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Le salarié conteste l’effet dévolutif de la déclaration d’appel de la société, arguant que les chefs de jugement critiqués n’ont pas été précisés. La société affirme pour sa part que sa déclaration d’appel mentionne bien les chefs critiqués. Selon le code de procédure civile, la déclaration d’appel doit contenir les chefs du jugement critiqués pour produire l’effet dévolutif. En l’espèce, la déclaration d’appel de la société n’a pas opéré la dévolution des chefs critiqués du jugement, contrairement à celle du salarié.
Le salarié réclame un rappel de rémunération variable qu’il estime ne pas avoir reçu malgré avoir atteint ses objectifs. La société conteste cette demande, affirmant que le salarié n’a pas pleinement atteint ses objectifs. Le contrat de travail prévoit une rémunération variable basée sur des objectifs mensuels. Des divergences apparaissent dans les tableaux présentés par les deux parties, nécessitant une analyse approfondie pour déterminer le montant du rappel dû au salarié.
Le salarié affirme ne pas avoir bénéficié d’un suivi adéquat de son temps de travail en raison d’un forfait annuel en jours insuffisamment encadré. L’employeur soutient que le salarié était soumis à une convention de forfait jusqu’à une certaine date. La question des heures supplémentaires est soulevée, nécessitant une évaluation précise des heures effectuées par le salarié au-delà de la durée légale de travail.
Le salarié conteste les motifs de son licenciement pour faute grave, arguant que les griefs retenus ne sont pas suffisamment graves pour justifier une telle mesure. L’employeur soutient que les faits reprochés sont établis et constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Après analyse des éléments présentés, il est conclu que le licenciement est justifié par une faute grave.
Le salarié réclame des dommages-intérêts pour préjudice moral résultant de la brutalité de la rupture de son contrat de travail. Cependant, étant donné que le comportement du salarié justifiait son licenciement pour faute grave, sa demande de dommages-intérêts est rejetée.
Le salarié est condamné aux dépens, ayant succombé dans sa demande. Aucune indemnité n’est accordée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Une indemnité est toutefois accordée à la société pour les frais exposés en première instance.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 JUIN 2022
N° RG 19/03506
N° Portalis DBV3-V-B7D-TOSO
AFFAIRE :
SAS JPG
C/
[R] [H]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 août 2019 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de MONTMORENCY
Section : E
N° RG : F18/00422
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Ruth CARDOSO EZVAN
Me Eric APPFEL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS JPG
N° SIRET: 997 506 407
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Ruth CARDOSO EZVAN de la SELEURL RCE AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: E1555, substitué à l’audience par Me Apolline WALBECQ, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
Monsieur [R] [H]
né le 20 avril 1976 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Eric APPFEL, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0508
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Par jugement du 7 août 2019, le conseil de prud’hommes de Montmorency (section encadrement) a :
– dit que le licenciement de M. [R] [H] ne repose par sur une faute grave mais est justifié par une cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Staples France ‘ JPG, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [H] les sommes suivantes :
. 4 367,55 euros bruts à titre de salaire sur mise à pied,
. 9 097,67 euros à titre d’indemnité de licenciement,
. 23 538 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 11 998 euros bruts à titre de rappel de salaire (reliquat de rémunération variable),
. 14 049,01 euros bruts à titre de rappel sur heures supplémentaires,
. 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 7 846 euros bruts, aux fins de l’exécution provisoire du présent jugement prévue à l’article R. 1454-28 du code du travail,
– débouté M. [H] du surplus de ses demandes,
– débouté la société Staples France ‘ JPG de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société Staples France ‘ JPG aux dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 19 septembre 2019 à 14h10, la société Staples France ‘ JPG a interjeté appel de ce jugement. L’affaire a été enrôlée sous le numéro de RG 19/3506.
Par déclaration adressée au greffe le 19 septembre 2019 à 15h09, M. [H] a interjeté appel de ce jugement. L’affaire a été enrôlée sous le numéro de RG 19/3507.
Par ordonnance du 17 juillet 2020, le conseiller de la mise en état a joint les deux affaires pour n’en former plus qu’une, suivie sous le seul numéro de RG 19/3506.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2022.
Par dernières conclusions remises au greffe le 19 juillet 2020, la société Staples France ‘ JPG demande à la cour de :
– dire M. [H] mal fondé en son appel incident,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency en ce qu’il a dit justifié le licenciement de M. [H] et l’a débouté de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency pour le surplus,
et statuant à nouveau,
– dire que le licenciement de M. [H] repose sur une faute grave,
– dire que le forfait annuel en jours auquel il était soumis est valable et opposable,
– dire que les demandes de rappel de salaire ne sont pas fondées,
– débouter M. [H] de l’ensemble de ses prétentions,
– condamner M. [H] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [H] aux dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions remises au greffe le 12 mai 2020, M. [H] demande à la cour de :
à titre principal,
– dire ne pas être valablement saisie de l’appel de la société Staples France ‘ JPG,
à titre subsidiaire,
– débouter la société Staples France ‘ JPG de son appel,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency du 7 août 2019 en ce qu’il a condamné la société Staples France ‘ JPG à lui verser les sommes de :
. 4 367,55 euros au titre du salaire de la mise à pied à titre conservatoire,
. 9 097,67 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
. 23 538,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
. 11 998,00 euros au titre de rappel de salaire,
. 14 049,01 euros au titre des heures supplémentaires,
. 2 000 euros au titre d l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Staples France – JPG aux entiers dépens,
– le recevoir en son appel incident, et y faire droit,
– infirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency du 7 août 2019 en ce qu’il l’a débouté de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral,
et statuant à nouveau,
– dire le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse,
et, en conséquence,
– condamner la société Staples France ‘ JPG à lui verser les sommes de :
. 70 614 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail,
. subsidiairement, 39 230 euros au titre de l’article L. 1235-3 du code du travail,
. 30 000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice moral,
– confirmer le jugement pour le surplus,
– condamner en cause d’appel la société Staples France ‘ JPG à lui verser la somme de
3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Staples France ‘JPG aux entiers dépens d’appel.
