Litige sur les heures supplémentaires et repos compensateurs

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Litige sur les heures supplémentaires et repos compensateurs
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Litige sur les heures supplémentaires et repos compensateurs

Sur le rappel d’heures supplémentaires :

La cour a confirmé le jugement en faveur de M. [X] concernant le rappel d’heures supplémentaires. La société RLT n’a pas pu justifier le non-paiement des heures supplémentaires effectuées par le salarié, et la cour a accordé à M. [X] la somme réclamée pour le rappel de salaire et les congés payés afférents.

Sur les repos compensateurs :

La cour a également confirmé le jugement en faveur de M. [X] concernant les repos compensateurs. M. [X] a démontré qu’il n’avait pas reçu la compensation obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées, et la cour lui a accordé la somme réclamée pour les jours de repos compensateur trimestriel non pris.

Sur le bien-fondé du licenciement :

La cour a jugé que le licenciement de M. [X] était nul en raison de la violation de son statut protecteur en tant que candidat aux élections professionnelles. La société RLT n’a pas respecté la procédure légale d’autorisation préalable au licenciement, ce qui a conduit à l’annulation du licenciement.

Sur les demandes indemnitaires :

M. [X] a obtenu des dommages-intérêts pour licenciement nul, une indemnité de préavis, une indemnité de licenciement, et une indemnité pour violation du statut protecteur. La cour a accordé les sommes demandées en fonction de l’ancienneté et du salaire mensuel moyen de M. [X].

Sur les demandes accessoires :

La cour a confirmé certaines demandes accessoires, telles que les intérêts au taux légal et la remise des documents de fin de contrat. Les frais irrépétibles et les dépens ont été accordés à M. [X], et la société RLT a été condamnée à payer une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

RUL/CH

S.A.R.L. ROUTE LOGISTIQUE TRANSPORT

C/

[C] [X]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 JUILLET 2023

MINUTE N°

N° RG 22/00129 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F4KO

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Commerce, décision attaquée en date du 06 Janvier 2022, enregistrée sous le n° F20/00096

APPELANTE :

S.A.R.L. ROUTE LOGISTIQUE TRANSPORT

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Amandine CHAVANCE, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉ :

[C] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Anne-cécile GROSSELIN de la SELARL EKITACT, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Me Elsa GOULLERET, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Juin 2023 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] [X] a été embauché le 3 mars 2014 par la société ROUTE LOGISTIQUE TRANSPORTS (ci-après RLT) par un contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de chauffeur routier.

Le 6 mars 2020, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 suivant assorti d’une mise à pied conservatoire.

Le 9 avril 2020, il a été licencié pour faute grave.

Par requête du 4 juin 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône afin de faire juger que son licenciement est nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse et faire condamner l’employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre un rappel de salaire pour des heures supplémentaires effectuées en février 2020 et au titre des jours de repos compensateurs non pris sur les trois dernières années.

Par jugement du 6 janvier 2022, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement est nul et accueilli l’essentiel des demandes du salarié.

Par déclaration du 16 février 2022, la société RLT a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 11 août 2022, l’appelante demande de :

– infirmer le jugement déféré,

à titre principal,

– débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes,

subsidiairement, s’agissant des heures supplémentaires :

– réduire à de plus justes proportions le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires du mois de février 2020 qui devront être recalculées mensuellement et duquel sera déduit la somme de 226,39 euros déjà versée au mois de février 2020 à titre d’heures supplémentaires,

en tout état de cause,

– condamner M. [X] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières écritures du 15 juillet 2022, M. [X] demande de :

à titre principal,

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire,

– juger que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société RLT au paiement de :

* 4 475,18 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 5 709,95 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 571 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 2 310,15 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire injustifiée, outre 231,02 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 19 984,84 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

– condamner la société RLT à lui verser, au titre de la procédure d’appel, la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner qu’elle supporte les entiers dépens de l’instance d’appel,

– débouter la société RLT des demandes qu’elle formule à hauteur d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens de l’instance d’appel.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur le rappel d’heures supplémentaires :

Aux termes de l’article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Rappelant qu’en application des dispositions des articles D.3312-45 et R.3312-47 du code des transports la durée de travail des salariés « grand routier » est fixée à quarante-trois heures par semaine et que conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs les heures allant de la 35ème à la 43ème heure hebdomadaire sont majorées de 25% et que les heures effectuées au-delà de la 43ème heure sont considérées comme des heures supplémentaires majorées à 50 %, M. [X] soutient avoir effectué en février 2020 un total de 219,60 heures mensuelles dont 47,61 heures au-delà du seuil de 43 heures supplémentaires et sollicite en conséquence la somme de 768,86 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 76,87 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Au titre des éléments qu’il lui incombe d’apporter, il produit :

– son bulletin de paye de février 2020 (pièce n° 2),

– un rapport d’activité de février 2020 (relevé chronotachygraphe – pièce n° 14),

– un tableau de calcul du rappel d’heures supplémentaires de février 2020 (pièce n° 15),

– une extraction des données de sa carte conducteur pour le mois de février 2020 par le logiciel HEY MARIUS (pièce n° 27).

La cour estime que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société RLT oppose pour sa part que :

– le rapport d’activité du mois de février 2020 produit par le salarié diverge de la synthèse conducteur du mois de février 2020 qu’elle-même produit,

– les heures effectuées ont été payées sur son bulletin de paye de février 2020 à hauteur de 152 heures en salaire de base, 17 heures d’équivalences majorées à 25 % et 15 heures 45 d’équivalence majorées 25 % outre majoration heures de nuit pour 10 heures 44 (pièce n° 24),

de sorte que sa demande est infondée.

Subsidiairement, elle indique que ce ne sont pas les heures hebdomadaires mais les heures mensuelles qui doivent être prises en compte car le régime d’équivalence dans le secteur du transport routier de marchandises s’accompagne d’un régime particulier de rémunération fixé par l’accord de branche du 23 avril 2002 prévoyant que :

– les heures de temps de service effectuées à compter de la 36ème heure et jusqu’à la 43ème heure hebdomadaire incluse ou, en cas de décompte sur le mois, les heures effectuées de la 152ème à la 186ème heure incluse, sont rémunérées en leur appliquant une majoration de 25 %,

– les heures de temps de service effectuées à compter de la 44ème heure hebdomadaire ou de la 187ème heure mensuelle sont rémunérées en leur appliquant une majoration de 50%,

de sorte que les heures supplémentaires doivent être recalculées et il conviendra d’y déduire la somme de 226,39 euros d’ores et déjà été versée à titre d’heures supplémentaires.

Il ressort des pièces produites que les parties produisent deux versions différentes d’un même document (rapport d’activité de février 2020). Néanmoins, nonobstant le fait que l’affirmation du salarié selon laquelle la version produite par l’employeur aurait été falsifiée ne repose sur aucun élément, la cour constate que le document produit par le salarié est corroboré par un autre document établi sur la base des mêmes données mais avec un autre logiciel.

Il s’en déduit que le rapport d’activité produit par le salarié est fiable et établit que pour le mois de février 2020, le salarié a effectué :

47,57 heures du 3 au 9,

58,97 heures du 10 au 16,

55,92 heures du 17 au 23,

57,15 heures du 24 au 29,

soit un total de 219,61 heures mensuelles dont 47,61 heures au-delà du seuil des 43 heures supplémentaires.

Par ailleurs, il ressort de l’article D.3312-41 du code des transports que la durée hebdomadaire du travail est calculée sur une semaine et que si pour les personnels roulants elle peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine sans pouvoir dépasser trois mois, l’avis préalable du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s’ils existent est nécessaire, ce qui en l’occurrence n’est pas justifié par la société RLT qui ne peut donc utilement se prévaloir d’un décompte mensuel du temps de travail.

Dans ces conditions, dès lors que le bulletin de paye de février 2020 ne porte mention que du paiement des majorations pour des heures d’équivalence et des heures de nuit et non pour les heures supplémentaires effectuées, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a alloué à M. [X] la somme de 768,86 euros à titre de rappel de salaire, outre 76,87 euros au titre des congés payés afférents tel qu’expressément demandé.

II – Sur les repos compensateurs :

Rappelant que les textes relatifs à la durée du travail des chauffeurs routiers affectés au transport de marchandises prévoient également qu’en plus des majorations pour les heures supplémentaires réalisées, celles-ci ouvrent droit à une compensation obligatoire en repos trimestrielle, M. [X] soutient avoir réalisé de nombreuses heures supplémentaires sans pour autant se voir attribuer la compensation obligatoire en repos prévue par le code des transports.

Estimant avoir été privé de 20,5 jours de repos compensateur sur les trois dernières années d’emploi, il sollicite un rappel de salaire à hauteur de 1 550,60 euros bruts selon un décompte produit en pièce n° 21.

La société RLT conclut au rejet de la demande au motif que le repos compensateur se justifie en remplacement de tout ou partie d’heures supplémentaires équivalentes or M. [X] a régulièrement bénéficié du paiement de ses heures supplémentaires.

Il résulte des dispositions des articles 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, reprises à l’article R. 3312-48 du code des transports, D.3312-45 et R.3312-47 du même code, que les heures de travail effectuées au-delà de 43 heures par semaine, ou 559 heures par trimestre, ouvrent droit pour les salariés à un repos compensateur trimestriel obligatoire dont la durée est égale à une journée à partir de la 41ème heure et jusqu’à la 79ème heure supplémentaire effectuée par trimestre, une journée et demi à partir de la 80ème heure et jusqu’à la 108ème heure supplémentaire effectuée par trimestre, deux journées et demi au-delà de la 108ème heure supplémentaire effectuée par trimestre.

L’article 12 § 2 b) de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 prévoit que, en application de l’article L.212-6 du code du travail, le contingent d’heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l’inspection du travail est fixé, par période de 12 mois, à compter du 1er janvier 1983 à – 195 heures pour le personnel roulant “voyageurs”, “marchandises” et “déménagement”.

Il est de principe que le repos compensateur trimestriel prévu au 5° de l’article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 et la contrepartie obligatoire en repos prévue à l’article L. 3121-11 du code du travail ne peuvent se cumuler.

En revanche, le repos compensateur trimestriel obligatoire s’ajoute aux heures supplémentaires effectuées et payées, de sorte que l’employeur ne saurait considérer que le salarié a été rempli de ses droits à cet égard au seul motif qu’il lui a réglé ses heures supplémentaires, ce que M. [X] admet sauf pour le mois de février ci-dessus évoqué.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 550,60 euros au titre des jours de repos compensateur trimestriel obligatoire non pris.

III – Sur le bien fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.

Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l’employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n’en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Aux termes de la lettre de licenciement du 9 avril 2020, il est fait reproche à M. [X] :

« […] Depuis le mois de décembre 2019, votre comportement envers le service exploitation est devenu inacceptable. En effet, vous avez à maintes reprises répondu verbalement ou par écrit via les messages vehco aux 2 exploitants d’une façon irrespectueuse. Nous vous avions d’ailleurs reçu dans le bureau du Directeur d’exploitation pour vous demander de stopper vos agissements, ce qui ne vous a pas empêché de continuer.

En date du 3 mars 2020, vous deviez livrer chez ID Logistics à [Localité 5] (60) à 10h30 mais vous êtes arrivé en retard et le client n’a pu vous décharger à votre arrivée. A 13 heures, vous êtes retourné voir l’agent de sécurité au poste de garde, vous l’avez menacé en le pointant du doigt et lui avez dit « attention dans 15 minutes je rentre par ta porte ». Vous n’avez pas attendu pour revenir et avez bloqué l’entrée de leur site avec votre camion. De ce fait, le site ID Logistics a refusé la réception de la marchandise et a notifié sur le CMR « refusé car chauffeur menaçant ». Ce n’est pas pour autant que vous avez déplacé votre camion. C’est seulement lorsque le poste de garde vous a informé qu’il faisait appel aux forces de l’ordre que vous avez reculé. Ce comportement est inacceptable, d’autant plus qu’il s’agit de l’un de nos principaux clients. […] » (pièce n° 12).

M. [X] oppose à cet égard que :

– il conteste fermement les faits qui lui sont reprochés,

– le licenciement est nul car l’employeur n’a pas respecté la protection dont il bénéficiait en qualité d’ancien candidat aux élections professionnelles prévue par l’article L.2411-7 du code du travail, laquelle demeure même si le salarié retire sa candidature avant le scrutin ou si les élections sont annulées par décision de justice.

a – Sur la violation du statut protecteur :

La société RLT soutient que M. [X] prétend avoir déposé sa candidature aux élections professionnelles en vue de la mise en place du CSE mais que :

– le protocole préélectoral précisait que “Toute liste est acceptée jusqu’au 27 novembre 2019 à 12 heures (pour des raisons d’organisation de vote par correspondance) par lettre recommandée ou lettre remise en mains propres contre décharge” (pièce n°2)

– le salarié ne produit aucun récépissé de courrier recommandé ni décharge d’un courrier remis en mains propres,

– si le service RH a reçu Mme [N], sa compagne et également salariée de la société, qui voulait lui remettre la candidature de M. [X], il ne pouvait accepter de candidature remise par un salarié pour le compte d’un autre faute de garantie sur le consentement du candidat,

– Mme [N] admet ne pas avoir remis la candidature de M. [X] (pièce n° 35),

– la candidature de M. [X] par courrier électronique du 27 novembre 2019 adressé au service RH ne pouvait non plus être admise car le protocole précise que les candidatures doivent être adressées par lettre recommandée ou lettre remise en mains propres contre décharge, ce dont le salarié avait connaissance et les candidatures ne devaient être adressées qu’à la direction et non au service RH (pièce n° 22),

– la note de service dont le salarié se prévaut selon laquelle “Les candidats sont priés de déposer leur candidature par écrit au service ressources humaines au plus tard le 27 novembre 2019 à 12 heures” (pièce n° 40) est erronée et en accord avec l’organisation syndicale SGT-CFDT, il a été convenu que le protocole préélectoral doit prévaloir sur la note de service car les opérations électorales doivent se dérouler conformément au protocole pré-électoral négocié entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales dans le respect des principes généraux du droit électoral.

L’employeur en conclut qu’il pouvait légitimement considérer que la candidature de M. [X] n’était pas recevable.

Aux termes de l’article L.2411-7 du code du travail, l’autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l’envoi par lettre recommandée de la candidature à l’employeur.

Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l’employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.

Il est par ailleurs constant que la protection ne peut s’appliquer que si la candidature a été régulièrement formalisée et respecte les modalités prévues à l’accord pré-électoral.

En l’espèce, la cour relève en premier lieu que la matérialité et la date des démarches effectuées par M. [X] pour présenter sa candidature au deuxième tour des élections du CSE ne sont pas discutées par les parties, seule étant contestée la recevabilité de celles-ci au regard des stipulations du protocole préélectoral, et par voie de conséquence le bénéfice du statut de salarié protégé afférent à une telle candidature.

Sur ce point, il résulte des pièces produites :

– d’une part que le protocole préélectoral stipule s’agissant du second tour que :

“Toute liste est acceptée jusqu’au 27 novembre 2019 à 12 heures (pour des raisons d’organisation du vote par correspondance) par lettre recommandée ou lettre remise en mains propres contre décharge.

Pour le deuxième tour, toutes les listes sont acceptées. Des candidats individuels peuvent se présenter.

Les candidatures présentées au premier tour seront considérées comme maintenues au second tour, sauf si les organisations syndicales déposent de nouvelles listes avant la date limite.

Les listes ne doivent pas comporter plus de noms que de sièges à pourvoir.

Les listes incomplètes sont admises” (pièce n° 2)

La cour constate donc que le formalisme de dépôt de candidature par lettre recommandée ou lettre remise en mains propres contre décharge ne vise expressément que les listes syndicales, les candidatures individuelles n’étant en réalité soumises à aucun formalisme, ce que confirme d’ailleurs la note de service invitant les salariés à déposer leur candidature auprès du service RH que l’employeur affirme, sans offre de preuve, être une erreur justifiant, avec l’accord du représentant de l’organisation syndicale SGT-CFDT signataire du protocole préélectoral, qu’il n’en soit pas tenu compte (pièce n° 40).

En outre, contrairement au premier tour visé au paragraphe précédent, le paragraphe 6 du protocole consacré au second tour ne mentionne pas que les candidatures devront être déposées à la direction.

Par ailleurs le salarié s’est manifesté auprès de son employeur, pris en la personne du service RH, pour présenter sa candidature au second tour des élections du CSE une première fois le 25 novembre 2019, par l’intermédiaire de sa compagne Mme [N], également salariée et elle-même candidate, sous la forme d’un courrier de candidature remis en main propre à la responsable RH de l’entreprise, Mme [B] [S], puis une deuxième fois directement par courrier électronique du 27 novembre 2019 également adressé au service RH (pièce n° 22).

Enfin, contrairement à ce qu’affirme l’employeur dans ses écritures, Mme [N] ne reconnaît pas dans son courrier électronique du 26 novembre 2019 ne pas avoir remis la candidature de M. [X], seulement que la responsable RH qui l’a reçue a tenté de l’en dissuader notamment parce que [T] [Z] n’accepterait jamais, ajoutant même avoir fait l’objet d’intimidations et de menaces de la part de celui-ci le lendemain dans son bureau (pièce n° 35).

Dans ces conditions, peu important que la remise en main propre, qui se définit comme un mode de transmission ayant la valeur juridique d’une lettre recommandée avec accusé de réception à condition qu’une décharge attestant de la bonne réception soit remise par le destinataire, ce qui exige seulement que le signataire de la décharge soit effectivement le destinataire mais aucunement que le remettant soit l’auteur du pli remis, dès lors que la candidature de M. [X] n’était soumise à aucune forme et qu’il ressort du courrier électronique de Mme [B] [S] du 26 novembre 2019 qu’elle a bien reçu cette candidature et qu’elle en a informé sa direction, même si elle n’a pas souhaité signer de décharge, il s’en déduit qu’à compter du 25 novembre 2019 et au plus tard le 26 suivant lorsque M. [X] a réitéré sa candidature par courrier électronique adressé au même service RH, le salarié bénéficiait pour une durée de 6 mois de la protection prévue par l’article L.2411-7 du code du travail, de sorte que son licenciement le 9 avril 2020, avant le terme de la protection légale, sans respecter la procédure légale d’autorisation préalable est nul, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

b – Sur les demandes indemnitaires :

Au titre d’un licenciement nul, M. [X] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il lui a alloué les sommes suivantes :

– 4 475,18 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 5 709,95 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 571 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 2 310,15 euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire, outre 231,02 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

outre 4 311,01 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur.

La société RLT conclut au rejet de l’ensemble de ses demandes qu’il juge par ailleurs exorbitante pour un salarié justifiant d’une ancienneté de 5 ans et 2 mois et d’un salaire mensuel moyen de 2 854,98 euros.

Dès lors que seule la faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire, et compte tenu des bulletins de paye produits démontrant la retenue de 1 641,42 euros du 5 au 31 mars 2020 au titre de la mise à pied et aucune retenue à ce titre du 1er au 11 avril 2020, il lui sera alloué la somme de 1 641,42 euros à ce titre, outre 164,14 euros au titre des congés payés afférents, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

Par ailleurs, compte tenu des circonstances du licenciement et de la situation du salarié qui justifie d’une ancienneté de 6 années complètes, durée du préavis incluse, et d’un salaire mensuel moyen de 2 854,98 euros, il lui sera alloué les sommes suivantes :

– 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement,

– 5 709,95 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 571 euros au titre des congés payés afférents,

le jugement déféré étant confirmé sur ces points,

– 4 460,90 euros à titre d’indemnité de licenciement,

le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

S’agissant de la demande au titre de la violation du statut protecteur, le salarié protégé dont le licenciement est nul, qui ne demande pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible, est en droit d’obtenir, outre les indemnités de rupture ainsi qu’une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, une indemnité destinée à compenser la violation de la protection qui lui est reconnue, égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir entre le licenciement et l’expiration de la période de protection.

Compte tenu du licenciement survenu le 20 avril 2020, soit un mois et 5 jours avant le terme de la protection de 6 mois ayant débuté le 25 novembre précédent, il lui sera alloué la somme de 3 330,81 euros, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

IV – Sur les demandes accessoires :

– Sur les intérêts au taux légal :

La société RLT oppose qu’aucune raison ne justifie la capitalisation des intérêts demandée.

La cour relève toutefois qu’aucune demande à ce titre n’est formulée, pas plus au titre de la confirmation du jugement déféré.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société RLT devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les sommes de nature salariale et à compter du jugement pour les sommes de nature indemnitaire.

– Sur la remise des documents de fin de contrat :

La demande de confirmation du jugement déféré en ce qu’il a “ordonné la remise de l’ensemble des documents de fin de contrat rectifiés” figurant dans le dispositif des conclusions de M. [X] ne permettant pas à la cour de déterminer la nature des documents concernés, celle-ci sera rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

La société RLT sera condamnée à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

La demande de la société RLT au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée,

La société RLT succombant pour l’essentiel, elle supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône sauf en ce qu’il a :

– condamné la société ROUTE LOGISTIQUE TRANSPORTS à payer à M. [C] [X] les sommes suivantes :

* 4 475,18 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 2 310,15 euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire, outre 231,02 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 4 311,01 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur,

– ordonné la remise de l’ensemble des documents de fin de contrat rectifiés,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société ROUTE LOGISTIQUE TRANSPORTS à payer à M. [C] [X] les sommes suivantes :

* 4 460,90 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 1 641,42 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 164,14 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 330,81 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,

* 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

REJETTE la demande de M. [C] [X] au titre de “la remise de l’ensemble des documents de fin de contrat rectifiés”,

REJETTE la demande de la société ROUTE LOGISTIQUE TRANSPORTS au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société ROUTE LOGISTIQUE TRANSPORTS aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION

 


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