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27 mars 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
21/00298
COUR D’APPEL
D’ANGERS
1ERE CHAMBRE SECTION B
CM/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 21/00298 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EYU5
Jugement du 29 Octobre 2020
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du MANS
n° d’inscription au RG de première instance 19/00565
ARRET DU 27 MARS 2023
APPELANT :
M. [O] [E]
né le 22 Septembre 1979 à [Localité 14]
[Adresse 15]
[Localité 13]
Représenté par Me Christian NOTTE-FORZY, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 00082250
INTIMEE :
Mme [N] [U]
née le 13 Septembre 1979 à [Localité 14]
[Adresse 8]
[Localité 7]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/002523 du 25/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)
Représentée par Me Isabelle BERTHELOT de la SELARL H2C, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 20210070
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue en chambre du conseil à l’audience du 17 Octobre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme MICHELOD, présidente de chambre, qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme COURTADE, présidente de chambre
Mme MICHELOD, présidente de chambre
Mme PARINGAUX, conseillère
Greffière lors des débats : Mme BOUNABI
ARRET : contradictoire
Prononcé en chambre du conseil le 27 mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [N] [U] et M. [O] [E] ont vécu maritalement jusqu’au 20 mai 2016 et de leur union est issu l’enfant, [W] [E] le 22 juin 2015.
Durant leur vie commune et précisément le 10 octobre 2008, ils ont acquis indivisément un bien immobilier situé commune de [Localité 13] dans la Sarthe au [Adresse 15] figurant au cadastre sous les références section b n° [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], chacun pour moitié moyennant le prix de 75 000 euros.
Cette acquisition et les travaux de restauration du bien en cause ont été financés à l’aide de deux emprunts souscrits par le couple le 7 octobre 2008 auprès de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 12], l’un à échéance du 5 octobre 2025 l’autre le 15 juillet 2026.
Par acte d’huissier délivré le 8 février 2019, Mme [U] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire du Mans en vue de voir ordonner au visa de l’article 815 du code civil l’ouverture des opérations de liquidation partage de l’indivision et la désignation de Maître [T], notaire à [Localité 12], pour y procéder.
Aux termes d’un jugement rendu le 29 octobre 2020, le juge aux affaires familiales du Mans a :
ordonné l’ouverture des opérations de comptes-liquidation-partage de l’indivision existant entre les consorts [U]/ [E]
désigné maître [L] [T], notaire à [Localité 12], pour procéder à ces opérations
commis le juge aux affaires familiales en charge du contentieux des liquidations partage des régimes matrimoniaux au sein de la chambre 2 afin de surveiller les opérations de liquidation partage
dit qu’en cas d’empêchement le notaire et le magistrat commis pour être remplacés par simple ordonnance rendue sur requête
dit qu’à compter du jour de la notification du présent jugement au notaire il disposera d’un délai de douze mois pour dresser un état liquidatif à partir des demandes que les parties lui soumettront
dit qu’en cas de désaccord il dressera au plus tard à l’issue de ce délai un procès-verbal énumérant précisément et point par point les différentes contestations soulevées
dit que le procès-verbal auquel sera annexé le projet d’état liquidatif sera remis à chacune des parties
dit qu’il appartiendra alors à la partie la plus diligente de saisir le tribunal pour qu’il soit statué sur les difficultés consignées
dit qu’en cas d’établissement d’un simple procès-verbal de carence, la saisine du tribunal ne pourra se faire que par voie d’assignation
rappelé que si le notaire commis se heurte à l’inertie d’un indivisaire il peut le mettre en demeure. par acte extra-judiciaire, de se faire représenter par application des dispositions de l’article 841-1 du code civil. Faute d’avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu’à la réalisation complète des opérations
dit que le notaire pourra d’initiative interroger le FICOBA sur la base de la présente décision
condamné M. [E] à régler à l’indivision une indemnité d’occupation mensuelle de 355 euros du 20 mai 2016 jusqu’à la date du partage au titre de la jouissance de la maison d’habitation située à [Localité 13], [Adresse 15], cadastré section b n° [Cadastre 2].[Cadastre 3].[Cadastre 4].[Cadastre 5]. [Cadastre 6].[Cadastre 9].[Cadastre 10].[Cadastre 11]
débouté M. [E] de sa demande portant sur la créance de travaux
dit qu’il devra être tenu compte dans les comptes de liquidation de l’apport fait par Mme [U] lors de l’acquisition du bien immobilier de [Localité 13] à hauteur de 5 023.97 euros
dit que Mme [U] dispose d’une créance contre l’indivision de 12 358.50 euros au titre des mensualites des prêts immobiliers payés par ses soins du janvier 2018 à septembre 2019
octroyé aux indivisaires un delai de huit mois pour procéder à la vente amiable du bien indivis situé à [Localité 13], [Adresse 15], cadastré section b n° [Cadastre 2].[Cadastre 3].[Cadastre 4].[Cadastre 5]. [Cadastre 6].[Cadastre 9].[Cadastre 10].[Cadastre 11] ou obtenir le financement de la part indivise de Mme [U] après obtention de sa désolidarisation
passé ce délai de huit mois, ordonné la vente par licitation de ce bien, avec une mise à prix de 90 000 euros de la maison d’habitation situé à [Localité 13] [Adresse 15], cadastré section b n° [Cadastre 2].[Cadastre 3].[Cadastre 4].[Cadastre 5]. [Cadastre 6].[Cadastre 9].[Cadastre 10].[Cadastre 11], avec possibilité d’une baisse de prix progressive par 10ème sans pouvoir aller en deça de 70 000 euros
dit que Maître [T] sera chargé de dresser le cahier des charges de cette vente et organisera la publicité préalable à la vente
ordonné l’exécution provisoire de la présente décision
débouté Mme [U] de ses prétentions fondées sur l’article 700 du code de procédure civile
dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel d’Angers le 11 février 2021, M. [E] a relevé appel de cette décision : ‘l’objet de la demande du présent appel est de faire droit à toutes exceptions de procédure, annuler, sinon infirmer et à tout le moins réformer la décision déférée, appel du jugement en ce qu’il a :
– débouté M. [E] de sa demande tendant à ce que Mme [U] soit déclarée redevable à l’indivision de la somme de 22 371,63 euros et à parfaire d’une part et d’autre part ; condamné M. [E] à payer à l’indivision une indemnité d’occupation mensuelle de 355,00 euros du 20 mai 2016 jusqu’à la date du partage au titre de la jouissance de la maison d’habitation située à [Localité 13] [Adresse 15] figurant au cadastre de la commune de [Localité 13] section b n°[Cadastre 2],[Cadastre 3],[Cadastre 4],[Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 9],[Cadastre 10],[Cadastre 11]
– dit qu’il devra être tenu compte dans les comptes de liquidation de l’apport fait par Mme [U] lors de l’acquisition du bien immobilier de [Localité 13] à hauteur de 5023,97 euros
– dit que Mme [U] dispose d’une créance contre l’indivision de 12358,50 euros au titre de mensualités de prêt payées par ses soins de janvier 2018 à décembre 2019
– octroyé aux indivisaires un délai limité à huit mois pour procéder à la vente amiable du bien sis [Adresse 15] figurant au cadastre de la commune de [Localité 13] section b n°[Cadastre 2],[Cadastre 3],[Cadastre 4],[Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 9],[Cadastre 10], [Cadastre 11] ou obtenir le financement de la part indivise de Mme [U], après obtention de la désolidarisation ; ordonné la vente sur licitation de l’immeuble commun sis [Adresse 15] figurant au cadastre de la commune de [Localité 13] section b n°[Cadastre 2],[Cadastre 3],[Cadastre 4],[Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 9],[Cadastre 10],[Cadastre 11], au plus offrant et dernier enchérisseur en un seul lot, par le ministère de maître [T], notaire à [Localité 12], après établissement d’un cahier des charges et de toutes formalités judiciaires sur la mise à prix de 90 000,00 euros avec faculté de baisser le prix sans pouvoir descendre au dessous de 70 000,00 euros ; dit que maître [T] sera chargé de dresser le cahier des charges de cette vente et organisera la publicité préalable à cette vente ; ordonné l’exécution provisoire.’
Le 22 mars 2021, Mme [U] a constitué avocat.
La clôture a été définitivement ordonnée le 12 octobre 2022, l’affaire étant fixée pour plaidoiries à l’audience du 17 octobre 2022 puis mise en délibéré au 9 janvier 2023, délibéré prorogé au 27 mars 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
* M. [O] [E]
Dans le dernier état de ses écritures déposées au greffe et notifiées par RPVA le 30 octobre 2021, M. [O] [E] demande précisément à la cour de :
le recevant en son appel l’y déclarant bien fondé et y faisant droit, infirme le jugement entrepris
dire n’y avoir lieu à licitation de l’immeuble
dire et juger Mme [U] redevable envers l’indivision de, à tout le moins, la somme de 22 371,63 euros en principal outre intérêts, au besoin la condamner à payer cette somme à l’indivision
réduire dans les plus larges proportions la créance de Mme [U] à l’encontre de l’indivision
dire que l’indemnité d’occupation devra être fixée par le notaire , et qu’elle sera réduite dans les plus larges proportions et sans pouvoir excéder 355 euros par mois
confirmer la décision entreprise en ses autres dispositions non contraires aux présentes
et rejetant toute demande contraire comme non recevable en tous cas non fondée et l’en débouter, et notamment de sa demande de licitation de l’immeuble
déboute Mme [U] de son appel incident comme aussi irrecevable que mal fondé, tant du chef de l’indemnité d’occupation que de celui du chef de la vente sur licitation
Y additant
condamner Mme [U] à payer au concluant la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 code de procédure civile
ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage, et accorder à Maître Christian Notte-Forzy, avocat, le bénéfice des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
* Mme [N] [U]
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et signifiées par RPVA le 29 septembre 2022, Mme [N] [U] sollicite en réponse que la présente juridiction :
déclare M. [E] mal fondé en son appel et l’en déboute,
recevant Mme [U] en son appel incident et l’y déclarant fondée et y faisant droit,
infirme le jugement entrepris en ses dispositions lui faisant grief,
Et statuant à nouveau,
condamne M. [E] à régler à l’indivision une indemnité d’occupation mensuelle de 400 euros à compter du 20 mai 2016 jusqu’au jour du partage ou de la libération juridique des lieux, à savoir la maison d’habitation située à [Localité 13], [Adresse 15], cadastrée section b [Cadastre 1], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11]
ordonne, sans délai et préalablement aux opérations de compte- liquidation-partage, la vente sur licitation et sur cahier des charges, qui sera établi par Maître [T], notaire choisi, de l’immeuble sis au [Adresse 15] à [Localité 13], comprenant :
* une cuisine avec cheminée et four à pain, deux pièces, une chambre, une pièce avec cheminée,
* un grenier au-dessus,
* une soue, une grange et un autre bâtiment à usage de dépendance,
* un terrain,
le tout figurant au cadastre de ladite commune section b n° [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], pour une contenance de 00 ha 56 a et 98 ca, en un seul lot sur la mise à prix de 90 000 euros (quatre-vingt-dix mille euros) avec faculté de baisser sans pouvoir descendre au-dessous de 70 000 euros
confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions non contraires aux présentes,
En toutes hypothèses,
déclare M. [E] irrecevable, en tout cas mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en déboute,
condamne M. [E] à verser à Mme [U] une indemnité de 2500 euros par application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi de 1991 sur l’aide juridictionnelle
condamne M. [E] aux dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
* * *
Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR QUOI
Sur l’étendue de la saisine
Au vu des dernières conclusions échangées entre les parties, les points en litige sont circonscrits à :
– l’indemnité pour occupation privative due par M. [E]
– la créance revendiquée par M. [E] au titre des travaux d’amélioration
– la créance revendiquée par Mme [U] au titre de l’apport personnel
– la créance revendiquée par Mme [U] au titre du remboursement des prêts communs
– la vente forcée du bien indivis
– la charge des dépens et aux frais irrépétibles.
Du fait de la limitation des appels, les autres dispositions du jugement entrepris relativement à l’ouverture du partage de l’indivision ainsi qu’au choix et à la mission du notaire pour y parvenir sont définitivement acquises.
Sur l’indemnité pour occupation privative
Selon l’article 815-9 alinéa 2 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. Le point de départ de cette indemnité est, en principe, le premier jour de la jouissance privative exclusive caractérisée par l’impossibilité de droit ou de fait pour l’un des co-indivisaires d’user de la chose.
Dans le cas présent, seul est en discussion le montant de l’indemnité dont M. [E] est redevable envers l’indivision au titre de l’occupation privative du bien indivis à compter du 20 mai 2016 et jusqu’au jour du partage ou de la libération juridique des lieux.
En effet, il est acquis qu’à la séparation du couple survenue le 20 mai 2016 en suite du comportement violent de M. [E] ayant été sanctionné pénalement le 26 janvier 2017 (pièce adverse 20), celui-ci s’est maintenu de manière exclusive dans l’immeuble indivis ayant constitué jusqu’à cette date le logement familial.
Pour fixer l’indemnité d’occupation à 355 euros par mois contestée en appel par Mme [U], le premier juge a tenu compte de la valeur locative résultant d’une estimation du prix de vente du m² des maisons à louer sur la commune de [Localité 13] au 28 novembre 2019 (prix médian : 6,37 euros) et de la surface constante du bien en cause (70 m²), à laquelle il a été fait application d’un coefficient de 20 % (pièce appelante 24) .
Le fait que le notaire, Maître [T], ait estimé la valeur locative du bien indivis à 400 euros dans un mail adressé à Mme [U] le 20 novembre 2019 ne saurait suffire à remettre en cause l’appréciation souveraine du premier juge d’appliquer, pour le calcul de l’indemnité due par M. [E], à la valeur locative du bien occupé telle que résultant de l’estimation émanant d’Ouest France Immo à même date produite par Mme [U] elle-même, un coefficient destiné à compenser la précarité de l’occupation.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur les travaux d’amélioration de l’immeuble indivis
Selon l’article 815-13 du code civil, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation.
Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation des dits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés.
Au cas présent, M. [E] critique la décision l’ayant débouté de sa demande fondée sur le texte précité en considérant que Mme [U] est bien redevable au profit de l’indivision d’une somme d’au moins 22 371, 63 euros en principal outre intérêts pour les travaux qu’il aurait réalisés dans le bien indivis à ses seuls frais et qui en auraient augmenté la valeur.
Il prétend justifier de ses allégations par la production comme en première instance de diverses factures et tickets de caisse ainsi que de pièces nouvelles sous la forme d’attestations et de photographies.
A titre liminaire, il sera observé que le bien acquis moyennant le prix de 75 000 euros a été évalué à la somme de 70 000 euros près de dix ans plus tard soit une perte de valeur.
S’agissant des factures et des tickets de caisse figurant notamment en pièces 4 à 27, il sera observé que si ces documents émanent effectivement de magasins de bricolage, d’entreprise de location de matériel et aussi d’entreprises spécialisées (Leroy Merlin, Point P, Location du Loir, Lapeyre, Bricomarché, Brico Dépôt …), rien ne permet d’établir que les factures établies au seul nom de M. [E] – qui auraient été, selon lui, seules réglées par ses soins au contraire de celles établies au nom de M. [E] et de Mme [U] – concernent des matériaux et matériels utilisés pour la rénovation du bien indivis tandis que certaines d’entre elles, comme les facturettes, ne supportent pas de nom voire le nom de M. [E] complété de manière manuscrite par l’intéressé lui-même.
En tout état de cause, ces pièces – en ce compris les relevés bancaires produits en pièces 30 à 33 et 36 et 39 – sont insuffisantes à démontrer que le paiement des factures a été opéré exclusivement au moyen des deniers personnels de M. [E].
D’une part, il en est ainsi pour exemple de la facture afférente à la fourniture d’ardoises. Celle-ci mentionne en effet que le règlement de la somme de 5 121,69 euros a été reçu par virement bancaire le 14 juillet 2009 sans qu’un tel débit ne figure sur le compte personnel de M. [E] ( pièces 4 et 30).
D’autre part, la lecture de l’acte authentique du 10 octobre 2008 et du plan de financement qui y est annexé enseigne que le coût total de l’opération s’est élevé à la somme de 94 873,97 euros comprenant à hauteur de 75 000 euros l’ achat de la maison à titre de résidence principale mais aussi des travaux d’amélioration à hauteur d’une somme de 9 002 euros tandis que l’opération a été financée à hauteur de la somme de 89 850 euros au moyen de prêts souscrits par M. [E] et Mme [U] auprès du CCM [Localité 12] – complétée par un apport personnel de Mme [U] ainsi que l’admet M. [E] dans ses écritures – dont les fonds ont été versés sur un compte commun et dont les échéances ont été prélevées sur ce compte-joint, lequel a en outre été alimenté tant par des virements émanant de M. [E] que de Mme [U] ( pièces adverses 1 et 22).
Il s’en infère clairement que, contrairement à ce qu’affirme M. [E], les concubins ont bien souscrit des emprunts comprenant pour partie des travaux d’amélioration de la maison acquise en indivision, ainsi qu’en témoignent encore les énonciations figurant sur les tableaux d’amortissement de ces prêts (pièces adverses 2 et 3).
S’agissant des attestations produites en cause d’appel (pièces 40 à 43), la cour constate, qu’outre le fait qu’elles émanent toutes les quatre de membres de la famille proche de M. [E], ces pièces démontrent tout au plus de ce que celui-ci a bien réalisé certains travaux dans la maison indivise, ce qui n’est du reste pas contesté par Mme [U].
Elles sont en revanche dépourvues de force probante suffisante quant au financement des travaux à l’aide des deniers personnels de M. [E]. Ceci est également le cas et pour les mêmes raisons de la planche photographique versée aux débats en pièce 28.
Enfin et comme le souligne le premier juge, les pièces produites par Mme [U] établissent, sans être utilement contredites, une répartition des dépenses au sein du couple ; elle-même finançant grâce à son salaire des dépenses courantes du ménage à partir de son compte personnel (pièce 23).
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et à défaut pour M. [E] de rapporter la preuve d’un financement de travaux d’amélioration du bien indivis exclusivement à l’aide de fonds lui appartenant en propre, celui-ci a été à bon droit débouté de sa demande en sorte qu’il convient de confirmer la décision entreprise à ce titre.
Sur l’apport personnel lors de l’acquisition du bien indivis
Il résulte des mentions figurant à l’acte authentique du 10 octobre 2008 et des pièces qui y sont annexées notamment le plan de financement de l’opération réalisée à cette date que le bien indivis a été acquis pour moitié indivise par M. [E] et Mme [U] au prix de 75 000 euros et que ces derniers ont financé le coût total de l’opération de 94 873,97 euros – achat de la maison à titre de résidence principale avec travaux d’amélioration à hauteur de 9 002 euros, frais et accessoires inclus- à l’aide de prêts souscrits auprès du CCM [Localité 12] à hauteur de 89 850 euros (nouveau prêt 0 % d’un montant de 12 375 euros – prêt Modulimmo d’un montant de 59 074 euros – Prêt PEL externe : 18 401 euros) mais aussi d’un apport personnel de 5 023,97 euros.
La preuve de l’origine de cette dernière somme est rapportée par Mme [U] qui justifie avoir résilié le 9 août 2008 le compte PEL dont elle était personnellement titulaire au CCM [Localité 12]. M. [E] ne conteste d’ailleurs ni la réalité ni le montant de l’apport des deniers personnels de Mme [U] dans l’acquisition du bien indivis (pièces [U] 25 et 26).
Il se contente devant la cour de reprendre l’argumentaire développé en première instance selon lequel Mme [U] aurait bénéficié pendant cinq ans d’un crédit d’impôt à hauteur de 800 euros par mois dès lors qu’elle déclarait seule les intérêts des prêts souscrits.
Il estime de ce fait que Mme [U] ne peut prétendre le cas échéant qu’à une créance contre l’indivision de 1 023, 97 euros.
Pour autant et comme l’a exactement retenu le premier juge, le fait que Mme [U] ait pu bénéficier d’un crédit d’impôt en déclarant annuellement les intérêts des emprunts communs, conformément à l’accord de M. [E] qui ne disposait que de peu de revenus, est indifférent à la réalité de l’apport personnel de Mme [U] lors de l’acquisition du bien indivis d’autant que celui-ci a profité au ménage.
Pour ces motifs, Mme [U] est parfaitement fondée à faire valoir une créance à ce titre dont il doit être tenu compte dans le cadre des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision.
La décision prise en ce sens mérite ainsi confirmation.
Sur le remboursement des prêts immobiliers communs
Ni le principe ni le montant de la créance dont Mme [U] se prévaut contre l’indivision au titre du remboursement des prêts souscrits pour l’acquisition du bien indivis qu’elle a opérés personnellement pour la période de janvier 2018 à septembre 2019 à hauteur de 12 358,50 euros n’ont été discutés par M. [E] au stade de la première instance.
La cour constate qu’en appel M. [E] n’invoque et ne développe aucun moyen de réformation contre le jugement entrepris ayant accueilli la demande de Mme [U] de ce chef ; s’en rapportant à justice quant à l’appréciation du mérite de cette demande.
Or, il résulte des pièces produites que, durant la période considérée de 21 mois, Mme [U] a effectivement assumé seule le règlement des échéances des prêts immobiliers pour un total de 588, 50 euros par mois.
C’est donc à raison que le premier juge a décidé que Mme [U] dispose à ce titre d’une créance contre l’indivision d’un montant de 12 358, 50 euros en sorte que cette disposition non utilement critiquée sera confirmée.
Sur la vente forcée de l’immeuble indivis
Pour M. [E], rien ne justifie que la vente forcée de l’immeuble indivis ait été ordonnée aux motifs que, contrairement aux énonciations du jugement critiqué, Mme [U] ne rapporte pas a preuve de qu’il ne serait pas en mesure d’en payer le prix ou encore que la plus grande incertitude demeure quant à la possibilité de vendre le bien et alors qu’il détient manifestement une créance contre l’indivision.
Il est acquis que le bien immobilier acquis en indivision le 10 octobre 2008 n’est pas aisément partageable tandis que M. [E], au contraire de Mme [U], a souhaité en devenir seul propriétaire.
Il résulte par ailleurs des pièces fournies par Mme [U] que :
* M. [E] n’a apporté aucune réponse au courrier adressé le 24 avril 2017 par le conseil de Mme [U] le mettant en demeure de se positionner notamment en formulant une proposition de rachat des parts indivises de sa cliente (pièce 7)
* Mme [U] a été contrainte d’intervenir par courrier du 20 novembre 2018 auprès de M. [E] pour que le bien puisse être utilement visité en vue de son évaluation en rappelant qu’elle assumait seule le remboursement des emprunts communs (pièce 8)
* M. [E] n’a pas honoré le rendez-vous fixé sur place le 8 décembre 2018 avec Maître [T] pour permettre au notaire de donner son avis sur la valeur du bien (pièce 9)
* après la visite qui a pu finalement avoir lieu le 29 mai 2019, le bien a été estimé le 19 juin 2019 par le notaire à 70 000 euros, M. [E] ayant lui-même évoqué l’existence de problèmes d’humidité importants du fait de l’implantation du bien sur des sources (pièce 17)
* le conseil de Mme [U] a, dès le 1er juillet 2019, pris l’attache du conseil de M. [E] pour connaître la position de ce dernier quant à l’estimation notariale que Mme [U] avait elle-même acceptée et n’a reçu réponse par voie officielle le 21 février 2020 (pièce 28)
* le 19 novembre 2020, le CCM de [Localité 12] a notifié à Mme [U] le refus de M. [E] de voir reporter les échéances des crédits immobiliers tel que sollicité par Mme [U] le 06 novembre 2020 ( pièce 29).
En outre, la cour constate que, comme au stade de la première instance, M. [E] ne fournit aucun élément sur sa situation financière – sinon des bulletins de salaire par trop anciens puisque datant exclusivement de l’année 2012.
Il ne justifie ainsi pas sa capacité à procéder au rachat des parts indivises de Mme [U] ou encore à s’acquitter des sommes à devoir à celle-ci après règlement des comptes entre les parties et ce, alors que, d’une part, il a admis avoir cessé pendant 21 mois de régler les mensualités afférentes aux prêts communs et que, d’autre part, il a été dispensé, par ordonnance du 3 juillet 2017 et à sa demande, de contribuer à l’entretien et l’éducation de l’enfant commun au constat de son état d’impécuniosité (pièce adverse 12).
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la décision critiquée – en ce qu’elle a ordonné l’adjudication du bien en cause par devant notaire, au visa de l’article 1361 du code de procédure civile, à défaut pour les indivisaires de procéder à une vente amiable ou pour M. [E] d’obtenir et justifier du rachat de la part de Mme [U] passé un délai de 8 mois – est parfaitement justifiée et doit donc être approuvée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Compte tenu de la nature du litige, les dépens de première instance ont été justement employés en frais privilégiés de partage.
En revanche et parce qu’il succombe en son recours, M. [E] supportera seul la charge des dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle dont Mme [U] est bénéficiaire à hauteur de 55 %.
Partie essentiellement succombante, M. [E] ne peut davantage prétendre à l’allocation d’une indemnité de procédure.
Il sera donc débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné en outre à verser à Mme [U] la somme de 1 500 euros par application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi de 1991 sur l’aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Dans les limites des appels,
CONFIRME le jugement rendu le 29 octobre 2020 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire du Mans en toutes ses dispositions critiquées ;
DEBOUTE M. [O] [E] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE M. [O] [E] à verser à Mme [N] [U] la somme de 1 500 euros par application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi de 1991 sur l’aide juridictionnelle.
CONDAMNE M. [O] [E] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
F. BOUNABI M.C. COURTADE