’étant pas discutées en cause d’appel par les intéressés.

Enfin, il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’ ou encore ‘considérer que’ voire ‘dire et juger que’ et la cour n’a dès lors pas à y répondre.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d’agir

L’assureur soutient que la société STMC n’est que locataire de la nacelle litigieuse car seul le propriétaire, la société Toucan Loc 20, peut demander le prix de la machine objet du sinistre et ce, sous réserve des droits du délégataire (la société SOFIDER) qui n’est pas dans la cause.

La société STMC et M. [R] font valoir que selon le contrat de location de matériel signé avec la société Toucan Loc 20 :

-le locataire est seul responsable de toute perte ou dommage du matériel quelqu’en soit la cause, sauf usure normale

-dans tous les cas et pendant toute la durée de la location, le locataire fait son affaire personnelle de tout recours contre le fournisseur et ce pour quelque cause que ce soit

-le loueur est expressément dispensé d’exercer un recours quelconque à l’encontre d’un tiers pour la perte ou le dommage causé au matériel ou pour la privation totale ou partielle de son usage infligé au locataire

et en déduisent que la société STMC en sa qualité de locataire est fondée à demander la condamnation de la société Access Scaff, son fournisseur, à lui verser 89.425,87 euros en réparation de son préjudice matériel.

Sur quoi,

Il résulte des dispositions des articles 122 et suivant du code procédure civile que ‘constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée’.

Selon l’article 31 du code de procédure civile que ‘l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.’

L’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action. Il doit être né et actuel au jour où l’action est exercée, indépendamment des événements postérieurs. Il doit également être légitime, personnel (‘Nul ne plaide par procureur’) et direct. Il s’apprécie au jour de l’introduction de la demande.

En l’espèce, suivant CONTRAT DE LOCATION DE MATERIEL N° R12-0023 en date du 17 décembre 2012, la SNC Toucan Loc 20 a donné en location à la SARL STMC une nacelle télescopique double bras DT 24 montée sur chassis Renault Maxity d’une valeur de 96.350 euros dans le cadre de l’aide fiscale aux investissement réalisés dans les départements et territoires d’outre-mer codifié à l’article 199 undecies B du code général de impôts, pour une durée de 60 mois à compter de la signature par le locataire du procès-verbal de livraison indiquant le jour et le lieu de mise à disposition du matériel, soit au plus tard le 31 décembre 2012, moyennant un loyer de 863,13 euros HT hors assurances.

Il est stipulé à l’ARTICLE 3 : MISE A DISPOSITION que :

« Le LOCATAIRE reconnaît qu’il a lui-même choisi le MATERIEL auprès de ses propres constructeurs et/ou fournisseurs (le FOURNISSEUR) et a convenu, avec lui des dates de livraison.

En conséquence, le LOUEUR ne supportera aucune responsabilité quant à ces choix, à raison de sa conception, de son état, de sa conformité, de son fonctionnement ou encore de sa correspondance à ses propres besoins. »

Il est précisé à l’ARTICLE 8 : LIVRAISON ‘ PAIEMENT DU MATERIEL que « Dans tous les cas, et pendant toute la durée de la location, le LOCATAIRE fait son affaire personnelle de tout recours contre son FOURNISSEUR, et ce, pour quelque cause que ce soit, notamment annulation de la commande, récupération des acomptes versés s’il y a lieu, mise en jeu des garanties légales et/ou conventionnelles, ainsi que de toute conséquences pécuniaires. »

Il est encore indiqué à l’ARTICLE 10 : UTILISATION, ENTRETIEN ET EVOLUTION DU MATERIEL que « le LOCATAIRE décharge expressément le LOUEUR de toute obligation de garantie contre tous les vices, même caché » et à l’ARTICLE 12 : PERTE OU DOMMAGE que « Jusqu’à reprise effective du MATERIEL par le LOUEUR, le LOCATAIRE est seul responsable de toute perte ou dommage du MATERIEL quelle qu’en soit la cause (sauf usure normale) et doit indemniser le LOUEUR dans les conditions fixées si-après.

Le LOUEUR est expressément dispensé d’exercer un recours quelconque à l’encontre d’un tiers pour la perte ou le dommage causé au MATEIRLE ou pour la privation totale ou partielle de son usage infligé au LOCATAIRE.

(‘)

Le LOCATAIRE garantit le LOUEUR contre toutes actions introduites ou procédures entamées contre celle-ci pour des dommages corporels ou matériels résultant de l’usage du MATERIEL. »

Il est également stipulé au PROCES VERBAL DE LIVRAISON établi le 17 décembre 2012 que « par dérogation aux articles 1717 et suivants du code civil, décharge le Loueur des obligations d’entretien et de garantie ; en conséquence, il exercera directement et à ses frais contre le Fournisseur, qui accepte pour toute la durée de location, les actions et recours en garantie de l’acheteur. « 

Il résulte de ce qui précède que la société STMC a un intérêt légitime, né et actuel à agir et a également qualité à agir dans cette instance, conformément au contrat de location.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a déclaré la SARL STMC recevable en sa demande.

Sur la responsabilité de la société Access Scaff

La société Access Scaff soutient en substance que rien ne justifie la mise en jeu de sa responsabilité. En effet, l’expert est resté particulièrement dubitatif sur les causes du dysfonctionnement de la nacelle : si l’analyse de l’huile démontre la présence de limaille, il n’émet que des hypothèses sur la présence de cette limaille et n’indique pas qu’elle soit à l’origine des désordres allégués par la société STMC. Elle considère que rien ne permet d’établir qu’elle soit intervenue « en direct » au niveau du bloc hydraulique. Elle ajoute que 6 mois avant l’incident survenu le 2 juillet 2014, la nacelle litigieuse était en parfait état de fonctionnement (le 11 novembre 2013, un contrôle de la nacelle effectué par la SOCOTEC n’a révélé aucune anomalie) et que le 30 octobre 2013 elle a constaté une utilisation anormale de la nacelle (« blessures » des flexibles au niveau de la jonction des deux bras).

En conclusion, elle estime que c’est pendant les 7 mois d’exploitation de la nacelle compris entre le moment où la SOCOTEC a fait les contrôles et le jour de l’incident qu’il faut rechercher les causes du dommages.

La société Access Scaff ne verse aux débats qu’une seule pièce, à savoir, le bon de réception du 30 octobre 2013 dans lequel était indiqué, notamment, des « Flexi blessures jonction des 2 bras ».

Selon la société STMC et M. [R], la société Access Scaff a commis une faute résultant d’un manquement à l’obligation de résultat lui incombant engageant sa responsabilité : elle n’a pas procédé pas au contrôle du bloc hydraulique ou à une recherche de panne. Ils font valoir pour l’essentiel que :

-le remplacement du bloc hydraulique par la société Access Scaff ou l’absence de nettoyage complet du circuit hydraulique sont directement liés à l’intervention de cette dernière et ce, même si une défaillance d’origine existait lors de cette intervention

-la présence d’impuretés était déjà existante lors de la dernière intervention de la société Access Scaff ou est directement liée à l’intervention de la société, lors du remplacement hydraulique.

Sur quoi,

Il résulte de dispositions de l’article 1142 (ancien) du code civil que ‘Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur.’

Et plus généralement, aux termes de l’article 1147 (ancien) du même code civil:

‘Le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’ait aucune mauvaise fois de sa part.’

Les conditions de fond de la responsabilité contractuelle sont : une défaillance contractuelle, un dommage prévisible et un lien de causalité entre les deux.

Les causes exonératoires de responsabilité, outre l’absence de faute et/ou de dommage et/ou de lien de causalité entre la faute et le dommage, sont la force majeure, la faute de la victime ou le fait d’un tiers.

En l’espèce, comme le relève à juste titre les premiers juges, il est constant que :

-le 13 décembre 2012, la SARL STMC a pris livraison d’une nacelle sur porteur, louée à la SNC Toucan Loc 20, suivant contrat de location du 17 décembre 2012 (procès-verbal de livraison du 17 décembre 2012)

-le matériel a fait l’objet de réparations à quatre reprises en 2013 effectuées par le vendeur (les 26 mars, 27 avril, 16 octobre et 30 octobre), la SA Access Scaff, lequel a, fin mars 2013, fait remplacer le bloc hydraulique par un sous-traitant

-la dernière intervention de la société Access Scaff a été réalisée le 30 octobre 2013

-malgré un contrôle réalisé le 11 novembre par SOCOTEC, le 7 mai 2014, la nacelle a présenté de tels dysfonctionnements qu’il a fallu la ramener chez le vendeur 

-un rapport d’incident a été effectué le 2 juillet 2014 :

Le mercredi 7 mai 2014 « la nacelle était en position de travail pour des travaux de réfection de la cheminée du laveur de l’atelier sucre …le panier de la nacelle était situé à 20 m de haut environ ‘ quand le moteur s’est brusquement arrêté de fonctionner. Au redémarrage du moteur par l’opérateur, le second bras s’est mis brusquement à monter rapidement pour atteindre presque la verticale. A ce moment là, les organes de commande ne réagissant plus, l’opérateur a appuyé immédiatement sur le bouton d’arrêt d’urgence pour couper le moteur hydraulique et mettre en sécurité la nacelle suivant le protocole.

Le bras est redescendu progressivement à une vitesse rapide et anormale et l’opérateur s’étant agrippé à l’échelle à crinolines située le long de la cheminée du laveur, réussit à quitter le panier. Le bras continua sa descente et celle-ci fut stoppée par le toit de l’usine.

L’utilisation de la PPM de Sucrière de la réunion fut indispensable pour rentrer progressivement les bras afin de pouvoir ranger la nacelle.

Celle-ci était reconduite chez le revendeur et est actuellement en attente de résultats d’expertise.

ANTECEDENTS : A plusieurs reprises par le passé, la nacelle s’était déjà mise en « position de sécurité » sans conséquences. Les investigations n’ont pas décelé de problèmes particuliers liés au fonctionnement des organes de sécurité de la machine.

D’autre part, le contrôle réglementaire de l’engin, n’a pas mis en évidence des anomalies ou des défectuosités. »

-le sinistre a été déclaré auprès de la compagnie Prudence Créole le 8 juillet 2014 qui a mandaté M. [V] du cabinet d’expertise Polyexpert.

Aux termes du rapport d’expertise de l’assureur de la société STMC, daté du 31 octobre 2014, tenue dans les locaux de la société Access Scaff en présence de M. [Z] [R], technicien et M. [I], commercial de la société Access Scaff et de M. [F] [R], représentant de la société STMC, le 4 août 2014, à l’analyse des responsabilités, il a été répondu : « Indéterminé en l’état », l’expert a fait les observations suivantes : « En l’état des éléments portés à ma connaissance, les désordres rencontrés relèvent de la garantie du constructeur de la machine CELA » et a conclut : « Compte tenu de ce qui précède, je vous dépose mon rapport en l’état pour un classement sans suite. »

Dans un courrier daté du 6 août 2014 adressé à la société Azemberger, Polyexpert indique :

« J’ai pris note des premières constatations effectuées par votre technicien M. [R], qui orienterait l’origine du dysfonctionnement sur une fuite du vérin de pivot de la nacelle.

Le dysfonctionnement ne semblant pas relever d’un défaut d’entretien ou de l’usure normale du matériel âgé de moins de 2 ans, je vous recommande, en votre qualité de revendeur et représentant de la marque, de déclarer ce sinistre auprès du fabricant : CELA.

Il appartient à CELA de se positionner sur les procédures de tests, diagnostic panne et réparations à entreprendre dans le cadre de la garantie constructeur. »

S’agissant de la description des désordres et dysfonctionnement affectant le matériel, l’expert judiciaire, M. [P], indique :

« Selon les dires des parties et les pièces communiquées, le bloc hydraulique a été remplacé car la machine avait des dysfonctionnements importants en mars 2013.

Le remplacement de ce bloc implique une ouverture du circuit d’huile hydraulique, et donc la possibilité de laisser entrer des impuretés dans ce circuit.

L’autre possibilité est que ces impuretés datent de la construction de la machine, les nombreuses pannes de fonctionnement permettent cette hypothèse aussi.

S’agissant de la détermination de l’origine des désordres, M. [P] écrit :

« En tout état de cause, l’origine des dysfonctionnement a son origine dans le transport d’impuretés dans le liquide hydraulique.

Compte tenu du peu d’heures de fonctionnement, STMC ne peut pas être tenue responsable de ces dommages, les entretiens ont tous été réalisés par ANZEMBERGER puis par son successeur ACCESS SCAFF.

Si ANZEMBERGER et son successeur ACCESS SCAFF avaient réalisé une recherche de panne lors du remplacement du bloc hydraulique, nous aurions pu affirmer ou non que l’origine des dysfonctionnement existait AVANT la vente.

Pour nous, le remplacement du bloc hydraulique, sans prendre de mesure conservatoire vis-à-vis du constructeur et de l’utilisateur, peut être considéré comme une faute professionnelle, amenant une obligation de résultat NON REMPLIE.

Les résultats des deux analyses du fluide hydraulique, nous montre respectivement ; dans la première, (annexe N°25) un lubrifiant conforme aux données du constructeur ; et dans le second, pris près du filtre, des dépôts essentiellement métalliques, donc issus du grippage des pistons ; les traces de sédiments participent à une pollution abrasive.

Comme nous l’avions annoncé avant la réalisation des analyses, rien ne nous permet d’imputer ces pollutions.

Aujourd’hui nous en pouvons qu’émettre des hypothèses allant du vice caché, défaut existant avant la vente, à l’obligation de résultat non remplie par les intervenants ANZEMBERGER et ACCESS SCAFF.

Les travaux propres à remédier aux désordres selon l’expert consiste à remplacer des deux vérins complets de nacelle, plus les quatre vérins de stabilité et les durites haute pression qui ne sont pas nettoyables, nettoyer le bloc hydraulique et les canalisations rigides, remplacer l’huile et des filtres de ce circuit, nettoyer la bâche à huile et contrôler s’il n’y a pas de dépôts de soudures qui se détachent, chiffrés comme suit :

-coût total des réparations 74.603 euros (dépasse la valeur de l’ensemble)

-remplacement de la nacelle par une neuve : 80.800 euros hors frais d’approche et 89.425,87 euros frais d’approche compris

-VRADE de cet ensemble estimé à 60.320 euros.

Il est constant que :

-tant aux termes du rapport d’expertise amiable du 31 octobre 2014, que du courrier du 6 août 2014, il n’a été relevé aucun défaut d’entretien à l’encontre de la société STMC

-pour l’expert judiciaire, l’origine des dysfonctionnements a son origine dans le transport d’impuretés dans le liquide hydraulique dont la société STMC ne peut être tenue pour responsable compte tenu du peu d’heures de fonctionnement du matériel, l’expert relevant en outre que les entretiens ont tous été réalisés par Anzemberger puis par son successeur Access Scaff.

Il s’en suit que la responsabilité de la société STMC ne peut être engagée.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que la SARL STMC ne saurait être tenue responsable même en partie des dommages, ayant satisfait à son obligation d’entretien, l’expert n’ayant, par ailleurs, relevé aucune anomalie dans l’utilisation de cette machine.

S’agissant de la responsabilité de la société Access Scaff, pour l’expert judiciaire, les dysfonctionnements trouvent leur origine dans le transport d’impuretés dans le liquide hydraulique qu’il explique par deux hypothèses : soit des impuretés sont entrées dans le circuit lors du remplacement du bloc hydraulique, soit ces impuretés datent de la construction de la machine.

Pour autant l’expert estime que la société Access Scaff a commis une faute, à savoir, avoir procédé (ou fait procéder) au remplacement du bloc hydraulique, sans prendre de mesure conservatoire vis-à-vis du constructeur et de l’utilisateur.

Ainsi, si la société Access Scaff avait correctement rempli son obligation de résultat, soit elle aurait dû s’apercevoir de la présence d’impureté (et se retourner vers le constructeur), soit elle a elle-même (ou son sous-traitant dont elle répond) laissé passer des impuretés, impuretés à l’origine des désordres.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la SA ACCESS SCAFF avait failli à son obligation de résultat et devait répondre des conséquences dommageables de sa faute.

Sur l’indemnisation des préjudices subis

La société STMC et M. [R] soutiennent en substance que la société STMC a la qualité de souscripteur du contrat « Bris de machine » et également la qualité d’assuré qui est présumée. Ils ajoutent qu’est versée aux débats l’attestation de fin de prêt délivrée par la SOFIDER ainsi que le contrat de vente opérant le transfert de propriété entre la société STMC et la société Toucan Loc 20.

Ils font valoir que si la transaction passée entre la société STMC et l’assureur met fin aux demandes formées à l’encontre de cet assureur, elle ne met pas fin aux demandes formées à l’encontre de la société Access Scaff qui demeure responsable des préjudices subis et qui devra l’indemniser, déduction faite de l’indemnité de l’assureur.

S’agissant des dommages matériels directs, ils retiennent l’estimation du coût de remplacement de l’expert judiciaire, à savoir 89.425,87 euros, frais d’approche compris, la nacelle étant économiquement non réparable, le montant des réparations excédant le coût de remplacement du véhicule.

S’agissant des frais de location engendrés par les pannes successives de la nacelle la contraignant à louer des nacelles afin de pouvoir continuer son activité, ils les chiffrent à la somme de 46.141,45 euros.

Sur le montant réclamé à la société Access Scaff après régularisation, ils retiennent les postes et sommes suivantes :

Au titre de la garantie de l’assureur au titre du contrat « Bris de machine » :

-la valeur de la nacelle retenue par l’expert judiciaire + 57.084,00 €

-la valeur du porteur fixé par l’expert d’assurance + 30.000,00 €

-les frais de démontage et de remise en état + 9.100,00 €

-la valeur de sauvetage – 19.000,00 €

-la franchise contractuelle – 4.835,00 €

72.349,00 €

Montant réclamé à la société Access Scaff après régularisation de la transaction :

-indemnité versée par l’assureur – 52.772,18 €

-préjudice matériel et frais de location + 135.567,32 €

Soit la somme de 82.795,14 €

La société Access Scaff fait valoir pour l’essentiel que rien de permet d’établir sa responsabilité et qu’en tout état de cause, les demandes indemnitaires formulées par la société STMC sont abyssales et ne reposent que sur des affirmations péremptoires.

En l’espèce, suivant acte sous signature privée dénommé « PROTOCOLE D’ACCORD VALANT TRANSACTION ‘ ARTICLE 2044 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL » conclu entre la SA La Prudence Créole et la SARL STMC, non daté mais signé par les parties et portant les mentions manuscrites « Lu et approuvé Bon pour accord sans réserves » dont l’objet est de déterminer le montant de l’indemnité versée par l’assureur à l’assuré au titre de la mise en jeu du contrat Bris de Machines, à savoir la somme de 52.772,18 euros se décomposant comme suit, étant précisé que la société STMC a fait le choix de conserver l’épave de l’ensemble camion + nacelle :

-valeur de remplacement à dire d’expert (VRADE) 60.320,00€

-valeur résiduelle ou de sauvetage – 19.000,00€

-frais de démontage et de remise en état du porteur suivant devis AER + 11.452,18€

la société STMC s’engageant, sous réserve du paiement effectif de l’indemnité transactionnelle, de renoncer à toute instance ou action, à quelque titre que ce soit, devant quelque juridiction que ce soit, liée au litige à l’encontre de la compagnie d’assurance Prudence Créole.

La société STMC verse aux débats, outre les rapports d’expertises amiables et judiciaire, notamment :

-(dommages matériels directs) un devis établi par la SAS OMT Réunion du 7 décembre 2016 expliquant qu’elle a été contrainte de procéder à l’achat d’une nouvelle nacelle pour les besoins de son activité principale (pièce n°16) selon l’expert, la nacelle est « économiquement non réparable » d’un montant de 8.599,01 euros HT, soit 8.625,87 euros TTC

-(frais de location engendrés par les pannes successives de la nacelle) le dire à expert n°2 du 12 août 2016 (pièce n°17) et les factures de location (pièces n°18) pour un total de 46.141,45 euros

-valeur de la nacelle évaluée par l’expert judiciaire à hauteur de 57.084 euros + valeur du porteur fixée par l’expert d’assurance

-frais de démontage et de remise en état d’un montant de 9.100€ : devis établi par l’entreprise PRO VAN SYSTEME le 3 septembre 2018 (pièce n°28).

En l’état, la cour constate que :

-la société STMC ne remet pas en cause la somme retenue par les premiers juges pour les préjudices matériels, à savoir la somme de 135.567,32 euros

-la société STMC ne sollicite plus l’indemnisation, ni de la perte de chiffre d’affaires, ni de son préjudice financier

-la société STMC se bornent donc à déduire de la somme qui lui a été accordée par l’assureur, soit la somme de 52.772,14 euros.

Il résulte des éléments produits au dossier que le préjudice matériel est établi ainsi que le lien de causalité avec la faute retenue à l’encontre de la société Access Scaff.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a condamné la SA Access Scaff à payer à la SARL STMC la somme de 135.567,32 euros au titre des dommages matériels et des frais de location et, statuant à nouveau, compte tenu du protocole d’accord intervenu entre la société STMC et la compagnie d’assurance Prudence Créole, de condamner la SA Access Scaff à payer à la SARL STMC la somme de 82.795,14 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Access Scaff succombant, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel.

L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la société STMC, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 3.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile :

CONFIRME le jugement rendu le 19 mars 2018 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion sauf en ce qu’il a condamné la SA Access Scaff à payer à la SARL STMC la somme de 135.567,32 euros au titre des dommages matériels et des frais de location ;

Statuant sur le seul chef infirmé

CONDAMNE la SA Access Scaff à payer à la SARL STMC la somme de 82.795,14 euros au titre des dommages matériels et des frais de location ;

Y ajoutant

DEBOUTE la SA Access Scaff de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SA Access Scaff à payer à la SARL STMC la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel, en ce qui compris les frais d’expertise judiciaire de première instance.

Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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