Location de matériel : 22 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01286

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Location de matériel : 22 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01286
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22 mars 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
21/01286

MINUTE N° 159/23

Copie exécutoire à

– Me Noémie BRUNNER

– Me Anne CROVISIER

Le 22.03.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 22 Mars 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01286 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HQW3

Décision déférée à la Cour : 18 Février 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR – Service civil

APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A.R.L. PROGIL

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me VEST, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A.S. DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS

venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, un rapport de l’affaire ayant été présenté à l’audience.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’assignation délivrée le 24 juillet 2018, par laquelle la SARL Progil a fait citer la SARL Waterman France, ci-après également dénommée ‘société Waterman’, aux droits de laquelle vient la SAS Diffusion Équipements Loisirs, ci-après également dénommée ‘société DEL’, devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d’application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Colmar,

Vu le jugement rendu le 18 février 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l’exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Colmar a :

– déclaré recevables l’ensemble des demandes de la SARL Progil,

– dit et jugé que le contrat de bail commercial conclu le 26 juin 2007 entre la SARL Progil et la SAS Agriline n’avait pas été repris par la SARL Waterman France,

– constaté qu’il n’était justifié que d’un accord pour une occupation précaire des locaux sur une durée de six mois moyennant un loyer mensuel de 11 000 euros HT,

– constaté que la SARL Waterman France avait réglé le montant dû pour la période pendant laquelle elle avait occupé les lieux en exécution de cette convention,

– débouté en conséquence la SARL Progil de ses demandes relatives au paiement de loyers ou d’indemnité d’occupation supplémentaires,

– débouté la SARL Progil de sa demande de remboursement de la taxe foncière pour l’année 2017,

– débouté la SARL Progil de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers,

– débouté la SARL Progil de sa demande relative à une location de matériel et d’outillage,

– condamné la SARL Waterman France à payer à la SARL Progil la somme de 3 838,80 euros TTC pour les frais de stockage de palettes,

– débouté la SARL Waterman France de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamné la SARL Progil à prendre en charge les frais et dépens de l’instance,

– débouté la SARL Progil et la SARL Waterman France de leurs prétentions réciproques fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toutes autres prétentions,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Vu la déclaration d’appel formée par la SARL Progil contre ce jugement, et déposée le 26 février 2021,

Vu la constitution d’intimée de la SARL Waterman France en date du 16 avril 2021,

Vu les dernières conclusions en date du 24 novembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL Progil demande à la cour de :

‘Vu le bail commercial notarié du 26 juin 2007,

Vu la reprise de la société AGRILINE par WATERMAN FRANCE selon jugement du 03/05/2017,

Vu l’article 145-5 du code de commerce,

Vu l’article 1231-1 (1147 ancien) du code civil,

Vu les articles 1716 et 1736 du code civil,

Vu l’article 1240 (1382 ancien) du code civil,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

SUR APPEL PRINCIPAL

DECLARER l’appel recevable,

DECLARER l’appel bien fondé,

INFIRMER le jugement rendu le 18 février 2021 par le Tribunal Judiciaire de Colmar sauf en ce qu’il a condamné la SARL WATERMAN France à payer à la SARL PROGIL la somme de 3.838.80 € pour les frais de stockage des palettes,

Et statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que les parties sont liées par un bail de nature commerciale,

CONSTATER que la SARL WATERMAN FRANCE n’a jamais délivré congé en bonne et due forme,

En conséquence :

CONDAMNER la SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE à verser à la SARL PROGIL la somme de 18.694,80 € TTC/ mois à compter de mai 2017 et jusqu’au jour de la décision à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter du 5 de chaque mois, déduction faite de la somme de 78.348,38 € TTC déjà réglée,

CONDAMNER la SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE à verser à la SARL PROGIL la somme de 26.576,00 € TTC au titre de la taxe foncière due pour l’année 2017,

CONDAMNER la SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE à verser à la SARL PROGIL la somme de 10.800,00 € TTC au titre de la location du matériel et de l’outillage,

CONFIRMER le Jugement pour le surplus,

SUR APPEL INCIDENT

DECLARER l’appel incident mal fondé,

Le REJETER,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DEBOUTER la SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

CONDAMNER la SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE à verser à la SARL PROGIL la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE aux entiers dépens des procédures de 1ère instance et d’appel’

et ce, en invoquant, notamment :

– la nature commerciale du bail liant les parties, en poursuite du bail préexistant conclu avec la société Agriline, ou le cas échéant d’un bail verbal, et en l’absence d’accord, qui devrait être écrit, non équivoque et antérieur à la prise de possession, pour un bail dérogatoire précaire, évoqué dans le cadre de négociations qui n’auraient pas abouti faute de contreparties de la part de la partie adverse,

– l’absence d’accord entre les parties quant à une réduction du loyer par rapport à celui prévu dans le bail conclu avec la société Agriline, le montant de 11 000 euros HT ayant été fixé unilatéralement par la société Waterman France,

– la mise en compte des loyers restant dus à la suite du départ de la société Waterman France, à défaut de congé valable au titre du bail commercial, toute expulsion ou interdiction d’accès antérieure au départ étant contestée,

– la mise à la charge de la partie adverse de la taxe foncière et des charges stipulées dans le contrat de bail,

– la location complémentaire de matériel et d’outillage hors périmètre de la reprise de la société Agriline, se trouvant dans les locaux et mis à disposition de la société Waterman France,

– des frais de stockage de palettes pour le compte de la société Waterman France, conformément à un accord passé par la société Chemoform, à laquelle se serait substituée la société Waterman France, et en l’absence d’appel incident de l’intimée sur ce point,

– l’absence de démonstration, par la partie adverse, du caractère abusif de la procédure et d’un préjudice en résultant pour elle.

Vu les dernières conclusions en date du 24 janvier 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Diffusion Équipements Loisirs, venant aux droits de la SARL Waterman France, demande à la cour de :

‘DECLARER la SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS, qui vient aux droits de la société WATERMAN FRANCE à la suite d’une opération de fusion-absorption, recevable et bien fondée en son intervention volontaire,

Sur appel principal

DECLARER la SARL PROGIL mal fondée en son appel,

L’en DEBOUTER ainsi que de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions

En conséquence,

CONFIRMER le jugement entrepris, sous réserve de l’appel incident,

CONDAMNER la SARL PROGIL aux entiers frais et dépens ainsi qu’aux frais et dépens de

l’intervention volontaire et à verser à la société SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE un montant de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur appel incident

DECLARER la SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE recevable en son appel incident,

L’y DIRE bien fondé,

En conséquence,

INFIRMER le jugement entrepris en tant qu’il a débouté la SARL WATERMAN FRANCE de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner la société PROGIL à lui verser un montant de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Et statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNER la SARL PROGIL à verser à la société SAS DIFFUSION EQUIPEMENTS LOISIRS venant aux droits de la SARL WATERMAN FRANCE un montant de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNER la SARL PROGIL aux entiers frais et dépens nés de l’appel incident.’

et ce, en invoquant, notamment :

– l’inopposabilité du bail commercial signé entre les sociétés Progil et Agriline, qui n’aurait pas été repris dans le cadre du plan de cession de cette société,

– l’accord de la société Waterman France pour voir régie l’occupation des lieux par un bail précaire moyennant le versement d’un loyer mensuel de 11 000 euros HT, et l’accord des parties pour une occupation temporaire des locaux par la société Waterman France,

– l’absence de montant dû, au titre de l’occupation des locaux, par la société Waterman France qui aurait réglé l’intégralité des montants dus à la société Progil en exécution d’un bail précaire d’une durée de six mois devant se terminer le 3 novembre 2017, avant de se voir interdire l’accès aux locaux dès le 31 octobre 2017,

– en tout état de cause, l’absence de bail à durée indéterminée, le caractère verbal du bail ne faisant pas obstacle à son caractère précaire, et alors que les pièces versées aux débats par les parties prouveraient qu’il n’a jamais été envisagé une occupation pour une durée supérieure à six mois,

– l’absence de somme due au titre de la taxe foncière, qui reposerait sur le bail conclu avec la société Agriline, ni d’indemnité d’occupation, demande dont la partie adverse a été déboutée sans la reformuler à hauteur d’appel, comme c’est également le cas de la demande au titre d’une rupture abusive de pourparlers,

– l’absence de preuve d’une location de matériel et d’outillage,

– l’absence de contestation de sa condamnation pour le stockage de palettes,

– la réfutation des déclarations adverses, qualifiées de fantaisistes, quant à un supposé non-respect du plan de cession des actifs de la société Agriline, et quant à l’existence et aux modalités du bail précaire,

– la mauvaise foi de la partie adverse, ayant causé un préjudice moral à la concluante ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 18 mai 2022,

Vu les débats à l’audience du 13 juin 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la nature des relations entre les parties :

La cour observe, au préalable, qu’il n’est pas contesté que la société Waterman France, aux droits de laquelle vient la société DEL, est entrée en jouissance des locaux litigieux à compter du 3 mai 2017, date à laquelle a été arrêté le plan de cession d’actifs de la société Agriline au profit de la société de droit allemand Chemoform AG, à laquelle devait se substituer ‘la société en cours de constitution et créée spécifiquement pour la reprise’, cette substitution ayant effectivement été réalisée au profit de la société dénommée Waterman France, filiale de la société Chemoform, qui a quitté les lieux le 31 octobre 2017.

Il convient également de relever que les parties s’accordent sur le fait que la société Waterman France disposait, durant la période du 3 mai au 31 octobre 2017, d’un titre d’occupation, la société Progil n’ayant, à cet égard, pas fait appel des dispositions du jugement entrepris ayant rejeté ses demandes d’indemnité d’occupation formées à l’encontre de la partie adverse, ce qui implique, d’ailleurs, la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Il convient, à cet égard, de rappeler que le premier juge avait relevé que la société Waterman, qui n’avait jamais

déclaré qu’elle aspirait à autre chose qu’une ‘convention d’occupation précaire’ d’une durée de six mois ne pouvait en aucun cas être considérée comme occupant sans droit ni titre, sa présence dans les lieux n’ayant au demeurant jamais été contestée par le bailleur antérieurement au courriel de M. [F] [X] daté du 31 octobre 2017.

Les parties s’opposent néanmoins sur la nature de ce titre d’occupation, s’agissant de savoir si les locaux ont été occupés en exécution du bail commercial initialement conclu entre la société Progil et la société Agriline ou en vertu d’un bail verbal de nature commerciale ou alors d’une convention d’occupation précaire, de nature dérogatoire au statut des baux commerciaux, étant relevé qu’en tout état de cause, aucun contrat écrit n’a été conclu entre la société Progil et la société Waterman France.

Sur l’opposabilité à la société Waterman, aux droits de laquelle vient la société DEL, du contrat de bail commercial conclu le 26 juin 2007 entre la SARL Progil et la SAS Agriline :

La société Progil entend ainsi, tout d’abord, soutenir que la société Waterman n’aurait fait que poursuivre le bail préexistant dont la société Agriline était titulaire, à défaut de résiliation de ce bail alors que la société Progil n’étant pas partie à la procédure collective, n’aurait pas été informée de ce qu’il n’était pas repris par la société Waterman, avec laquelle aucun accord n’a été conclu.

Pour sa part, la société DEL invoque le bénéfice des termes de l’offre de reprise, confirmés ensuite par l’acte de cession d’activité et par l’administrateur judiciaire, et tels que reconnus expressément par la société Progil, et partant l’inopposabilité du contrat de bail à son endroit, nonobstant la circonstance que les cocontractants du failli ne soient pas parties à la procédure collective et qu’ils ne soient par ailleurs pas informés du projet de plan de cession soumis à l’approbation du tribunal de la faillite, outre qu’ils seraient, comme tous les tiers à la procédure collective, informés du jugement d’homologation par sa publication au BODACC.

Sur ce, la cour relève que la seule circonstance que la société Waterman ait poursuivi l’occupation du local donné à bail par la société Progil à la société Agriline ne saurait suffire, en soi, à caractériser la poursuite, entre elle-même et la bailleresse, des relations contractuelles existantes, quand bien même la société Agriline n’aurait pas résilié le contrat de bail commercial la liant à la société Progil, cette circonstance étant inopposable à la société Waterman, alors que l’offre de reprise, homologuée par le jugement du 3 mai 2017, a expressément exclu que soit repris, par la société Chemoform ou la société s’y substituant, l’ensemble des contrats de la société Agriline.

Du reste, il ressort des échanges entre les parties, s’entendant comme la société Progil, par le biais de son dirigeant M. [F] [X], par ailleurs mandataire de la société Agriline, et la société Waterman, que celles-ci ont envisagé la discussion des conditions d’occupation des locaux par la société Waterman, et notamment le loyer, présenté comme ‘point à traiter’ dans un courriel du 30 mai 2017, tandis qu’est indiqué dans un courriel du 5 juillet 2017 ‘Bail mai à octobre : 11 000 € – en septembre/octobre décision si [Localité 4] continue ou pas, il faut faire un bail précaire jusqu’à la fin d’Octobre’, la question d’une convention d’occupation à titre précaire étant également abordée dans le courriel du conseil mandaté pour rédiger l’acte de cession, en date du 10 juillet 2017. Ces éléments démontrent que les conditions d’occupation des locaux n’étaient pas régies par le contrat de bail commercial précité.

C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu que le contrat de bail commercial liant les sociétés Progil et Agriline n’était pas opposable à la société Waterman France, aux droits de laquelle vient désormais la société DEL, le jugement entrepris devant, dès lors, recevoir confirmation sur ce point.

Sur l’existence d’un bail verbal de nature commerciale ou dérogatoire, ou d’une convention de bail précaire d’une durée de six mois :

En application des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, le statut des baux commerciaux s’applique aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, dans les conditions définies par ces dispositions, l’article L. 145-4 de ce code prévoyant, en particulier, dans sa version applicable à la cause, que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans, sous réserve des facultés de congé anticipé offertes au bailleur et au preneur par cet article.

L’article L. 145-5 du même code prévoit une possibilité de dérogation au statut, à l’initiative des parties, à l’entrée dans les locaux du preneur, à condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans, les parties ne pouvant plus, à l’expiration de cette durée, conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du statut pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux, tandis que l’article L. 145-5-1 dudit code exclut de l’application du statut la convention d’occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties.

En l’espèce, la société Progil soutient qu’elle serait liée à la société Waterman par un bail verbal, lequel serait nécessairement un contrat de bail commercial, dès lors qu’un bail de courte durée ne pourrait, selon elle, revêtir que la forme écrite. Elle ajoute n’avoir, en tout état de cause, exprimé aucune manifestation claire de son intention de déroger au statut des baux commerciaux, qui devrait donc s’appliquer par principe, faute de volonté claire et non équivoque des parties d’y déroger, à plus forte raison à l’entrée dans les lieux du locataire. Elle conteste, en tout état de cause, toute conclusion d’un bail dérogatoire, cette hypothèse ayant été envisagée mais soumise à des contreparties importantes qui n’auraient pas été fournies, notamment pour la reprise des marques et brevets, la cession des cautions, la poursuite de certains contrats de la société Agriline dont M. [X] était l’associé majoritaire, et ce dans le cadre d’une transaction globale au titre de laquelle les négociations n’auraient jamais abouti, la société Waterman ne respectant, d’ailleurs, pas les conditions du contrat passé entre les sociétés Agriline et Oness.

Quant à la société DEL, elle fait valoir qu’un contrat dérogatoire peut être conclu sous la forme verbale, affirmant que les pièces versées aux débats par les parties prouveraient qu’il n’a jamais été envisagé une occupation pour une durée supérieure à six mois, et ce alors que, s’agissant d’une relation entre commerçants, elle serait soumise à la liberté de la preuve. Elle entend encore contester les affirmations adverses, qu’elle qualifie d’inexactes et fantaisistes, et relever que, compte tenu de l’absence de reprise du bail conclu avec la société Agriline, les parties sont rentrées en négociation concernant un bail précaire d’une durée de six mois pour un montant de 11 000 euros HT par mois, le caractère précaire de ce bail résultant, à son sens, de l’ensemble des pièces produites.

Cela étant, la cour observe qu’au regard des échanges entre les parties, tels qu’ils ont, notamment, été rappelés ci-avant, et dans la mesure où il a été retenu que les parties n’ont pas entendu poursuivre les relations contractuelles liant la société Progil à la société Agriline, et qui reposaient sur un bail soumis au statut, étant rappelé que, comme il a été indiqué, l’existence d’un titre d’occupation n’est pas contestée, le caractère précaire, ou à tout le moins dérogatoire au statut, de ce bail apparaît suffisamment établi.

Ainsi, si la question des conditions d’occupation des lieux s’inscrit dans le cadre de plusieurs points à traiter ou à discuter, le caractère global du traitement de ces questions en vue d’une transaction d’ensemble ne ressort pas, pour autant, de ces éléments. En revanche, l’accord de la société Progil au maintien de la société Waterman dans les lieux, au moins jusqu’au courriel de M. [X] en date du 31 octobre 2017, est établi, les parties invoquant, d’ailleurs toutes deux, l’existence d’un bail verbal, lequel avait reçu commencement d’exécution, tout en divergeant sur son caractère dérogatoire et partant, sur sa durée.

Il n’en demeure pas moins que ce bail, fût-il verbal, pour peu qu’une manifestation claire et non équivoque des parties soit suffisamment établie, pouvait revêtir un caractère dérogatoire. Or, il ressort suffisamment clairement des éléments précités que si les parties n’avaient pas, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, régularisé de manière exacte les conditions du bail, ainsi que cela ressort du courriel de M. [X] en date du 29 mai 2017, elles ont, néanmoins, entendu, de manière constante, et avant même l’entrée dans les lieux, ainsi que cela s’évince du 29 juillet 2017 adressé par M. [X] à la société Chemoform, et faisant état d’un entretien du 25 avril précédent, lors duquel cette société se serait engagée à rester dans le bâtiment au minimum jusqu’à la fin de l’année, conférer à ce bail une durée limitée dans le temps, le courriel en date du 5 juillet 2017 confirmant l’incertitude du preneur quant à la pérennité de l’activité sur le site au-delà du mois d’octobre, tandis qu’une convention d’occupation précaire à régulariser est évoquée dans le courriel d’avocat du 10 juillet 2017. Dès lors, comme l’a indiqué le premier juge, il est établi que la société Waterman n’a jamais aspiré à un maintien durable dans les lieux, tandis que la société Progil n’a émis comme condition à son assentiment qu’un maintien dans les locaux jusqu’à la fin de l’année, ce qui à tout le moins caractérise, de manière suffisamment claire, son accord, sans équivoque, au caractère précaire d’un bail dont elle ne conteste pas l’existence de principe, quand bien même les modalités n’en auraient pas été arrêtées en détail.

Si ce bail ne saurait recevoir la qualification de convention d’occupation précaire au sens de l’article L. 145-5-1 du code précité, faute d’en réunir l’ensemble des conditions, en particulier quant à l’existence de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties, il apparaît néanmoins relever d’un bail dérogatoire au sens de l’article L. 145-5 du même code.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a retenu l’accord des parties pour une occupation précaire des locaux, sous réserve que l’accord sur un maintien pour une durée de six mois n’apparaît pas, lui, suffisamment caractérisé.

Sur les demandes en paiement de la SARL Progil :

Sur la demande de paiement de loyers et charges :

Au vu des conclusions auxquelles est parvenue la cour sous l’angle de l’examen de la nature du contrat de bail liant les parties, et dans la mesure où, si la société Progil invoque une absence d’accord des parties sur un montant du loyer, les sommes versées ne l’ayant été, à son sens, qu’à titre d’acompte, il n’en demeure pas moins que, contrairement à ce qu’indique la partie appelante, les parties se sont, à tout le moins, accordées sur un montant de 11 000 euros HT, certes sous la réserve de redéfinir ce montant, mais en l’absence d’accord sur cette redéfinition, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a retenu, compte tenu des montants déjà réglés par la société Waterman, qu’aucun loyer supplémentaire ne devait être mis à la charge de cette société, pas davantage que ne sauraient être mises en compte des charges dont ni le principe ni le montant n’ont été prévus au titre du contrat de bail. À ce titre, il convient encore de préciser que, si la durée du bail n’a pas été précisément limitée à six mois, aucune modalité de préavis n’a davantage été imposée au preneur, de sorte qu’il ne saurait être redevable de montants ultérieurs à la date de son départ.

Le jugement entrepris sera donc, également, confirmé de ce chef.

Sur la demande de remboursement de la taxe foncière au titre de l’année 2017 :

La société Progil fondant sa demande sur le bail commercial conclu avec la société Agriline et non repris par la société Waterman, cette demande, en l’absence d’accord des parties sur ce point, n’apparaît pas fondée et l’appelante en sera déboutée, en confirmation de la décision dont appel.

Sur la demande de règlement de la location de matériel et d’outillage :

La société Progil entend mettre en compte, à ce titre, la mise à disposition du matériel et de l’outillage, nécessaires à l’exercice de l’activité de la société preneuse, s’agissant de matériel précédemment mis à disposition de la société Agriline et que la société Waterman aurait souhaité conserver, à savoir le mobilier de bureau et les racks de stockage du hangar, outre 5 transpalettes, 2 chariots élévateurs et autre petit mobilier. Elle excipe d’un accord entre les parties pour une location moyennant une redevance mensuelle de 600 euros HT, soit 720 euros TTC.

La société DEL conteste les affirmations, qualifiées de péremptoires, de la partie appelante, quant à la location de matériel à la société Waterman.

Sur ce, la cour ne peut que relever, à l’instar du premier juge qu’aucune preuve n’est apportée, par la société Progil qui s’en prévaut, de l’existence d’un accord des parties sur le principe comme sur les modalités d’une telle location, de sorte qu’il y a lieu à confirmation, également, de la décision de première instance de ce chef.

Sur les frais de stockage de palettes :

Le premier juge a mis à la charge de la société Waterman, à ce titre, la somme de 3 838,80 euros TTC.

Il convient de constater que ce chef du jugement ne fait l’objet d’aucune contestation de la part des parties, et en particulier de la société DEL, venant aux droits de la société Waterman, qui indique avoir déjà réglé la somme correspondante, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé à cet égard.

La cour entend, enfin, relever que les parties n’ont pas entendu relever appel des dispositions du jugement entrepris ayant rejeté la demande indemnitaire de la société Progil fondée sur une rupture brutale des pourparlers, de sorte que le jugement entrepris ne pourra que recevoir confirmation sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de la société DEL en dommages-intérêts pour procédure abusive :

La société DEL sollicite l’infirmation du jugement entrepris sur ce point, et la condamnation de la société Progil au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Elle ne démontre, cependant, de manière suffisante, aucune mauvaise foi ou erreur grossière de la partie adverse, laquelle ne saurait se déduire de la seule issue du litige. En conséquence, il convient de rejeter la demande formée par la société DEL à ce titre, en confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société Progil succombant pour l’essentiel sera tenue des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L’équité commande en outre de mettre à la charge de l’appelante une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de l’intimée, tout en disant n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions, à l’exception de celle constatant l’accord des parties pour une durée d’occupation des locaux de six mois, le jugement rendu le 18 février 2021 par le tribunal judiciaire de Colmar,

L’infirme de ce seul chef.

Y ajoutant,

Condamne la SARL Progil aux dépens de l’appel,

Condamne la SARL Progil à payer à la SAS Diffusion Équipements Loisirs, venant aux droits de la SARL Waterman France, la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL Progil.

La Greffière : la Présidente :

 


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