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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/03648 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NBFZ
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 5]
C/
[V]
SELARL MJ SYNERGIE
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de lyon
du 30 Juin 2020
RG : 18/02787
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2023
APPELANTE :
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON substituée par Me Evanna IENTILE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
[J] [V]
né le 26 Septembre 1978 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Florence NEPLE, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 69123/2/2021/03404 du 11/02/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
SELARL MJ SYNERGIE
mandataires judiciaires, prise en la personne de Maître [W] [K] es qualité de liquidateur judiciaire de la société FLM DISTRIBUTION
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, Me Arlette BAILLOT-HABERMANN, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mai 2023
Présidée par Catherine CHANEZ, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Béatrice REGNIER, présidente
– Catherine CHANEZ, conseillère
– Régis DEVAUX, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Septembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société FLM Distribution exerçait une activité de transport de marchandises et de location de véhicules de transport de marchandises avec conducteur.
Elle appliquait la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
M. [J] [V] a été embauché par la société FLM Distribution à compter du 22 août 2016, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chauffeur poids-lourds.
Le 6 juin 2018, M. [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête reçue au greffe le 14 septembre 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon d’une demande de requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses demandes à caractère salarial et indemnitaire.
Par jugement du 3 octobre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société en liquidation judiciaire et a désigné la société MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.
N’ayant pas connaissance de la prise d’acte intervenue , le mandataire judiciaire a licencié M. [V] pour motif économique par courrier recommandé avec avis de réception du 18 octobre.
Par jugement du 30 juin 2020, le juge départiteur du conseil de prud’hommes de Lyon a notamment :
Dit que la prise d’acte devait s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société FLM Distribution les créances suivantes :
2 342,68 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 234,26 euros de congés payés afférents,
1 073,72 euros d’indemnité légale de licenciement,
14 056 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
4 584 euros de rappel de salaires, outre 458,40 de congés payés afférents ;
Ordonné à la société MJ Synergie de délivrer à M. [V] l’attestation Pôle emploi rectifiée conformément à la décision ;
Prononcé l’exécution provisoire ;
Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 342,68 euros ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Laissé les dépens à la charge de la liquidation judiciaire.
Par déclaration du 10 juillet 2020, l’AGS-CGEA de [Localité 5] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées, déposées le 12 juillet 2021, elle demande à la cour de :
Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la prise d’acte équivalait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixé au passif de la liquidation judiciaire les sommes suivantes :
2 342,26 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 234,26 euros de congés payés afférents,
1 073,72 euros d’indemnité de licenciement,
14 056 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau, fixer au passif les sommes suivantes :
1 945,83 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 194,58 euros de congés payés afférents,
891,84 euros d’indemnité de licenciement,
972,92 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Subsidiairement, plafonner les dommages et intérêts à 2 mois de salaire,
En tout état de cause, rejeter les demandes de M. [V].
Dans ses uniques conclusions notifiées, déposées le 12 avril 2021, M. [V] demande pour sa part à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris,
A titre subsidiaire,
Le déclarer créancier de la société FLM Distribution pour la somme de 4 685,36 euros correspondant à deux mois de salaire à titre de dommages et intérêts,
Condamner les appelants aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
Dans ses uniques conclusions notifiées le 12 janvier 2021, la société MJ Synergie ès qualité demande pour sa part à la cour de :
Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
Jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [V] équivalait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société FLM Distribution les créances suivantes :
2 342,26 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 234,26 euros de congés payés afférents,
1 073,72 euros à titre d’indemnité de licenciement,
14 056 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Juger que la prise d’acte équivaut à une démission,
A titre subsidiaire, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société les créances suivantes :
1 945,83 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 194,58 euros de congés payés afférents,
891,84 euros d’indemnité légale de licenciement,
1 945,83 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La clôture est intervenue le 25 avril 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.
1-Sur le rappel de salaires
Même si l’AGS a déclaré faire appel de l’intégralité des dispositions du jugement, elle ne demande pas sa réformation sur la fixation au passif du rappel de salaires. Le salarié et le mandataire judiciaire ne la sollicitent pas davantage, si bien que le jugement sera confirmé de ce chef.
2-Sur la prise d’acte
La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d’une démission.
C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des faits qu’il reproche à son employeur.
En l’espèce, M. [V] fait valoir qu’il était régulièrement payé avec retard à partir de mars 2017, ce retard s’étant accentué avec le temps, que le salaire de févier 2018 ne lui a été réglé que partiellement et que les salaires d’avril à juin 2018 ne lui ont pas été payés du tout, ce qui n’est pas contesté.
Même si ces manquements étaient liés à la situation économique de la société, placée par la suite en liquidation judiciaire avec une date de cessation des paiements fixée rétroactivement au 3 avril 2017, ils ont eu pour effet de priver le salarié de salaire pendant plusieurs mois. Leur gravité justifiait donc la rupture du contrat de travail ; la prise d’acte doit s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
3-Sur les conséquences financières de la rupture
En application de l’article 1234-1 du code du travail, « Lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois ;
3° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois. »
L’indemnité compensatrice de préavis est calculée à partir de la rémunération brute du salarié ; les avantages en nature et les primes perçues sont pris en compte dans le calcul du salaire mensuel, ainsi que les heures supplémentaires habituellement exécutées.
M. [V] avait une ancienneté comprise entre 1 à 2 ans, si bien que le jugement sera confirmé de ce chef.
Il en est de même du salaire servant de référence au calcul de l’indemnité légale de licenciement, en application des articles L.1234-9, R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail, lequel doit prendre en compte ces éléments de rémunération. Le jugement sera donc confirmé aussi de ce chef.
Quant aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui prévoient notamment, pour un salarié ayant une année complète d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d’un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut, n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Selon la décision du Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail, ayant adopté en 1997 le rapport du Comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l’inexécution par le Venezuela de la Convention n°158, le terme « adéquat » visé à l’article 10 de la Convention signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. A cet égard, il convient de relever que l’article L. 1235-3 de ce code n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché de nullité et que par ailleurs l’article L. 1235-4 du code du travail prévoit que, dans le cas prévu à l’article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Il en résulte, d’une part, que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et que , d’autre part , le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application , d’office par le juge , des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. Elles sont donc compatibles avec les stipulations de cet article.
Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef et, eu égard à l’ancienneté du salarié (un an et 9 mois), à son âge lors de la rupture (39 ans) et à sa situation personnelle, une somme de 4 000 euros sera fixée à son profit au passif de la société à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
4-Sur les dépens
Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge du mandataire judiciaire es qualité.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement prononcé le 30 juin 2020 par le conseil de prud’hommes de Lyon, sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société FLM Distribution la somme de 4 000 euros due à M. [J] [V] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Laisse les dépens d’appel à la charge de la société MJ Synergie es qualité.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,