LA COUR,
La société Staples France ‘ JPG est une des trois entités françaises du groupe Staples Solution et a pour activité principale la vente par correspondance de mobiliers et fournitures de bureau aux professionnels.
L’effectif de la société était de plus de 10 salariés.
M. [R] [H] a été engagé par la société Corporate Express France, en qualité de chef des ventes, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 28 juin 2013.
Il a ensuite exercé la mission de Responsable Régional Middle Market du 16 décembre 2014 au 31 janvier 2016.
En dernier lieu, il occupait le poste de Directeur Middle Market, ce depuis le 1er février 2016.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie.
Le 1er novembre 2017, les sociétés Corporate Express France et Staples France ‘ JPG ont fusionné, la seconde absorbant la première. Le même jour, 1er novembre 2017, le contrat de travail de M. [H] a été transféré à la société JPG par l’effet de la fusion absorption de la société Corporate Express France.
Le salarié était assujetti à un forfait annuel de 215 jours par an.
Dans le contexte de cette fusion, un accord d’harmonisation des statuts a été signé le 21 novembre 2017 avec les organisations syndicales représentatives de la société Staples France ‘ JPG afin d’harmoniser le statut collectif applicable au sein de JPG notamment s’agissant de la durée du travail.
Le salarié n’a plus alors été assujetti à un forfait annuel en jours.
Le 19 janvier 2018, M. [H] se voyait prescrire un arrêt maladie jusqu’à la date du vendredi 26 janvier 2018 en raison d’une sciatique.
Par lettre remise en main propre du 29 janvier 2018, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 9 février 2018, avec mise à pied à titre conservatoire.
Le 30 janvier 2018, M. [H] s’est présenté à son poste de travail.
M. [H] a été licencié par lettre du 20 février 2018 pour faute grave dans les termes suivants :
« En septembre 2017, le projet SMB (Small et Medium Business), stratégique pour l’entreprise a été démarré : il s’agit du transfert à la suite de la fusion-absorption de la société Corporate Express France par la société Staples France – JPG SAS des clients « ex Corporate Express » du Segment Middle Market qui étaient gérés sur l’ERP Tera vers l’AS400, ERP de la société JPG.
Ce projet s’inscrivait dans un projet plus global prévoyant notamment la redéfinition des portefeuilles commerciaux en fonction de la nouvelle segmentation des clients.
En votre qualité de Directeur Middle Market, vous étiez donc un acteur clé dans ce projet.
Nous attendions de vous une totale mobilisation.
J’ajoute qu’après avoir repris le management de la société Corporate Express France, je vous ai accordé une confiance absolue, j’ai appuyé vos décisions. Les exemples sont nombreux.
Je vous l’ai rappelé lors de l’entretien préalable, en marquant ma totale incompréhension lorsque j’ai constaté que vous mettiez en péril un projet majeur pour l’entreprise. Vous vous êtes contenté de rétorquer avec une grande assurance que vous ne pouviez porter aucune responsabilité dans la mesure où vous n’étiez pas « owner » du projet.
L’attitude péremptoire et de déni que vous avez décidé d’adopter est d’autant plus intolérable que les constats suivants ont été faits vous concernant depuis le lancement de ce projet :
– vous étiez régulièrement absent ou arriviez en retard aux réunions, selon sans prévenir ni vous justifier. Vous n’apportiez pas de contribution ou remontée du terrain permettant d’alimenter les réunions et ne faisiez aucun retour sur les comptes rendus des réunions ;
– vous ne répondiez pas aux emails que nous devions vous adresser notamment du fait de vos absences aux réunions, malgré des relances, ni aux sollicitations des autres managers des ventes pour organiser les passations de comptes clients ;
– vous n’avez eu de cesse de modifier ou tenter de modifier, outrepassant les autres managers des ventes, les versions des fichiers jusqu’au dernier moment dans la constitution des portefeuilles clients alors que vous saviez que cela était prioritaire et que vos homologues poursuivaient l’avancée du projet sur les autres segments de clients ;
– vous refusiez d’impliquer des acteurs importants comme le chef des ventes Rhône Alpes ;
– vous considériez inutile de communiquer auprès de votre équipe et de vos homologues, et lorsque vous le faisiez, qui plus est tardivement et partiellement, vous transmettiez des informations contraires à la réalité. Par exemple, les informations d’affectation communiquées au marketing ne correspondaient pas à celles communiquées aux managers du segment Grands Comptes. Nous avons donc été dans la nécessité de mettre en cohérence les données ;
– vous avez tenu votre équipe à l’écart du projet que vous n’avez pas craint de dénigrer alors qu’il était essentiel qu’elle comprenne la valeur ajoutée des changements mis en ‘uvre et accompagne les clients ;
– votre équipe n’a reçu aucun matériel nécessaire à la transition vers le modèle SMB: Cartes de visite JPG, Catalogue JPG.
Comme je vous l’ai indiqué au cours de l’entretien, le résultat a été que nous étions très loin d’avoir une équipe Middle Market qui avait compris le projet.
Vous avez par ailleurs lors de l’entretien renvoyé à l’exemple d’un commercial qui a menacé de demander à ses clients de ne plus commander si on lui retirait des comptes. Vous n’avez pris aucune mesure à l’égard de cette personne vous contentant selon vos propres termes « d’alerter la Direction ». Cela ne fait que confirmer votre défaillance dans l’information et l’accompagnement de votre équipe.
Contrairement à ce que vous avez prétendu, nous considérons que vous n’avez pas « fait votre part dans ce projet » et que vous avez tenté de le saboter.
Alors que nous vous avons relancé, alerté, que nous avons dû faire de nombreuses mises au point, vous continuez de refuser de vous remettre en question et d’assumer vos responsabilités. Au contraire, vous renvoyez la faute sur d’autres collaborateurs de l’entreprise.
Votre manque de réactivité, de sérieux, de rigueur et votre résistance volontaire – que vous n’avez pas hésité à afficher – à la mise en ‘uvre d’un projet que vous vous deviez de défendre sont établis. Vous avez entretenu un climat anxiogène au sein de votre équipe et obligé vos collègues, parties prenantes aux projets, à vous suppléer.
Je vous ai fait part de mon mécontentement le matin du 22 janvier 2018 en vous demandant de vous reprendre de manière immédiate. Vous avez refusé de l’entendre.
Ces évènements nous ont obligés à organiser une réunion de crise le 24 janvier 2018 afin de pallier à vos manquements graves dans le cadre du projet SMB, devant être effectif au 5 février 2018.
Face à ces graves manquements que vous avez commis, nous avons été contraints d’engager à votre égard une procédure de licenciement.
L’attitude que vous avez adoptée dans ce cadre n’a pu que confirmer la nécessité d’envisager votre départ. En effet, en date du 29 janvier 2018, alors que j’avais souhaité vous remettre un courrier de convocation à un entretien préalable, vous avez refusé et m’avez menacé en précisant que cela faisait des mois que vous prépariez un dossier avec l’aide d’un avocat. Vous avez également affirmé que je n’avais aucune légitimité et que vous étiez loin d’être le seul à le penser, ce qui est inacceptable.
Par ailleurs, en dépit de la mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée, vous vous êtes présenté à votre poste le lendemain, soit le 30 janvier 2018.
Ce matin-là nous avons retrouvé une collaboratrice d’une autre équipe commerciale enceinte, en pleurs, après que vous ayez refusé de la saluer sur le plateau en lui lançant, en faisant en sorte que ses collègues entendent : « Je ne te dis pas bonjour, tu comprendras pourquoi ! ».
Nous avons eu avant cet évènement plusieurs remontées sur votre attitude agressive et de déstabilisation à l’égard de certains de nos collaborateurs.
Le mardi 30 janvier 2018, alors que vous étiez mis à pied à titre conservatoire, vous vous êtes empressé de confirmer la période d’essai/probatoire de trois collaborateurs sans nous en aviser au préalable et en leur remettant un document interne à la seule destination de la DRH.
Nous considérons que votre attitude est en contradiction flagrante avec vos obligations et devoirs contractuels.
Sachez que nous restons encore dans l’incompréhension de votre opposition à la mise en ‘uvre d’un projet essentiel à la survie et au développement de l’entreprise, de votre insubordination, de vos propos et de vos man’uvres. Nous vous avons témoigné, depuis votre embauche, une grande confiance, et nous vous avons permis d’évoluer jusqu’à vous confirmer dans un poste clé au titre duquel il vous appartenait de vous mobiliser et d’accompagner votre équipe.
Face au déni que vous nous avez opposé lors de l’entretien préalable et compte tenu de la gravité de vos manquements, nous avons décidé de mettre un terme immédiat à votre contrat de travail.
Votre licenciement pour faute grave prendra effet à la date d’envoi de la présente lettre, sans préavis ni indemnité. »
Le 28 juin 2018, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency aux fins d’obtenir le paiement de rappel de salaire, des heures supplémentaires effectuées mais non réglées et son salaire de la mise à pied à titre conservatoire, de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
SUR CE,
Sur l’effet dévolutif :
Le salarié fait valoir que la déclaration d’appel de la société n’a pu produire d’effet dévolutif, faute pour ladite déclaration de préciser les chefs de jugement critiqués.
En réplique, la société objecte que sa déclaration d’appel précise les chefs de jugement critiqués.
Selon l’article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d’appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. En application des articles 748-1 et 930-1, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.
En application de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret
n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l’acte d’appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.
Il en résulte que les mentions prévues par l’article 901, 4°, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul.
Cependant, en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.
En l’espèce, la déclaration d’appel de la société en date du 19 septembre 2019 mentionne :
« appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués ». A cette déclaration d’appel est jointe une annexe ainsi rédigée : « (‘) L’objet de l’appel est le suivant :
Réformer le jugement en ce qu’il a :
– dit que le licenciement de M. [R] [H] ne repose par sur une faute grave mais est justifié par une cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Staples France ‘ JPG, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [H] les sommes suivantes :
. 4 367,55 euros bruts à titre de salaire sur mise à pied,
. 9 097,67 euros à titre d’indemnité de licenciement,
. 23 538 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 11 998 euros bruts à titre de rappel de salaire (reliquat de rémunération variable),
. 14 049,01 euros bruts à titre de rappel sur heures supplémentaires,
. 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 7 846 euros bruts, aux fins de l’exécution provisoire du présent jugement prévue à l’article R. 1454-28 du code du travail,
– débouté la société Staples France ‘ JPG de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société Staples France ‘ JPG aux dépens. (‘) »
La cour constate que les chefs critiqués du jugement n’ont pas été énoncés dans la déclaration d’appel formalisée par la société, celle-ci s’étant bornée à y joindre un document intitulé « déclaration d’appel » qui précise son objet. La société n’allègue toutefois pas un empêchement technique à renseigner la déclaration. En outre, sa déclaration d’appel ne renvoie pas à une annexe. Dès lors, la déclaration d’appel de la société n’a pas opéré dévolution des chefs critiqués du jugement.
Toutefois, il apparaît que le salarié a lui aussi interjeté appel par une déclaration d’appel du même jour, 19 septembre 2019. Et la régularité de cette déclaration d’appel n’est pas critiquée de sorte que l’effet dévolutif a opéré pour les chefs de jugement expressément critiqués, à savoir en ce qu’il « a dit que le licenciement de M. [H] est justifié par une cause réelle et sérieuse et a débouté M. [H] du surplus de ses demandes, à savoir ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral ».
A ce stade du raisonnement, M. [H] se présente donc comme l’appelant et la société Staples France – JPG comme l’intimée.
La dévolution n’opère donc pour le tout que si l’intimée a régulièrement formé appel incident.
Il résulte de l’article 551 du code de procédure civile que l’appel incident est formé de la même manière que le sont les demandes incidentes. Dans la procédure avec représentation obligatoire, l’appel incident est régularisé par acte d’avocat à avocat, c’est-à-dire en pratique, par les conclusions de l’intimé.
La régularité des conclusions de l’intimée n’est pas en discussion entre les parties. Or, il apparaît dans ses conclusions qu’elle a formé appel incident.
En conséquence, la dévolution opère pour l’entier litige.
Sur la demande de rappel de rémunération variable :
Le salarié explique que sa rémunération variable correspondait à 30 % de sa rémunération annuelle brute à 100 % des objectifs atteints ; que toutes les rémunérations variables auxquelles il pouvait prétendre ne lui ont pas été versées en dépit du fait qu’il avait atteint ses objectifs depuis juin 2017, ce qui représente un total de 11 998 euros.
En réplique, la société s’oppose à cette demande expliquant que les objectifs du salarié étaient définis chaque mois et que sa rémunération variable était également calculée de façon mensuelle ; qu’en réalité, il n’avait atteint que partiellement ses objectifs de sorte qu’il ne peut prétendre au rappel qu’il revendique.
En l’espèce, le contrat de travail (avenant du 18 février 2016) prévoit que le salarié perçoit une rémunération fixe de 4 970 euros bruts mensuels et une rémunération variable « d’un montant de 30 % de [sa] rémunération annuelle brute à 100 % des objectifs atteints. Les objectifs définissant les conditions de [sa] partie variable [lui] seront communiqués ultérieurement par [son] responsable hiérarchique. [Ses] objectifs et les modalités de calcul de la partie variable de [sa] rémunération pourront être ajustés en fonction de l’évolution de la politique Staples ».
Par sa pièce 45 (« plan de rémunération variable directeurs des ventes Middle Market ») la société montre que les objectifs étaient mensuels tant pour l’année fiscale 2017 que pour l’année fiscale 2018. Le salarié ne discute pas avoir reçu les « plans de rémunération variable directeurs des ventes Middle Market » de 2017 et 2018. Toutefois, la pièce 45 ne définit pas quels sont les objectifs mensuels (objectifs de chiffre d’affaires et de marge) assignés au salarié. Or, lorsque la prime allouée au salarié dépend d’objectifs définis par l’employeur, ceux-ci doivent être communiqués au salarié en début d’exercice, à défaut de quoi, la prime est due dans son intégralité.
Par ailleurs, le salarié entend justifier sa demande par la production d’un tableau sous sa pièce 78. La société produit son propre tableau en pièce 44. Les deux tableaux concernent la période de 12 mois comprise entre le mois de février 2017 et le mois de janvier 2018.
Des divergences apparaissent dans les deux tableaux : divergences sur le quantum des objectifs de ventes (par exemple, pour le mois de juin 2017, le salarié estime que son objectif était de
1 192 295 euros et la société de 1 251 910 euros) sur le quantum des objectifs de marge (par exemple, pour le mois de juin 2017, le salarié estime que son objectif était de 660 531 euros et la société de 693 558 euros), sur le quantum des chiffres d’affaires réalisés par le salarié (par exemple, toujours sur le mois de juin 2017, le salarié évalue ce chiffre à 1 243 737 euros alors que la société l’évalue à 905 966 euros) et sur le quantum des marges (toujours pour le mois de juin, le salarié estime avoir réalisé une marge de 666 522 euros tandis que la société l’évalue à 493 874 euros). Arithmétiquement, les pourcentages de réalisation des objectifs diffèrent d’un tableau à l’autre et donc affecte le montant de la prime éventuellement due.
Aucune des deux parties n’explique d’où proviennent les valeurs qu’elles présentent dans leur tableau.
Or, lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire. Et au cas d’espèce, seul l’employeur détient les éléments propres à déterminer si oui ou non les objectifs du salarié ont été réalisés, c’est-à-dire à déterminer les objectifs de chiffre d’affaires et de marge assignés au salarié et les chiffres effectivement obtenus par le salarié avec leur explication. L’employeur ne pouvait donc se contenter d’affirmer, sans en rapporter spécialement la preuve, que les objectifs du salarié n’avaient pas été réalisés en produisant son tableau en pièce 44 sans s’expliquer sur les chiffres qu’il renferme et en se contentant d’exposer que le salarié a falsifié son propre tableau.
Seul le mois de juillet 2017 est susceptible de permettre à la cour de se faire une représentation fiable d’un des chiffres avancés par l’employeur. Pour le mois de juillet 2017, en effet, les tableaux des parties présentent des différences qui peuvent être présentées ainsi :
Chiffres du salarié
Chiffres de l’employeur
Objectifs de ventes
625 551
656 828
Objectifs de marges
338 329
355 245
Réalisation de ventes
681 297
669 374
Réalisation de marges
340 068
301 003
Or, en pièce 48, la société montre qu’une discussion avait eu lieu par courriel entre le salarié et son supérieur hiérarchique. Il ressort de ce courriel du 24 août 2017 relatif à la prime du mois précédent (juillet 2017) que le salarié était en désaccord sur la prime qui lui avait été allouée mais il exprimait toutefois son accord sur l’objectif de chiffre d’affaires qui lui avait été assigné : « Budget CA = 625551*1,05 (hausse de +5%)=656828 ok ». Dès lors que ce courriel montre qu’effectivement l’objectif de vente de 656 828 euros avait été accepté par le salarié, il n’est pas compréhensible que dans son tableau en pièce 78, il présente un objectif différent. De même, le salarié estimait à 675 446 euros la réalisation de ses ventes (au lieu de 669 374 comme il résulte de l’échange de courriels en pièce 48 E et du tableau de la société en pièce 44 E). De là une incohérence lorsque, dans son tableau en pièce 78, il évalue ces mêmes ventes à 681 297 euros. Les chiffres présentés par l’employeur dans son courriel (pièce 48 E) n’ont quant à eux pas varié lorsqu’ils ont été repris dans son tableau.
S’agissant des autres chiffres que celui correspondant à l’objectif des ventes de juillet 2017, l’employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, ne produit pas d’éléments permettant une discussion contradictoire.
Par conséquent, il convient de faire droit à la demande du salarié dont il convient cependant de déduire la part provenant de son évaluation pour le mois de juillet 2017 (1 617 euros).
Infirmant le jugement, il convient donc d’évaluer le rappel de prime dû au salarié à 10 381 euros (soit 11 998 ‘ 1 617) et de condamner l’employeur au paiement de cette somme.
Sur les demandes relatives au temps de travail :
Le salarié explique qu’il était soumis à un forfait annuel en jours ; que les dispositions prévues dans son contrat de travail et son avenant relativement à ce forfait étaient insuffisantes pour assurer la garantie du respect de durées raisonnables de travail et de repos ; qu’en tout état de cause, sa durée de travail n’a fait l’objet d’aucun suivi ; qu’il peut donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires dès lors qu’il étaye sa demande par des éléments suffisamment précis.
En réplique, l’employeur expose que la convention de forfait du salarié lui a été appliquée jusqu’au 1er décembre 2017, date à partir de laquelle il a bénéficié de la durée de travail applicable à la société soit 37 heures avec 12,5 jours de repos supplémentaire par an.
Il précise que jusqu’au 1er décembre 2017, le salarié était donc soumis à une convention de forfait ; que cette convention doit trouver application puisqu’elle fixait le nombre de jours travaillés par an à 215 jours, accordait des JRTT, prévoyait un entretien annuel relatif à l’organisation à la charge de travail et à l’amplitude des journées d’activité ainsi qu’un contrôle du nombre de jours travaillés au moyen d’un document dit de « contrôle » ; qu’au surplus, avant la fusion-absorption, l’employeur du salarié avait mis en place un outil informatique dit « Yaka », qui permettait d’assurer un suivi suffisant et n’était pas un système d’auto-contrôle déclaratif. L’employeur ajoute enfin que le salarié n’établit pas non plus l’amplitude horaire dont il fait état.
En l’espèce, le salarié formule une demande de rappel d’heures supplémentaires sur la période comprise entre la semaine 23 de l’année 2015 et la semaine 52 de l’année 2017.
Au cours de cette période, le salarié a été soumis à une convention de forfait annuel en jours :
. au titre de son contrat de travail du 28 juin 2013 qui prévoyait des dispositions relatives au forfait mais ne s’appuyait sur aucun accord collectif (pièce 1 E),
. au titre de l’avenant du 18 février 2016 à son contrat de travail qui renvoyait à la convention collective applicable et à ses dispositions relatives au forfait annuel en jours et prévoyait notamment « un contrôle du nombre de jours travaillés interviendra au moyen d’un document dit ”de contrôle” qui fera apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. Ce document sera tenu par le salarié sous la responsabilité de son supérieur hiérarchique. » (pièce 3 E).
En premier lieu, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail, des repos journaliers et hebdomadaires dont le suivi effectif par l’employeur permet de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. Or, en l’espèce, le contrat de travail du 28 juin 2013 ne soumettait la convention de forfait à aucun accord collectif.
En second lieu, sont insuffisantes les dispositions conventionnelles prévoyant, pour le suivi de la charge et de l’amplitude de travail des salariés en forfait-jours, l’établissement d’un document de contrôle des jours travaillés et non travaillés à remplir par le salarié lui-même, sans qu’aucune obligation de réaction et de correction ne soit imposée au supérieur hiérarchique en cas de dérapage. Or, le système auto-déclaratif prévu par l’avenant du 18 février 2016 est insuffisant puisqu’il ne s’accompagne pas d’un contrôle effectif par le supérieur hiérarchique des déclarations effectuées permettant d’apporter les correctifs nécessaires en cas de dépassement ou de surcharge, les pièces 41 et 42 de la société (outil de gestion du temps dit « Yaka ») ne permettant pas d’identifier l’existence d’une obligation, pour le supérieur hiérarchique, de réagir en cas de surcharge d’un de ses collaborateurs.
La convention de forfait appliquée au salarié est donc privée d’effets.
Le salarié peut en conséquence solliciter le paiement des heures supplémentaires qu’il a réalisées au-delà de 35 heures, dont il revient à la cour d’apprécier l’importance.
L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
La charge de la preuve ne pèse donc pas uniquement sur le salarié. Il appartient également à l’employeur de justifier des horaires de travail effectués par l’intéressé.
Il revient ainsi au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre l’instauration d’un débat contradictoire et à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Après appréciation des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance des heures supplémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, le salarié produit en pièces 80 à 82 des tableaux qui, jour après jour, comportent un volume horaire quotidien ‘ sans cependant indiquer ses horaires de début de travail, de fin de travail et de pauses éventuelles ‘. Pour chaque semaine en est déduit un quantum d’heures réalisées. Il produit aussi en pièce 79 un ensemble de 18 courriels couvrant une période comprise entre mars 2015 et mars 2017 et plus précisément :
. 2 courriels de juin 2015,
. 5 courriels de février 2017,
. 11 courriels de mars 2017.
Ces courriels sont envoyés tard le soir ou tôt le matin.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre. A cet égard, l’employeur soutient que les courriels en question sont lapidaires. Si effectivement, certains sont laconiques, ils ne sont cependant pas exclusifs de la réalité d’un travail. D’autres, d’ailleurs traduisent la réalité d’un travail ne se limitant pas à des formules lapidaires.
Compte tenu des éléments qui précèdent, il convient d’évaluer les créances salariales se rapportant aux heures supplémentaires réalisées par le salarié à la somme de 2 942,78 euros.
Le jugement sera en conséquence infirmé et, statuant à nouveau, il conviendra de condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 2 942,78 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires.
Sur la rupture :
Au contraire de la société, le salarié soutient qu’aucun des griefs retenus dans la lettre de licenciement ne peut être retenu pour fonder une cause réelle et sérieuse et a fortiori une faute grave.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l’employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.
En l’espèce, dans la lettre de licenciement, l’employeur reproche en substance au salarié :
(1) dans un contexte postérieur à la fusion-absorption de la société Corporate Express France par la société Staples France – JPG SAS supposant une redéfinition des portefeuilles commerciaux qui devait être faite le 5 février 2018, et en dépit du fait que sa hiérarchie lui avait fait part de son mécontentement le 22 janvier 2018 en lui demandant de se reprendre, de ne pas s’être mobilisé dans le processus de redéfinition en raison :
. de ce qu’il était régulièrement absent ou arrivait en retard aux réunions ;
. de ce qu’il n’apportait pas de contribution ou remontée du terrain permettant d’alimenter les réunions et ne faisait aucun retour sur les comptes rendus des réunions ;
. de ce qu’il ne répondait pas aux courriels qui lui étaient adressés relativement à ces réunions ;
. de ce qu’il modifiait ou tentait de modifier les versions des fichiers jusqu’au dernier moment dans la constitution des portefeuilles clients,
. de ce qu’il refusait d’impliquer des acteurs importants comme le chef des ventes Rhône Alpes ;
. de ce qu’il considérait inutile de communiquer auprès de son équipe et de ses homologues, et le faisait tardivement et partiellement ;
. de ce qu’il tenait son équipe à l’écart du projet qu’il a dénigré ;
. de ce que son équipe n’a reçu aucun matériel nécessaire à la transition.
. ce qui a eu pour conséquence que l’équipe Middle Market n’a pas compris le projet.
(2) lorsque, le 29 janvier 2018, alors que la société souhaitait lui remettre un courrier de convocation à un entretien préalable, le salarié a refusé et a menacé puis dénigré son employeur ;
(3) de s’être présenté le lendemain 30 janvier 2018 sur son poste de travail en dépit de la mise à pied conservatoire qui lui avait été notifiée et d’avoir, ce même 30 janvier 2018 adopté une attitude agressive à l’égard d’une collaboratrice ; attitude dont le salarié avait déjà fait preuve à l’égard d’autres collaborateurs ;
(4) toujours le 30 janvier 2018, alors qu’il était mis à pied, d’avoir confirmé la période d’essai de trois collaborateurs sans en aviser sa hiérarchie.
(1) Il n’est pas discuté qu’en raison de la fusion-absorption de la société Corporate Express France par la société Staples France – JPG SAS, un projet de redéfinition des portefeuilles commerciaux devait être achevé le 5 février 2018. Ce projet avait pour nom le « projet SMB ».
Le grief ici étudié recouvre plusieurs manquements dénoncés par l’employeur. Ils peuvent synthétiquement être présentés comme une opposition continue du salarié au projet SMB dont il n’est pas contesté qu’il était déterminant pour l’avenir de la société. Il n’est pas non plus discuté qu’il s’agissait d’un projet complexe de telle sorte qu’une équipe de travail a été constituée pour le mener à bien ; équipe coordonnée par Mme [A], chef de projet et
Mme [S], responsable des ressources humaines. Le salarié faisait partie de cette équipe de travail qui a commencé ses travaux en septembre 2017 et devait les achever en février 2018.
Des réunions hebdomadaires étaient organisées à l’initiative de l’un ou l’autre des coordonnateurs de projets et il ressort du courriel que Mme [A] adressait au salarié le 27 novembre 2017 à propos d’une réunion fixée le 14 décembre : « Bonsoir [R], cela fait plusieurs semaines que tu refuses les réunions hebdo SMB dans lesquelles tu es clé. Peux-tu me dire quels horaires te conviendraient le mieux, je vais essayer d’adapter » (pièce 20 E). Toutefois, le salarié apportait une explication le 28 novembre 2017 comme le montre sa pièce 11 dont il ressort qu’à l’exception des deux dernières semaines, il était présent aux réunions et que s’agissant de celle du 14 décembre, il devait être en « accompagnement vendeur très important », raison pour laquelle il avait refusé ladite réunion. Par ailleurs, une discussion oppose les parties sur la présence du salarié à la réunion du 10 janvier 2018. La société, sur laquelle pèse la charge de la preuve, échoue dans la démonstration de l’absence du salarié le jour en question. En effet, elle se fonde sur la reconnaissance, par le salarié, de son absence du 10 janvier 2018, dans ses conclusions de première instance.
Cependant, le salarié reconnaissait avoir été absent, le 10 janvier 2018, non pas à la réunion SMB ‘ qui occupe le présent litige ‘ mais à une autre réunion relatives à des réclamations sur le transport de marchandises ‘ celle-là étrangère au litige ‘. D’ailleurs, le salarié produit en pièce 12 (courriel du 10 janvier 2018) un courriel dans lequel il s’excuse de son absence, avec cette précision qu’il n’est pas contesté par la société que les destinataires de ce courriel d’excuse sont des salariés du service réclamation transport.
Il résulte de ces éléments que le salarié a été absent à 3 réunions hebdomadaires, avec cette précision qu’il était absent en raison d’un arrêt pour maladie du 19 janvier au 26 janvier 2018.
En tout état de cause, il ressort du courriel que Mme [A] adressait au directeur général le 29 janvier 2018 qu’elle se plaignait de l’attitude du salarié relativement aux réunions hebdomadaires (pièce 35 E) : « Je te fais un point des difficultés rencontrées avec [R] dans le cadre du projet SMB : » et Mme [A] de présenter une liste de problèmes ayant trait à ses « absences répétées sur les réunions hebdo du jeudi », à des difficultés de communication (« pas de réponse aux mails et comme absent des meetings, nécessité de relance (‘) »), à un manque de rigueur imposant l’organisation de réunions parallèles pour mettre en cohérence les données erronées communiquées par le salarié. A propos de ce courriel, le salarié expose qu’il a été rédigé pour les besoins de la cause, considération prise de ce qu’il a été expédié le jour même de sa convocation à l’entretien préalable, ce qui est exact.
Mais ce fait n’est pas de nature à ôter à ce courriel toute sa force probante, en particulier s’il est corroboré par d’autres pièces. Or, précisément, la société produit plusieurs courriels montrant que le salarié était destinataire de demandes dans le cadre du projet SMB : demande de M. [Z] du 10 janvier 2018 (pièce 21 E) ; demande de M. [C] du 22 janvier 2018 (pièce 22 E) ; relance de Mme [G] du 23 janvier 2018, après une demande formée le 4 janvier et une première relance 16 janvier 2018 (pièce 23 E). Il n’est pas établi que le salarié ait donné suite à ces demandes. S’il ne peut lui être reproché de n’avoir pas donné suite à celles des 22 et 23 janvier 2018 puisqu’il était en arrêt pour maladie, celles des 4, 10 et 16 janvier 2018 auraient supposé une réponse du salarié. Or il n’est pas établi par le salarié qu’il ait apporté des réponses à ces courriers alors que l’employeur établit pour sa part que des réponses étaient attendues de lui. En outre, il ressort du courriel de
M. [B] en date du 24 janvier 2018 que, lors du « lancement SMB », il se plaignait par courriel adressé à Mme [S] du manque « d’information descendante mais également de la désinformation transmise en amont par le responsable du segment MM (ex Advantage) [R] [H] » (pièce 24 E). Même si le courriel est daté du 24 janvier 2018, jour durant lequel le salarié était en arrêt pour maladie, M. [B] y évoque des faits datant d’avant, ce que confirme d’ailleurs le courriel qu’il a envoyé au président directeur général le 29 janvier 2018 dans un courriel ayant pour objet « point d’alerte ‘ projet SMB » (pièce 25 E) et dans lequel
M. [B] dénonce plusieurs faits imputables au salarié : M. [B] expose en effet avoir dû faire face à de fortes critiques et à l’adversité des collaborateurs du salarié. Il fait notamment état des points qui ont fait débat montrant que les vendeurs ont témoigné d’un manque d’informations préliminaires ne leur ayant pas permis d’anticiper les changements et ajoute : « Il était prévu que [R] communique les bons fichiers de travail aux vendeurs largement en amont du go-live. Sujet qu’il a confirmé comme effectué lors d’une des réunions SMB courant janvier. Or les actions prévues n’ont pas été effectuées par [R] lors de la phase de préparation, c’est pourquoi il me semble que ses manquements mettent le lancement du projet en danger ».
Même si effectivement, le salarié montre par les attestations qu’il produit que certains de ses collaborateurs étaient satisfaits des informations qu’il leur avait transmises dans le cadre du projet SMB, les éléments qui précèdent sont de nature à établir la réalité d’une opposition du salarié au projet SMB, lequel présentait une grande importance pour la société.
(2) Pour établir la matérialité de ce grief, la société se fonde sur la pièce 7 du salarié : le compte-rendu de son entretien préalable établi par Mme [M], conseiller du salarié, déléguée du personnel. S’il ressort de ce compte-rendu que le président directeur général a évoqué avec le salarié la question du dénigrement, il demeure que ce dernier ne l’a pas avoué. Cette seule pièce est donc impuissante à établir la réalité du grief ici étudié.
(3) Dans un courriel du 22 janvier 2018 (pièce 30 E), Mme [N] [S] dénonçait l’attitude que le salarié avait adoptée à son endroit la semaine précédente. Mais ce témoignage, s’il est révélateur de tensions entre son auteur et le salarié, ne traduit pas l’attitude agressive dénoncée par l’employeur, s’agissant d’une discussion de travail durant laquelle chacun des deux protagonistes avait manifestement des griefs à reprocher à l’autre. L’hypothèse d’un ressentiment réciproque entre cette salariée et l’appelant est d’ailleurs confirmée par le courriel que
M. [Y] écrivait à Mme [S] le 16 février 2018 (pièce 31 E), l’auteur du courriel écrivant qu’il a senti « une très forte tension (‘) palpable et pesante au téléphone » à l’occasion d’une conférence téléphonique, sans toutefois évoquer une attitude agressive de M. [H].
En revanche, l’employeur produit en pièce 39 le témoignage de M. [J] [Y] dont il ressort notamment : « Le (‘) 20 octobre 2017 (‘) mon responsable [R] [H] (‘) souhaitait s’entretenir avec moi. Je ne sais plus de quels sujets nous devions discuter mais le ton est monté entre nous et il s’est mis à me hurler dessus me disant que « si j’étais là (sous entendu mon poste de chef des ventes) c’était grâce à lui », ce à quoi j’ai répondu que ce n’était pas grâce à lui mais grâce à [L], il l’a bien évidemment très mal pris’ Ensuite je lui ai demandé pourquoi il agissait de la sorte avec moi par téléphone et il m’a répondu que « je faisais la victime » allant même jusqu’à me dire « Ah le petit élève qui se fait gronder par son professeur ». J’ai assez mal pris la réflexion, lui demandait ce qu’il cherchait, pourquoi me dire tout cela, ce à quoi il a rétorqué que si c’était comme ça, il allait m’envoyer une invitation à venir tous les vendredis matin à [Localité 6] (j’habite [Localité 7]) afin d’effectuer ensemble un entretien face à face à son bureau, je verrai ainsi ce que c’est que d’avoir la pression, ce qu’il a fait sur Outlook après que nous ayons raccroché.
J’ai dû me rendre ensuite au siège JPG toutes les semaines et en dehors de la première semaine, il était tout le temps absent prétextant d’autres RDV ailleurs. Je venais donc de lui pour rien (‘). ».
L’employeur reproche aussi le comportement du salarié avec « une collaboratrice d’une autre équipe commerciale enceinte, en pleurs, après que vous ayez refusé de la saluer sur le plateau en lui lançant, en faisant en sorte que ses collègues entendent : « Je ne te dis pas bonjour, tu comprendras pourquoi ! ». » Cet événement est daté du 30 janvier 2018. Le contexte en est expliqué par le salarié dans ses écritures. Le salarié explique en effet qu’il avait été mis à pied la veille et que l’employeur lui avait alors indiqué envisager une sanction à son encontre en raison de ce qu’il avait agressé une salariée : Mme [D], laquelle aurait, selon l’employeur, attesté en ce sens ; que le lendemain 30 janvier, il était revenu à son bureau pour récupérer ses affaires et informer son équipe qu’il était mis à pied ; que croisant Mme [D] et pensant qu’elle avait établi une attestation à son encontre, il lui avait indiqué calmement ‘ mais en présence d’autres salariés ‘ qu’il n’entendait pas la saluer et qu’elle comprenait pourquoi. Cette version est confirmée par les attestations de Mmes [K], [X] et [T] (pièces 47, 48 et 49) dont il ressort notamment que Mme [D] ‘ enceinte ‘ s’est mise à pleurer après le départ du salarié qui avait récupéré ses affaires ; que la raison de ses pleurs tenait au fait qu’elle avait eu confirmation de la mise à pied du salarié et qu’elle avait appris que son témoignage avait servi de prétexte à la mesure disciplinaire engagée contre lui.
Le fait reproché au salarié n’est donc pas contesté : il est certes replacé dans son contexte, mais admis par l’appelant. Or, même si l’attitude du salarié peut s’expliquer par le contexte, elle n’en excuse pas pour autant la gravité par ce qu’elle avait de stigmatisant à l’égard de Mme [D]. Celle-ci était en effet finalement désignée par le salarié comme responsable de sa mise à pied et regardée comme telle par ses collègues, ce qui est agressif, sinon dans le ton, tout au moins dans la façon dont la remarque du salarié a été publiquement formulée.
Le comportement agressif du salarié est donc établi aussi bien à l’égard de Mme [D] qu’à celui de M. [Y].
(4) Le fait, pour le salarié, d’avoir le 30 janvier 2018, alors qu’il était mis à pied, confirmé la période d’essai de trois collaborateurs sans en aviser sa hiérarchie est contesté par le salarié qui expose qu’il ne relevait pas de ses attributions de confirmer une période d’essai.
Ce qui est reproché au salarié, consiste à avoir remis ces documents directement aux intéressées en période d’essai alors qu’il s’agissait d’un document interne. Ce fait n’est pas contesté et d’ailleurs, par sa pièce 13 la société montre que le document dont il s’agit est une « évaluation de période probatoire à retourner à la DRH ». Ce document s’entend comme d’un avis émis par le supérieur hiérarchique à l’égard de la qualité de la période probatoire mais n’a pas d’autre valeur que celle d’un avis ; il devait être transmis à la DRH et non aux intéressées.
Le fait, pour le salarié, d’avoir remis ces documents à des salariées en période d’essai est donc une faute. Ce fait est d’autant plus fautif que le salarié n’était pas supposé prendre quelque décision professionnelle que ce soit puisqu’il était alors mis à pied. Le fait reproché au salarié est donc doublement fautif.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les faits reprochés au salarié sont établis. Ils constituent à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement. S’agissant de la gravité des faits, il convient de relever qu’a été admise la très faible implication du salarié dans un projet particulièrement important pour la société : le projet SMB. Le salarié occupait pourtant une place prépondérante dans la construction de ce projet puisqu’en sa qualité de directeur Middle Market, il en avait été désigné comme l’un des « owners » par Mme [A] (cf. pièce 18 montrant que le salarié est désigné comme « owner » du volet « expérience client »). Qui plus est, le projet devait avoir abouti en début d’année 2018 ce qui justifiait l’éviction immédiate du salarié ; éviction immédiate qui se justifiait aussi par le comportement agressif du salarié.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et non par une faute grave. Il sera également infirmé en ce qu’il a condamné la société à payer au salarié un rappel de salaire sur mise à pied et ses indemnités de rupture.
Statuant à nouveau, il conviendra de dire le licenciement justifié par une faute grave et de débouter le salarié de ses demandes relatives aux indemnités de rupture. Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral :
Le salarié expose avoir subi un préjudice résultant de ce qu’il a été choqué de la brutalité de la rupture de son contrat de travail laquelle a été précédée d’une mise à pied conservatoire l’ayant contraint à devoir « s’en expliquer » auprès de ses collaborateurs.
Il a été établi que le comportement du salarié justifiait son éviction immédiate aussi bien que sa mise à pied conservatoire. Dès lors, le salarié ne peut en tirer argument pour obtenir les dommages-intérêts qu’il revendique.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant, le salarié sera condamné aux dépens.
Il conviendra de dire n’y avoir lieu de condamner le salarié à payer à son adversaire une indemnité sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile.
Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu’il a condamné la société à payer au salarié une indemnité de 2 000 euros sur ce fondement pour les frais exposés en première instance.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
DIT que la dévolution opère pour l’entier litige,
INFIRME partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société JPG à payer à M. [H] :
. 10 381 euros à titre de rappel de salaire (reliquat de rémunération variable),
. 2 942,78 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,
DIT le licenciement de M. [H] justifié par une faute grave,
DÉBOUTE M. [H] de ses demandes relatives aux indemnités de rupture et à un rappel de salaire sur mise à pied,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
DIT n’y avoir lieu de condamner M. [H] à payer à la société JPG une indemnité sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile pour les frais engagés en cause d’appel,
CONDAMNE M. [H] aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente