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Le salarié (technicien audiovisuel) qui travaille pendant son congé maladie manque sciemment à ses obligations de loyauté et d’exclusivité ; ces faits sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail de sorte que le licenciement repose bien sur une faute grave.
Par ailleurs, l’article III-5 de la Convention Collective de la Production Audiovisuelles dispose que ” l’exclusivité de collaboration a pour but de garantir aux entreprises et aux salariés l’exécution effective et loyale des contrats de travail ainsi que de contribuer à la solidarité générale par un meilleur partage du travail. À cet effet, la collaboration des salariés relevant de la présente convention collective est exclusive. L’exclusivité de collaboration consiste en l’interdiction pour chaque salarié d’exercer une activité lucrative, salarié ou non, hors de l’entreprise qui l’emploie. Il est dérogé à ce principe lorsque l’employeur a accordé un congé non rémunéré pour convenances personnelles à un salarié qui l’a expressément demandé pour exercer une activité lucrative, salariée ou non. Dans ce cas, si l’employeur refuse le congé sollicité, le salarié ou les délégués du personnel peuvent saisir la commission paritaire compétente. ” L’article 6-1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 dispose que : ” les Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu’à toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit “. Si comme le soutient le salarié, la Cour de cassation a admis que ces dispositions étaient directement applicables en droit interne, ce droit doit être concilié avec les valeurs de partage de travail qui ont conduit les partenaires sociaux à édicter les dispositions relatives à l’exclusivité et qui ont d’ailleurs été rappelées à l’entreprise par un courrier de l’inspection du travail en date du 28 mai 1996 communiqué, compte tenu de la situation particulière des intermittents artistiques et techniques sans emploi, mais aussi avec les obligations pesant sur l’employeur, relatives à la sécurité et à la santé de ses salariés étant rappelé qu’au cas d’espèce le salarié était en arrêt de travail alors qu’en réalité il travaillait pour le compte d’un autre employeur et qu’enfin, contrairement à ce qu’il fait valoir l’interdiction est proportionnée d’autant qu’elle peut donner lieu à dérogation, laquelle n’a pas été acordée en l’espèce. |
→ Résumé de l’affaireM. [D] a été engagé par la société France medias monde en 1989 en tant qu’assistant à la réalisation radio. Il a été licencié pour faute grave en 1998, réintégré en 2002, puis licencié à nouveau en 2003. Il a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour contester ces licenciements et réclamer des indemnités. Le conseil de prud’hommes a partiellement fait droit à ses demandes, mais M. [D] a fait appel pour obtenir des sommes supplémentaires. La société France medias monde conteste les demandes de M. [D] et demande des dommages-intérêts à son encontre. L’affaire est en attente de jugement.
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→ Les points essentielsSur les demandes relatives au premier licenciement :M. [D] a demandé une indemnité sur le fondement de l’article L. 412-19 du code du travail pour la période du 31 août 1998 au 1er avril 2002. La société a contesté cette demande en affirmant que l’indemnité devait être calculée en tenant compte des sommes perçues des ASSEDICS et des revenus professionnels. La cour a rappelé que l’indemnité accordée au titre du préjudice subi comprend la rémunération et les primes que le salarié aurait perçues s’il n’avait pas été licencié. Après évaluation, la cour a condamné la société à verser à M. [D] une somme nette à titre d’indemnité pour la période jusqu’au 31 mars 2002. Sur les demandes au titre de la période postérieure à la réintégration :M. [D] a demandé la nullité du second licenciement en invoquant plusieurs motifs, notamment le non-respect des mesures prévues dans la convention collective. La société a contesté ces allégations en affirmant avoir respecté les dispositions conventionnelles. La cour a conclu que les irrégularités alléguées ne sont pas caractérisées et a rejeté la demande de nullité du licenciement. En ce qui concerne la discrimination syndicale, la cour a considéré que les agissements de l’employeur laissaient supposer une discrimination et l’a condamné à verser des dommages-intérêts à M. [D]. Sur le bien-fondé du licenciement :La cour a examiné les motifs du licenciement de M. [D] pour faute grave, notamment son travail pour un autre employeur pendant ses arrêts de travail. Après avoir analysé les éléments fournis par l’employeur, la cour a conclu que les faits étaient suffisamment graves pour justifier la faute grave alléguée. Par conséquent, la demande de nullité du licenciement a été rejetée. Sur le harcèlement moral :M. [D] a soutenu avoir été victime de harcèlement moral et a demandé des dommages-intérêts. La cour a examiné les éléments présentés par M. [D] et a conclu que seul un élément ne justifiait pas des agissements de harcèlement moral. Par conséquent, la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral a été rejetée. Sur les autres demandes :La cour a ordonné le versement d’intérêts au taux légal, la capitalisation des intérêts échus, et a condamné la société aux dépens. Elle a également accordé à M. [D] une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les montants alloués dans cette affaire: – 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour discrimination syndicale à M. [J] [D]
– 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à M. [J] [D] – Entiers dépens à la société France médias monde venant aux droits de la société Radio France internationale |
→ Réglementation applicable– Code du travail
– Article L. 412-19 “L’annulation sur recours hiérarchique par le ministre compétent d’une décision de l’inspecteur du travail autorisant le licenciement d’un salarié mentionné à l’article L. 412-18 emporte, pour le salarié concerné et s’il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Il en est de même dans le cas où, sauf sursis à exécution ordonné par le Conseil d’Etat, le juge administratif a annulé une décision de l’inspecteur du travail ou du ministre compétent autorisant un tel licenciement. Lorsque l’annulation de la décision d’autorisation est devenue définitive, le délégué syndical a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s’il l’a demandée dans le délai prévu au premier alinéa, ou l’expiration de ce délai dans le cas contraire. Ce paiement s’accompagne du versement des cotisations afférentes à ladite indemnité qui constitue un complément de salaire.” – Code du travail “Aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte en raison de ses activités syndicales. En cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Toute disposition, tout acte contraire à l’égard d’un salarié est nul de plein droit.” – Code du travail “Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis à l’alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.” |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Alexis FACHE, avocat au barreau de PARIS
– Me Ranéha TOUIL, avocat au barreau de PARIS |
→ Mots clefs associés & définitions– Motivation
– Licenciement – Indemnité – Code du travail – Réintégration – Délai de notification – Discrimination syndicale – Faute grave – Exclusivité de collaboration – Harcèlement moral – Motivation: Ensemble des facteurs internes et externes qui poussent un individu à agir dans un certain sens ou à réaliser un objectif.
– Licenciement: Rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, généralement pour des motifs précis et légaux. – Indemnité: Somme d’argent versée en compensation d’un préjudice subi ou d’une perte financière. – Code du travail: Ensemble des lois et règlements qui régissent les relations entre employeurs et salariés. – Réintégration: Action de réintégrer un salarié licencié abusivement dans son poste de travail. – Délai de notification: Période pendant laquelle une notification doit être faite pour être valable. – Discrimination syndicale: Traitement défavorable d’un salarié en raison de son appartenance ou de ses activités syndicales. – Faute grave: Manquement très sérieux aux obligations du salarié pouvant justifier un licenciement immédiat. – Exclusivité de collaboration: Obligation pour un salarié de ne travailler que pour son employeur et de ne pas exercer d’autres activités professionnelles. – Harcèlement moral: Comportements répétés ayant pour but ou pour effet de dégrader les conditions de travail d’un salarié et de porter atteinte à sa dignité. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 2 MAI 2024
(n° 2024/ , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09750 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXEN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 14/10842
APPELANT
Monsieur [J] [D]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Alexis FACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 897 (bénéficie de l’aide juridictionnelle par décision du BAJ de Paris du 10/11/2021, N° BAJ 2021/046627, demande du 15/10/2021)
INTIMEE
S.A. FRANCE MEDIAS MONDE venant aux droits de la société RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Ranéha TOUIL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1897
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et Madame Séverine MOUSSY, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
M. [J] [D] a été engagé par la société Radio France internationale aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société France medias monde, ci-après la société, par contrat de travail à durée indéterminée du 8 juin 1989 en qualité d’assistant à la réalisation radio. En dernier lieu, il exerçait les fonctions de chargé de réalisation radio et percevait une rémunération mensuelle brute fixe de base de 2 306,72 euros pour une durée mensuelle de travail de 30 heures.
Le 12 novembre 1991, M. [D] a été désigné comme délégué syndical et à compter de cette date, il a été titulaire de différents mandats jusqu’en 1998.
Par courrier recommandé du 31 août 1998 M. [D] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave, après autorisation en date du 18 août 1998 du ministre de l’emploi et de la solidarité ayant annulé la décision de l’inspecteur du travail refusant d’autoriser le licenciement. Le 12 décembre 2001, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 18 août 1998 qui autorisait le licenciement. Cette décision est aujourd’hui définitive.
M. [D] a sollicité sa réintégration au sein de la société par courrier de son conseil du 17 janvier 2002 et il a été réintégré à compter du 1er avril 2002.
Par ordonnance de référé du 11 juin 2002, M. [D] a obtenu une provision de 5 066,11 euros pour la période courant du 18 janvier 2002 en 31 mars 2002, précédant sa réintégration.
Le 8 octobre 2002, la société a déposé plainte avec constitution de partie civile à l’encontre de M. [D] pour usage de faux concernant une note du 23 juin 1989 produite par l’intéressé devant le tribunal administratif de Paris dans le cadre de la procédure d’autorisation de licenciement, censée l’autoriser à travailler pour des entreprises extérieures. Par jugement du 1er juin 2007, confirmé par arrêt du 8 avril 2008, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré M. [D] coupable d’usage de faux en écriture par personne morale.
A compter du 31 juillet 2002 et jusqu’au 23 octobre 2002, M. [D] a bénéficié d’un congé pour enfant malade. Il a présenté des arrêts maladie du 10 au 24 décembre 2002 puis du 4 janvier 2003 au 4 avril 2003, date de la visite de reprise, à l’issue de laquelle le médecin du travail l’a déclaré apte à la reprise dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique jusqu’au 4 juillet 2023.
Par courrier recommandé du 28 mai 2003, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une éventuelle mesure de licenciement fixé au 5 juin 2003 puis s’est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier recommandé daté du 2 juillet 2003 dans des conditions qui font litige entre les parties.
La société emploie au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale de la communication et production audiovisuelle.
Contestant la validité et le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 14 juin 2004 afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi entre le 31 août 1998 et le 1er avril 2002 date de sa réintégration à la suite du premier licenciement, l’annulation du second licenciement et sa réintégration au sein de l’entreprise outre diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail.
Après un sursis à statuer, en raison de la procédure pénale, une radiation de l’affaire le 6 décembre 2012, le conseil de prud’hommes de Paris, statuant en formation de départage, a, par jugement du 21 septembre 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales :
– condamné la société France médias monde venant aux droits de Radio France internationale à verser à M. [D] la somme de 10 301,50 euros à titre de rappel de salaire,
– rejeté la demande d’annulation du second licenciement,
– débouté M. [D] du surplus de ses demandes,
– débouté la société France médias monde de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
M. [D] a régulièrement relevé appel du jugement le 26 novembre 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 août 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [D] prie la cour de :
– infirmer le jugement,
– condamner la société France médias monde à lui verser les sommes de :
* 209 093,10 euros en application de l’article L. 412-19 du code du travail en conséquence de l’annulation du premier licenciement pour la période du 31 août 1998 au 1er avril 2002 majorée des intérêts de retard au taux légal avec capitalisation à compter du 31 août 1998,
* 24 000 euros de dommages-intérêts pour privation des avantages du comité d’entreprise,
* 10 000 euros de dommages-intérêts pour perte de promotion,
* 8 956,63 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de janvier février et mars 2003 et à l’établissement du bulletin de salaire conforme,
– prononcer sa réintégration en conséquence de l’annulation du licenciement du 2 juillet 2003,
– constater la nullité du licenciement pour non-respect de la procédure disciplinaire,
– dire que le licenciement est nul pour discrimination syndicale,
– condamner la société à lui verser les sommes de :
* 80 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul,
* 990 623,78 euros à titre de rappel de salaire dû entre le 2 juillet 2003 et ce jour et des congés payés afférents pour 59 355,67 euros, outre les intérêts de retard au taux légal avec capitalisation à compter du licenciement,
A titre subsidiaire,
– dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société à lui verser la somme de 80 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
– condamner la société France médias monde à lui verser des dommages-intérêts pour harcèlement moral à hauteur des sommes de :
* 60 000 euros pour la période antérieure au premier licenciement au 31 août 1998 ,
* 50 000 euros pour la période antérieure au second licenciement ou de juillet 2013,
– condamner la société France médias monde à lui verser la somme de 4 450 euros au titre de l’article 37 de la loi du 19 juillet 1991,
– condamner la société aux dépens,
– rejeter les demandes de la société notamment celles portant sur l’article 700 du code de procédure civile à titre reconventionnel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société France media monde, venant aux droits de la société RFI prie la cour de :
Sur les demandes au titre de la période précédant la réintégration de M. [D],
– confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [D] la somme nette de 10 301, 50 euros,
– réduire les sommes sollicitées par M. [D] au titre de son préjudice matériel sans qu’elle ne puisse dépasser la somme de 10 301,50 euros en net,
– débouter M. [D] du surplus de ses demandes,
Sur les demandes au titre du second licenciement :
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du second licenciement,
– dire et juger que le licenciement repose sur une faute grave,
– débouter M. [D] de ses demandes de réintégration et de rappels de salaires,
Pour le surplus
– débouter M. [D] de ses demandes de réintégration, de rappels de salaires et de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement réduire à six mois de salaire les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
A titre subsidiaire,
– débouter M. [D] de ses demandes fondées sur le non-respect de la procédure disciplinaire, conventionnelle, la discrimination syndicale, le mal fondé du licenciement, le harcèlement moral, les rappels de salaires pour la période courant de janvier à mars 2003,
En tout état de cause :
– condamner M. [D] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– le débouter de toutes ses autres demandes.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 novembre 2023.
Sur les demandes relatives au premier licenciement :
Sur la demande en paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article L. 412-19 du code du travail pour la période du 31 août 1998 au 1er avril 2002 :
M. [D] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser une somme de 209 093,10 euros, faisant valoir qu’il a droit pour toute la période comprise entre son licenciement et sa réintégration à une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait perçue sans déduction des revenus qu’il a pu percevoir de tiers au cours de cette période.
La société s’oppose à la demande en faisant valoir qu’au contraire, l’indemnité doit être calculée en tenant compte des sommes perçues des ASSEDICS et de celles perçues au titre de toute activité professionnelle et conclut à la confirmation du jugement.
Aux termes de l’article L. 412-19 du code du travail applicable au litige, ‘ L’annulation sur recours hiérarchique par le ministre compétent d’une décision de l’inspecteur du travail autorisant le licenciement d’un salarié mentionné à l’article L. 412-18 emporte, pour le salarié concerné et s’il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent.
Il en est de même dans le cas où, sauf sursis à exécution ordonné par le Conseil d’Etat, le juge administratif a annulé une décision de l’inspecteur du travail ou du ministre compétent autorisant un tel licenciement.
Lorsque l’annulation de la décision d’autorisation est devenue définitive, le délégué syndical a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s’il l’a demandée dans le délai prévu au premier alinéa, ou l’expiration de ce délai dans le cas contraire. Ce paiement s’accompagne du versement des cotisations afférentes à ladite indemnité qui constitue un complément de salaire.’
La cour rappelle que l’indemnité accordée au titre du préjudice subi comprend la rémunération et les différentes primes et indemnités que l’intéressé aurait perçues s’il n’avait pas été licencié. L’évaluation du préjudice matériel est calculée sous déduction des sommes perçues par le salarié : indemnités de rupture, allocations de chômage, revenus professionnels, pension de retraite ou d’invalidité. Il en résulte que M. [D] ne peut valablement prétendre que les revenus de ses activités professionnelles ou ceux versés par les ASSEDICS ne doivent pas être déduits du montant réclamé peu important qu’il percevait déjà des revenus professionnels tout en travaillant au sein de l’entreprise avant son licenciement.
Le salarié présente un décompte de sa demande portant sur la période comprise entre janvier 2001 et juin 2008 ainsi qu’un second tableau portant sur la période de septembre 1998 à mars 2002 sans fournir aucune explication dans ses écritures ni répondre à celles de l’employeur qui fait valoir que :
– au fil de la procédure, M. [D] a présenté des demandes différentes, basées sur des tableaux différents,
– elle a elle-même procédé à une simulation des salaires qu’aurait perçus M. [D] s’il était resté en poste sur la base des grilles salariales en vigueur au moment des faits et tenant compte de l’ancienneté du salarié, de ses primes annuelles de fin d’année, de son supplément familial de traitement, de ses primes de modernité, de ses primes de disparité permettant d’établir sur la période du 1er septembre 1998 au 31 mars 2002 qu’il aurait dû percevoir une somme de 109 208,62 euros brut soit, 84 090,64 euros net.
La cour observe que ces chiffres ne sont aucunement discutés par le salarié.
Sur les montants à déduire, M. [D] n’ayant communiqué aucun élément sur ce point, l’employeur effectue dans ses écritures une évaluation des sommes perçues entre 1998 et 2002 en indiquant qu’il s’agit d’une reconstitution réalisée sur la base des montants qui avaient été communiqués par le salarié dans le cadre de la procédure de référé, faisant apparaître un montant de 43 046,47 euros au titre des indemnités ASSEDICS, 27 970,02 euros au titre de la rémunération des périodes travaillées outre 5 066,11 euros versés en exécution de l’ordonnance de référé.
Ces chiffres ne sont aucunement discutés dans leurs montants par le salarié.
En conséquence, la cour condamne la société à verser à M. [D] la somme de 10 301,50 euros net à titre d’indemnité pour la période courant jusqu’au 31 mars 2002, avec intérêts au taux légal à compter du jugement. La décision des premiers juges est confirmée de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les avantages du comité d’entreprise :
M. [D] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser à ce titre une somme de 24 000 euros en réparation de son préjudice sans justifier celui-ci en aucune façon de sorte qu’il est débouté de sa demande. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de promotion :
M. [D] soutient que son éviction de l’entreprise lui a fait perdre le bénéfice de légitimes promotions et réclame la condamnation de l’employeur à lui verser à ce titre une somme de 10 000 euros de dommages intérêts. Pour justifier sa demande, il verse aux débats une note à l’attention des membres de la commission paritaire des PTA de 1996 faisant état d’une proposition de la CFDT d’une promotion de M. [D] en B21/1 mais cet élément à lui seul est insuffisant pour établir la réalité de la perte de chance alléguée de sorte que la demande de dommages-intérêts est rejetée. M. [D] est débouté de cee demande et le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les demandes présentées au titre de la période postérieure à la réintégration :
Sur la demande de nullité du second licenciement :
M. [D] sollicite la nullité du licenciement en faisant valoir que :
– la procédure conventionnelle n’a pas été respectée,
– son licenciement lui a été notifié de manière anticipée,
– il a été victime de discrimination syndicale.
S’agissant du non-respect des mesures prévues dans la convention collective,
M. [D] invoque la violation de l’article V III-6 qui précise qu’en cas de poursuites pénales, le conseil peut demander de surseoir jusqu’à la décision du tribunal. Il soutient que tel a été le cas en s’appuyant sur un courrier des sections syndicales CFDT, FO, CGT en date du 20 août 2003 adressé au directeur des ressources humaines aux termes duquel, la commission de discipline ne s’est pas tenue en vue du licenciement de M. [D] dès lors qu’elle avait décidé de surseoir à statuer.
Il invoque également une violation de l’article VIII-3.2 de la convention collective selon lequel le salarié appelé à comparaître devant le conseil de discipline doit être convoqué dans les mêmes conditions que précédemment, au moins huit jours à l’avance en faisant valoir que :
– il a été convoqué par lettre recommandée pour le mercredi 25 juin puis par lettre remise en main propre le 24 juin pour le 26 juin 2003,
– il n’a jamais pu rentrer dans la salle où se déroulait le conseil de discipline puisque le directeur général délégué chargé des ressources humaines et du dialogue social s’est entretenu avec les membres siégeant au conseil de discipline et a décidé d’ajourner la commission à la suite de la demande de surseoir à statuer de la part des délégués du personnels et syndicaux,
– il n’a jamais eu communication des pièces du dossier disciplinaire
– ni lui ni les délégués du personnel et les délégués syndicaux n’ont obtenu le procès-verbal de la commission disciplinaire malgré de nombreuses demandes écrites.
Il invoque enfin la violation de l’article VIII-3.2 et le non-respect des délais de procédure de licenciement en faisant valoir que la direction de la société sans même avoir entendu ses arguments lors de l’entretien préalable et du conseil de discipline a décidé de le licencier pour faute grave, ne lui a jamais fait communication des éléments qu’elle considérait à charge pour justifier ce licenciement et que par lettre recommandée expédiée le 25 juin 2003, veille de cette commission du 26 juin mais datée du 2 juillet 2003, reçue le 27 juin 2003 le directeur général lui a notifié son licenciement pour faute grave sans obtenir l’avis de la commission disciplinaire. Il verse aux débats
– la lettre de licenciement datée du 2 juillet 2003,
– la copie d’une enveloppe mentionnant son adresse avec un cachet de la poste du 25 juin 2003,
– la copie d’un avis de réception faisant état d’une présentation le 27 juin 2003 et d’une distribution le 11 juillet 2003.
La société conclut au débouté en faisant valoir qu’elle a respecté les dispositions conventionnelles en faisant valoir que :
– contrairement à ce qui est indiqué par la suite d’une ” erreur de plume ” dans la lettre de licenciement l’entretien préalable au licenciement s’est tenu le 5 juin 2003 et non le 28 mai,
– la commission disciplinaire a été saisie et la réunion s’est tenue le 26 juin 2003,
– M. [D] a été convoqué à cette réunion par un courrier qui lui indiquait qu’il pouvait être assisté par une personne de son choix et consulter son dossier à partir du 16 juin se référant à son courrier de convocation du 13 juin qu’elle communique,
– la décision de sursis à statuer implique que la commission s’est tenue,
– M. [D] ne justifie pas ses allégations relatives à la date de notification de la lettre de licenciement.
Sur ce dernier point la cour relève que c’est à l’employeur de justifier qu’il a notifié conformément aux dispositions légales et conventionnelles le courrier de licenciement au salarié et que la société ne peut valablement se contenter de critiquer les documents communiqués par le salarié alors qu’il lui appartient, à elle, de justifier de la date de notification du courrier de licenciement ce dont elle s’abstient. Cependant ces irrégularités alléguées ne sont pas de nature à entraîner la nullité du licenciement mais peuvent seulement entraîner une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement laquelle n’est pas sollicitée en l’espèce.
En second lieu, s’agissant du non-respect des dispositions conventionnelles la cour relève que :
– l’employeur justifie en communiquant la lettre de convocation du 13 juin 2003 que M. [D] a été convoqué dans le respect des dispositions conventionnelles devant la commission disciplinaire du 26 juin 2003,
– la décision de licenciement a pu valablement être prononcée dès lors que l’employeur justifie avoir mis en oeuvre les procédures conventionnelles protectrices des droits du salarié, l’absence d’avis du conseil de discipline qui résulte de ce que ses membres ont décidé de surseoir à statuer n’ont pas pour effet de mettre en échec le pouvoir disciplinaire de l’employeur et de rendre irrégulière la procédure de licenciement.
– le courrier de convocation du 13 juin 2003 mentionnait pour le salarié la possibilité de consulter son dossier et M. [D] ne justifie pas ni de sa demande de consultation ni du refus qui lui aurait été opposé.
Il en résulte que les irrégularités de la procédure conventionnelle alléguées ne sont pas caractérisées.
Le moyen soulevé tiré du non-respect de la procédure conventionnelle est écarté.
Sur la discrimination :
Aux termes de l’article L. 122-45 dans sa version applicable au litige en vigueur du 5 mars 2002 au 12 février 2005, aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecteen raison de ses activités syndicales. En cas de litige, ‘le salarié concerné […] présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il apprtient à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Toute disposition, tout acte contraire à l’égard d’un salarié est nul de plein droit.’
M. [D] fait valoir qu’il a été persécuté, victime de l’acharnement de l’employeur, de sa volonté de l’asphyxier et de le condamner au silence en se prévalant des éléments suivants :
– le courrier adressé à tous les directeurs et chefs de service par la direction générale de RFI s’analysant selon lui comme une campagne de mise au ban dès son retour au sein de la société après sa réintégration, versant aux débats la note d’information à l’attention des directeurs généraux délégués directeurs, directeur adjoint, adjoint au directeur chef de service du 26 mars 2002, retraçant l’historique du passé disciplinaire de M. [D],
– l’information aux services fiscaux de son retour à un emploi fixe au sein de l’entreprise aboutissant à une saisie sur salaire immédiate. La cour relève qu’aucun élément n’est versé aux débats sur cette information, que M. [D] ne se réfère à aucune pièce dans ses écritures et que les bulletins de salaire qu’il communique font état d’une saisie sur salaire au mois de janvier 2003, plusieurs mois après sa réintégration, de sorte que les faits ne sont pas retenus,
– la volonté de ne pas lui donner les droits qui lui étaient acquis en lui transmettant une attestation ASSEDICS sciemment mal remplie afin de l’empêcher de percevoir les indemnités correspondant à son licenciement et la tardiveté de la rectification ayant eu comme conséquence de le contraindre pour subvenir aux besoins de ses enfants et aux siens à demander le RMI mais la cour observe que l’attestation mal remplie date du 5 août 2003, postérieurement à la rupture, de sorte que les faits ne peuvent valablement être invoqués au titre de la discrimination alléguée à l’appui de la demande de nullité du licenciement,
– ses conditions de travail difficiles et douloureuses en raison des persécutions et du dénigrement systématique subis ayant engendré une grave dépression nerveuse nécessitant un arrêt de travail et le suivi régulier d’un psychiatre., Mais à cet égard la cour observe que M. [D] ne se réfère à aucune pièce dans ses écritures, qu’il communique un courrier de sa part en date du 6 mai 2002 faisant état de ses conditions difficiles de travail lequel n’est pas corroboré par des éléments objectifs de sorte que sa force probatoire est insuffisante pour conduire la cour à considérer les faits, non précisément énoncés comme matériellement établis. Par ailleurs, les certificats médicaux communiqués ne suffisent pas à établir un lien avec les conditions de travail alléguées étant observé que le premier certificat médical fait expressément mention d’un lumbago et que lors de la visite de reprise, le médecin du travail l’a déclaré apte en mi-temps thérapeutique sans procéder à une référence quelconque aux conditions de travail de l’intéressé, de sorte que les faits ne sont pas matériellement établis.
Les faits que la cour a retenus comme étant matériellement établis, pris dans leur ensemble laissent supposer des agissements discriminatoires et il appartient donc à l’employeur de prouver qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.
La société s’oppose à la demande en faisant valoir que la discrimination syndicale n’est pas caractérisée dès lors que :
– M. [D] ne disposait pas de mandat représentatif après sa réintégration et n’a plus disposé de mandat représentatif après mars 1998,
– il ne peut valablement invoquer la note du 26 mars 2002 qui précède sa réintégration et elle n’a pas eu connaissance d’une quelconque activité syndicale de sa part avant son second licenciement,
– M. [D] n’est pas en mesure de justifier qu’elle a été informée du dépôt des statuts du syndicat Sud RAF le 4 avril 2002
La cour considère cependant que si M. [D] ne justifie effectivement pas qu’après sa réintégration, son activité syndicale a été portée à la connaissance de l’employeur, la copie de récépissé de création d’un syndicat professionnel Sud PAF n’y suffisant pas, il n’en demeure pas moins que la note du 26 mars 2002, diffusée par l’employeur auprès des directeurs de l’entreprise préalablement à la réintégration du salarié et qui fait expressément référence à sa qualité de syndicaliste tout en reprenant la présentation par l’employeur de l’historique du passif disciplinaire de l’intéressé n’est pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à la discrimination syndicale alléguée.
La cour considère que la discrimination est établie et condamne la société à verser à M. [D] une somme de 3 000 euros de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef de demande.
Pour déterminer si le licenciement est intervenu en raison de l’activité syndicale du salarié et doit donc être annulé comme e demande le salarié, il convient de déterminer dans un premier temps si le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Sur le bien fondé du licenciement :
Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, M. [D] a été licencié pour les motifs suivants :
‘J’ai le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :
Depuis votre réintégration à RFI, le 1er avril 2002, vous avez été très souvent absent.
Vous avez d’abord déposé des jours de congés du-17 mai au 27 juin 2002 (ours conventionnels pour enfant malade, congés sans solde ou jours de récupération). Puis vous avez à nouveau été absent pour maladie à de nombreuses reprises. Vous avez justifié chacune de vos absences avec plus ou moins de ponctualité auprès de la DRH.
J’ai diligenté à deux reprises, un contrôle médical pour vos absences du 10 décembre 2002 au 24 décembre 2002 et pour celle du 4 janvier 2003 au 20 janvier 2003 inclus. Ces contrôles ont chacun révélé que vous n’étiez pas à votre domicile, ce qui a conduit à ce que ces absences injustifiées ne soient pas payées. Chaque fois que la Direction ou le secrétariat des antennes a tenté de vous joindre, cela s’est avéré impossible et vous n’avez que rarement retourné nos appels.
Courant avril 2003, RFI a eu confirmation que vous travailliez chez Ego Productions pendant vos absences, notamment pour maladie.
La Direction de RFI s’appuie sur les éléments de preuve et les témoignages apportés par le procès-verbal établi le 27 mai 2003 par Maître [X] [F], huissier de justice, qui atteste que vous avez été titulaire de contrats de travail (du 30/9 au 21/10 2002, le 26/10/2002, du 18/11 au 21/11/2002, puis du 22/11 au 6/12/2002) pour lesquels des bulletins de salaire ont été établis à votre nom. Aux termes dudit procès-verbal, vous avez ensuite demandé à EGO productions de payer la société ‘ SILENCE RACCORD » pour laquelle vous êtes intervenu à partir du 4 janvier 2003 en tant que prestataire de service.
Il ressort donc qu’à l’un de ces deux titres, vous avez travaillé pendant vos absences pour maladie :
– le 29 novembre 2002 et du 1er au 3 décembre 2002 en tant qu’intermittent salarié.
– 15 jours en tant qu’intermittent salarié, entre le 10/12/2002 et le 24/12/2002 (le bulletin de paie a été annulé pour être remplacé par une facture).
– 56 jours en tant que prestataire de service via la société SILENCE RACCORD, entre le 10 décembre 2002 et le 5 mars 2003.
Cette collaboration extérieure relève d’une faute grave à plusieurs égards:
Vous ne pouviez valablement ignorer que vous n’aviez pas le droit de travailler à l’extérieur sans autorisation. Un courrier a été adressé à tout le personnel de RI en mai 2002 rappelant les dispositions de l’article III. 5 de la Convention Collective de la Communication et de la Production Audiovisuelles qui interdit à chaque salarié d’exercer une activité lucrative, salariée ou non, hors de “l’entreprise qui l’emploie”. Vous avez en toute connaissance délibérément choisi de ne pas respecter les termes de la Convention Collective.
Vous avez invoqué la maladie de votre fille [Z] puis des problèmes personnels à l’appui de vos différentes demandes de congé sans solde (du 1er au 31 août 2002 puis du 1 au 30 septembre 2002), congé dont nous vous rappelons qu’il n’était pas de droit, trompant par là-même la Direction de RFI sur le véritable motif de votre absence.
Par conséquent, n’estimant pas que notre entretien préalable du 28 mai 2003 et que la position exprimée par la commission disciplinaire le 26 juin 2003 aient été de nature à permettre une poursuite de notre collaboration, je regrette de vous notifier votre licenciement pour faute grave, privative des indemnités légales et conventionnelles. (‘) »
La faute grave est celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail. La charge de la preuve repose sur l’employeur qui l’invoque.
A cette fin, l’employeur soutient que M. [D], tenu d’une obligation de loyauté et d’exclusivité à son égard, s’en est affranchi en toute connaissance de cause. Il verse aux débats les pièces suivantes :
– les arrêts de travail de M. [D],
– les contrôles effectués par le docteur [B], médecin mandaté par la société dont il ressort que le 11 décembre 2002 à 14 heures et le 5 février 2003 à 9h45, M. [D] n’était pas présent à son domicile en dehors des heures de sorties prévues par l’arrêt de travail présenté pour justifier son absence pendant la période concernée,
– le procès-verbal du 27 mai 2003 dressé par l’huissier de justice désigné par requête du président du tribunal de grande instance de Paris du 9 mai 2003 dont il ressort que M. [D] a travaillé comme chef opérateur du son pour la société Ego production entre le 30 septembre 2002 et le 13 décembre 2002 selon les déclarations de Mme [M], chef comptable de la société, confirmées par le récapitulatif URSSAF, les bulletins de salaire de septembre octobre novembre décembre annexés au procès-verbal, les déclarations uniques d’embauche, les avis destinés aux ASSEDICS faisant état de période d’emploi les 30 septembre 2002, du 1er au 4 octobre 2002, et la liste des certificats d’emploi enregistrés par la caisse des spectacles comprenant le nom de M. [D] pour la période du 30 septembre au 29 novembre 2002 pour 26 jours de travail. Il ressort également des déclarations de la chef comptable qu’à compter du 13 décembre 2002, M. [D] n’était plus salarié intermittent du spectacle mais présentait des factures établies par la société Silence raccord couvrant non seulement la mise à disposition et l’utilisation de matériels son mais également des opérations de prestations d’opérateur son ainsi que l’établissent lesfactures communiquées notamment pour exemples, le 6 mars 2003 (forfait tournage et consommable, le 3 mars 2003, le 24 février 2003.
La cour considère ces éléments suffisants pour établir que M. [D] a travaillé pour son compte ou par l’intermédiaire de une société Raccord silence pendant la durée de son contrat de travail pour RFI sans autorisation, en violation de la clause d’exclusivité conventionnelle et pendant ses arrêts de travail ou son congé pour enfant malade.
Par ailleurs, la cour relève que l’article III-5 de la convention collective dispose que ” l’exclusivité de collaboration a pour but de garantir aux entreprises et aux salariés l’exécution effective et loyale des contrats de travail ainsi que de contribuer à la solidarité générale par un meilleur partage du travail. À cet effet, la collaboration des salariés relevant de la présente convention collective est exclusive. L’exclusivité de collaboration consiste en l’interdiction pour chaque salarié d’exercer une activité lucrative, salarié ou non, hors de l’entreprise qui l’emploie. Il est dérogé à ce principe lorsque l’employeur a accordé un congé non rémunéré pour convenances personnelles à un salarié qui l’a expressément demandé pour exercer une activité lucrative, salariée ou non. Dans ce cas, si l’employeur refuse le congé sollicité, le salarié ou les délégués du personnel peuvent saisir la commission paritaire compétente. ”
M. [D] sans contester la matérialité des faits se prévaut des irrégularités de la procédure de licenciement mais la cour a écarté ces moyens qui ne peuvent conduire à la nullité du licenciement et ils ne conduisent pas davantage à l’absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci, pouvant tout au plus conduire à une indemnité au titre de l’irrégularité du licenciement comme il a été vu ci-dessus. Par ailleurs, il invoque dans ses écritures la possibilité pour la cour d’écarter une disposition de la convention collective qui ne serait pas conforme aux normes conventionnelles et traités internationaux. Il fait valoir que le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels du 16 décembre 1966, reconnu par la Cour de cassation comme étant d’application directe en France notamment en matière de cumul d’emplois rend inapplicables les dispositions de la convention collective interdisant le cumul d’activités hors de toute proportion et soutient qu’elles ne servent que de prétexte au licenciement manifestant en réalité l’acharnement de l’employeur à l’évincer.
À cet égard la cour relève que l’article 6-1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 dispose que : ” les Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu’à toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit “. Si comme le soutient M. [D], la Cour de cassation a admis que ces dispositions étaient directement applicables en droit interne, ce droit doit être concilié avec les valeurs de partage de travail qui ont conduit les partenaires sociaux à édicter les dispositions relatives à l’exclusivité et qui ont d’ailleurs été rappelées à l’entreprise par un courrier de l’inspection du travail en date du 28 mai 1996 communiqué, compte tenu de la situation particulière des intermittents artistiques et techniques sans emploi, mais aussi avec les obligations pesant sur l’employeur, relatives à la sécurité et à la santé de ses salariés étant rappelé qu’au cas d’espèce M. [D] était en arrêt de travail alors qu’en réalité il travaillait pour le compte d’un autre employeur et qu’enfin, contrairement à ce qu’il fait valoir l’interdiction est proportionnée d’autant qu’elle peut donner lieu à dérogation, laquelle n’a pas été acordée en l’espèce.
Le moyen soulevé est donc écarté. La cour considère que M. [D] a sciemment manqué à ses obligations de loyauté et d’exclusivité envers l’employeur et que les faits sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail de sorte que le licenciement repose bien une faute grave.
Sur les demandes présentées au titre de la nullité du licenciement et subsidiairement du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Les faits étant matériellement établis, la cour les considérant comme justifiant la faute grave alléguée, M. [D] n’établit pas que le motif réel du licenciement était l’acharnement de l’employeur à son égard et l’employeur démontre de son côté que le licenciement est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La demande de nullité du licenciement est donc rejetée. Le jugement est confirmé de ce chef et en ce qu’il a débouté M. [D] de l’ensemble des demandes présentées en conséquence de la nullité du licenciement.
Eu égard à la solution du litige, la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est rejetée et le jugement confirmé en ce qu’il a débouté M [D] de ce chef de demande.
Sur la demande de rappel de salaire pour la période de janvier à mars 2003 :
M. [D] ne présente aucun moyen à l’appui de cette demande qui figure dans le dispositif de ses conclusions mais n’est pas évoquée ni explicitée dans le corps de ses écritures. Elle est donc rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef de demande.
Sur le harcèlement moral :
M. [D] soutient avoir été victime de harcèlement moral et sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser une somme de :
– 60 000 euros de dommages-intérêts pour la période de harcèlement antérieure à son premier licenciement,
– 50 000 euros de dommages-intérêts pour la période de harcèlement antérieur au deuxième licenciement.
S’agissant de la période antérieure au premier licenciement :
M. [D] ne fait état d’aucun élément de fait, aucune faute de l’employeur n’est donc caractérisée de nature à engager sa responsabilité civile. La demande de dommages-intérêts est rejetée et le jugement confirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de ce chef de demande.
S’agissant de la période postérieure à sa réintégration :
Aux termes de l’article L. 122-49, alors applicable, ” Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis à l’alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.’.
L’article L. 122-52 du code du travail, alors applicable dispose que ” En cas de litige relatif à l’application des articles L. 122-46 et L. 122-49, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.
M. [D] indique :
– avoir repris son travail dans un climat délétère avec des horaires particulièrement difficiles à supporter, la cour relève qu’aucun élément précis et concordant n’est allégué pour établir le climat déletère allégué mais qu’en revanche les horaires sont justifiés par les échanges de courriers, précédant la réintégration de M. [D],
– malgré ses nombreuses demandes, le directeur des ressources humaines a refusé de le recevoir et il comprendra pourquoi en ayant connaissance de la note du 26 mars 2002 émise par le directeur général dûment communiquée,
– il a présenté des demandes de formation ou d’attribution de casiers qui n’ont pas été suivies par la direction . Il verse aux débats son courrier du 6 mai 2002 se plaignant de cette situation et le courrier en réponse de l’employeur lui indiquant qu’il a bénéficié des formations nécessaires et les lui rappelant. Les faits ne sont pas retenus, d’autant qu’aucun élément ne vient corroborer les déclarations du salarié sur l’absence de casier mis à sa disposition,
– il a pris un congé sans solde pour enfants malades entre le 31 juillet et le 25 septembre 2002 prolongé jusqu’au 23 octobre 2002 et, à son retour de congés, ses horaires et tâches avaient été augmentés sans préavis, ainsi il devait désormais travailler sur des tranches horaires de nuit . La cour relève qu’aucun élément n’est communiqué sur les horaires de nuit et l’alourdissement des tâches. Les faits ne sont pas matériellement établis.
– le 4 novembre, il a été victime d’un malaise car il travaillait sans pause sur des périodes de plus de 10 heures. La cour relève qu’aucun élément n’est communiqué sur le malaise allégué et son lien avec les conditions de travail,
– l’inspecteur du travail demandait par courrier du 2 janvier 2003 à RFI d’apporter des explications ,mais le courrier n’est pas communiqué, M. [D] ne fait référence à aucune pièce dans ses écritures les éléments allégués ne sont pas établis,
– il a été placé en arrêt maladie à de nombreuses reprises après un arrêt de travail entre le 10 et le 24 décembre 2002 il a repris son activité jusqu’au 4 janvier date à laquelle le médecin de Radio France a constaté qu’il était dans l’incapacité de supporter sa charge de travail. S’il est versé plusieurs arrêts de travail aucun élément n’est produit de nature à les lier aux conditions de travail du salarié,
– il est resté en arrêt maladie jusqu’au 4 avril 2003 et a repris ses vacations dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique. L’avis d’aptitude est communiqué,
– l’employeur a profité de cette période pour abaisser sa moyenne de salaire,
– l’employeur a engagé une procédure pénale à son encontre puis une seconde procédure de licenciement.
Les faits que la cour a retenus comme matériellement établis pris dans leur ensemble laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l’employeur de démontrer qu’ils sont justifiéss par des éléments objectifs qui y sont étrangers.
L’employeur conclut au débouté en faisant valoir que :
– M. [D] ne peut valablement lui reprocher un quelconque harcèlement judiciaire alors que lui-même est à l’origine de cinq saisines successives du conseil de prud’hommes et la cour observe par ailleurs que M. [D] suite à la plainte pénale de l’employeur a été condamné pour usage de faux dans le cadre de la procédure administrative relative à son premier licenciement par une décision correctionnelle aujourd’hui définitive de sorte que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral allégué,
– s’agissant de la seconde procédure de licenciement, la cour a retenu que les faits étaient établis et caractérisaient une faute grave de sorte que le licenciement est bien fondé.
S’agissant de la diminution de la moyenne de salaire, la cour rappelle que le salarié était employé à mi-temps thérapeutique à compter du mois d’avril 2003.
S’agissant des horaires de travail, le salarié les a acceptés après plusieurs échanges entre les parties et l’employeur lui a expliqué qu’il n’avait pas, compte tenu de la date de sa réintégration, eu d’autres horaires à lui présenter étant observé que parmi les postes proposés au moins un comportait des horaires de jours.
En définitive, le seul élément qui n’est pas justifié par des éléments objectifs étrangers au harcèlement est la diffusion par l’employeur de la note du 26 mars 2002, rappelant le passé disciplinaire de l’intéressé mais cet élément, à lui seul, n’est pas de nature à caractériser des agissements répétés de harcèlement moral de sorte que la demande de dommages-intérêts présentée pour la période consécutive à la réintégration est rejetée. Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de ce chef de demande.
Sur les autres demandes :
Les intérêts au taux légal sont dus à compter de la décision qui les prononce et la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière est ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.
La société, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [D] en application de l’article 37 de la loi du 19 juillet 1991 des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur d’une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. [J] [D] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination,
Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne la société France médias monde venant aux droits de la société Radio France internationale à verser à M. [J] [D] la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour discrimination syndicale,
Dit que les intérêts au taux légal sont dus à compter de la décision qui les prononce et ordonne la capiatalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière,
Déboute M. [J] [D] du surplus de ses demandes,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société France médias monde,
Condamne la société France médias monde venant aux droits de la société Radio France internationale aux entiers dépens et à verser à M. [J] [D] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE